Au fond d'un hangar délabré, racheté sous le manteau, il y a quelques années de cela, étaient ainsi établies quelques structures au sein d'anciens bureaux qui n'avait plus d'utilité. Semblable à un squat, de qualité tout de même au-dessus de miséreux, étaient alors installés-là, quelques hommes autour d'une table. Jouant aux cartes et vidant quelques bières sous une lumière tamisée, d'une ampoule en fin de vie et d'une autre à peine en meilleure condition.

Non loin d'eux, dans une pièce accolé, séparé par une porte fermé à double tour, était installé devant un bureau, un homme penché sur un tas de documents en vrac éclairé par une lampe d’appoint. Un crayon à la main, tournoyant entre ses doigts, un verre de whisky dans l'autre, l'homme sirotait quelques gorgées de son breuvage entre quelques râles de mécontentement.

Surplombant ainsi cette tonne de papier, mais surtout d'informations, Jöran, car c'était lui ainsi installé à ce bureau, tenté de fomenter son prochain gros cou. Lâchant violemment son crayon sur le plan de travail, il déposa son verre une fois vide sur le tas de feuilles. Se levant de sa chaise, il prit la direction d'un porte manteau, s'y saisit un sweat à capuche qu'il enfila et qu'il ferma en remontant la fermeture éclaire.

Mettant sa capuche, il s'approcha d'une armoire presque vide, qu'il vint alors à délicatement décalé, laissant ainsi apparaître une porte dérobée, habilement cachée par cette dite armoire. S'y engouffrant, il ne tarda pas à sortir et rejoindre l'extérieur. Frappé par l’embrun froid nocturne de la mer, il prit la une direction que lui seul savait la raison.

Marchant de longues minutes, croisant dealers et prostituées comme à chacune de ses sorties nocturnes, c'était pour lui devenue un étrange habitude de faire ce trajet là. La raison, une bride de son passé avait refait surface, une, qu'il ne savait pas gérer, une, dont il ne savait pas, s'il aurait la force de faire disparaître si son projet était en jeu.

C'était une femme, l'une des rares avec laquelle il n'avait pas faire parler sa libido en premier lieu. Elle était l'une des rares à connaître son histoire, du moins jusqu'à sa prétendue mort, l'une des rares qu'il a regretté de perdre et dont il à peur de retrouver. C'est ainsi perdu, qu'il vient non loin du bar où elle travaille, cherchant seulement à l’apercevoir. Cherchant à se changer les idées, mais aussi dans l'espoir d'un jour ne serait-ce que lui parler, il vint régulièrement, comme il avait l'habitude de faire par le passé.

Ainsi arrivé, non-loin de la fermeture, il attendit. Patientant de longues minutes, il vint à apercevoir celle qui hante ses pensées, mais aussi une scène qui vint à le frustrer, à l'énerver au point même de le faire bouillir. À ces yeux, elle était en danger, pourtant elle parvint à se dépêtrer de son mal sans le moindre problème.

Voyant s'approcher de sa position, il tenta de s'engouffrer dans l'ombre de la ruelle où il s'était posé. Sachant qu'elle ne devait que passer devant pour rejoindre sa demeure, il n'avait jamais imaginé la voir ainsi prendre, cette embouchure et tomber nez à nez avec elle.

Lui faisant ainsi face, caché sous sa capuche, Jöran était sans voix. Ravalant sa salive, il vint à lui répondre ses quelques mots hésitant et fuyant : ''Non, …, Mademoiselle.'' Avant de passer à côté d'elle, lui donnant au passage un coup d’épaule involontaire.

Pressant le pas, il s'approchait rapidement de l'embouchure de la ruelle, là, il vint à faire face aux trois hommes qui avaient accostés la jeune femme quelques instants avant lui. Redressant la tête et leur faisant face, il sortit délicatement ses mains des poches de son sweat tout en les fixant du regard.

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Faisant face aux trois hommes avec cet air sombre si caractéristique de sa personne, Jöran ne bronchait pas d'un cil. Tenant tête au premier homme devant lui, plongeant son regard dans le sien, sa main droite, elle, tournait frénétiquement sur elle-même la lame qu'il tenait au milieu de sa poche, prêt à la sortir au moindre mouvement suspect d'un des pervers.

Ne laissant paraître de l'amertume et la froideur dans son regard, que ne fut pas sa surprise, à l'écoute des mots de la jeune femme, qui semblait nonchalamment se moquer de ses harceleurs. Légèrement perturbé par ses dires, il reprit rapidement ses esprits, prêt à en venir aux mains si ses derniers n'avaient pas apprécié ses paroles.

