Parfois, il vaut mieux trancher que tirer

Christopher ϟ Stubborn	Aika ϟ Bloody Mary

La piste de l’alcool frelaté qu’on retrouvait dans certains établissements de Blue Island avait mené le lieutenant Hart à Milton’s Ironwork. Là, au cours d’une soirée mouvementée de combats clandestins, il avait enfin obtenu des informations concrètes parmi lesquelles l’emplacement d’un hangar de stockage.

À ce stade de l’investigation, Christopher aurait pu (en fait, il aurait dû) informer son supérieur et rameuter la cavalerie pour une saisie en bonne et due forme. En prétextant, bien entendu, avoir reçu le tuyau d’un indic, le même que toutes ses affaires où Stubborn avait joué un rôle décisif.

Cependant, l’officier de police voyait aussi fidèlement le futur qu’une devineresse des temps anciens ayant inhalé des herbes magiques pour communiquer avec les dieux (ou de simples esprits, quand la magie des plantes n’emmenait pas la messagère proclamée à une hauteur suffisante). Une taupe informerait le petit groupe de guetteurs qu’il voyait jouer aux cartes dans ses jumelles, ou le concert de sirènes les alerterait avec assez de temps pour agir. C’est-à-dire foutre le feu à l’entrepôt et toutes les preuves avec.
Un coup dur, mais les trafiquants possédaient d’autres hangars similaires, remplis de ce liquide inflammable que les gens buvaient par fûts entiers. De l’alcool de mauvaise qualité qu’ils vendaient avec une marge suffisamment importante pour couvrir la perte d’un dépôt entier.

De plus, Christopher avait reconnu parmi ces quatre joueurs hilares (on aurait dit qu’ils se foutaient de sa gueule à distance) le maudit Martien. Surnommé ainsi à cause de sa petite taille, son crâne bombé surmontant deux yeux en forme d’amandes et une bouche minuscule, il ressemblait aux petits gris des œuvres de science-fiction. À quinze ans, ce génie de la chimie produisait déjà de la métamphétamine dans son garage pour fournir ses potes du lycée (et leurs potes à eux). Depuis lors, il trempait dans un tas de combines liées à des substances illicites ; plus celles-ci étaient addictives et dangereuses, plus ce putain de tordu aimait ça. Intelligent et précieux pour ses associés, la police ne réussissait jamais à coincer ce manufacturier de la Pègre. Chris était presque surpris de le voir mêlé à un « simple » trafic d’alcool frelaté.

S’il voulait progresser dans son enquête, le flic devrait une fois encore passer outre le règlement et se débrouiller par ses propres moyens.
Ce qui ne signifiait pas se débrouiller seul. Christopher n’était ni un superhéros ni un superflic de série télé. Ni assez stupide pour le croire.
Pour neutraliser ce petit groupe de quatre fripouilles sans incendier le dépôt, il aurait besoin d’une aide rapide et discrète, l’opposé du balourd chargé d’armes automatiques et de grenades explosives.

L’idée d’appeler Bloody Mary lui vint quand il distingua un petit tatouage japonais (ou chinois, Chris n’y connaissait rien en calligraphie asiatique) sur le poignet d’un joueur de cartes, alors qu’il abattait un joker avec un sourire remontant jusqu’aux oreilles.
La jeune justicière et lui s’échangeaient surtout des informations, mais il savait pouvoir compter sur elle pour jouer du sabre et découper vite fait bien fait ces connards en rondelles (au moins le Martien et ses molécules maudites).

Le policier quitta son poste d’observation pour retourner à sa voiture garée à l’abri d’un bâtiment en tôles. Le véhicule était certes banalisé, mais Christopher ne voulait pas prendre le risque d’attirer l’attention. Surtout lorsqu’il irait ouvrir son coffre pour y prélever son gilet pare-balles, un fusil d’assaut Benelli M4 (avec balles en caoutchouc), ainsi qu’un fusil à pompes Remington M870 P (à balles réelles) au cas où les choses tournaient mal. On comparait parfois les voitures de flic à des armureries ambulantes, mais elles faisaient pâle figure en comparaison des supermarchés aux rayons bien garnis des trafiquants d’armes. La police avait néanmoins l’avantage d’une qualité constante et éprouvée, d’un matériel parfaitement adapté à ses missions. Sur le marché clandestin, on trouvait aussi bien de vieilles AK-47 bonnes à jeter que des fusils de précision à faire saliver les tireurs d’élite.

