Première pensée : mais putain qu'est-ce que j'ai foutu ? Seconde pensée : elle va me tuer pour m'excuser. Quand mon pied avait frappé sa cuisse et que je l'avais vu mettre un genou par terre un sentiment de culpabilité terrible s'était emparé de moi. J'avais senti l'impact de mon pied sur sa jambe, j'avais voulu le jeu qu'elle provoquait, me battre "vraiment" même si je n'osais toujours pas songer y aller totalement. Autrement il aurait été logique continuer mon attaque à ce moment-là mais non, au lieu de penser à attaquer à nouveau, je m'excuse, oubliant toute notion de garde ou d'attention. Les mots bondissent à mes lèvres, mon regard est coupable comme celui d'un enfant qui aurait cassé quelque chose. Je me sens mal mais ma réaction n'est pas au goût de la jeune femme qui me le fait comprendre bien rapidement avec des mots amers et critiques. Elle me fait remarquer que j'ai réussi à la toucher, à lui porter un coup, même si c'est pour me dire qu'elle a connu pire, ça ne me rassure pas, ça n'allège pas le poids de la culpabilité soudaine que je ressens. D'ailleurs je n'étais pas franchement sûr de vouloir entendre qu'elle avait pris des coups bien pires que les miens, ça ne me rassurait pas sur son passé, ça me donnait encore bien moins envie de continuer ce petit combat. Et si je la touchais encore ? Non j'avais eu de la chance, comme elle l'a dit, elle a perdu sa concentration, c'était une erreur de sa part qui n'arrivera plus.

Sa remarque suivante est piquante et me met mal à l'aise. D'abord parce que je sais qu'elle a parfaitement raison, j'avais dit qu'en l'absence de Fallon je l'aiderai à s'entrainer et ce n'était absolument pas ce que je faisais. Ensuite parce qu'elle me renvoyait à mes propres capacités martiales. Je n'étais clairement pas capable de l'entrainer comme il le faudrait pour ses sorties nocturnes. Je suis loin d'être à sa hauteur, très certainement plus loin encore du niveau de Fallon d'après ce que m'a dit Kate. Je sais qu'elle essaye de me faire réagir, de me forcer à m'investir pleinement, du moins j'espère que c'est pour cette raison que ses mots sont aussi acerbes. Elle a entièrement raison, je ne peux pas continuer à "jouer" à m'entrainer avec elle, je devais le faire vraiment. Pour lui permettre de s'entrainer mieux, après tout mon manque d'expérience me faisait peut-être faire des choses imprévisibles, ou moins prévisibles, que quelqu'un étant habitué et formé au combat. Des choses auxquelles un esprit martial ne penserait pas parce que ce n'est pas "la façon de faire" ou la "logique" du combat, ça pouvait donc être un bon entrainement pour elle. Mais ça nécessitait d'oser, potentiellement, lever la main sur elle et ça … Je ne le voulais pas un seul instant.

« Non, je … Je suis désolé. Je vais essayer de faire mieux … Je veux dire … Je vais m'y mettre vraiment, promis. »

Ca commençait à devenir une vraie catchphrase de dire que je suis désolé et de m'excuser au près de Kate pour ce que je ne fais pas pendant nos combats. Soudainement comme une piqûre d'insecte dans la nuque qui diffuserait un venin, un pressentiment étrange, quelque chose va arriver. Comment je le sais, je n'en sais rien mais ça crie en moi, ça hurle brutalement. J'agis selon les mots de Lily : fais confiance à ton instinct. Je m'y fie pleinement à mon instinct. Un petit pas en arrière pour éviter Kate qui se relève et garder une petite distance entre nous. Autre chose, je ne lutte pas contre ce que je crois devoir faire, ma main droite dévie sa main gauche alors que je m'écarte d'un petit pas sur le côté pour éviter un coup de genou. La surprise marque le visage de Kate, puis un sourire apparemment bienheureux, pensait-elle que je me mettais sérieusement dans ce combat ? Je n'avais pas la moindre idée de ce qui venait d'arriver. Enfin si … un peu peut-être. J'avais déjà eu ce genre de réflexes étranges, j'avais rattrapé un verre qui avait fuis le plateau d'une serveuse dans un restaurant, je m'étais arrêté à un feu vert parce que quelque chose me disait de le faire et cela pouvoir voir passer un bolide à toute allure qui brûlait un feu rouge. J'avais ce genre d'intuitions parfois, je ne savais pas vraiment d'où elle venait mais ça n'avait rien à voir avec moi, je ne crois pas que je faisais quelque chose.

L'attaque de Kate trotte dans ma tête, elle n'y était pas allée de main morte avec son attaque, elle voulait clairement me faire réagir, quoi que si j'avais pris le coup de poing et le coup de genou je crois qu'il aurait fallu attendre quelques jours pour recommencer un petit combat comme celui-là. Je n'aime pas ce qu'elle attend de moi, je n'ai pas envie de l'attaquer mais je lui avais fait une promesse et même si elle était stupide à mes yeux je ne voulais pas la décevoir.

