Tumblr  AccueilAccueil  Dernières imagesDernières images  RechercherRechercher  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  

 

 

Aller en bas 
Aller à la page : 1, 2  Suivant
 [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyMar 31 Juil - 19:37

La nuit d’une dure journée

La nuit d’une dure journée

Christopher & Eva



Appartement d’Eva Walsh, 27 janvier 2050 vers 22h25

L’ascenseur s’ouvre au dernier étage de l’immeuble, la blonde qui en sort souffle en l’air pour dégager son front des mèches en vrac. Elle se jure que jamais plus on ne la reprendra à entrer dans ce caisson de malheur ! Venu à elle sans fracas, elle ne s’est pas méfiée, mais une fois de plus, le caractériel mécanisme s’est bloqué dans son élévation. Le stoppage s’est annoncé avec hésitation par trois secousses précipitées, dont la première, brutale, a fait sauter le carton de dossiers que la jeune femme serrait dans ses bras. Dans un réflexe pour rattraper le carton au vol, elle a perdu l’équilibre à cause du deuxième soubresaut. Tombée sur les fesses, elle a reçu une pluie de feuillets puis le carton sur la tête en même temps qu’elle a été ballotée une troisième fois… La rage ultime !

Devant sa porte, Eva pose son carton duquel dépassent des coins de feuilles qu’elle a rangées pêle-mêle. Elle rassemblera propre en ordre plus tard. Elle sort ses clés qu’elle introduit dans sa serrure. Elle a hâte de retrouver le douillet de son chez soi après cette journée…

**********


EPD commissariat central, 7 janvier 2050 (début de soirée)

Deux jours, c’est un délai d’attente plus que raisonnable. Or dans une minute, on entame le troisième jour, et là… c’est inadmissible de la faire poireauter autant ! Eva ouvre la porte de son vestiaire pour ôter sa blouse blanche et mettre son manteau qu’elle ne boutonne pas. Elle porte un chemisier savamment choisi dans des couleurs qui font apparaître les reflets émeraude qui mouchettent ses yeux noisette. Elle s’admire un instant dans le carré de vitre suspendu à la porte du vestiaire. Elle est juste sublime ! Qui peut hésiter aussi longtemps, alors qu’elle a allumé tous les feux au vert !? Tolérant qu’il ait besoin de mettre en balance sa divine personne et l’insipide voisine, elle voulait bien lui accorder une nuit de sommeil. La deuxième nuit, passe encore, pour attiser le manque et l’impatience. Mais une troisième... il commence à pousser le bouchon ! Elle claque la porte du vestiaire, puis celui de son bureau pour faire bonne mesure. Elle le sait occupé ; elle-même ne chôme pas non plus. Ce n’est pas un rendez-vous qu’elle espère, simplement qu’il vienne aux nouvelles quant au défi qu’ils ont en cours, qu’il donne l’impression de s’intéresser à elle… Ça prend grand max deux minutes pour envoyer un message !

Foulant un couloir du commissariat, la blonde zieute par-ci par-là dans les bureaux entrouverts. Des fois que le hasard fasse bien les choses... Forcément, à la longue, son furetage attire l’attention de quelqu’un qui lui demande alors qui elle veut voir.
Qui je viens voir, vous voulez dire.
Son interlocuteur semble prendre la rectification comme du pinaillage. Pourtant, la nuance est importante pour la réponse à donner. En l’occurrence, elle vient voir le sergent Mason pour des précisions sur des analyses qu’elle a réalisées. Elle remercie celui qui la renseigne, puis se résigne à frapper à la porte qu’on lui a indiquée, n’ayant plus d’excuses pour vagabonder dans les couloirs.

**********


Pub près du commissariat, 20 janvier 2050 (soir)

Eva pousse la porte du pub qui tient lieu de repère aux policiers. Elle lance des sourires pour saluer les têtes connues, les moins connues et même celles qu’elle ne connaît pas. En fait, elle salue tout le monde jusqu’aux employés du bar, pas de jaloux ! À une tablée, on lui propose une place, ce à quoi son plus beau sourire énonce un refus désolé. Elle est en mission ! Tout de suite, elle cherche un policier en particulier. Elle ne le voit pas… Flûte ! Maintenant qu’elle veut savoir, elle n’a pas envie d’attendre un jour de plus. Elle s’approche d’un policier qu’elle sait proche de Goldsmith.
Lieutenant Travis, c’est ça ? Ça vous dit de venir boire une bière avec moi au bar ? Difficile journée, je préfère un tête-à-tête, explique-t-elle, bien que ça ne soit pas nécessaire.
Trop content de l’aubaine, l’homme s’est levé sans se poser de question pour la suivre. En se juchant sur un tabouret, Eva s’étonne de l’absence du lieutenant Goldsmith. D’autant que ça lui semble un bout de temps qu’elle ne l'a plus revu par ici. Travis lui raconte que Gold est à l’hosto en convalescence d’une chirurgie pour une fracture de la mâchoire. Il la rassure, c’est moins grave que ça n’y paraît.
Si vous le dites, mais tout de même le pauvre! Ça ne doit pas être drôle pour lui d’être au régime bouillis… et de devoir la fermer tout ce temps.
Elle sourit, même si ce n’est pas très charitable de sa part de rire du sort d’un alité.
Mais c’est les risques du métier, racontez-moi, quel truand a essayé de l’étaler.
Elle commande une Kilkenny, alors que Travis grogne un nom.
Hart ? répète-t-elle, incertaine d’avoir bien entendu tant ça lui paraît incongru.
Que Goldsmith soit une tête à claques, elle en convient ! Mais tout de même, de là à ce qu’un collègue s’en prenne violemment à lui. Eva ressent un malaise d’imaginer en sanguin irascible un collègue avec qui elle s’est retrouvée seule en voiture, puis isolée sur un pont dans la pénombre d’un début de soirée hivernale...

**********


Un parc à Victory District, 27 janvier 2050 vers 7h50

Depuis une vingtaine de minutes, Eva fait son jogging dans le parc à quelques pâtés de maisons de chez elle. Elle s’est reprise en main ! Jogging tous les matins, quand la météo le permet. Déjà parce que ça lui met une forme d’enfer pour la journée. Ensuite, elle rechigne moins à monter les escaliers chez elle. Et tout simplement, elle se sent mieux. C’est vite vu, durant ces derniers jours de vague de froid où elle n’a pas pu courir, elle a remarqué la baisse – qui lui parut drastique – d’énergie. Aussi a-t-elle impatiemment guetté les prévisions météorologiques. Et ce matin, elle a bondi hors de son lit pour ouvrir sa fenêtre et évaluer les températures.

Eva marque une pause pour consulter l’heure. Elle débute son travail à 9h. Avant de rentrer se préparer, elle a le temps de faire un crochet vers une allée plus boisée du parc. Malgré le redoux, il n’y a pas grand monde ce matin-là. Sans doute est-ce difficile pour la plupart de reprendre le rythme matinal, dans quelques jours, elle retrouvera tous les habitués… Un cri effroyable de femme arrête brusquement Eva dans sa course. Elle tourne la tête vers l’endroit où lui a semblé parvenir le hurlement. Elle ne voit d’abord personne jusqu’à ce qu’une femme déboule d’entre les arbres sur le chemin. La femme, ou plutôt l’adolescente tient un chien aboyant dans les bras. Eva se rapproche, trottant d’un pas hésitant avant d’accélérer sa cadence. La fille est clairement paniquée. Le visage livide, le corps tremblant de la tête aux pieds.
Ça va ? Qu’est-ce qui se passe ? Un problème ? demande-t-elle arrivée à la hauteur de la jeune fille.
Au bord des sanglots, la fille balbutie, hoquette et pointe vers quelque chose dans le sous-bois. Clairement, Eva n’est pas trop chaude pour s’y aventurer. Elle se doute un peu sur quoi elle va tomber. Les tréfonds d’un parc sont un dépotoir privilégié pour se débarrasser d’un cadavre. Sans parler que c’est fréquemment le lieu même du crime. Elle fait assoir la fille sur le bord du chemin.
Je m’appelle Eva, et vous ?... Sydney, comme la ville en Australie ?.. Avec i, ah d’accord. Restez tranquille ici, Sidney. Caressez doucement votre chien pour le calmer.. voilà comme ça. Comment il s’appelle ?... Iska, c’est un mâle ? .. Une femelle, évidemment, je suis bête. Ça va aller Sidney, je peux vous laisser avec Iska ? Je vais voir et je reviens, d’accord ?

En s’engouffrant dans les arbres, Eva sort son téléphone et enclenche la fonction lampe de poche. Elle balaie le sol, en prenant soin de ne pas écraser d’éventuels indices à prélever. Le craquement des brindilles remplace peu à peu les aboiements d’Iska. Au pied d’un arbre, mal enseveli sous des feuilles et des branches, elle aperçoit… et bien, ça ne manque pas ! La criminaliste déglutit. Elle s’attendait à trouver un cadavre, – de prime abord, il n’y a pas de blessures apparentes, mais la lividité cadavérique exclut qu’il s’agisse d’un dormeur ou d’un évanoui. En revanche, elle ne s’attendait pas à connaître le mort. Elle compose le numéro du poste central de police. Elle renseigne son interlocuteur où bout du fil sur la découverte macabre. Accusant le choc, elle commence à ressentir des tremblements. Sans doute que le froid l’assaille également maintenant que son corps n’est plus en action. Elle demande à ce qu’on lui envoie le lieutenant Goldsmith ou le sergent Mason. On lui répond que c’est la police et non un service d’escorte, on enverra les agents disponibles. Eva se mord la lèvre, presque elle s’excuserait, mais elle se contente de terminer l’appel. Elle comprend que sa demande était déplacée, donnant à croire à un caprice de diva, alors qu’en vérité, elle ne recherchait qu’à avoir le réconfort d’un visage amical.

Revenir en haut Aller en bas
Christopher Hart
Christopher Hart
Protect & Retaliate
Messages : 3702
Célébrité : Jake Gyllenhaal
Alias : Stubborn
Métier officiel/officieux : Lieutenant de police / Combattant clandestin

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
Protect & Retaliate
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptySam 4 Aoû - 14:36


Dans un sous-sol d’Europolis, 5 janvier 2050 (soir)

Lumières artificielles suspendues à un bas plafond constellé de moisissures, murs décrépis suintant d’humidité, odeur rance de transpiration qu’un système de ventilation anémique peine à filtrer, le souterrain de l’Empire Fight Club n’a d’impérial que sa fréquentation essentiellement originaire d’Inland Empire. Une myriade d’odeurs parfumées s’échappent des bédos suspendus aux jeunes bouches débitrices d’insanités ; un modeste coin-bar distribue l’alcool insipide d’une citerne sans étiquette, produit frelaté d’une branche voisine de la Pègre. Partout les mains agitent des billets dans un vacarme où deux noms portent plus hauts que les autres : « Randall » et « Stubborn ». Une dernière dealeuse parie le pécule de ses dernières ventes sur la gueule d’ange qu’elle ambitionne de mettre dans son lit, puis le coup de sifflet retentit et un bref instant, le silence laisse entendre le frottement de semelles sur le sol dur tandis que les combattants bondissent l’un vers l’autre.

Gueule d’ange est le plus vif. Son bras se détend comme un piston et rencontre l’avant-bras de Stubborn, placé en protection du visage. Le coup marque le début d’une succession de frappes rapides et désordonnées. Yeux rougis, pupilles dilatées, tics nerveux, le policier masqué a dès le premier coup d’œil diagnostiqué une consommation excessive d’amphétamines chez son adversaire au menton encore duveteux.
Autour d’eux, la foule massée autour des combattants s’époumone à encourager chacun leur champion avec force cris et jurons à faire rougir des malfrats aguerris.