Néanmoins, s’équiper pour l’assaut ne rimait à rien tant qu’il n’aurait pas l’assurance de pouvoir compter sur sa jeune partenaire officiellement recherchée par la police.
Pour le moment, Christopher alla poser ses fesses sur le siège conducteur, glissa une main dans sa veste pour saisir son téléphone et pianota sur sa messagerie. Après tout, il y avait un petit risque que l’étudiante ne fut guère disponible, auquel cas le policier passerait au plan B (qui, à ce stade, n’existait même pas à l’état embryonnaire).
Au cas où le Martien ne figurait pas déjà sur sa death list, il lui envoya en pièce jointe le CV de cet énergumène (son dossier extrait de la base de données de l’EPD). Avec un os aussi appétissant à ronger (ou plutôt : un quartier de viande à couper en tranches), Bloody Mary devrait avoir une fichtrement bonne raison pour lui faire faux bond.

« MISSION URGENTE.

Rendez-vous aux coordonnées indiquées. Juste toi et moi.
Dépôt d’alcool frelaté. Incendie à éviter à tout prix. Pas d’armes à feu ou dispositifs incendiaires sauf danger critique.
Quatre gardes. Dont une pourriture qui devrait figurer dans ta death list (cf. dossier joint). Ce chimiste s’en sort toujours, carte blanche pour l’éliminer.
Opération annulée si pas de réponse dans les 10 minutes.

Lieutenant Hart. »

Un message clair et concis, que Chris espérait convaincant. Il aurait bien écrit « carte blanche pour découper en morceaux cette grosse merde puante et les envoyer dans la benne à ordures », mais il avait la flemme d’écrire un texte aussi long sur le petit écran de son téléphone. De surcroît, il doutait que la Japonaise attachée à ses traditions appréciât ce genre de formulations.

La réponse de l’intéressée arriva à peine deux minutes plus tard, étirant les lèvres du policier.
Christopher rangea son téléphone, appuya sur le bouton de déverrouillage du coffre et quitta son véhicule pour faire ses emplettes.

Bloody Mary arriva en « tenue de combat  » avec la célérité et la ponctualité qui la caractérisaient. Son look original arrachait toujours un sourire amusé au trentenaire plutôt conventionnel, comme la plupart des héros et vilains qui se multipliaient depuis l’apparition de Vampyr. Au moins, le style appliqué de la Japonaise ne manquait pas de classe ; plus important, son équipement s’avérait efficace dans ce genre de missions.

Le policier avait d’abord éprouvé quelques scrupules à coopérer avec cette jeune fille à l’apparence fragile. Elle avait toute la vie devant elle, ne manquait pas de charme et d’intelligence, pouvait rêver beaucoup mieux que finir à la morgue en affrontant la vermine d’Europolis.
Toutefois, Christopher avait tout de suite perçu une grande résolution chez ce petit bout de femme. L’homme engagé savait qu’elle ne s’arrêterait pas, il la comprenait car ils partageaient certaines valeurs communes qui les poussaient à risquer leurs vies pour le bien de la société.
La plupart des gens ne comprenaient pas, certains prenaient à la rigolade le serment que prêtaient les justiciers de tout bord, comme s’il s’agissait d’un bête credo infantile.
Chez Chris et Aika, c’était une vocation. À partir de là, le pragmatisme invitait à fermer les yeux sur la loi et même joindre leurs forces lorsque c’était opportun — comme aujourd’hui. Dans un sens, l’étudiante se trouverait plus en sécurité avec lui qu’à affronter le danger toute seule.