Concentration maximum, je me rends compte que ma musique me manque, elle m'aidait à me concentrer pour m'évader des bruits environnants, elle était devenue une partie de moi. Une bonne musique pour tenter d'attaquer, quelque chose qui me fasse oublier que c'est Kate en face de moi. Ceux sont de mélodieuses notes de musique classique qui sautent à mon esprit, ne restait qu'à espérer que je serai à hauteur des attentes de Kate. D'abord les premières notes, observer les mouvements de Kate, plus attentives qu'auparavant, ça ne sera pas aussi simple. Préparer mon attaque alors que la musique déroule lentement son rythme, la ponctuation par des basses un peu plus fortes pour marquer le moment de frapper. Je me lance d'un pas vif en avant, prêt à tenter un coup de pied direct et droit mais encore une fois quelque chose me dit de changer, mon coup est déjà lancé mais change de trajectoire, évitant la parade tentée par Kate pour retrouver le chemin de sa cuisse. ENCORE me crie mon instinct et mon pied à peine posé c'est mon poing qui tente une attaque. Ce sentiment encore, avant que la main de Kate ne dévie la mienne mais déjà mon autre main s'est mise en action. Elle pare le premier coup qui n'était plus destiné à arriver mais le deuxième semble la surprendre. Je ne suis pas totalement sûr de ce que j'ai touché dans ce second coup, me redressant trop vite pour remettre une distance entre nous … Sa prochaine attaque risquait de faire mal. Je résiste à l'envie de m'excuse en me mordant la langue et cette fois je reste concentré. Après tout qu'est-ce qui pourrait m'arriver à risquer de réveiller une tigresse ?

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Il me reste 4 Points de Baston avant d'avouer ma défaite.
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Le combat n'est pas mon milieu naturel. C'est celui de Kate ou de sa mère. C'est le domaine dans lequel toutes deux excellent, le domaine dans lequel les deux femmes sont surdoués. Moi j'ai quelques entrainements derrière moi, ceux pratiqués avec Lily, pas beaucoup je devais l'avouer, je n'étais pas franchement l'élève le plus assidu et puis j'étais déjà chanceux, elle n'enseignait qu'aux femmes normalement. Ce n'est que parce qu'elle avait été touchée par ce qui était arrivé à Sarah qu'elle me laissait m'entrainer parfois avec elle. Toutefois si je n'étais pas le plus assidu pour lui rendre visite, je répétais les gestes appris chez moi. Pas très souvent mais au minimum une fois par semaine, pour ne rien oublier, pour garder fraichement en mémoire ses enseignements. Ce n'est pas assez, Kate aurait tôt fait de me le dire et me faire savoir que je devais m'y mettre avec plus de volonté si je voulais réussir à devenir meilleur. Seulement, le voulais-je vraiment ? J'en doutais quelque peu. Même dans cet entrainement qui avait lieu, je ne me sentais pas à l'aise à l'idée de l'affronter et de me battre contre elle, je n'en avais aucune envie. Elle y tenait, elle me provoquait, elle voulait me faire réagir, elle voulait s'assurer que j'allais me battre vraiment pour lui montrer ce dont je suis capable et me faire découvrir ce dont elle est capable.

Mes débuts timides dans ce duel s'oublient un petit peu quand je me concentre et parviens à la toucher pour la première fois à la cuisse. Mes excuses sont balayées par de l'agacement de la part de l'étudiante qui ne supportait visiblement pas mon attitude alors que nous étions en train de nous entrainer. La culpabilité est rapidement effacée quand elle réalise un nouvel assaut que je parviens à esquiver sans savoir comment. C'était comme ces intuitions qu'on a parfois avant de faire quelque chose, qu'il valait mieux faire comme ça ou de changer quelque chose à la dernière seconde sur un simple coup de tête. J'avais réagi purement à l'instinct, sans réfléchir plus avant, j'avais senti un danger et j'avais réussi à esquiver son attaque, en totalité ce qui était surprenant. Je ne comprenais pas comment je l'avais fait et même si Kate soulignait que c'était "pas mal du tout", je n'avais toujours aucune explication à ce qui venait de se passer. En tout cas ma petite amie, qui semblait plutôt une ex à qui j'aurai brisé le cœur, n'y allait pas avec le dos de la cuillère dans ses assauts, elle tenait vraiment à me frapper. Se rendait-elle compte que je ne serai pas capable d'encaisser autant de coup qu'elle ? Que je n'étais pas taillé pour le combat ?

Tout s'accélère soudainement alors que je décide de jouer le jeu pleinement comme elle le souhaitait. Concentré je me lance dans un nouvel assaut, mon coup de pied la surprend autant qu'il me surprend, comment ai-je su qu'il fallait que je change la direction de ce dernier ? Mon coup de poing qui la touche à l'estomac me surprend aussi, comment est-ce que j'avais acquis cette certitude qu'elle allait parer mon coup de poing droit avant que ça n'arrive ? D'où me venait cette connaissance martiale ? S'agissait-il simplement de connaissances martiales ou d'autre chose que je ne pourrai pas expliquer ? Enfin non, je ne peux pas m'expliquer ce qui se passe, c'est un fait établi. A nouveau de pressentiment, à peine mon coup avait-il touché, j'anticipe son genou alors qu'elle vient à peine de bouger … Comment ? Je ne comprends rien à ce qui arrive. Elle va me tirer pour me déstabiliser et m'attirer à nouveau vers son genou qui se lève … Putain … C'est quoi ce délire ? Comment je sais ça ? Comment je peux savoir ce qui va arriver ? J'utilise l'élan qu'elle me donne en me tirant vers son genou, le parant et le repoussant de ma main libre.

L'urgence de ré-attaquer car Kate augmente le rythme de notre affrontement, il faut que je réagisse de suite et je suis bien moins à mon aise que quelques instants auparavant. C'est à mon tour de tenter un coup de genou, vers sa cuisse qui avait déjà souffert, j'avais retenu ça de Lily : appuyer sur tout avantage que tu prends sur un adversaire. Seulement cette fois mon attaque ne touche pas sa cible et quelque part … la logique est finalement respectée. Je commence même à me dire que Kate ne m'avait laissée la toucher que pour m'encourager à continuer l'affrontement et non pour une autre raison. Cela dit c'était loin d'être fini et j'imagine que le four que j'entends sonner ne va pas arrêter l'étudiante.