Obéissant à un rythme qui lui est propre, Stubborn encaisse les frappes inefficaces sans riposte énergique. Dans sa tête qu’il abrite par réflexe alors que des contusions apparaissent sur son corps ciselé, les images d’un passé révolu défilent avec l’amertume du perdant. Au corps dégoulinant de sueur de son opposant se substituent les formes voluptueuses de Lauren, le rictus mauvais de gueule d’ange disparait : il n’y a plus que le sourire impertinent de sa bienaimée, qui l’invite à un corps à corps d’une tout autre nature. Un corps à corps auquel la criminaliste Eva Walsh doit se livrer en ce moment, se rappelle vaguement Christopher.
Les eaux noires du port, tombeau abject de sa fiancée, chassent les joyeuses réminiscences et noient ses entrailles de douleur. Sur le capot ensanglanté de leur voiture criblée de balles se fige la liste fatidique de policiers ripoux, que le policier avait dévorée avec admiration pour l’héroïque Vampyr jusqu’à essuyer ses paupières humides au nom de Lauren Anders.
Un filet de sueur froide glisse le long de l’échine de l’homme esseulé, esquivant et contrant de plus en plus mollement les assauts frénétiques de son adversaire galvanisé.
La troublante rencontre d’Eva avait de nouveau confronté Christopher à l’insupportable, sapé sa volonté de combattre : dans ce théâtre sordide de la bassesse humaine, il incarne à présent la veule brebis face au jeune loup aux crocs acérés.

Sifflets et railleries pleuvent sur le médiocre Stubborn ; on parle déjà de remboursement pour ce spectacle aussi ennuyeux qu’affligeant.

Randall souffle et transpire comme un marathonien, sans en avoir l’endurance. Le public ne remarque guère la faiblesse croissante dans les coups imprécis de leur jeune idole, qui permet au robuste Anglais de tenir le choc en dépit de sa piètre défense.
Néanmoins, après un cri de rage cruelle, le coude pointu de Randall s’enfonce dangereusement dans le flanc de sa proie.
Un gémissement de douleur s’échappe des lèvres flétries ; un voile gris obscurcit la conscience troublée de l’homme abattu. Stubborn recule en se tenant le côté, tel un animal blessé en quête d’un ultime refuge.

Explosion de joie parmi la foule. Le jeune lutteur aux membres nerveux lève les poings en pivotant sur lui-même, haranguant la foule avec une lueur de folie meurtrière dans le regard. À l’épilogue de sa glorieuse tournée, la tête cramoisie et couverte de sueur rencontre le poing résolu de Stubborn, semblable à un marteau de forge projeté en plein visage.
L’enquête, s’est rappelé Christopher après la frappe traîtresse dans les cotes. La douleur physique l’a emporté sur la douleur psychique, octroyant à son esprit une clarté retrouvée – n’est-ce pas ce qu’il recherche dans ces combats cruels, entre autres raisons ?
La boue retrouvée sur la moto provient d’Inland Empire, avait expliqué Walsh. Le creux du pied rencontre l’arrière d’un genou, faisant fléchir le jeune Randall comme un coup de hache abat l’arbrisseau. Christopher sait qu’il doit remporter ce combat pour approcher les propriétaires et leur soutirer des informations sur la voleuse.

Tel un chien enragé, Stubborn se retrouve bientôt accroupi sur le corps étendu de Randall, martelant la poitrine du jeune combattant de ses poings exercés. Son esprit est vierge de pensées, ses gestes animés d’une vieille colère mêlée d’une insoutenable frustration.
Finalement, le combattant acharné joint ses deux mains en une masse terrible qui s’abat sur la poitrine de gueule d’ange, près du cœur.
Une gerbe de sang jaillit de la bouche du vaincu, s’élève dans les airs dans un étrange ralenti, retombe en déposant une kyrielle de gouttes vermeilles sur les visages anonymes regroupés en cercle. Des hurlements de joie hystériques se répandent parmi le public exalté aux yeux hagards. On siffle la fin du combat, des hommes vigoureux arrachent le corps haletant de Stubborn à son adversaire harassé – dont le corps frétillant continue de respirer à un rythme irrégulier.
Humanité de merde, marmonne Stubborn en avisant les jeunes visages grimaçants de plaisir. Hommes et femmes s’enlacent, certains s’embrassent avec fougue. Aucun regard compatissant ne se pose sur Randall, belle gueule portée aux nues jusqu’au brusque retournement de situation.
Des larmes coulent silencieusement sous le masque comme autant de sourds remords, une série de tremblements parcourent les muscles saillants du corps meurtri, livré à l’odieuse fureur qu’une simple rencontre aura suffi à exacerber.
Mais qu’est-ce qui m’a pris d’entrer dans son jeu ? se lamente Christopher en se frappant le crâne à plusieurs reprises, comme pour en chasser le pâle visage à la blonde chevelure.


Peu après, le vainqueur siège en invité d’honneur à la table des propriétaires du club.

— Alors, Stubborn, tu l’enlèves jamais, ton foutu masque ?

Des regards curieux se tournent vers l’intéressé.

— Pour dire la vérité, je l’enlèverais bien pour la rouquine à moto que j’ai croisée la dernière fois. Et pas que mon masque, si vous voyez ce que je veux dire. Vous la connaissez peut-être ? Tout ce que je sais, c’est qu’elle vient de chez vous. Et que j’aimerais bien un corps à corps privé avec elle.

Des rires s’élèvent à propos du « chaud » Stubborn et de la « chaudasse » motarde aux cheveux flamboyants. Les langues se délient au fur et à mesure que les bouteilles se vident. La bande de jeunes roquets énumère toutes les rousses qu’ils ont « pécho » au cours de leur misérable existence, avec suffisamment de détails pour donner à Christopher l’envie de vomir. Les filles installées sur les genoux de ces voyous en pleine ascension caquètent sans interruption, caressent lascivement leurs compagnons et rient de leurs exploits masculins.
N’ont-elles aucune dignité pour se pavaner avec pareils crétins ?
Le lieutenant de police réalise soudain son jugement erroné à propos de son intrépide collègue : l’Irlandaise a trop de fierté, une trop grande estime d’elle-même pour une nymphomane se jetant au bras du premier venu.
Les histoires – essentiellement de la flagornerie – des propriétaires de l’Empire Fight Club n’apprennent rien à Christopher sur la cambrioleuse aux cheveux teints. Ou plutôt : il complète le profil de la criminelle avec l’adjectif « discrète ». Si elle traînait avec les crapules de la région, ces jeunes en auraient entendu parler.



Coal District, 6 janvier 2050 (matin)

Affublé d’un lourd gilet pare-balles et d’un brassard orange estampillé « EPD », Christopher se raidit sur le siège de la voiture de police. Une vilaine grimace déforme les traits de son pâle visage ; deux cercles violacés ceignent ses yeux. Sa main gauche se pose délicatement sur le flanc tandis qu’il prend une profonde inspiration au sifflement inquiétant.
Sa main droite cherche un pilulier dans une de ses nombreuses poches, juste à côté des chargeurs. D’un geste du pouce, il fait sauter le couvercle et porte le contenant en bioplastique à ses lèvres.
Suspendu dans son mouvement, le lieutenant promène son regard autour de lui, rencontrant d’autres voitures semblables à la sienne et quantité d’uniformes. Son esprit cartésien établit un funeste calcul : un antalgique = baisse de vigilance et de réflexe = un collègue qui risque d’y laisser sa peau. Après un soupir poussif, le combattant souffreteux referme la boîte qu’il range dans son emplacement.
Un coup d’œil à sa montre apprend à Christopher que l’intervention ne sera pas lancée avant plusieurs minutes. Ses doigts pianotent nonchalamment l’ordinateur de bord lorsqu’une idée lui vient à l’esprit.

Quelques manipulations de l’interface tactile lui ouvrent l’accès à la base de données des citoyens d’Europolis, où il se met à taper « EVA WALSH » dans le champ de recherche. Presque immédiatement, un austère formulaire en quatre couleurs s’affiche sur l’écran.
Date de naissance : 13 mai 2018. Pour une raison mystérieuse, Christopher est capable d’évaluer l’âge de la plupart des hommes avec une faible marge d’erreur tandis qu’il sous-estime presque toujours celui des femmes. Ainsi donnait-il à sa collègue cinq ans de moins. Encore une qui se baigne dans un cocktail de produits chimiques pour rester jeune. Malheur à qui touchera sa peau toxique !, se dit-il en imaginant sa séduisante collègue vêtue à la Poison Ivy.
Lieu de naissance : Kilkenny. Le nom lui est vaguement familier, mais trop lointain pour sa mémoire réfractaire à puiser dans les périodes heureuses de son existence. Un truc irlandais, déduit-il avec toute la précision dont il est capable.
Célibataire. Aucune union déclarée. Au moins, la croqueuse d’hommes ne pousse pas le vice jusqu’à jurer une fidélité factice. Ou elle trouve son compte dans les relations de courte durée, jusqu’au prochain bellâtre pas trop stupide qui attirera son attention.
Le lieutenant hausse les sourcils en constatant l’absence de toute infraction. Entrer dans les forces de police exige certes un casier vierge, mais il tolère les avertissements et petites erreurs de jeunesse. Christopher attribuait volontiers quelques histoires sans gravité à l’impétueuse Irlandaise. De ce point de vue, Eva est aux yeux de la justice blanche comme la neige d’hiver. Ou immaculée comme une certaine figure religieuse, repense Christopher avec un sourire.
Un appui sur le bouton « Personnes liées » lui apprend que le père était chirurgien, la mère professeure dans un lycée. Seule ombre au tableau : une séparation précoce des parents. Mais les unions qui durent sont en recul constant depuis plusieurs décennies, au point que les ruptures de couple concurrencent les fins de contrat de travail.
Aucune autre information intéressante n’est disponible. Les froides archives de la police ne s’encombrent pas des drames personnels qui marquent à jamais les cœurs et les esprits.

Christopher ouvre l’étui de son pistolet, débloque le cran de sûreté de son arme et quitte son véhicule. Aujourd’hui encore, sang et larmes vont couler.



Comissariat de Victory District, 27 janvier 2050 (matin)

— Monk ! On a un macchabée au parc de Green Haven. Comme tu ne sembles pas crouler sous le travail en ce moment, je te confie l’affaire.

Christopher reçoit cinq sur cinq le message du capitaine Nills.
Après l’attentat de Coal District, son supérieur l’a déchargé de plusieurs dossiers afin d’enquêter sur les responsables. Or, le lieutenant  ne témoigne d’aucune avancée depuis le 15 janvier.
Cette affectation est un premier avertissement que l’Anglais est bien obligé d’accepter sans protester. D’ailleurs, il s’agit probablement d’une banale affaire de toxicomane s’étant administré une dose trop forte en cette période hivernale.

— D’accord, chef. J’y vais.

Christopher découvre les détails de l’appel téléphonique qui lui parviennent à l’écran.
Au milieu de sa lecture, le capitaine Nills pousse à nouveau la porte de son bureau qu’il s’apprêtait à refermer.

— Et fais pas le con, c’est quelqu’un de chez nous qui a signalé le corps.