— Salut, Mary. (Le pseudo-chrétien préférait l’appeler par ce diminutif plus rapide à prononcer au cœur de l’action.) Ravi que tu aies pu te libérer, commence par mettre ça s’il te plaît, tu t’en débarrasseras après la mission. (Il lui tendit une petite boîte contenant une oreillette, ainsi qu’un micro à fixer sur le col de sa chemise.) Comme je te l’ai résumé, on doit surtout empêcher ces fripouilles de mettre le feu au bâtiment en attendant que la cavalerie arrive. J’ai besoin de ces preuves pour faire progresser mon enquête. Et d’en garder au moins un vivant pour l’interrogatoire.
Voici donc comment nous allons procéder : je te donne cinq minutes d’avance pour trouver le moyen de t’infiltrer discrètement par l’arrière. Si tu te fais repérer, l’opération sera probablement fichue. Une fois en place, attends mon signal avant de passer à l’action. Quand les cinq minutes seront écoulées, j’appellerai les renforts d’ici (Chris montre sa voiture de la tête, équipée d’une liaison radio directe avec la police). On aura 10-15 minutes devant nous. De mon côté, j’irai me positionner en face du hangar et occuperai nos amis en restant à couvert. Je tirerai des balles en caoutchouc (Chris brandit un fusil d’assaut Benelli M4) pour éviter de déclencher un incendie ou qu’une balle perdue te touche. Le Martien va sûrement tenter de mettre le feu pour détruire les preuves, et c’est là que tu interviens. Fais comme tu le sens, mais n’oublie jamais que ta vie est plus importante que tout le reste. Un ou deux lascars viendront peut-être en soutien de ta cible, je ne peux rien garantir. On garde le contact radio avec les oreillettes, préviens-moi immédiatement si tu es en difficulté. J’ai un autre joujou en réserve au cas où ça tournerait mal (Chris avance cette fois un fusil à pompes Remington M870 P). Je te préviendrai quand les flics débarqueront et qu’il te faudra partir.
Cette mission ne devrait pas être très difficile. Ce sont des petites frappes. Mais attention quand même au Martien, ce type est un malin, un vicelard de la pire espère. Des questions ?

Comme toujours avant ce genre d’opération, Christopher sentait les tambours de l’excitation battre à l’intérieur de son crâne. Sans être drogué à l’adrénaline comme certaines têtes brûlées de la police, une partie de lui aimait se mesurer au danger, prendre des risques qui en valaient la peine. À 36 ans, il s’était certes assagi, mais sa nature bagarreuse avait encore tendance à reprendre le dessus dans le feu de l’action.
En outre, cette mission marquait l’aboutissement de plusieurs semaines d’enquête en quasi solitaire, la première étape concrète dans le démantèlement du trafic d’alcool frelaté qui empoisonnait Europolis.
D’une certaine manière, il éprouvait une joie sincère à partager ce moment avec la jeune justicière, sa précieuse alliée du jour, sa coéquipière à jamais interdite.
À condition que le plan se déroulât comme prévu, ce qui était rarement le cas.

La seule question de Bloody Mary porta sur l’armement des malfrats, que le policier devinait sans pouvoir en être sûr.

— Sûrement la quincaillerie habituelle : armes de poing et couteaux. Mais ils ont peut-être une vieille AK-47 ou autre en réserve, je ne peux pas l’affirmer. Je serais quand même étonné de voir du gros attirail pour un simple dépôt d’alcool, et ils ne prendraient pas le risque de se faire sauter avec une grenade.

Elle quitta les lieux en prononçant une phrase en japonais dont Christopher ignorait le sens, amorçant le compte à rebours.
Le policier resta au volant de son véhicule, prévoyant mentalement les différents scénarios auxquels il risquait d’être confronté. Il n’entendit pas le compte-rendu de sa coéquipière du jour. Le signal était trop loin, gêné par les barrières métalliques que formaient les murs des entrepôts.
Lorsque les cinq minutes furent écoulées, il contacta le poste central et demanda des renforts pour une fusillade, avec une grosse saisie d’alcool frelaté à la clé.
Sans perdre une seconde, il prit son barda et se hâta de rejoindre l’abri qu’il avait repéré à une trentaine de mètres devant le hangar, une benne de chargement aux parois épaisses qui lui assurait une solide protection sur trois axes.

— Je suis en position. Prête de ton côté ?

Lorsqu’il reçut confirmation de sa jeune alliée, le policier prit une longue respiration et informa sa partenaire :

— Parfait, je lance les hostilités, on a une dizaine de minutes devant nous.

Il porta ensuite un mégaphone à sa bouche.

Lever de rideau, place au spectacle.