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La différence de niveau entre elle et moi est évident et malgré ça quelque chose m'indique de me défendre, me dit comment attaquer et, aussi incroyablement stupide que cela me paraisse, je parviens à toucher la jeune femme et pas simplement pour rigoler, je parviens vraiment à lui porter des coups. Si l'on m'avait dit que j'étais capable de tenir tête à quelqu'un qui sait se battre, je n'y aurai pas franchement cru. En fait il y avait énormément de choses qui arrivaient et que je ne parvenais pas vraiment à comprendre. Par exemple comment est-ce que j'arrivais à savoir que je devais changer mon attaque ? Comment m'était-il venu à l'esprit de changer la direction de mon coup de pieds ? D'envoyer un coup de mon poing gauche parce que je savais que mon poing droit serait paré ? Je n'y comprenais rien, trop d’incertitudes se mêlaient dans mon esprit, perturbant le fil de mes pensées et de ma concentration. L'insistance du four parasitait d'avantage encore mon niveau de concentration et je perdais doucement mon intérêt dans ce combat. Non pas que je voulais déconnecter de ce combat, loin de moi cette idée mais mes pensées étaient confuses et comme chaque fois que mes pensées s'embrouillaient et s'égaraient, je me concentrais sur quelque chose. Ici c'était la sonnerie du four. Je savais que ce dernier s'était arrêté au moment où il avait commencer à sonner mais je l'entendais, encore et encore, stupide machine qui ne s'arrêterait pas avant qu'on ait touché le bouton qui lui dirait de se taire.

J'étais en train de tenter de me reconcentrer quand l'attaque suivante arriva. Cette fois pas de magie qui opérait pour m'avertir, je voyais le coup arriver et je savais qu'il était déjà trop tard. Je savais d'avance que ça allait faire mal à l'impact, j'essaye de me souvenir de ce que Lily me disait dans les moments où ses coups me touchaient : je vais avoir mal de toute façon mais si je me contracte ça peut amortir un peu l'impact. Je m'y efforce mais c'est loin d'amoindrir totalement l'impact, j'ai même l'impression que ça n'a eu aucun effet pour dire vrai. Kate, comme depuis le début du combat, n'y allait pas doucement avec moi. Je ne pouvais pas la blâmer, se battre c'est ce qui a fait que sa vie est ce qu'elle est. C'est ce qui lui permet d'être libre, de vivre aux côtés de Fallon, de sortir le soir pour arrêter des criminels toujours en liberté. C'est quelque chose qui fait partie d'elle comme ça fait partie de moi de conduire. Je ne crois pas qu'elle se rendait compte qu'en acceptant d'arrêter de conduire de façon illégale, je rejetais une part de moi aussi importante que la part d'elle qui lui disait de sortir et de casser du criminel pour le faire jeter en prison. Je ne voulais pas qu'elle se rende compte que c'était comparable, je ne voulais pas qu'elle arrête. J'étais rassuré par ce combat, quoi que très interrogatif sur moi-même, j'essayais de comprendre ce qui était en train d'arriver avec moi. Pourquoi je parvenais parfois à l'anticiper et parfois … absolument pas. Une histoire de concentration ça allait de soi mais comment ? D'où cela me venait-il ?

J'en oublie presque que nous sommes en combat dans cette seconde qu'il me faut pour penser à toutes ces choses. Par chance l'attaque suivante de Kate est moins rapide que la précédente, me permettant de l'esquiver du mieux que je le pouvais. Ma respiration revenait enfin, je parvenais à reprendre mon souffle mais Kate semblait loin d'en avoir fini avec moi. Se rendait-elle compte que je n'en pouvais plus ? Elle devait vouloir me tester, voir mes limites, c'est ce que je voyais de plus logique, j'espérais que ça soit ça et pas un besoin violent et stupide de me refaire le portrait. Je savais que quelques coups, peut-être moins, finiraient par terminer ce combat qui me semblait de moins en moins amical. Elle avait clairement l'avantage, cela depuis le début si on faisait abstraction de l'inexplicable. Je voulais lui demander d'arrêter, ça me brûlait les lèvres mais je décidais de prendre sur moi, de prendre une profonde inspiration et d'aller jusqu'au bout. Lily m'avait déjà mis KO, Sarah aussi d'ailleurs, je n'étais plus à un KO prêt. Et j'espérais que Kate saurait s'arrêter avant le KO. J'expire lentement et je tâche de me reconcentrer, de terminer ce duel malgré tout, parce que la brune n'accepterait pas qu'on en reste là, qu'elle voulait en voir plus. Si j'en étais encore capable.

Je vois Kate qui revient vers moi, sans doute pour finir ce combat. L'air passe à nouveau correctement dans mes poumons et ça recommence. Ce pressentiment soudain, cette intuition étrange qui m'envahit, comme si je parvenais à savoir ce qui allait arriver, comme si je voyais un film pour la seconde fois et que je savais ce qui allait arriver. Je recule mon épaule droite pour éviter un coup de poing, je frappe dans son coude qui passe à côté de mon visage. Une sensation étrange dans ma joue, je me baisse sans voir son coup arriver, me fiant à cette intuition qui ne me trompe. Mon poing droit revient s'écraser sur sa cuisse, la faisant reculer un peu. Ce même poing se dirige immédiatement vers mon épaule gauche ? Pourquoi je fais ça, je n'en sais rien mais ça me permet de me saisir de son poignet, je l'attire vers moi, profitant de son équilibre précaire et mon pied trouve à nouveau le chemin de sa jambe. Je me redresse et me recule, en position de garde mais marquant une distance. Je regarde Kate, je suis en nage et je m'en veux horriblement mais pas question de m'excuser et prendre un nouveau de gueule.