Nills referme sa porte dans un claquement sonore, laissant Christopher avec un air abasourdi. Celui-ci ne regardait déjà plus en direction de son supérieur ; il vient d’aviser le nom de l’appelante : Eva Walsh.
Merde. Une réaction spontanée pour un nom qu’il ne pensait pas entendre de sitôt. Leur rencontre dont il garde un souvenir aussi agréable que malaisé lui semble remonter à une éternité. Depuis il a frôlé la mort à maintes reprises, assisté à un horrible attentat, pactisé avec une justicière adulée qui s’est révélée une tueuse à gages (et la mère adoptive d’une barmaid étudiant pour rejoindre la PTS), appris que les Valkyries existent et que la vision du monde qu’ont les humains est erronée depuis les premières heures de la civilisation.
Christopher se rappelle un pari lié à son prénom et une bière, mais leur petite histoire lui paraît insignifiante en regard des enjeux qui pèsent sur ses épaules. Pire : la (trop) charmante Irlandaise avait purement et simplement quitté ses pensées jusqu’à ce jour. Comme la criminaliste a choisi d’appeler le central plutôt que le contacter directement, Christopher en déduit qu’il a pareillement quitté l’horizon de sa collègue après l’étrange numéro de séduction.



Parc Green Haven, Victory District, dix minutes plus tard

Une voiture de patrouille est déjà présente sur les lieux. Les agents ont établi un cordon de sécurité et demandé aux deux témoins (plus un compagnon canin) d’attendre l’inspecteur qui va arriver d’une minute à l’autre.
Un concert de sirènes fait rapidement écho à leurs paroles, amenant Christopher, d’autres agents de police, un membre de la PTS ainsi qu’une ambulance.
Après une rapide inspection de la scène macabre et quelques indispensables vérifications auprès de ses collègues, le lieutenant avise les témoins de cette sinistre découverte.

Les yeux de Christopher s’écarquillent en reconnaissant la silhouette d’Eva Walsh, aujourd’hui vêtue d’une tenue de sport qui épouse les plaisantes courbes féminines. L’étonnement passé, c’est un hochement de tête respectueux qui agite la tête du sportif.
Les lèvres du lieutenant se pincent en une moue réprobatrice lorsqu’il remarque ensuite deux policiers se livrant à une discussion enjouée. Leur sujet d’attention, visible à la trajectoire de leurs coups d’œil concupiscents et répétés, ne laisse planer aucun doute. Un sifflement de l’Anglais fait sursauter les fanfarons au moment où ils s’apprêtaient à parier sur leur succès respectif.
Christopher aurait pu s’en amuser lors de circonstances plus légères, mais un tel comportement le laisse incrédule alors que le corps sans vie d’un être humain gît à quelques mètres. Le vétéran de la police a vu trop de cadavres pour rester en émoi, mais il n’a pas encore atteint l’indifférence cynique de certains collègues (et espère ne jamais en arriver là).

Les tremblements qui agitent l’Irlandaise à la peau laiteuse ont d’ailleurs avivé l’empathie naturelle du lieutenant, qui décèle sur le visage blême et les orbites gonflées un trouble plus important que le froid mordant combiné à la découverte impromptue d’un corps inanimé.
Mu par une réaction spontanée, Christopher avance dans la direction d’Eva en commençant à retirer son épais manteau, qu’il prévoie déjà de lui glisser sur les épaules avec quelques mots réconfortants.
Après deux pas, les sanglots d’une adolescente attirent son regard bleuté et le policier se fige, en proie à un dilemme.

— Apportez-lui deux couvertures, voyez comme elle grelotte dans sa tenue, commande Christopher à un ambulancier qu’il hèle, bras tendu en direction d’Eva.

Les plus vulnérables en premier, telle est la règle que l’Anglais a toujours suivie dans le recueil des témoignages. Quel que soit le motif de son affliction, l’Irlandaise a la peau plus épaisse que cette adolescente serrant au bord de l’étouffement un petit animal. Oreilles baissées, ses gros yeux éperdus suivant l’agitation de son museau, la chienne semble en proie à la même confusion que sa maîtresse.

L’interrogatoire de Sidney dure plus longtemps que le policier ne l’aurait cru : après avoir expliqué en quelques mots les circonstances précises de sa lugubre trouvaille, l’adolescente se fend en longs commentaires sur la gentillesse de sa Iska adorée. Christopher se comporte en auditeur attentif, accueillant avec un florilège de sourires les interminables louanges sur l’animal dorloté. L’Anglais se hasarde à glisser une caresse sur le pelage soyeux, entraînant une réaction apeurée d’Iska qui mordille la main calleuse de ses petites dents. Un éclat de rire communicatif désamorce l’incident et soulage les nerfs des unes et des autres.
En quinze ans de métier, l’enquêteur a appris à reconnaître les personnes qui ont besoin de parler pour évacuer la peur et le stress d’un tel événement. La mort ne laisse personne indifférent, et une prise en charge humaine permet d’en adoucir l’impact psychologique. S’il est avant tout un homme d’action, Christopher sait aussi écouter lorsque les circonstances – et son humeur changeante – le permettent.
Au terme de leur entretien, Sidney lance un regard admiratif vers Eva et témoigne sa gratitude envers « la gentille dame qui nous a rassurées Iska et moi et appelé la police ». Tournant la tête dans la même direction, le policier répond sur un ton similaire :  « N’oublie jamais ce que cette dame a fait pour toi. Un jour, tu rencontreras peut-être une personne vulnérable dans une circonstance analogue, et le souvenir de cette rencontre te donnera le courage d’agir avec le même sens des responsabilités. »

Christopher laisse sa carte à l’adolescente, avec pour consigne d’appeler le commissariat si d’autres détails lui reviennent. Il appelle ensuite un agent de police, à qui l’officier demande de raccompagner Sidney et Iska à leur domicile en prenant soin d’informer le ou les parents de ce qui s’est produit.

Après un profond soupir, le lieutenant rejoint la sportive emmitouflée de deux épaisses couvertures.

— Bonjour, mademoiselle Walsh. Vous connaissez sûrement la procédure… il est important de recueillir votre témoignage le plus rapidement possible afin d’éviter les faux souvenirs. Plus vite nous aurons terminé, plus vite vous pourrez rentrer chez vous.

Un mademoiselle formel qui place Eva dans la position du témoin, non de la collègue.
L’attitude de Christopher, ni froide ni amicale, est difficile à décrypter. L’expression solennelle de son visage tranche avec l’humanisme bienveillant dont il faisait preuve un instant plus tôt.
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com/t166-christopher-hart-relati
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyDim 12 Aoû - 10:51


Parc Green Haven, Victory District, 27 janvier 2050 (en tout début de mâtiné)

Après l’appel au commissariat, Eva doit encore lancer un appel à la PTS pour informer de la découverte macabre qui retardera sa venue au travail. On lui demande de préciser les causes envisagées pour expliquer la mort. Elle ne peut se déterminer sur aucune cause de décès : mort naturelle, accident, suicide ou homicide. À cause de la neige, des branchages et des feuilles qui recouvrent en partie, elle n’a pas accès à l’intégralité du corps, mais il semble en un seul morceau. Aucune blessure apparente, pas de sang. Aucun objet singulier ne jonche le parterre alentour. Étant donné qu’elle est sur place, on lui attribue de procéder aux prélèvements si les circonstances du décès l’exigent. La criminaliste raccroche, les mains moites. Elle s’est gardée de préciser qu’elle connaît personnellement le défunt, si cela se sait, elle sera destituée des analyses. Mais elle ne pense pas que les circonstances de la mort – bien que tragiques – nécessiteront l’ouverture d’une enquête judiciaire. Lentement, elle se recule, puis se retourne pour rebrousser chemin. La mort de Will son Gardien de phare la plonge dans un état d’incrédulité et de chagrin, et ce chagrin se révèle plus profond que ce qu’elle aurait cru pouvoir éprouver pour quelqu’un d’extérieur à son entourage.

*J’aurais dû faire quelque chose pour lui…*

Sur le bord du chemin, Eva retrouve Sidney et Iska. Toujours choquée, l’adolescente renifle, sanglote par à-coup. Comme si par ce geste, la blonde peut couper court à son propre bouleversement, elle tire sur sa queue de cheval pour la réajuster. Elle s’assied ensuite aux côtés de Sidney et lui passe un bras derrière le dos pour entourer la jeune fille et lui presser délicatement l’épaule.
Ça va, ça va, la police ne va plus tarder.
Dans la chaleur de l’étreinte, Eva trouve autant de réconfort qu’elle ne cherche à en apporter. La jeune fille semble un peu s’apaiser.
Il faut que je vou-te pose quelques questions, Sidney… Est-ce que tu as touché le corps ?
L’ado secoue la tête, non jamais de la vie. La criminaliste lui demande ensuite si elle s’est beaucoup approchée ? Sidney ne sait pas trop ; elle s’est figée dès qu’elle a aperçu le visage aux couleurs cadavériques. Finalement, Eva lui demande si elle a pris quoi que ce soit sur les lieux ? Non. Comprenant que le vieux était mort, elle a sitôt hurlé, attrapé sa chienne et a déguerpi le plus vite possible. Elle a tellement eu la trouille que le mort bondisse soudain sur elle et l’agrippe comme dans les films d’horreur. L’Irlandaise accentue la pression sur l’épaule pour contenir la glaçante émotion qui envahit à nouveau Sidney. De son vivant, Will était un illuminé inoffensif. Combien il doit être peiné que sa mort ait donné une peur bleue à une enfant, songe Eva.

Très vite des patrouilleurs arrivent. Eva ne les connaît pas et apprend qu’ils sont en poste dans le commissariat du quartier. À l’un d’eux, elle transmet les informations recueillies auprès de Sidney. Le barnum des sirènes annonce l’approche d’autres renforts. Habituellement, la criminaliste arrive sur une scène de crime déjà circonscrit, avec la plupart des intervenants en train de vaquer à leurs fonctions. C’est la première fois qu’elle vit la mise en place depuis le début et le débarquement a quelque chose d’impressionnant malgré un déploiement à faible effectif compte tenu de l’affaire mineure. Au milieu des têtes d’inconnus, elle repère le médecin légiste – Dr di Lazio – qui a le ronflant tic nerveux de répéter deux fois les mots et les phrases, un photographe de la PTS dont le nom lui échappe et…
Des dizaines de milliers de flics à Europolis, et le croyez-vous, on m’envoie Christopher Hart..., marmonne-t-elle plus pour elle-même, tandis que Sidney et même Iska portent des regards curieux sur le policier qu’elle a nommé.
Il y a quelqu’un là-haut qui cherche à la faire tourner en bourrique. Tentative ratée, cependant, la passade Hart est liquidée ! Sidney lui arrache un sourire en remarquant avec spontanéité que l’allure de l’inspecteur lui évoque un panda. C’est vrai, si on y regarde bien, on peut déceler des traces qui lui assombrissent le contour des orbites. Pourquoi… non peu importe !

Après avoir rassuré Sidney sur le fait que maintenant, Iska et elle ne seront plus retenues bien longtemps, la criminaliste se rend vers le légiste et le photographe juste pour faire connaître sa présence au cas où ses collègues n’en auraient pas été informés en amont. Comme elle doit d’abord être à la disposition de l’inspecteur en charge, elle se contente de les suivre du regard, alors qu’ils prennent le chemin de la dépouille dans le sous-bois. Quels seront les constats sur le décès ? Will est-il mort abandonné dans le terrible froid de ces derniers jours, à chercher désespérément un peu de chaleur dans un abri de fortune ? Le vide se fait autour d’elle et elle plaque ses bras contre son corps, frissonnant d’un froid intérieur.