Tout aussi étrangement, les hommes tournèrent rapidement les talons et vinrent à s'éloigner, n'oubliant pas au passage les noms d'oiseaux pour elle comme pour lui. Plein de haine à leur égard, son attention principale était de ne pas les lâcher et d'en finir avec eux une fois pour toute. Pourtant, il vint à avoir, ce qu'il jugea sans doute plus tard pour une preuve de faiblesse, un instinct qui le poussa à tourner momentanément le regard vers celle qu'il venait de revoir. Croisant rapidement son regard, avant de tourner la tête et de peur, entamant alors une marche rapide pour s'éloigner d'elle, il savait. Il savait que leurs yeux s'étaient croisés, qu'elle avait eut le temps de le voir, quand bien même, elle ne le reconnaîtrait sans doute pas, pourtant, c'était fait.

Arrêté dans son élan, transpercé par cette demande si innocente, il ne put alors ne faire un pas de plus. Hésitant à reprendre sa marche, elle vint lui poser une de ses questions fatidiques, une de celle où la fuite peut être une réponse bien plus claire que de simples mots. Troublé, il vint prendre une lourde inspiration, puis expira longuement.

Toujours dos à la jeune femme, il vint à lui répondre, avec beaucoup moins d'hésitation : '' Est ce que ça a une quelconque importance ? '' Lâcha-t-il avec indifférence. '' Je ne pense pas ! De plus, ce fut une erreur de ma part de m'être interposé de la sorte. Il fallait être aveugle pour ne pas voir la femme forte que vous êtes mademoiselle. Je n'ai fait qu'envenimer la chose, veillez m'en excuser. '' Poursuivit-il sobrement, ne pouvant pas au passage, s'empêcher de faire comme à son habitude, une allusion à la vision. C'était une mauvaise habitude, faisant ainsi écho à tant de répliques qui fait son vocabulaire depuis de nombreuses années, sa marque de fabrique, pour qui le connaissait un peu.

En tout cas, au fond de lui, les paroles de la jeune brune étaient tellement vraies, bien sonnent pourtant faux d'un sens. Il se connaissait, c'est vrai, mais pourtant aucun d'eux ne savait ce que l'autre était devenu.

Figé, dos à la jeune femme et le regard suivant les phares d'une voiture passant sur la route non loin d'eux. Légèrement éblouis et de dos, il ne put assister au bal de leurs ombres projeté contre les murs, défilant rapidement pour disparaître dans la noirceur de la nuit. Écoutant avec attention les paroles de son interlocutrice, Jöran avait comme un petit pincement au cœur, une sensation étrange qu'il n'avait que rarement connue.

Déboussolé, il plaça sa main gauche sur son torse et leva le regard vers le ciel. Point d'étoile pour nous guider au milieu de ce ciel illuminé par l'éclat de la ville. Reprenant une grande inspiration, il vint à lancer avec un ton sincère, presque attristé : '' Navré de l'entendre. En tout cas, il a eut la chance de vous connaître... '' Après quelques secondes de blanc, il poursuivit ainsi : '' Et tien, partons sur le fait que je puisse lui transmettre quelque chose, qu'aurez-vous souhaiter lui dire ? Qui sait, j'en ai peut-être les moyens, qu'avez vous à perdre à me répondre ? Pas grand chose. ''

Replaçant ses mains dans ses poches, nerveusement, il commença à tourner la lame dans le creux d'une de ses dernières.

Concentré sur les paroles de la jeune femme, le presque trentenaire écoutait avec attention chaque mot qui lui était adressé. Quand bien même avait-elle aucune certitude son sa personne, elle c'était pourtant ouverte à lui, exposant ses sentiments et ses regrets à l'égard de leur disparition respective. Calme et serein à l'écoute de ses paroles empreint de vérité, Jöran vint pourtant à changer du tout au tout, quand la brune vint à exposer son avis sur la relation tumultueuse de lui et sa famille. Souriant de manière plutôt malsaine à l'évocation de l'amélioration possible de ses liens familiaux, il s’efforça grandement de ne pas pouffer de rire, connaissant la tragique vérité sur la fin de cette histoire.

En tout cas, cet état malsain prit nettement fin quand la jeune femme vint à lui poser de nouvelle question. Prenant quelques secondes, cherchant prestement une réponse, il vint à jouer le tout pour le tout : '' C'est une chance, parce que je le sais ! '' Lâcha-t-il calmement. '' Et non, je ne suis pas cette personne, si telle et ta question. Crois-le ou non, mais je suis dans ta tête, je ne suis qu'une image, un idéal, un fantasme de ton esprit. '' Poursuivit-il de la manière la plus convaincante qu'il pouvait. '' Ne soit pas surprise, c'est simplement la fatigue et tes émotions qui parlent. Tu as bien rencontré ses trois hommes, puis ce dernier auquel mes traits ressemblent, pourtant tous sont partis depuis longtemps maintenant. Tu souhaitais simplement vider ton sac, c'est chose fait. Ce poids qui était le tien n'a plus de raison de te peser. Vie, le passé et au passé, ton futur te sourit, tourne les talons et rentre chez toi, rien ne vaut la chaleur d'un foyer. '' Vint-il par finir avant de serrer les dents et les lèvres, pour retenir un rire à l'évocation de foyer et de chaleur qui lui remémorer alors, la fin de son père.