— Police ! Veuillez déposer vos armes et vous préparer à un contrôle !

Les quatre malfrats sursautèrent à l’unisson tels des coureurs réagissant au coup de sifflet, faisant basculer la table improvisée où s’accumulaient cartes et eurodollars.
Le lieutenant décida d’en rajouter une couche.

— Les renforts arrivent ! Cet endroit grouillera bientôt de flics comme les abeilles autour d’une ruche ! Ne faites pas les malins et vous pourrez vous en tirer sans piqures !

Après un temps d’hébétude, les bouches commencèrent à s’ouvrir (pour débiter des jurons), les mains à se porter sur la crosse des revolvers.

Prévisibles et stupides, comme toutes les petites frappes du quartier.

Christopher s’accroupit derrière sa barrière étanche de métal, un sourire satisfait aux lèvres tandis qu’il troquait le mégaphone pour un fusil d’assaut.
L’instant d’après, les premiers coups de feu retentirent et des balles de petit calibre vinrent claquer contre la benne, proches de leur portée effective limite. Le policier avait soigneusement choisi sa planque, où il devrait tenir une bonne dizaine de minutes sous un concert de munitions.
Il attendait ce moment de battement où les malfrats rechargeraient leurs armes pour jouer sa propre musique.

La pluie de balles cessa au moment où les magasins eurent déversé tout leur contenu. Christopher se redressa aussitôt d’un geste vif, posa le canon de son Benelli sur l’épaisse paroi protectrice de la benne et visa grossièrement avant de presser la détente. L’objectif n’était pas de toucher les gardes, mais de les tenir occupés. Les balles en caoutchouc n’étaient d’ailleurs pas létales, mais le fusil d’assaut les projetait avec assez de puissance pour provoquer de belles ecchymoses.

Parmi les gardes de pacotille qui protégeaient le dépôt, deux ne prenaient même pas la précaution de s’abriter derrière un obstacle, s’exposant comme les cibles en carton d’un stand de tir. En outre les mains des flingueurs sans expérience tremblaient sous l’effet du stress, et mettaient un temps fou pour recharger leurs armes.
Sur ce point, au moins, le policier ne s’était guère trompé : il s’agissait vraiment de petites frappes, des voyous à qui on avait confié des pétards sans leur apprendre à s’en servir.

Comme s’il incarnait le personnage d’un spectacle maintes fois répété, le lieutenant expérimenté s’accroupit juste avant la deuxième salve de tirs, puis glissa à nouveau la tête hors de la benne, juste au niveau des yeux. Cette fois, il prit le temps d’observer la situation. Les hommes n’étaient plus que trois à se tenir à l’entrée du bâtiment.
Christopher pressa le bouton-poussoir du micro afin d’alerter sa coéquipière.

— Mary ! Seulement trois bonhommes à l’entrée, le quatrième larron est sûrement parti vers toi.

Il ignorait si la jeune héroïne avait vu ou intercepté cette menace. Elle était peut-être déjà en train de l’affronter, auquel cas elle pourrait difficilement lui répondre en plein combat.
Pour le moment, le lieutenant gardait confiance et ne s’inquiétait guère. Le plan se déroulait exactement comme prévu et il espérait que cela continua ainsi.

— Putain, cet enculé de flic m’a eu ! J’vais y passer, les gars ! Aidez-moi !

Telles furent les paroles aux tonalités aiguës (on aurait dit la cri strident d’un cochon qu’on égorge, ou d’une groupie hystérique après un selfie en compagnie d’une star de la chanson) de la fripouille qui venait de recevoir une balle en caoutchouc en pleine poitrine. À sa décharge, l’impact était douloureux, choquant, et laisserait un gros bleu qu’il pourrait exhiber à sa copine comme une blessure de guerre (à condition de finir la journée libre et vivant, ce qui ne figurait pas au programme de Christopher).
Quoi qu’il en soit, on était loin de l’hémorragie potentiellement mortelle, ce que remarqua aussitôt le moins idiot des trois voyous.

— Ta gueule, Max ! Tu vois pas qu’il tire à blanc ? Putain, les mecs ! Ce crétin de poulet de mes deux tire à blanc !

Le hennissement chevalin qui suivit laissait planer le doute quant à la supériorité intellectuelle du malfrat sur ses deux compagnons de garde.