De leur expression éteinte, les yeux de l’Irlandaise reprennent peu à peu une lueur de conscience lorsqu’une voix lui propose une couverture. Elle essaie de s’en emparer, mais c’est comme si elle ne savait plus comment faire. Des bras l’entourent alors pour lui passer sur les épaules la, non, les deux couvertures apportées. Elle attrape les épais pans et lève ses iris pour les ancrer dans ceux de celui attentif à son désarroi.
Merci, murmure-t-elle, transportée par tant de prévenance. J’apprécie énormément votre double attention.
L’ambulancier comprend que la jeune femme s’est quelque peu méprise, mais la laisse croire, ne voyant pas le mal à profiter du malentendu alors qu’il remplit sa mission d’apporter du réconfort.

Repérant le visage stoïque de Hart se diriger vers elle, Eva déchante. Aussitôt, elle soulève les couvertures pour s’envelopper aussi la tête. Ainsi emmitouflée, elle doit avoir l’air bien ridicule. N’empêche qu’elle sera toujours moins ridicule qu’à se planter du tout au tout, parce qu’on la confond avec le souvenir d’une autre.
Bonjour..., répond-elle machinalement, alors qu’elle plisse les yeux, interloquée par les étranges simagrées de Sidney au loin derrière le policier.
De sa main libre, l’ado se cercle un œil avec ses pouce et index, puis lève le pouce avec un grand sourire. Eva ne capte pas trop le message, mais ça semble en rapport avec Hart, donc ça ne l’intéresse pas. Elle lève la main dans un geste d’au revoir et ses prunelles reviennent sur son interlocuteur, dont le ton impersonnel ne laisse rien transparaître. À se demander s’il la resitue autrement que par les renseignements qu’on a dû lui transmettre.
C’est trop tard, vous n’avez pas besoin de me rappeler.
Elle laisse planer un silence, assez long pour faire naître une ambiguïté dans sa phrase, avant de préciser :
La procédure. Je la connais déjà parfaitement, merci.
Elle connaît aussi la musique avec lui, toujours si pressé d’en terminer avec elle. Sans raison, ça a le don de l’agacer. Elle regarde autour d’eux comme pour prendre la mesure de toute l’effervescence.
Vous disiez.. les faux souvenirs ?

*Parlez pour vous !*

Elle s’oblige à ramener son regard sur lui, mais le quitte avec empressement pour lui désigner des endroits.
J’ai déjà dit l’essentiel dans l’appel pour signaler le corps. Mais bon reprenons, alors, je courais… là-bas, quelques mètres après le banc, quand j’ai entendu un cri de femme. J’ai regardé dans la direction du cri, de ce côté… ci. Moins d’une minute après, Sidney, avec Iska dans ses bras, sont sorties d’entre les arbres qu’on voit.. là. Je les ai rejointes. Sidney m’a indiqué le sous-bois. Visiblement, quelque chose là-bas les a chamboulées. Je m’y suis rendue et j’ai vu...
Au fil du récit, elle revit la scène et le choc de la découverte de Will remonte.
… Le corps.
Elle raconte qu’elle s’est ensuite approchée jusqu’à distinguer la lividité cadavérique. C’est là qu’elle a appelé la police. Elle s’apprête à en dire un peu plus sur le mort, à savoir qu’il lui semble que c’est un sans-abri du quartier, mais son attention est attirée par deux agents de police qui surgissent des arbres. Ceux-ci viennent à eux, et l’un informe Hart qu’aucune pièce d’identité n’a été retrouvée, toutefois, ça devait être un SDF en toute vraisemblance. L’autre tient dans ses bras un bac de scellés avec quelques affaires que le légiste a trouvées sur le corps lors de son examen. Selon les besoins de l’enquête, des analyses seront effectuées et sinon les affaires seront restituées aux proches, pour autant qu’on puisse les localiser. Pendant l’échange des policiers, Eva entraperçoit vite fait dans le bac des valeurs quelconques parmi lesquelles des jetons de sobriété et ce qui semble être… un stylo ?! La mine impuissante, elle accompagne du regard l’agent qui s’éloigne, emportant avec lui le bac. Un autre officier débouche du sous-bois pour interpeller Hart ; le légiste souhaite lui donner les premiers constats.

Plus lente à cause du risque de s’encoubler avec ses couvertures, Eva marche derrière Hart. Elle interroge le dos du lieutenant, peut-elle lui confier les informations qu’elle détient, qui, si elles peuvent aider à identifier plus rapidement le défunt, soulèveront également des interrogations compromettantes… Indécise sur tout, elle décide de garder la tête baissée sur la terre et ainsi se concentrer sur où mettre les pieds.
Ne commentez pas, pour les lunettes de soleil, lance-t-elle, histoire quand même de parler chemin faisant.
Les lunettes de soleil dont elle parle sont celles que porte di Lazio malgré que l’accessoire soit saugrenu en cette saison.
Il a récolté un pain lors d’une identification, raconte-t-elle. D’un mari qui a relâché la pression en constatant que ce n’était pas sa femme, celle étendue sur la table d’autopsie. Dans nos métiers, on subit des réactions parfois incontrôlables des gens. On n’est pas exempt nous non plus, vous en savez quelque chose. En tout cas, vous pouvez comprendre son embarras.

**********


Pub près du commissariat, 20 janvier 2050 (soir)

Donc selon Gold, ils forniquent tous les trois comme des perdus ? rebondit l’Irlandaise, alors que le lieutenant Travis –Trevor de son prénom, comme il lui a proposé de l’appeler – lui relate les circonstances de l’altercation entre Hart et Goldsmith.
Trevor hoche la tête en prenant une gorgée de sa boisson. Là-dessus, la jeune femme s’esclaffe.
Je vous en prie ! On parle de Monk, signale-t-elle, encore hilare.
On n’a pas idée d’imaginer Hart avoir pour part d’ombre une vie de serial noceur, à s’envoyer en l’air avec mère, fille et tant qu’on y est, pourquoi pas aussi avec la grand-mère? Elle veut bien qu’il ait des agissements déroutants – ou du moins, qu’elle qualifie comme tels –, mais ça n’a juste aucun sens de prétendre mener une vie ascétique, si ce n’est pas le cas. Personne n’exige de lui la frugalité d’un moine ! Au contraire, ne se moque-t-on pas plutôt de lui que l’on ne l’admire pour ça ?
Gold n’est pas sérieux. Ou il abuse des antalgiques : il plane !
Elle a beau s’entendre avec Goldsmith, elle ne le tacle pas moins, et en sa présence surtout. Ça reste bon enfant ; c’est en fait chez elle une marque d’affection.
Si un jour, Goldsmith envisage une mutation chez les profilers de l’unité des sciences du comportement, lieutenant Travis, faites n’importe quoi, mais faites quelque chose pour l’en dissuader.
Elle rit joyeusement en secouant la tête, les yeux en l’air. Non franchement, Gold est complètement à l’ouest s’agissant de Hart. À se demander s’il n’y a pas anguille sous roche, à savoir que Goldsmith craque sur Hart. Alors qu’elle se demande vaguement si elle ne projette pas, un officier en uniforme accoudé à côté de Travis s’invite dans la discussion, et remarque que pour sa part, il aurait été partant pour un plan à trois avec les Ward. D’ailleurs, poursuivit-il, on ne devine pas qu’elles sont parentes. Il décrit les deux femmes, mais Eva a cessé de l’écouter depuis qu’il a prononcé le nom des suspects innocentés. Le regard songeur de la blonde se pose sur le barman qui actionne la pompe à bière. La chope se remplit dans un bruissement, pendant que les méninges de l’Irlandaise s’ébranlent pour faire les liens entre l’interrogatoire des suspects de l'attentat et le téléphone chapardé au labo, la visite cet après-midi-là de Kate Ward, future recrue à la PTS, et le matériel forensique analysé qui portent les empreintes de la fille suspectée et de Hart. En pleine réflexion, elle entend Travis observer que Monk peut se taper que l’une des deux.
Grand bien lui fasse, maugrée Eva en regardant la mousse blanche de la bière frétiller.
Elle est plus encline à penser que Hart apporte son aide pour la beauté du geste. Toutefois, en repensant au soir de leur unique rencontre, s’il ne lui a pas donné l’impression d’être dans une relation, il ne lui a pas non plus donné l’impression d’être libre.
Gold ne pense pas à porter plainte, dites ? Il a un peu tendu le bâton pour se faire battre. Je veux dire, c’était malvenu de chercher quelqu’un sur ses coucheries après un effroyable attentat.
Elle lève son verre, en se tournant vers un policier qui était à côté d’elle depuis qu’elle s’est installée au bar et à qui le barman sert la bière. Il n’était pas intervenu jusqu’à lors, mais manifestement, il a suivi la discussion, ou des bribes du moins.
Ah non ? interroge-t-elle directement après que ledit policier ait dit qu’elle fait fausse route sur ce qui a déclenché la réaction violente de Hart.

**********


EPD commissariat central, 7 janvier 2050 (début de soirée)

Eva frappe à la porte qu’on lui a indiquée. Une voix à l’intérieur invite à entrer. Elle abaisse la poignée et pousse la porte. Elle découvre une table de réunion au bout duquel un homme semble éplucher un amoncellement de documents.
Bonsoir. Dr Walsh, experte criminaliste en chimie légale. C’est pour…
Elle s’interrompt. L’homme – le sergent Joshua Mason – s’est levé avec promptitude, en terminant sa phrase à sa place. Elle acquiesce de la tête, il l’a bien resituée, c’est en effet pour les analyses de son enquête. Comme elle débarque à l’improviste, elle lui dit qu’elle peut repasser. À un autre moment, où elle ne le dérangera pas au milieu de quelque chose. Avec un sourire qui appelle celui de ses interlocuteurs, Mason lance un « Ne filez pas, c’est la providence qui vous envoie ». Apparemment, elle lui fournit une bonne raison pour s’aérer un moment la tête. Il propose le café à deux pas du commissariat. Elle accepte, même s’ils auront plus rapidement fini en restant dans la présente salle. Avant de se rendre au café, le sergent la conduit vers un vaste office où parmi les bureaux se tient son poste de travail. En chemin, le téléphone de la criminaliste sonne. Comme elle doit prendre l’appel, elle demande dix minutes au sergent. Pas de souci, ce dernier lui fait signe qu’il va récupérer son blouson et qu’il l’attendra dans ce même couloir. Eva décroche, tout en cherchant une pièce inoccupée dans laquelle s’isoler. À l’autre bout du fil, un responsable d’une manufacture textile commence à lui rendre compte des renseignements qu’elle avait sollicités sur des articles qu’il confectionne.
Attendez un instant, je ne vous entends pas bien…
Elle pousse la porte entrouverte d’un bureau dont le siège orphelin de son propriétaire lui donne à croire qu’elle peut se permettre de l’emprunter un instant. Rapidement, elle referme la porte et se pose sur le siège, puis sort des profondeurs de son sac un bloc-notes, mais ne mettant pas la main sur son stylo, machinalement, elle pique un dans le pot à portée de main.
Voilà, dites-moi tout, je vous écoute.
Après avoir terminé la communication – riche en informations –, elle embarque précipitamment son bloc-notes. Elle ressort du bureau, alors qu’un peu plus loin dans le couloir le sergent Mason la rejoint avec une bonne humeur qui l’enthousiasme.
Merci d’avoir patienté, allons-y sergent, je suis tout à vous maintenant !