« Ca suffit, Kate. Le four sonne et … j'en peux plus. »

Ce n'était pas totalement la vérité. La vérité c'est que je ne comprenais pas ce qui arrivait. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait.

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Plus ce combat avançait et moins je comprenais ce qui se passait. Plus nous avancions dans notre affrontement et plus je me sentais perdu. Je restais concentré parce que j'avais bien compris que Kate n'entendait pas que ce combat soit "amical" à simplement s'effleurer, qu'elle entendait que les coups soient véritables et violents, je me souvenais de son attaque sur mon épaule ou de son coup de genou dans mon abdomen. Toutes ces attaques qu'elle avait porté à mon encontre et qui me faisait songer que j'étais assez fier d'être encore debout sur mes deux pieds. Je n'aurai pas pensé être capable de tenir aussi longtemps contre elle, en fait je n'aurai jamais songé non plus pouvoir la toucher, parvenir à porter un coup sur elle. Tout avait commencé avec ce coup sur sa hanche, une attaque directe, comme Lily me l'avait apprise, feinter quelque chose et frapper ailleurs. C'était ensuite que c'était devenu un vrai n'importe quoi. Quand j'avais commencé à me fier à mon instinct, Lily ne cessait de me répéter qu'il fallait se faire confiance en combat, que c'était naturel de parer et d'esquiver mais que c'était difficile d'écouter son instinct. Je l'avais fait et des choses étranges m'étaient arrivées, des choses que je ne comprenais pas. J'avais anticipé des coups et des attaques portés par Kate, j'avais été capable de lire dans sa défense d'une façon stupidement efficace. Je savais comment elle allait parer et comment faire pour changer mon attaque et quand même faire mouche. C'était stupide, ça n'avait aucune logique. Je ne pouvais pas la battre, je n'étais pas un grand combattant, ce n'était pas dans mes habitudes de me battre, elle avait plus de technique que moi, moi j'avais juste cet instinct étrange, cette piqûre de moustique, cette intuition.

Pourtant encore une fois mon attaque est redoutable d'efficacité et encore une fois je n'y comprends rien. Cette fois moins encore que les fois précédents. Son premier coup je l'ai vu arriver quoi que je garde le sentiment de l'avoir anticipé, mon attaque dans son coude était logique mais comment avais-je pu savoir que son autre bras, dissimulé par celui que j'avais frappé, prenait la direction de ma joue ? Comment avais-je pu savoir que je devais me baisser ? Que c'était la chose à faire là, de suite si je voulais éviter de subir une attaque ? Frapper sa cuisse déjà bien attaquée en suivant les conseils de Lily demeurait logique une fois de plus mais là, à nouveau … Pourquoi relever ma main vers mon épaule sans aucune raison ? Je n'avais pas vu sa main arriver sur mon épaule, pourquoi alors avais-je eu ce geste ? Comment avais-je anticipé ? J'étais perdu mais la bonne nouvelle c'est que j'avais complètement oublié le four qui continuait d'appeler pour signaler que le repas était cuit. Lorsque je me recule tandis que Kate chancelle légèrement sur ses jambes, je demande à ce qu'on arrête, expliquant que je n'en peux plus et que le four sonne. Les deux sont vrais mais c'est surtout que je suis en train de me faire peur. Ne comprenant pas ce qui était en train d'arriver. Je m'effrayais par mes capacités, par ce que je réalisais. Sérieuse et dure, Kate demande une dernière attaque et je n'en ai aucune envie.

« Kate, je … Je suis pas sûr de pouvoir en prendre plus et je suis claqué, j'ai pas ton endurance et ton entrainement. »

Je n'ai pas envie de continuer, je crois qu'elle m'enverrait au tapis d'une pichenette, j'ai juste envie de la prendre dans mes bras et qu'un peu de tendresse remplace ce combat épuisant. En plus je commence à sérieusement avoir faim. Pourtant l'expression du visage de la jeune femme ne change pas et je comprends que je ne m'en tirerai pas aussi simplement.

« Ok. Une dernière. »

Cela dit ma concentration n'était clairement plus au top, mes bras étaient lourds et mes jambes me semblaient peser des tonnes. Je n'étais même plus sûr de pouvoir encore mener une attaque ou me défendre. Je n'acceptais que devant son insistance. Je réunis le peu de force qu'il me reste et la faible concentration qui me reste, les yeux irrités par des gouttes de transpiration, me sentant au bord de crampes. Se battre est vraiment plus difficile que les gens se l'imaginent.

Ralenti par cette fatigue, et un évident manque d'envie, je me lance dans cette dernière passe. Peu précis, peu enthousiaste et face à une Kate semblant encore plus en forme que moi, mes coups ne la touchent pas, il était plus que temps que ce combat s'arrête je crois.