Commencent à lever le pied, il s'apprêtait alors à reprendre sa marche, dans le but simple de s'engouffrer dans la ruelle suivant où il comptait bien venir à disparaître dans une course effréné.

Lui ayant mentit avec tant de sincérité, cherchant à ne pas la blesser, Jöran avait visé tout à côté. Lui qui avait inventé un tel bobard en si peut de temps, aurait du se douter qu'une telle supercherie n'aurait pas fonctionné sur une femme aussi ancré qu'elle. Ce prenant alors en pleine face cette phrase tellement juste, sur le fait qu'il se foutait totalement d'elle, cela le tourmentant ainsi plus qu'il ne l'était déjà. La jeune femme voyant dans son jeu le plus clairement du monde, s'adressa donc directement à lui.

S'empêchant de retenir une nouvelle fois un petit pouffement, il passa ses mains dans ses cheveux, faisant au passage tomber sa capuche de sa tête. S’ébouriffant la chevelure d'une manière quelque peu sauvage, avant de les recoiffer de la manière la plus correcte qu'il soit, il vint à s’accroupir, fixant étrangement le sol. '' Me moquer de toi, c'est pas mon attention principale tu sais ! À dire vrai, c'est toi qui m'as tomber dessus, moi à la base, j'avais aucune intention d’entamer la conversation, c'est pour ça que j'ai dit de la merde. '' Lâcha-t-il promptement. '' Effectivement, je sais depuis quelques mois que tu travailles et vie dans le coin, c'est le hasard qui m'a fait prendre conscience que tu étais par ici. '' Poursuivit-il emprunt de vérité, avant de continuer dans des propos mensongers, habilement voilés d'un écrin de sincérité. '' Si je joue les morts depuis longtemps, c'est parce que quelqu'un en voulait à ma vie. J'ai failli y laisser ma peau dans cette maison. Mon père y est mort, tué par un de ses salauds qui en avait après moi. J'ai eu ma vengeance, mais l'incendie qui s'est déclaré pendant notre affrontement à bien faillit m'avoir. '' Dit-il avant de se relever et de se tourner vers la jeune femme, affichant malgré les ombres, son visage défiguré sur sa partie droite.

'' Regarde-moi, vois-tu l'horreur que je suis devenu ? Tu te dis peut-être que j'aurais pu refaire surface pour tout expliquer, mais les policiers ont rapidement trouvés des restes de son corps et on pensés que c'était moi. J'en ai alors profité pour disparaître, sachant qu'avant, j'ai dû faire le ménage parmi les hommes qui voulait ma mort et qui savait la vérité. Alors ne m'en veux pas si je n'ai pas cherché à renouer le contacte, je suis loin d'être un homme bon, mon malheurs je l'ai mérité. Restons en là, oublie moi, nous n'avons jamais eut cette conversation. ''

Ne laissant apparaître aucune peur sur son visage à la vue de Jöran, la jeune femme rebondit sur les paroles du défigurer. Lui demandant ainsi de quel aspect de sa personne il faisait allusion quant-il parler d'horreur, le jeune homme, sans un mot, leva la main droit et pointa son visage, mais plus précisément les marques que lui ont laissés les flammes.

Se montrant plutôt compréhensif, cela conforta Jöran en l'ascendant qu'il avait ainsi établi sur la personne de Kate. Écoutant ses questionnements sur l'étrangeté de leur rencontre et sur sa place en ce lieu, le jeune trentenaire ne put que continuer dans ses propos mensongers, bien qu'habilement enjolivé d'un écrin de vérité et de sincérité, quand bien même faussé.

Passant sa main gauche dans ses cheveux, il lui répondit en ses termes :'' Et bien je te l'ai dit, c'est toi qui m’as tomber dessus au coin de cette ruelle. Serte, je sais que tu travailles juste là, mais j'étais que de passage. Pour tout dire, avec tout ça, je ne suis pas loin d'être à la bourre. Être mort à ses inconvénients, ses sacrifices qu'il faut bien faire pour vivre. Je fais dans l'illégal, je ne te mentirais pas là dessus, mais rien de bien méchant. Je suis simple guetteur, je fais le tour du quartier, je note les fait et gestes de certaines personnes, des flics avant tout, on me paye pour ça, rien de plus. Donc, oui, c'est en faisant mes tours que j'ai vue que tu étais dans le coin et que l'on se tombe ainsi dessus là. ''