Dans le grand hall du commissariat, elle songe à ranger dans son sac le bloc-notes qu’elle serre contre elle. Elle remarque alors le stylo épinglé qui ne lui appartient pas. Elle le manipule, ne tiquant pas tout de suite d’où vient l’objet. Il est écaillé par endroit, mais elle comprend que le propriétaire l’ait conservé malgré tout. Ça doit être un cadeau, peut-être pour un premier jour de travail ou pour une réussite quelconque. En plus, il marche encore, puisqu’elle l’a utilisé pour tartiner des pages dans son bloc…
Ah mince, j’ai emporté le stylo du bureau, percute-t-elle en relevant la tête vers Mason.
Doivent-ils rebrousser chemin pour rapporter l’objet du délit ? Le sergent jette un coup d’œil audit stylo qu’elle lui brandit sous le nez. Il observe que le stylo a l’air d’avoir déjà trop vécu et de toute façon, il est certain que Hart ne se rendra pas compte de la perte…

*Nooooooooon mais c’est une blague !!?*

Le contrariant hasard n’improvise pas une rencontre fortuite, mais lui offre ça, une raison de le revoir aussi bancale qu’embarrassante !? L’Irlandaise éprouve soudain la sensation absurde que le stylo brûle si fort ses doigts qu’elle doit se retenir de ne pas le lâcher. De toute évidence, Mason ne compte pas faire demi-tour, déjà il lui parle d’autre chose. N’ayant prêté aucune attention, elle ne retrouvera jamais le bureau toute seule. Si elle remet le stylo à l’agent de faction à l’accueil du commissariat, qui la connaît, il pourra la dénoncer à Hart. Elle ne souhaite pas qu’un type qui ne la recontacte pas présume Dieu sait quoi sur son état de désespoir ou d’obsession derrière ce vol par étourderie. Jamais il ne va croire à une coïncidence malencontreuse, il va forcément s’imaginer qu’elle lui a piqué intentionnellement son stylo pour se fournir un prétexte ! Avec conscience de la sournoiserie du plan, elle décide de garder en otage le stylo jusqu’à la première occasion de le replacer discrètement d’où elle l’a enlevé. Mason la fixe avec curiosité, visiblement il attend quelque chose d’elle. Elle n’a rien écouté, mais comme ça marche un peu pour se sortir de tout, elle balance un « ah vous alors » en riant comme charmée par la plaisanterie, la proposition, ou peu importe quoi.




Dé action : Si réussite ===> Eva tombe des nues, le légiste a découvert des marques de piqûre sur un bras de Will.
Si échec ===> Eva continue de culpabiliser, la vague de froid a achevé le vieux Will.


Dernière édition par Eva Walsh le Dim 12 Aoû - 13:41, édité 3 fois
Revenir en haut Aller en bas
Master of Chaos
Master of Chaos
Admin
Messages : 2217
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyDim 12 Aoû - 10:51

Le membre 'Eva Walsh' a effectué l'action suivante : Lancer de dés


'Action' :
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Action11
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com
Christopher Hart
Christopher Hart
Protect & Retaliate
Messages : 3702
Célébrité : Jake Gyllenhaal
Alias : Stubborn
Métier officiel/officieux : Lieutenant de police / Combattant clandestin

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
Protect & Retaliate
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyJeu 16 Aoû - 22:05

Quand Eva Walsh relève ses couvertures à l’approche du policier afin de se soustraire à son regard, Christopher y voit un message clair : elle ne veut pas le voir. Tant mieux, se dit-il alors que son cœur se serre.
Toutes ses relations avec des proches se sont mal terminées. Son père tué en service, la fiancée d’un meilleur ami retrouvée morte d’une overdose après plusieurs années d’esclavage sexuel, son premier grand amour qu’il a abandonné pour veiller sur sa mère – morte peu après d’un cancer, Lauren assassinée avant d’être engloutie dans les eaux polluées du port, maints collègues tués, suicidés, meurtris dans leur chair et dans leur âme.
Certains jours, l’Anglais en arrive même à croire en l’existence des malédictions. Spécialement ces derniers jours, depuis que sa vision du monde a basculé. Une antique prophétie avait décrit le Crépuscule des Dieux, la fin du monde pour les Valkyries. D’ailleurs, le XXIe siècle est une foutue malédiction à lui tout seul. De mystérieuses entités, quelque part, s’amusent-elles à tourmenter les vivants en tirant sur les fils de leur destin ? Les Moires, les Nornes, les Anges du destin, Dieu, le karma, peu importe la représentation dont on s’en fait. Certaines personnes tirent néanmoins leur épingle du jeu, s’en sortent mieux que d’autres ou naissent avec les meilleures cartes. Si l’égalité des droits est une chimère, l’égalité des chances est un mirage. Pourtant, en tant qu’Européen que les guerres ont épargné, Christopher a conscience qu’il fait partie des privilégiés. Mais au sein de ce groupe de privilégiés, il fait partie de ceux qui naviguent en eau trouble et voit ses compagnons de bord sombrer les uns après les autres dans les abysses insondables de la mort et du chagrin.
Alors tant mieux si Eva ne veut plus voir cet officier de police avec qui le courant passait si bien. Qu’elle reste dans les eaux poissonneuses et tempétueuses où grouillent la vie et ses éclats, loin du réprouvé qui lui apportera seulement malheurs et déconvenues.

C’est trop tard, vous n’avez pas besoin de me rappeler. Christopher saisit l’ambivalence dans la réponse implacable de Walsh, qu’elle prend soin d’encadrer d’un silence calculé afin de marquer le flic au fer rouge. Une voix intérieure intime aussitôt Christopher de glisser une subtile répartie, le pousse à honorer l’intelligence de l’Irlandaise d’une façon qui rétablira peut-être une ébauche de sourire sur le joli visage affligé. Après l’entretien attendrissant avec Sidney et Iska, le cœur revivifié de l’homme en sursis insuffle force compassion et attention dans ses veines.
Une voix qu’il ignore. Un souffle qu’il réprime. Une force qu’il contient.

Christopher tire silencieusement un carnet de sa poche intérieure, ainsi qu’un stylo neuf dont il manipule avec gaucherie le bouton poussoir. Son dernier stylo de la police londonienne, auquel il tenait énormément, a disparu vingt jours plus tôt.
Le lieutenant note le témoignage d’Eva Walsh sans l’interrompre, associant chaque étape à la topologie des lieux grâce aux lieux désignés. Habitué aux propos décousus de civils ordinaires, il a rarement l’occasion de recueillir des faits énoncés avec une telle clarté et une telle précision. Malgré la singularité de la situation et l’émotion, elle garde le contrôle et l’aplomb comme une vraie flic de terrain, se dit-il en éprouvant à nouveau cet élan d’admiration pour l’Irlandaise. Grâce à son témoignage, il dispose ainsi d’un schéma qui, à défaut d’être joliment représenté, lui permettra de retranscrire avec exactitude le déroulement des faits.

— Un sans-abri, vous dites ? demande-t-il de façon rhétorique alors que deux policiers approchent.

L’un d’eux, ventru à barbe grisonnante, explique qu’aucun papier ne permet d’identifier le cadavre et avance l’hypothèse du sans-abri.
Christopher jette un œil à Eva, qui se voit ainsi confirmée dans ses impressions.

— C’est possible. S’il n’est pas clandestin, nous apprendrons bientôt son identité.

Le fichier européen des empreintes recense tous les citoyens possédant une carte d’identité authentique et raisonnablement à jour. C’est pourquoi les criminels brûlent ou coupent l’index de leur victime quand ils désirent freiner l’enquête.

— Un instant !
crie le policier au deuxième agent qui emporte le bac de scellés.

Les doigts de Christopher saisissent un plastique renfermant un lot de jetons de sobriété, qu’il examine en poussant un long soupir.

— Quel destin cruel. Cet homme a remporté un combat souvent difficile contre l’alcool pour connaître une fin sordide. À moins qu’il ait replongé juste avant de…

L’arrivée soudaine d’un autre agent interrompt la réflexion du lieutenant. Le légiste a effectué ses premiers constats et souhaite les partager avec le responsable de l’enquête.
Le regard tourné vers le messager, Christopher repose négligemment le sachet dans le bac, à l’endroit où repose un stylo décoré d’un emblème écaillé représentant la police londonienne.

— Je verrais tout ça au commissariat, lance-t-il en tournant brièvement la tête dans la direction du porteur de scellés.

Christopher emboîte aussitôt le pas de l’homme envoyé par di Larzo. Ses épaules tressaillent lorsqu’il entend derrière lui l’accent typiquement irlandais de Walsh – que l’émotion liée aux événements a renforcé.
En tant que témoin, la présence d’Eva sur le lieu du drame est devenue caduque. D’ailleurs, elle est même inappropriée.
Le lieutenant ouvre la bouche pour demander à l’Irlandaise de rentrer chez elle, mais les paroles de celles-ci lui avortent les mots qui se formaient déjà au fond de sa gorge. Christopher s’arrête subitement, le temps que le battement interrompu de son cœur irrigue à nouveau ses veines devenues bleuâtres. Walsh percute le dos musclé du policier, mais le policier n’y accorde aucune attention. Il vient de s’égarer dans les méandres de son esprit tourmenté, accablé de souvenirs lancinants.
Découvrir une paire de lunettes de soleil sur le nez du légiste l’aurait certes surpris, mais l’insinuation – sans doute involontaire – d’Eva le plonge dans un soudain désarroi. La perte d’une épouse, le geste de violence incontrôlable, tout cela résonne en lui d’une manière que l’Irlandaise ne peut concevoir. Pour de mystérieuses raisons, celle-ci ne cesse de le confronter à ses déchirures intérieures.

— En effet, je peux comprendre, souffle-t-il en adressant un regard triste à sa collègue. Rien n’est pire que la perte d’un être aimé.

Indésirable quelques secondes plus tôt, la présence d’Eva apporte paradoxalement à Christopher un réconfort qu’il n’oserait s’avouer. Un trou béant creuse douloureusement l’intérieur de sa poitrine, un vide et une culpabilité que rend plus supportable la proximité d’une personne ayant eu, le temps d’une rencontre, quelque attention à son égard.

— Mer…

— Lieutenant Hart ! coupe di Larzo, debout à une dizaine de mètres.

Les yeux cérulescents de Christopher se mettent à briller comme si l’appel de son nom le tirait d’un rêve lointain. Le policier oublie ses remerciements et rejoint di Larzo en quelques rapides enjambées, laissant sur place sa diligente collègue.
Le légiste s’accroupit à côté du cadavre, saisissant de ses mains gantées le bras gauche du mort pour exposer une série de piqûres à la vue de tous.

— Je dois procéder à une analyse toxicologique pour confirmer, mais nous tenons peut-être la cause directe ou indirecte du décès.

— On n’a pourtant trouvé aucune seringue ni sachet de dope dans le coin, intervient un policier qui préparait l’évacuation du corps.

D’un ton neutre, le lieutenant Hart prend la parole comme s’il prononçait un discours répété mille fois.