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Je ne voyais pas l'intérêt à continuer, j'étais à bout, peu habitué à ce genre de combat. Ma vie était plutôt faite à éviter les conflits que de m'y lancer tête baissée et la différence de niveau entre nous se sentait. Il n'y avait que ces pressentiments étranges qui me permettait de garder un peu la face contre Kate mais il ne fallait pas se leurrer, ça ne semblait pas servir. Alors que les coups portés par l'étudiante m'épuisait, elle semblait à peine handicapée par ses jambes et les coups que j'avais réussi à lui porter. En fait je devrai être heureux d'avoir réussi à la toucher mais ce n'était pas le cas parce que je n'avais aucune idée de ce qui était arrivé, de la façon dont j'avais pu l'anticiper. Cela me rendait très perplexe sur moi-même, avais-je oublié de voir quelque chose avec les années ? Avais-je toujours été capable de cela ? Aurai-je dû devenir un boxeur et profiter de cette étrange sensation pour devenir champion du monde ? Je ne comprenais pas trop et finalement je n'étais pas sûr de vouloir comprendre exactement ce qui s'était passé, ce qui m'était arrivé pendant cet entrainement. J'avais peur de savoir. Peur de comprendre. J'avais surtout peur d'avoir fait mal à Kate en me laissant guider par ces instincts étranges. Ma dernière attaque est le témoignage de mes mots, je n'en peux plus et Kate s'en rend vite compte, prenant aisément l'avantage pour m'envoyer au sol. Je ne sais pas si je pouvais encore avoir la force de me relever et sincèrement je n'en avais pas envie.

« J'ai ma dose … T'as gagné. »

Trop de questions taraudait mon esprit, le baiser de Kate auquel je réponds distraitement ne m'aide pas vraiment à réfléchir, ni même à me donner envie de me relever. Finalement je suis bien sur le sol. J'écoute ses conseils en hochant la tête, regrettant presque qu'elle ne soit pas restée aussi proche de moi quelques instants supplémentaires, je crois que j'aurai pu faire avec un moment de tendresse. Le deuxième baiser est trop rapidement passé et elle s'enfuit déjà vers la cuisine, provoquant une moue sur mon visage. J'aurai vraiment pu faire avec un peu plus de tendresse.

Restant allongé sur le sol, plus parce que ma tête est envahie de pensées que parce que je ne suis pas en état de me relever, j'en oublie le temps, jusqu'à la présence de Kate ou que je ne suis pas chez moi. Dans ma tête je repasse ce combat, non pas pour savoir comment j'aurai pu la battre mais pour comprendre comment j'avais pu anticiper et réagir à ses attaques comme je l'avais fait. C'est tout bonnement incompréhensible. Les pas de Kate résonnent à mes oreilles mais je ne sors pas de mes pensées pour autant, c'est sa question qui me ramène à la réalité, me tirant du film que je me faisais de l'affrontement.

« Non. Evidemment que non. »

Je tâche de sourire en disant cela. J'avais accepté dès notre premier entrainement qu'elle me botterait les fesses donc que ça arrive ne me dérangeait pas. Ce qui me dérangeait c'était le déroulement de cet affrontement, c'était ce que j'avais ressenti, c'était la façon dont j'avais … et bien dont j'avais fait exactement ce que fait remarquer Kate. Ma réactivité pour la surprendre et mon niveau. Sa remarque sur le fait de lire dans ses pensées me fait plisser les yeux, un air interrogatif se portant sur elle.

« Ne t'en fais pas, c'est surtout à moi que j'en veux d'avoir osé te frapper. Je t'avoue que ce n'est pas ma plus grande fierté du jour. Comment va ta jambe ? »

J'ignore délibérément sa question sur lire dans ses pensées parce que je n'avais rien compris à ce qui était arrivé pendant ce combat. Je ne lisais pas dans ses pensées, de ça au moins j'étais sûr mais il y avait beaucoup de questions qui trottaient dans ma tête. Me relevant finalement, je commence à m'étirer un peu, c'est vrai qu'elle n'y était pas allée avec le dos de la cuillère. Sa proposition provoque un léger sourire, toujours distrait comme mes pensées se perdent et se mélangent sur ce qui était arrivé pendant l'affrontement. Non, ça n'avait dû être que du hasard ou de la pure chance, ça ne pouvait rien avoir à faire avec moi. Ca n'était pas crédible. Ca ne collait pas. Peut-être Kate m'avait-elle prise trop à la légère. Je secoue un peu la tête pour chasser ces pensées de mon esprit.

« Oui, je crois qu'une douche nous fera le plus grand bien. »

Je termine mes étirements, constatant que son coup de genou était toujours douloureux, rien d'insurmontable mais je ne proposerais pas de recommencer un combat d'entrainement avant deux ou trois jours.

« Quand au massage c'est moi qui m'en occuperai. D'abord parce que le dernier a été écourté et ensuite parce que c'est toi qui a remporté ce combat, c'est normal que tu aies droit à un … prix. »

Je réfléchissais encore à ce qui était arrivé pendant ce combat et je ne comprenais pas, je n'arrivais pas à imaginer que j'avais pu être plus rapide qu'elle, assez pour la surprendre.

« Ca sera aussi ma façon de m'excuser, il faut que je rentre au loft ce soir. Promis, ça n'a rien à voir avec du travail mais j'ai quelque chose d'important à faire. »

Réfléchir à ce qui était arrivé, à ce combat entre nous et surtout à ce que Kate avait vu elle aussi. Devais-je lui en parler ? Lui dire la vérité plutôt que de fuir et de vouloir y réfléchir seul ? Je ne savais pas trop … Pour l'instant la fuite semblait la solution qui me convenait le mieux.