— Bordel, t’as raison, Pat’ ! On va s’le faire, les gars. Putain, c’est trop génial ! On va s’faire un putain d’flic !

À l’article de la mort un instant plus tôt, Max le jeune voyou au visage constellé d’acné sautait de joie comme un gagnant du loto. Le choc du tir avait fait sauter quelques boutons, déclenchant plusieurs éruptions de liquide rosâtre (ce que la copine apprécierait moins).

Le lieutenant de police avait tout manqué de la parade, occupé à recharger son arme.
Mais il avait clairement entendu ses trois adversaires rêver de le tourner à la broche.

— Lâchez vos armes et rendez-vous ! C’est votre dernière chance !

Le regard de Christopher se posa sur le Remington. Chargé à balles réelles, celui-là.
Mais il avait aussi entendu le message rassurant d’Aika, s’imaginant déjà le Martin se faire couper en tranches comme un jambon.

Trop tôt pour faire cracher le fusil à pompe.

— Serre les fesses, flic de merde, on vient t’enculer !

Jusque dans leur langage, ces petites frappes méritaient une bonne place au classement des criminels les plus pathétiques de l’année.
Le policier aurait pu rire d’une pareille absurdité s’il ne trouvait pas seul face à deux ou trois hommes armés. Une balle de crétin de première restait une munition mortelle avec laquelle il ne fallait pas plaisanter.

Chris prit une grande respiration, cala la crosse du Benelli dans le creux de l’épaule et ressurgit au-dessus de la benne.
Deux dernières salves avant de passer aux choses sérieuses. Qui sait, il réussirait peut-être à toucher une partie sensible et faire reculer ces nourrissons du crime.
Deux d’entre eux avançaient désormais vers son abri en crachant leurs plombs. Les abattre serait un jeu d’enfant, s’il n’y avait le risque de déclencher un incendie en visant à côté.

— Hé, le Martien, comment ça se passe derrière ? demanda le troisième larron, hésitant sur ses options.

Dans un camp comme dans l’autre, les balles ne semblaient guère décidées à trouver leur cible aujourd’hui. Une bonne chose pour le policier, qui cherchait surtout à gagner du temps en attendant les renforts, ainsi qu’à faire diversion pour laisser Mary faire son travail.
C’est sur ce dernier point que la bonne nouvelle arriva. Chimiste neutralisée, en d’autres termes : une pourriture irrécupérable de moins à Europolis. Christopher ne ressentit aucune compassion pour cette crapule qui avait filé très jeune un mauvais coton. Il possédait l’intelligence nécessaire pour comprendre ses actes et accomplir de belles choses, mais avait choisi de persister dans la voie du crime. La famille du Martien serait peut-être la seule à s’attrister de sa mort, quand bien même elle serait débarrassée d’une source de problèmes et de honte. Amen.

Le lieutenant jeta un dernier coup d’œil de son abri avant de répondre à sa coéquipière.

— Ça ira pour moi, je gère. Par contre, je crois que le plus malin des trois est parti de ton côté. Fais attention, il est armé d’un pistolet !

Christopher troqua alors le Benelli pour le Remington. Plus lourd, le fusil à pompes était bien plus indiqué pour tenir en respect deux adversaires en approche. Il ne souhaitait pas les abattre, et devrait prendre quelques précautions pour l’éviter.

— Bande de crétins ! scanda le policier. Je tire à balles réelles maintenant, je vous aurais prévenus !

La réponse fut immédiate, montrant que ces imbéciles n’avaient pas réfléchi une seconde à la menace du flic expérimenté. Celui-ci n’était d’ailleurs pas loin de penser qu’il s’agissait aussi de causes perdues…

— C’est ça, et ma sœur aussi elle tire comme il faut ! (Les deux idiots se tordent de rire.) On n’a pas peur de toi, connard de poulet frit !

L’intéressé secoua la tête en signe de dépit, puis se redressa une nouvelle afin de délivrer une nouvelle attaque. Il ne visait pas la poitrine pour optimiser ses chances de toucher les voyous, mais le bas des jambes. Avec un peu de chance, Christopher réussirait à les neutraliser sans qu’un plomb poursuive sa course jusqu’au dépôt.