— Les toxicomanes préfèrent s’injecter leur dose à l’abri des tunnels, sous des ponts ou des porches, voire dans les toilettes publiques. Surtout l’hiver. Pendant quelque temps, variable selon les substances, le rythme cardiaque s’accélère et tout l’organisme est stimulé. Leur corps résiste donc mieux au froid. Mais lorsque l’effet s’estompe, la « descente » produit un effet inverse, proche du sommeil. Ce n’est pas sans raison qu’on appelle les toxicomanes errant dans les rues les « somnambules ». Dans cet état, le risque de mourir de froid est considérable, d’autant qu’ils n’ont plus conscience de ce qu’ils font. S’il est bien mort après un shoot d’héroïne, au moins cet homme n’aura pas souffert au cours de ses dernières heures…

Après un soupir las, Christopher se tourne vers Eva dont il ressent le vif émoi.
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com/t166-christopher-hart-relati
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptySam 1 Sep - 11:59


Parc Green Haven, Victory District, 27 janvier 2050 (en tout début de mâtiné)

Avec un rien de récrimination au fond des yeux, Eva n’a pu s’empêcher de chercher Hart. Allez savoir au juste pourquoi elle revient à la charge !? Le policier soutient son regard, la fixant de ses yeux bleus. Contiennent-ils une lueur de regret ? Et, dans tel cas, quel serait ce regret ? De n’avoir pas tenté de concrétiser des préludes prometteurs ou d’avoir joué à cœur joie avec une collègue ? Elle ne saurait dire ; elle fonctionne à vue avec lui ! Et si l’incertitude éveille l’imagination, certaine fois, celle-ci brime les désirs qui ne trouvent écho. Hart ne souffle mot, laissant s’installer un silence qui en devient alors éloquent. De deux choses l’une : ou leur rencontre ne l’a pas marqué, ou elle s’apparente à un souvenir confondu. En tous les cas, il ne semble pas la capter !

Comme pour enfoncer le clou, l’Anglais se munit de son attirail de prise de notes sans se départir d’un flegme imperturbable qui aurait fait la fierté de sa mère patrie. Les doigts de la jeune femme se crispent sur les couvertures qu’elle serre sur sa gorge. Si elle connaissait des incantations, sachez qu’elle lui aurait jeté pour sort de se brûler la langue à la prochaine tasse de thé ! Vexée, évidemment, qui ne le serait pas d’être zappé ? Toutefois, c’est de ressentir la déception qui la contrarie véritablement. Ce sentiment l’avertit d’une étincelle qui fait de la résistance, alors qu’il est mal à propos d’espérer quelque chose de cet homme-là. D’un mouvement de tête, elle se détourne du côté du sous-bois, ramenant aussitôt son esprit sur des interrogations qui en valent plus la peine.

Son visage me dit quelque chose.. avance la témoin avec une prudence qu’on peut prendre pour de l’hésitation. Un sans-abri qu’on croise dans ce parc, je dirais…
Eva se contrôle. Moins ses déclarations soulèveront de questions, moins elle s’incriminera par des réponses laconiques. Pour elle, à la langue sacrément bien pendue, devoir tronquer ses dires n’est pas naturel. Par jeu, elle pratique volontiers le bluff et l’ambiguïté, néanmoins, elle n’aime pas les secrets qui rongent, et elle a en horreur les mensonges qui ne sont ni pieux ni faits par plaisanterie. Fort heureusement, sa déposition se voit interrompre par l’arrivée de deux policiers dont l’un transporte un bac de scellés. Pour ne pas devoir prendre part à l’échange entre le lieutenant et ses subordonnées, elle essaie de ne pas écouter... À moins de deux pas d’eux, tentative immanquablement vouée à l’échec ! Mais on ne pourra pas le lui reprocher : l’intention y était. Se basant sur l’accoutrement et l’absence de portefeuille, un policier émet l’hypothèse d’un SDF. Le regard de Hart revient sur elle, auquel elle se dérobe. À un certain point, l’omission de mentionner les rencontres avec Will ne pourra pas honnêtement passer pour de la discrétion sur sa vie privée. Elle se convainc qu’elle ne tait rien que l’enquête ne mettra en lumière tôt ou tard. D’ailleurs, ne rend-elle pas service aux policiers qui, ayant du pain sur la planche, se préservent de la déchéance de l’avachissement ?

*La pente du crime ! Voilà que mon cerveau fonctionne à l'identique de celui d'un coupable. Je me justifie avec des arguments tirés par les cheveux et de mauvaise foi*

De crainte qu’on lui arrache des aveux, ses yeux fuient plus qu’à l’accoutumée. Suite aux paroles confiantes de Hart quant à une rapide identification du corps, ses traits se relâchent un instant. Elle s’interroge alors sur le nom de baptême ; Will n’étant sans doute qu’un diminutif ou peut-être un nom d’emprunt. Parfois, le clochard proférait des délires paranoïaques à propos d’un escadron de démons qui le traquait et dont il se cachait depuis des lustres. Il lui a également fait part des voix intérieures qu’il entendait et qui lui avaient confié la mission de faire sentinelle devant le parc Green Haven. Certes un peu excentrique sur les bords, pour autant, Will ne lui a jamais paru inquiétant. Subitement, le front d’Eva fronce, lorsqu’elle entraperçoit un objet qui lui semble familier parmi les affaires dans le bac.

*Le stylo que j’ai piqué… !*

Sa mine se décompose au fur et à mesure que le souvenir du don – dans l’intention du moins, mais qui s’avère du recel dans les faits – refait surface. Elle est tellement perturbée à l’idée que l’objet de son délit soit reconnu par son propriétaire légitime que son esprit médite sur les allégations de Hart avec mollesse. Pourtant, dans moins deux semaines, cela aura fait dix-huit mois que Will ne s’abîme plus à l’alcool. De semaine en semaine, il la tenait au courant de ses victoires avec fierté. Pourquoi tout d’un coup aurait-il rechuté dans ce travers ?!

Comme prise entre deux feux, elle hésite entre talonner le porteur des scellés ou rejoindre le légiste pour entendre les premières constatations. Instinctivement, elle se décide à suivre le mouvement du lieutenant. À aucune seconde, elle ne se dit que sa présence n’est pas justifiée à l’endroit où gît la dépouille. Pourtant, elle ne s’y rend pas en tant que criminaliste pour procéder à une inspection des lieux et aux prélèvements d’indices.

L’Irlandaise ne quitte pas des yeux un point quelconque dans le dos de l’inspecteur, tandis qu’un flot de pensées l’assaille qu’elle tente d’endiguer pour ne pas se mettre à table et ainsi libérer sa conscience. Un flic n’est pas un confesseur coulant. Si elle parle, elle devra rendre des comptes et lever le voile sur les zones d’ombre. Même sans être curieux, la bizarrerie d’échanges renouvelés entre elle et un clochard intriguera. À moins de mentir, elle ne peut pas dire qu’elle lui portait assistance pour le sortir de la rue. Will menait sa barque avec dignité, alors elle s’est bien gardée de le sonder sur sa situation précaire. Elle a eu l’impression de se taire par délicatesse, alors qu’en réalité elle cédait à la facilité.

*J’ai été en dessous de tout…*

Le silence doit convenir à Hart, cependant, la jeune femme ressent le besoin de meubler, histoire de sentir un semblant de connexion avec un autre être humain et de pouvoir, un instant, refouler le sentiment de culpabilité auquel elle est en proie. Le nez sur le chemin, elle parle des lunettes du légiste di Lazio, se lançant certainement dans un monologue. Le choix du sujet lui est venu sans réfléchir, mais elle le sent : pas sans raison. Par contre, elle n’arrive franchement pas à cerner ce qui lui reste encore en travers de la gorge. Juste que pour éviter une gaffe à Hart, elle n’a pas à tant s’étendre là-dessus. Alors derrière ce blablabla que voudrait-elle réellement lui dire ? La collision interrompt le fil de ses réflexions.

En d’autres circonstances – ou avec un autre que lui ? – sa vivacité aurait fait des siennes. D'abord, elle se serait reculée dans un réflexe énergique, puis elle aurait signalé qu’on ne se stoppe pas brutalement. Elle aurait dramatisé ou allez savoir quoi d’autres qui l’aurait amusée de jouer à ce moment-là. Sauf que là, elle ne bouge pas, n’ayant simplement pas envie de décoller son front et rompre ce contact inattendu… hélas fugitif, et donc bien trop insatisfaisant !

De l’appui dense et solide, le front d’Eva ne garde qu’un réconfort insaisissable, et vite dissipé. La voix de Hart est grave, ainsi qu’emplie d’une peine immense, comme son regard. Les paroles du fiancé endeuillé restent suspendues dans l’air entre eux, bien après qu’il les ait prononcées. Comme les mots s’éteignent en elle, elle reste là à le regarder fixement. L’autre soir, au pub, elle a entendu la version longue de la pièce tragique entre Christopher et Lauren… Elle aurait préféré s’en tenir à la chronique simpliste et à charge narrée par Goldsmith, dans laquelle Anders n’était qu’une perfide ripou et Hart un sombre imbécile. Elle passerait moins pour une affreuse d’être révoltée par la résignation qu’elle lit en cet instant dans son regard azuré. Comme s’il n’attendait plus rien de cette vie qui le retient malgré lui. Quel gâchis ! L’intervention de di Lazio l’empêche de dépasser les bornes en torpillant à boulets rouges un collègue. Si respirer dans l’attente de la mort botte Hart, qui est-elle pour lui claquer un veto ?

*C'est sa vie, pas la mienne*

Sans tarder, la criminaliste rejoint la troupe autour du cadavre sur qui elle ne pose pas immédiatement le regard. D’abord, elle essaie de puiser dans le détachement dont elle doit faire preuve dans son travail où seuls les faits scientifiques sont considérés. Si elle pensait aux victimes, comment s’enthousiasmer pour un résultat d’analyse, alors qu’il prouve des actes innommables ? Parmi ceux attroupés près du cadavre, le photographe est démangé d’immortaliser la fine équipe de la PTS, entre Walsh curieusement encapuchonnée et di Lazio avec son coquard apparent ayant dû glisser ses lunettes sur le bout du nez pour y voir clair. Sauf que l’atmosphère ne se prête pas à la rigolade.

Sous les pupilles de la chimiste qui s’agrandissent, le légiste expose les marques sur le bras aux manches retroussées de Will. Eva entrouvre la bouche pour protester avec véhémence ; ça fait bien dix ans qu’il a arrêté ! Un policier la devance. Puis d’un ton mécanique, comme un serveur guettant la fin de son service et devant réciter pour la énième fois une carte apprise par cœur, Hart déroule à l’attention de son collègue un scénario qui ébranle la jeune femme. Tout ce qu’il raconte est plausible, mais elle a l’impression que d’une certaine manière, il bafoue la mémoire de Will. Pourtant, alors même que son indignation gronde, elle sent croître son malaise. Que sait-elle des difficultés de survivre dans la rudesse de l’hiver, quand on n’a pas un toit sur la tête ? Tout brave qu’il soit, Will a pu craquer et chercher une échappatoire funeste. Le lieutenant termine sa leçon en présumant qu’il s’agit d’un shoot d’héroïne. Subitement, la colère et la détresse d’Eva s’apaisent dans un désordre d’interrogations. Hart vient de mettre en lumière un élément qui lui permet soudain de poser le doigt sur ce qui ne colle pas depuis que di Lazio a présenté le bras piqué.
Peut-on voir aussi l’autre bras ?
Le légiste la regarde, interloqué, mais s’exécute. Aucune marque récente ni de trace ancienne. De l’histoire qu’elle connaît de Will, il était un addict de la méthamphétamine. Cette substance, d’une part, se consomme rarement par injection, et d’autre part, est onéreuse. Comment Will aurait pu s’en procurer ? Pourquoi avoir opté pour un mode de consommation par injection ? Et si c’est de l’héroïne, pourquoi toucher à ça maintenant ? Où est le reste de ses affaires ? Il avait toujours son sac à dos. Et si ça allait si mal pour lui, pourquoi ne lui en a-t-il pas touché un mot la dernière fois qu’elle l’a croisé il y a de cela trois nuits ?