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Il me reste 0 Point de Baston : défaite avouée
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Je n'en suis pas totalement certain mais je crois que Kate n'a pas forcément apprécié que je lui dise qu'elle avait gagné. Je n'avais aucun soucis d'ego de mon côté à admettre que j'avais perdu. Après tout elle avait été plus forte que moi et c'est tout. J'avais déjà réussi bien mieux que je ne l'avais songé à lui tenir tête et c'était une petite victoire pour moi. En fait j'avais été surpris par plusieurs choses pendant notre combat. D'abord il y avait eu la violence de ses coups, je ne pensais pas que Kate frappait si fort. Si je me doutais que j'allais subir ses assauts, j'avais été très loin d'imaginer qu'elle frapperait avec autant de force et surtout qu'elle y mettrait toute sa puissance. La seconde choses qui m'avait surprise, très agréablement, c'était de découvrir que Kate ne jouait pas à l'héroïne lorsqu'elle sortait, elle avait le potentiel pour être une vraie héroïne, pour battre un adversaire dans la rue. La troisième et dernière me concernait, elle hantait mes pensées sans discontinuer : que s'est-il passé dans ce combat stupide ? Ses mots me font culpabiliser un peu plus, nous garder en vie me dit-elle, un pincement violent se faire sentir au niveau de mon petit palpitant. J'avais déjà perdu quelqu'un, je ne voulais pas que ça recommence, je ne voulais pas non plus lui interdire de sortir la nuit, ça serait contre-nature pour elle.

« Oui, je sais. D'où l'importance de se donner vraiment. Lily me l'a bien assez répété. »

Ce combat avait aussi été l'occasion de voir que je me rappelais de beaucoup des judicieux conseils prodigués par la martialiste. Ensuite la conversation avec Kate devient pour le moins étrange, je n'ai aucune envie de partir et je sens que de lui dire que je ne comptais pas rester ce soir ne lui plaisait pas. Je m'en voulais immédiatement mais je n'en disais rien, ce combat avait fait quelque chose en moi, m'avait fait voir quelque chose et j'ignorais ce que c'était. J'avais peur de ce que ça pouvait être, de ce que ça pouvait impliquer. Si vraiment quelque chose de spécial se passait à mon propos, que ça ne se déclenchait qu'en cas de combat, comment être sûr que ça n'allait pas provoquer la violence ? Je sens Kate blessée par ce que je viens de dire, la déception est assez évidente dans sa façon de me dire que je pouvais faire ce que je veux ce soir.

« Tu te lances des fleurs là, tu ne frappes pas si fort que çAAHHH … Merde. »

J'étirais le côté qu'elle avait violenté, j'avais voulu jouer au crétin qui gère et c'était de toute évidence une vraie réussite. Au moins ça m'évite de reparler de ce soir, enfin je l'espère. Je prends des vêtements propres et me dirige vers la douche, à la fois déçu que Kate ne partage pas ce moment avec moi, j'ai envie de tendresse et soulagé qu'elle ne vienne pas, j'ai de l'ordre à faire dans le bordel que sont mes pensées en ce moment.

L'eau chaude me fait un bien fou, mes pensées ne s'ordonnent toujours pas, je revis le combat, je me refais chaque moment étrange de ce dernier et je ne m'explique toujours pas ce qui est arrivé. Des esquives soudaines d'attaques parfaitement exécutées et que je n'avais aucune chance de voir venir avec mon niveau. Cette attaque esquivée à l'aveugle. Mes frappes changées au dernier moment parce que je savais que ça ne marcherait pas. Un sursaut, Kate vient de me rejoindre, j'avais entendu la porte mais je n'avais pas été attentif à ses pas sur le carrelage. Je suis content qu'elle soit là, mes pensées reviennent à elle, la délicatesse de ses mains est un délice. Je la laisse faire, forte tête, si nos rôles étaient inversés j'insisterai quand même pour ce massage et je constate qu'elle est douée pour ça aussi. Y a-t-il une chose pour laquelle elle ne soit pas talentueuse ? Je grimace en sentant ses mains sur ma hanche endolorie, rien qui ne survivrait à la nuit. La nuit … Je n'avais pas envie de la passer seul. Je me retourne à ses mots, lui souriant même si c'est timidement. Je capture ses mains dans les miennes.

« Kate. Tu n'as rien fait de mal. Tu n'as rien dit de mal. Je ne suis pas un de ces crétins qui pensent que les femmes ne savent pas se battre et qui ne supportent pas de perdre contre une femme. Tu t'es donnée à fond et tu as simplement été plus forte que moi, c'est tout. J'espère que tu te donneras toujours ainsi dans tous nos combats à l'avenir et je te promets d'en faire de même. »

Comment lui avouer qu'il y avait eu quelque chose qui s'était passé pendant ce combat ? Quelque chose qui avait changé en moi, qui s'était révélé ou simplement exprimé. Je ne savais même pas de quoi il retournait et je n'avais aucune explication à lui donner. Est-ce que ça valait seulement la peine de lui en parler ?

« J'aimerai … Ce que … Est-ce que ça t'embête de remettre ça dans quelques jours ? Mais j'aurai besoin que tu me fasses confiance quand on recommencera parce que je vais te demander quelque chose de … particulier si tu es d'accord. »

Je ne sais pas si j'en disais trop ou pas assez, sans doute un peu des deux.

« Je … Pendant notre combat il y a … Non … C'est sûrement pas important mais … »

Je relâche ses mains, je souris maladroitement.