Sortant ses mains de sa chevelure, il vint à apercevoir aux loin, une nouvelle voiture s'approcher. Jöran vint alors à remettre sa capuche et s'avança vers la jeune femme d'un pas lent. S'arrêtant en face d'elle au même moment où la voiture passait à leur côté, il la fixa dans les yeux : '' Je suis navré d'avoir disparu de la sorte, ainsi que de t'avoir menti comme je l'ai fait, mais tu dois comprendre que se faire oublier et la principale occupation d'un homme mort comme moi. Je n'ai rien contre toi, tout au contraire, je te dois beaucoup, si je n'avais pas eut cette histoire avec ses salauds, j'aurais peut-être réussi à renouer le contact avec mon père. '' Dit-il avec tant de sincérité, en mêlant vérité, puis mensonge dissimulé. '' Il aurait été heureux de renouer le contact avec toi, mais Jöran est mort, j'ai pris sa place et je ne sais pas si cela viendrait à me mettre en danger, car un visage reste un visage malgré tout. ''

Scrutant les contours du visage de la jeune femme, Jöran ne pouvait que constater l'évolution physique de cette dernière. Elle pur, qu'il avait ainsi rencontré pour la première fois à un âge à peine sortit de l'adolescence, quand bien même lui avait on mentit sur ce point pour vendre ses servies. Le trentenaire constatait avec un certain recule qu'elle avait maintenant l'âge qu'il avait lui à cette époque.

Sa main, d'un levé de coude, il pourrait la porter à son visage, pourtant, il s'y refusait. Peur de ternir ce qu'elle est, de corrompe ce qu'il juge sans fondement, de pur, c'est surtout inconsciemment, sa personne qu'il est ainsi apeuré de voir s'adoucir en renouant un tel contact. Il ne l’avouera jamais, mais avant d'en finir avec son père, il avait hésité. Une hésitation qu'il devait à ses échanges avec la jeune femme qu'il avait l'habitude de rencontrer, Kate.

En tout cas, la brune était avide de réponses, questionnant encore Jöran sur certains points qu'elle jugeait important à ses yeux. '' Combien ? … Quelques mois, tout au plus. Je t'ai vue derrière cette vitre du bar où tu travailles, ça m'a troublé. '' Répondit-il en émettant là, la stricte vérité. '' Sinon, par ailleurs, tu me vois revenir d'entre les morts et te dire comme ça un beau jour : Salue Kate, comme tu peux le voir, je ne suis pas mort ! Non sérieusement, tu aurais fait autrement toi ? '' Poursuivit-il d'une manière exagéré en singeant quelque peu ses propos face à la jeune femme, avant de poursuivre plus calmement : '' Kate, tu ne le penses pas maintenant, mais plus tard, tu viendras à regretter ses retrouvailles. Un mort plus est facile à vivre qu'un fantôme. ''

Comprenait-elle ? Réalisait-elle la situation ? Comprenait-elle le point de vue de Jöran ? Lui se posait de telles question, quand bien même cherchait-il à écourter cette conversation, quand elle renchérissait toujours plus avec tout autant de questions. Le trentenaire contenait cette envie de la faire taire qui s’immisçait en lui de plus en plus. Voyant le temps s'écouler depuis un moment maintenant, rester ainsi avec elle, était pour lui à la fois un supplice, comme un danger. Le mouvement était la clef de sa survie depuis toutes ses années, évoluer, ne jamais rester trop longtemps fixe, pourtant depuis qu'il avait retrouvé la trace de la jeune femme, il est vrai qu'il traînait bien trop souvent dans ce coin de la ville.

Jöran redoutait un banal contrôle, croiser des flics, seul, il pouvait gérer, mais avec elle, cela serait une autre histoire. Devenant quelque peu nerveux, son regard commença à lorgner ici et là à chaque coin de la rue. '' Pourquoi quoi ? '' Lâcha-t-il. '' Pourquoi me portes-tu autant d’intérêt ? Garde si tu veux l'image que tu avais de moi si cela te réconforte, mais oublie celui que je suis là. Efface cette rencontre, elle n'a jamais eut lieu. '' Poursuivit-il en plongeant son regard dans celle de la jeune femme. '' Que tu le veilles ou non, je vais me retourner et partir de ce pas. C'est un adieu Kate, rien de plus, un au revoir qui aurait dût avoir lieu il y a déjà des années. Fait ton deuil. '' Finit-il par lui dire avant de faire un geste de la main en signe de séparation.

'' Au revoir Kate. '' Furent ses derniers mots avant de tourner les talons et de prendre la direction du bout de la rue opposée à la direction que devait prendre la jeune femme pour rentrer chez elle. D'un pas assuré, son avancé était normale, mais s'apprêtait à détaller au moins mot ou mouvement de la brune.