Le légiste apporte quelques autres éléments, plutôt anodins, mais dont il est certain, détestant avancer des faits non avérés. Avec le froid particulièrement glacial, il faudra attendre les conclusions de l’autopsie pour dater le décès. L’autopsie permettra également de préciser la cause première : l’overdose ou l’hypothermie. L’expert en cadavre informe le lieutenant qu’il lui transmettra les résultats des analyses toxicologiques et le rapport d’autopsie dans 3-4 jours. On s’attèle ensuite à emballer le corps dans un sac plastique, puis di Lazio surveille l’enlèvement à l’aide d’un brancard avant de monter lui aussi dans le fourgon qui se rend à la morgue.

**********


Bureau d’Eva Walsh, EPD commissariat central, 27 janvier 2050

Après être rentrée chez elle pour se changer, Eva se présente à son travail. Si elle accomplit ses activités avec attention, dans un coin de sa tête, un plan d’action s’élabore. Le seul moyen pour elle de se pardonner de ne pas avoir été là pour Will quand il a eu le plus besoin d’elle, c’est de faire toute la lumière sur sa mort. En l’état, l’enquête doit être reléguée dans les bas-fonds des priorités. Normal. Aucun élément à la connaissance des enquêteurs ne donne lieu de spéculer sur des circonstances suspectes, et donc de mandater des investigations plus poussées. Lorsque les résultats de di Lazio tomberont, ceux-ci ne relanceront sans doute pas l’enquête, et cette dernière sera classée en mort accidentel d’un SDF toxico. C’est peut-être réellement le cas, mais Eva aura toujours un doute, et ce doute va l’empoisonner. Elle n’a pas le choix ; elle va devoir raconter ce qu’elle sait. Or, si elle fait une déposition officielle, elle est certaine d’être renvoyée avec perte et fracas. Elle expire profondément, alors qu’elle sélectionne un contact dans son téléphone. Pendant que cela sonne, elle se mord l’index.
Hart, bonj- re-bonjour ! C’est moi, Eva. On s’est vu ce matin au parc, précise-t-elle pour être resituée, ayant donné seulement son prénom. J’aimerais vous voir. Êtes-vous libre maintenant, sur la pause de midi ?
Elle n’attend pas qu’il réponde à la question, au demeurant surtout rhétorique.
Dans une vingtaine de minutes, au même parc, ça vous va ? Je suis en chemin.
Pour ne pas mentir tout à fait, elle se lève de son siège et se rend devant son vestiaire. Tout en se préparant à sortir, elle poursuit sans temps mort pour ne pas lui laisser en placer une :
Je vous attendrai sous l’abri de bus, vers l’entrée par où vous êtes arrivé ce matin. Ne portez pas sur vous, votre insigne et votre arme ah mince je n’ai presque plus de batteries. Bon de toute façon vous avez tout, à tout de suite !
Elle raccroche et immédiatement, elle enclenche le renvoi automatique des appels vers sa messagerie. Elle range son téléphone dans son sac et termine de boutonner son manteau avec un sourire. Plutôt contente d’elle, la miss ! Dans le couloir, des collègues lui demandent si elle se joint à eux pour manger.
Pas aujourd’hui ! J’ai un rendez-vous à l’extérieur.
Au poste d’accueil, elle avertit qu’elle ne sera pas joignable durant l’heure qui suit.

**********


Parc Green Haven, Victory District, 27 janvier 2050 (midi)

Visiblement, la blonde arrive la première à l’abri de bus. Il y a trois bancs. Tous libres ; le bus vient tout juste de passer. Sans hésiter, elle pose son sac en papier et le porte-gobelets cartonné des boissons chaudes sur le bord du banc tout à gauche, celui que Will avait pour habitude d’occuper pour tenir son poste de guet. Elle s’assied, n’ayant plus qu’à attendre. Bien que douces pour la saison, les températures de la journée n’encouragent pas pour autant à manger dehors, mais il leur faudra faire avec. À cette pensée, elle lâche un ricanement. Ça va plaire à Hart, il n’aura pas besoin de chercher loin une raison de presser l’entrevue. D’ailleurs, s’il peut ne plus tarder… mais viendra-t-il seulement ? Il peut tout aussi bien lui poser un lapin après tout. Peut-être aurait-elle mieux assuré le coup en proposant la bière convenue, mais devoir attendre la fin de journée, c’est trop de temps perdu ! Et puis, le pari avait été gâché de toute façon…

Les pommettes d’Eva deviennent saillantes sous l’action d’un sourire ravi.
Vous savez vous faire désirer, vous ! accueille-t-elle, en s’étant levée, l’homme arrivé à sa hauteur.
Elle se rassied sur l’extrémité du banc, se demandant ce qu’il va faire. C’est un arrêt de bus, les gens qui sont ensemble ne s’étalent généralement pas afin de permettre au plus grand nombre de s’assoir.
Avez-vous pensé à les laisser dans votre voiture, votre plaque et votre arme, j’entends ? se renseigne-t-elle pour que tout soit en ordre. Soyez honnête, je ne peux que vous croire sur parole, puisqu’à moins de sauter les étapes, ça ne se fait pas, une fouille au corps lors du premier rendez-vous.. Vous êtes impressionné ? Eh bien oui j'ai fait des révisions sur les bonnes mœurs ! C'est que je compte bien redorer le blason de mes compatriotes et arranger l’image que vous devez avoir d’eux à cause de moi.
Dans un rire léger, elle se tourne du côté de son sac et en retire un sachet en papier sur lequel un grand E est délicatement entouré. Elle le garde contre son flanc, puis retire le second sachet avec dessus un C dans un cercle grossièrement dessiné. La lettre n’indique pas le contenu ; elle a pris deux commandes identiques. Sauf que pour son sandwich, elle a demandé une sauce relevée.
Je nous ai pris un sandwich chaud au bœuf, annonce-t-elle en lui tendant son sachet, contenant à l’intérieur sandwich, dessert et petite bouteille d’eau. Vous mangez bien de la viande ? doute-t-elle soudain. Sinon il y a toujours le dessert. Je peux aussi vous donner mon crumble… propose-t-elle sans trop parvenir à cacher que cela sera à regret.
Elle lui décroche un gobelet de thé chaud, tout en se demandant évidemment, s’il va choisir de rester ou de se barrer.

Revenir en haut Aller en bas
Christopher Hart
Christopher Hart
Protect & Retaliate
Messages : 3702
Célébrité : Jake Gyllenhaal
Alias : Stubborn
Métier officiel/officieux : Lieutenant de police / Combattant clandestin

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
Protect & Retaliate
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyDim 9 Sep - 10:00


Commissariat de Victory District, 27 janvier 2050 (fin de matinée)


Christopher joue avec le stylo usé qu’il vient de récupérer. Le lieutenant pensait avoir bêtement égaré son dernier exemplaire avec l’Union Jack écaillé sur fond de Big Ben. Ou avoir laissé tomber ce précieux souvenir quelque part à l’intérieur du commissariat, avant de finir dans une poubelle après le passage de l’équipe de nettoyage. Tous les flics du bureau connaissaient les stylos que seul l’ancien flic de Londres utilisait. Malgré la bêtise de certains collègues, aucun ne se serait amusé à lui dérober un objet aussi anodin. En effet, à l’exception de Lauren, Christopher n’avait jamais confié à personne la valeur sentimentale qu’il prêtait à ces reliques d’un passé révolu.
Quoi qu’il en soit, il ne s’attendait certainement pas à le retrouver, vingt jours après sa disparition, parmi les effets personnels d’un SDF retrouvé mort à Green Haven.

D’intenses sentiments ressurgissent de son âme égarée sur le chemin de la vie… une fois encore, le flic solitaire pressent que toute cette affaire tourne autour de sentiments.

Tout d’abord, les réactions de Walsh à l’encontre du malheureux SDF n’ont guère échappé à ses sens toujours à l’affût. En particulier l’expression émue, voire atterrée, de son visage rieur de nature, devant le cadavre qu’elle a insisté pour examiner de près. Par ailleurs, son embarras de voir son collègue britannique crevait les yeux, lui, un officier de police dont Walsh détient pourtant le numéro direct. Pour enfoncer le clou, le témoignage vague et laconique de la brillante scientifique sur cet individu contrastait sévèrement avec la précision chirurgicale de ses analyses et descriptions habituelles.
En quinze ans de métier, Christopher a appris à extraire les indices pertinents d’une enquête pour les lier entre eux. Il n’est pas dupe sur l’implication de l’Irlandaise, d’autant que celle-ci n’est pas aussi bonne comédienne qu’elle le pense – rares sont les personnes à ne pas surestimer leurs capacités en la matière.
Eva Walsh cache quelque chose. Christopher en a la certitude. Une affaire qui n’est pas anodine – sans quoi, elle aurait déballé toute l’histoire séance tenante.
Une histoire dans laquelle Christopher joue un rôle qu’il ignore encore, comme le prouve le stylo qu’il tient dans ses mains. Dans une enquête policière, les coïncidences sont rarement le fruit du hasard. Celle-ci est trop grosse pour en être une.
« Aucune empreinte exploitable », a statué le technicien que l’inspecteur s’est empressé de voir après avoir reconnu l’objet dans le bac. Logique : en raison de la finesse et la forme cylindrique du stylo, celui-ci reçoit uniquement des fragments d’empreinte digitale quand on le manipule. Mais Christopher devait tenter le coup, avec le maigre espoir d’y trouver non pas la marque du SDF… mais celle de sa pétillante collègue.

Comment son stylo a-t-il atterri dans la poche d’un miséreux vraisemblablement mort d’une overdose ? Une autre question taraude le lieutenant Hart avec plus d’insistance : pourquoi Eva Walsh a-t-elle fouillé dans ses affaires, après une brève rencontre où elle avait cherché à le séduire ?
Personne ne l’a d’ailleurs informé de cette intrusion – une blonde plantureuse ne passe pas inaperçue dans ces bureaux, surtout si elle rend visite au chaste Monk. Et quand elle ouvre la bouche… ses paroles percutantes tendent à occuper durablement l’esprit. C’est pour moi une ouverture à l’autre, d’entremêler nos langues. Christopher sourit malgré lui. Une feuille vierge expose mon ignorance. Il s’esclaffe, scellant sa bouche d’une main gênée. Walsh est le genre de femme qui laisse une épidémie de rougeole dans son sillage. De toute évidence, elle a agi avec la discrétion d’une voleuse, la ruse d’une espionne, la fourberie d’une… taupe.

Le cerveau bouillonnant de Christopher mobilise ses milliards de neurones jusqu’à accoucher d’une explication. Tel Archimède criant son eurêka, le lieutenant claque des doigts lorsqu’une théorie lumineuse émerge des brumes de son esprit tourmenté.
Eva Walsh n’a évidemment pas abordé un flic aussi austère et ennuyeux que Monk pour ses beaux yeux. Plus qu’une banale tentative de séduction, la jolie blonde lui a fait du rentre-dedans parfaitement ciblé, avec les arguments imparables pour susciter son intérêt et endormir sa méfiance. La criminaliste n’avait pas écopé de l’analyse sur la moto par hasard (dans le cas contraire, c’était l’occasion qu’elle attendait de pied ferme) et on l’avait suffisamment renseignée sur lui pour exploiter ses points faibles. Et dire que j’ai trouvé cette femme exquise, incroyablement attirante. C’était le but. Tomber sous son escarcelle comme un ado en période de poussée hormonale… ou un homme esseulé qui se languit d’une poitrine réconfortante où poser sa figure éreintée.
Qui donc tire les ficelles de cette marionnette à l’apparence trop parfaite ? Comment ces malfrats la tiennent-ils sous leur emprise ? Collabore-t-elle de son plein gré ? C’est qu’elle a semblé prendre un réel plaisir à leur rencontre… mais les manipulatrices de ce genre sont d’excellentes simulatrices, ou d’impayables joueuses.
La cause de la mort du malheureux SDF, dont les empreintes n’ont obtenu aucune correspondance dans la base européenne, fournit au policier une piste valable. Le narcotrafic ? La mise au point de nouvelles drogues ? D’ailleurs, le dossier de Walsh ne mentionne-t-il pas ses talents exceptionnels de chimiste ? Détail hautement suspect, sa spécialité concernant les fibres lui est venue de façon tardive – une couverture idéale pour une scientifique intelligente qui désire brouiller les pistes.