« Je devrai filer voir où ça en est dans la cuisine, nos dernières douches à deux ont en tendance à s'éterniser et je ne suis pas sûr de résister longtemps … Et je ne suis pas sûr que je serai un super amant dans mon état. »

Ce combat avait soulevé beaucoup de questions en moi et c'est pour ça que je souhaitais m'éloigner de Kate ce soir. Ce n'était pas pour une autre raison, je l'aimais toujours autant, même avec les coups et la défaite. Ni les coups, ni la défaite ne changeaient quoi que ce soit, ce n'était pas elle qui avait changé, c'était moi. Je n'étais plus totalement le même après ce combat et je le sentais en moi. Ce n'était pas un changement physique, j'étais toujours le même, le monde était toujours le même mais c'est comme si soudainement quelque chose s'était éveillé, comme si je voyais quelque chose de nouveau en moi. Quelque chose qui était peut-être là depuis toujours et qui se serait simplement réveillé quand je me sentais en danger ou que j'en avais besoin. A moins que ça n'avait pas été là depuis toujours, que ça venait seulement d'apparaitre comme une sorte de symptôme aux événements sur le port par exemple … Cela voudrait-il dire que je devais redouter de sombrer dans une violence stupide ? Cette pensée me terrifiait, l'idée même d'avoir frappé Kate pendant notre entrainement me faisait sentir sale, alors d'imaginer que je pourrai peut-être m'en prendre à elle sans aucune raison que de vouloir lui faire du mal était insupportable. Je voulais m'éloigner mais elle ne semblait pas le vouloir, elle m'avait même rejoint sous la douche, elle m'avait fait sentir coupable d'avoir osé proposer ne pas dormir avec elle ce soir par ses seuls mots. Ses mots me renvoient encore au combat et ce que j'avais fait, elle s'en est rendue compte elle aussi, ça ne lui a pas échappé visiblement.

Je préfère ne rien dire faute de savoir quoi dire. Je ne pouvais pas lui dire qu'elle avait raison, que j'avais lu ses pensées parce que je suis certain que ce n'était pas ce qui était arrivé. Seulement je ne savais pas non plus ce qui m'était arrivé. Si je parlais de piqûre d'insectes, de sensations étranges et de "simplement savoir quoi faire" elle allait appelé les gentils hommes en blouses blanches avec leurs camisoles. Je ne sais pas ce qui s'est passé, voilà la vérité. Je voulais pouvoir y réfléchir tranquillement, je voulais comprendre ce qui m'était arrivé, comment j'avais fait ce qu'elle ne comprenait pas que j'ai su faire. Nous en étions visiblement au même point seulement je ne savais pas comment l'expliquer. Et elle non plus de toute évidence. Est-ce que ça lui faisait peur ? L'idée que je puisse lire dans ses pensées ? Même si je le pouvais, croyait-elle vraiment que je m'amuserai à cela ? Etait-elle en train de s'imaginer que je puisse la contrôler pour la contraindre à être avec moi ?

Distance. J'avais besoin de distance, j'improvise une excuse stupide, les plaques de cuisson s'éteignent aujourd'hui sans avoir besoin d'une intervention humaine mais c'était ce que j'avais de mieux. Seulement je n'ai pas le loisir de fuir, malgré ma tentative. Kate attrape ma main et me ramène sous le jet d'eau, me plaquant contre une paroi, se collant contre moi et m'embrassant tendrement, puis passionnément, un baiser étrange, comme si elle voulait me demander quelque chose et qu'elle avait peur d'une réponse négative. Ou qu'elle voulait me demander quelque chose dont elle connaissait la réponse mais en espérait une autre. Elle s'excuse et je tente un brin d'humour.

« Je te l'ai déjà dit, tu embrasses bien. Inutile de t'excuser. »

Une tentative d'humour pour dissimuler mon malaise qui montait alors que ses mains avaient trouvé le chemin de mes joues. Je penche légèrement la tête vers mon épaule gauche, cherchant à accentuer le contact de son pouce sur ma peau. Son doigt crisse un peu, un rasage serait nécessaire prochainement. Mes mains se posent sur ses hanches, j'oublie un instant mes petits problèmes égoïstes pour lui offrir un sourire rassurant et chaleureux.

« Il y a quelques semaines de ça tu me quittais en t'imaginant un petit ami mais quand Lily m'a dit que tu n'allais pas bien je suis arrivé ici sans y réfléchir deux fois. Je t'ai poussée à bout jusqu'à te faire craquer pour que tu touches enfin le fond et que tu puisses y appuyer pour ressortir. Alors crois-moi, il n'y a aucune raclée que tu puisses m'infliger, aucun mot que tu puisses avoir ou aucune force sur cette Terre qui puisse me faire éloigner de toi. »

Je l'embrasse du bout des lèvres, souriant.

« Sauf peut-être ta mère. »

Nouveau sourire, un baiser tombe sur son front. Je caresse doucement ses hanches, me méfiant particulièrement avec sa hanche droite que j'avais touché. Elle ne semblait pas en souffrir, ça me rassurait un peu. Le sourire disparaît, mon regard tombe un peu plus bas, il pourrait paraître coquin ce regard si mes yeux n'étaient pas emplis d'une brume froide et inexpressive.

« Je n'ai pas lu tes pensées. Je ne lis pas les pensées. Pendant le combat j'ai eu des … j'en sais rien. Je savais c'est tout. Je savais où tu allais attaquer, je savais où tu allais parer. Je ne sais pas comment j'ai fait. Je ne sais pas d'où ça m'est venu et j'ai … peur de ce que ça peut être. C'est pour ça que je veux m'éloigner. Si c'est déclenché par la violence d'un combat … est-ce que ça ne peut pas déclencher la violence ? Je n'ai pas envie de te faire de mal, Kate. »

Je relève mon regard dans le sien, une moue déçue sur le visage, conscient qu'elle en aimerait plus mais … moi aussi j'en aimerai plus.

Je ne réponds pas quand elle me dit que sa mère n'allait pas nous séparer. Je ne pouvais faire que l'espérer et de toute façon pour l'instant, mes préoccupations étaient bien ailleurs. Ce combat avait éveillé ou révélé quelque chose en moi, quelque chose que je ne comprenais pas et que je n'avais jamais connu, quelque chose dont j'ignorais les tenants et les aboutissants. Trouvant le courage d'en parler avec Kate même sans avoir de réponse, je me dis que c'est simplement la meilleure chose à faire. Elle est ma petite amie, si je ne lui fais pas confiance à elle, je fais confiance à qui ? Et puis elle semblait tellement persuadée que c'était elle qui avait fait quelque chose de mal alors que ça n'était pas le cas, il me fallait la rassurer. J'espérais que ça soit chose faite avec mes mots mais, au contraire, Kate semblait déjà en train de réfléchir. Elle m'embrasse, si seulement on pouvait passer le reste de la journée à ça. A chaque baiser mes pensées s'arrêtent, le souvenir du combat s'estompe et ma vie reprend sa banalité que j'aime tant. Une banalité ou la seule chose vraiment exceptionnelle est Kate. Cette belle jeune femme, bien trop belle pour moi.

Me contentant de hocher la tête, je quitte la douche après une dernière attention de mon aimée. Un baiser qui provoque un sourire absent, je ne partage pas l'enthousiasme des mots qu'elle rajoute alors mais j'essaye de positiver un minimum. Pour elle bien plus que moi.

« Espérer le meilleur mais s'attendre au pire. »

Je n'avais rien d'autre que des paroles d'une chanson d'Alphaville à lui répondre. La musique était ma vie depuis mes 19 ans, c'était un univers que je connaissais bien à force d'entendre des chansons sans discontinuer. Assis devant la table de la cuisine, vêtu désormais d'un jean et d'une chemise, je regarde les assiettes que j'ai servi. Je regarde la mienne avec un air de dépit et de défi. Mon estomac réclamait et me faisait savoir qu'il avait envie d'être rempli, ma tête en revanche n'arrivait pas à se motiver à manger quand tellement de questions se bousculaient dans ma tête. L'apparition de Kate n'y change pas grand chose, sinon un moment d'égarement au profit d'un regard se perdant sur ses belles fesses mises en valeur à la perfection par le legging qu'elle portait. Mais ce regard n'est que furtif, une petite seconde de bonheur et d'égarement avant que les pensées ne reviennent, fuyant le regard de jade de l'étudiante pour préférer son nez ou ses lèvres. J'adore ses lèvres. Et elle a un nez adorable. Je suis vraiment accroc. Même ça, ça ne suffisait pas.

« Modification génétique ? Kate je ne comprends pas de quoi tu parles. Oui j'ai fait le vaccin universel comme des millions de personnes, comme Sarah … »

Parler de Sarah, peut-être pas ma plus brillante idée, tant pis les mots avaient franchis mes lèvres plus vite que ma pensée ne les avait analysés.

« Il n'y a eu aucun effet étrange qui est apparu … Enfin il y a eu mes problèmes d'audition mais c'est arrivé plus de un an après le vaccin. Il n'y a rien eu d'autre et Sarah n'a rien eu, elle. »

Ecoutant les mots de Kate, je suis totalement désintéressé de mon assiette sans y avoir touché. Je n'ai pas faim. Enfin si mais … Je n'ai pas envie de manger. Les explications fournies par Kate me surprennent, n'aident pas mon appétit mais cette fois je m'en moque définitivement.

« Ca fait plus de six ans que je traine mes problèmes d'audition et je n'ai jamais eu … ce que j'ai eu pendant notre combat. »

Ou n'y avais-je jamais prêté attention ? Sarah aurait-elle, elle aussi, eu un de ces dons ? Un des ces handicaps ? Etait-ce la raison de sa mort ? Non, c'était un chauffard qui avait brûlé un feu et rien d'autre. Sa révélation sur sa mère me surprend mais je n'ai aucun mal à l'accepter comme une vérité, j'imaginais mal l'étudiante me mentir au propos de sa sauveuse.

« Et donc je suis quoi, moi ? Un grand maître zen du combat avec des oreilles hyper-actives ? »

L'humour dans ma voix et ma remarque était nerveux et cela s'entendait parfaitement.

« A moins que mon problème d'audition ne soit qu'un problème d'audition et que je vais découvrir un jour en pleine nuit que mon handicap c'est d'être un cannibale et de t'avoir à mes côtés. Ou pourquoi pas un handicap du style vampirisme ? Il paraît que certaines femmes trouvent ça carrément excitant. »

La nervosité teintait ma voix alors que mes phalanges avaient blanchi en serrant ma fourchette toujours inutilisée. Je riais à moitié tout en parlant, perdu entre l'envie d'un hurlement et d'un fou rire. Je repose ma fourchette, enfin je la plaque sur la table, me levant, je rattrape la chaise que je sens tomber suite à mon mouvement brusque.

« Il me faut de l'air. J'ai besoin de … sortir un peu. »

Dehors il pleut des cordes, un vent furieux se déchaine mais je suis déjà en train d'enfiler mes chaussures me sentant soudainement claustrophobe en plus d'être nerveux et hilare.