Les pupilles du lieutenant Hart se dilatent alors que le mystère s’éclaircit : l’Irlandaise lui a fait son numéro de charme parce qu’il avait déjà succombé à une autre sirène aussi perfide. Un pigeon idéal : célibataire, solitaire, incapable d’imaginer qu’une autre jolie femme de la police s’intéresse à lui pour l’utiliser ou le manipuler.
La foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit, n’est-ce pas ?
Très futé de leur part.
Mais pourquoi s’intéresser à lui de prime abord ? Une de ses enquêtes, peut-être, ou plus certainement à cause de ce qu’il est : un flic particulièrement dangereux pour la Pègre. Trop intègre pour se laisser corrompre, trop acharné pour s’encombrer de règles ou de morale lorsqu’il traite avec des criminels. Christopher ne leur a sans doute pas (encore) causé assez de torts pour justifier son exécution. À moins que sa bonne étoile – la médaille de Saint Martin offerte par sa mère – le protège comme un talisman contre le mal. Après tout, il aurait pu – et dû – mourir à plusieurs reprises au cours de ces dernières années, y compris de sa propre main. Un groupe de criminels avisés préfèrera l’utiliser pour éliminer la concurrence tout en l’éloignant de leurs activités.

La conclusion de Christopher tombe comme le couperet d’une guillotine : Eva Walsh est une nouvelle Lauren Anders – en moins jolie et plus machiavélique.

Le smartphone de Christopher se met à sonner, le tirant de sa réflexion. Tiens, tiens… La mère de l’humanité en personne, la tentatrice vêtue d’une feuille de vigne qu’un léger souffle suffit à emporter.
Son précieux stylo passe dans sa main droite, puis le gaucher porte son téléphone à l’oreille.
La voix énergique de Walsh parvient à le surprendre. Plus entreprenante que jamais, l’Irlandaise lui propose un rendez-vous au parc – une injonction plus qu’une invitation, en réalité.
Avec un léger retard, le sang de l’Anglais se met à bouillonner. Christopher en a assez d’être le jouet de scélérates. Alors qu’il cherche à aider son prochain et contribuer à un monde meilleur, des collègues le raillent, des « associées » comme les Ward le méprisent, des collaboratrices comme l’agent Fontaine le haïssent (un sentiment quasi réciproque), des âmes égarées ignorent les secondes chances qu’il leur donne (comme la petite Berkelay, sans doute) et, déception ultime, la femme de sa vie l’a berné comme un parfait imbécile.
Il arrive un moment dans la vie où la coupe est pleine, un moment où les tensions accumulées cherchent un exutoire. Aujourd’hui, en cet instant précis, Eva Walsh est à la fois la goutte fatidique et l’exutoire salutaire de Christopher.

— Qu’est-ce que… at-ten-…

La garce raccroche avant même que le lieutenant parvienne à formuler une phrase. Rougissant de colère, il claque brutalement son téléphone sur son bureau. Le modèle tout-terrain, adapté aux professions « à risque », encaisse le choc sans broncher.
L’instant d’après, Christopher compose le dernier numéro appelé… pour tomber sur une messagerie. Quelle saloperie d’emmerdeuse !
Nouveau claquement sonore, nouvelle résistance héroïque du téléphone malmené. Les doigts du policier aux idées meurtrières pianotent prestissimo sur sa jambe repliée, puis s’arrêtent soudainement.
Un sourire mauvais naît sur ses lèvres, un texto est envoyé à l’Irlandaise depuis le robuste appareil :  Je viens.


Parc Green Haven, Victory District, 27 janvier 2050 (midi)

Christopher surveille l’abribus depuis plusieurs minutes lorsque la blonde arrive, chargée d’un porte-gobelets légèrement fumant et d’un sac en papier kraft typique des repas à emporter. Trop volumineux pour une personne, évalue le policier. Soudain, il voit Eva ricaner sans raison apparente. Les poings du combattant clandestin se serrent par automatisme. C’est ça, fiche-toi de ma gueule. La taupe n’a guère aperçu le lieutenant, habitué à se fondre dans une cité qu’il arpente de long en large depuis une décennie. Sans doute s’imagine-t-elle déjà amadouer son pigeon de flic avec les graines d’une nourriture bon marché que Christopher vomit de toutes ses tripes. Je la laisse mariner deux minutes, puis j’y vais. L’Anglais patiente, scrutant les environs à la recherche d’éventuels complices.
Eva Walsh paraît si vulnérable, seule sur son banc, mais en même temps si dynamique et attrayante… c’est en parfait gentleman qu’il se dirige enfin vers la perfide Irlandaise.
À nous deux, darling.

« Vous savez vous faire désirer », dit la belle scientifique en se levant.
Eh bien, on sort l’artillerie lourde d’entrée de jeu. De moins en moins subtile, la succube, elle doit être aux abois. Christopher réagit avec un large sourire des plus avenants. Puis, de façon surprenante, il vient au contact afin d’étreindre chastement sa collègue. Poitrine contre poitrine, l’Anglais lui tapote doucement le dos tel un proche qui essaie de réconforter un parent ou une amie affligée.

— Je suis désolé… lui souffle-t-il à l’oreille.

Une fois séparés, Eva regagne sa place en l’interrogeant sur sa plaque et son arme, censées être restées au bureau ou à l’intérieur de son véhicule. Naturellement, elle se fend d’un commentaire badin apte à stimuler l’imagination des hommes et éveiller leur appétit – pour des mets plus goûteux qu’un banal sandwich.

— Vous avez ma parole, Eva, dit-il en haussant les épaules et levant les mains en toute innocence. Et vous êtes bien partie pour m’impressionner une fois encore, comme je l’ai été dans votre tenue de sport. Trop rares sont les femmes de science à renforcer leur corps par une activité physique intense et régulière.

Une parole sans aucune valeur, quand il la donne à une criminelle.
Les flatteries et la répartie équivoque s’accompagnent quant à elles d’un sourire explicite, presque sincère.

Christopher réprime une grimace quand l’Irlandaise lui décrit le menu qui les attend. Aucun goût, la miss Walsh. C’est ainsi que tu comptes « redorer le blason de tes compatriotes », en m’offrant de la bouffe de merde sous un abribus en plein hiver ?
L’Anglais accepte le sachet-repas avec émerveillement.

— Je suis touché que vous ayez pensé à moi. Toujours aussi précise et organisée, à ce que je vois. (Christopher désigne les initiales encerclées.) On dirait bien que je vais devoir vous offrir une bière, si vous connaissez les lettres suivantes. (Christopher sourit en tapotant l’index sur le « C » de son sachet.) Et soyez rassurée, le sandwich sous toutes ses déclinaisons est le repas numéro un du policier en service ! En revanche, permettez-moi de vous céder mon dessert. Vous avez mérité un peu de douceur après l’épreuve que vous avez traversée ce matin.

Après un rapide balayage du regard pour vérifier l’absence d’intrus à proximité, Christopher s’assied à côté d’Eva, suffisamment près pour que les manches de leurs vestes restent en contact permanent.

— Quelle délicate attention, dit-il en accueillant le gobelet de thé chaud. Sachez que j’apprécie certaines particularités irlandaises (votre accent vulgaire et vos perfusions de bière n’en font pas partie), mais comme vous vous en doutez, le thé est un rituel auquel je suis attaché (assis confortablement au chaud, c’est quand même beaucoup mieux). En plus, cela va tous deux nous réchauffer !

Le regard faussement discret qui parcourt l’anatomie d’Eva, accompagné d’un sourire éloquent, laisse planer une ambiguïté plus audacieuse qu’à leur première rencontre.
Est-ce pour cette raison que les membres du policier tremblent de façon erratique ? Ou cette étonnante agitation trouve-t-elle son origine dans le froid ambiant ?
Une longue période s’est écoulée depuis la dernière fois que l’Anglais a fait usage de séduction. Une arme réservée aux personnes infidèles, aux manipulateurs sans scrupule. Une pratique qu’il abhorre.
Déroger ainsi à ses nobles principes – de manière froide et calculée – le rend particulièrement nerveux. Mais un ras-le-bol fiévreux l’emporte sur ses réticences. Après tout, sa maladroite tentative est simplement l’affaire de mots et d’apparence, comme sa fausse liaison avec Fallon Ward. Christopher n’a aucune intention de poser ses lèvres sur une taupe nauséabonde qui cherche à obtenir quelque chose de lui. De quoi il s’agit, le flic compte bien le découvrir.
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com/t166-christopher-hart-relati
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyLun 1 Oct - 0:21


À cette heure de la journée, les trottoirs sont foulés par des gens en expédition vers leur pitance, et à la vue de tous ces passants vaquant à leur vie quotidienne sans se rendre compte qu’une âme du quartier n’est plus, l’Irlandaise se sent plombée de mélancolie et de regrets. Trois soirs plus tôt, elle a vu Will. Sur ce même banc. Comme à l’accoutumée, ils se sont changé les idées avec leur sujet de prédilection : les atomes. Puis le vieux savant a tenu à la raccompagner, malgré la courte trotte jusqu’à chez elle. Sans s’attarder le moins du monde, il l’a quittée au pied de son immeuble. Elle a alors présumé qu’il poursuivait sa route vers un centre d’accueil. Est-ce qu’elle aurait décelé les signes d’un grand malheur, si seulement, elle ne s’était pas avinée ce soir-là ?
Ah…
Eva plonge les mains dans les poches de son manteau, se rappelant soudainement le papier que Will lui a donné. Mais elle ne le trouve pas. Ni ses gants, oubliés certainement sur la commode à l’entrée de son appartement. Elle a passé la matinée en pilotage automatique, trop préoccupée, ou plutôt en proie à la culpabilité depuis qu’elle a découvert le tombeau de Will. Sur la surface froide du banc, elle repose ses mains comme dans l'espoir d'y puiser du courage. Si elle est impuissante à rattraper ses manquements passés, en revanche, elle peut ouvrir les horizons de l’enquêteur en charge du dossier de Will.

Et ça ne sera pas une mince affaire ! Non que la scientifique juge le lieutenant Hart comme un tire-au-flanc en lutte de tous les instants pour ne pas piquer du nez à force de se tourner les pouces. De façon générale, elle ne pense pas qu’on puisse postuler dans les rangs des forces de l’ordre avec le projet de s’aménager une planque de tout repos jusqu’à ses vieux jours. Et s’agissant de Christopher Hart en particulier, aucun doute que l’instinct de conservation de ce dernier doit lui prescrire le travail d’arrache-pied comme forme d’oubli de soi. En fait, la difficulté d’Eva ne réside pas tant sur ce qu’elle devra divulguer afin de motiver son collègue à plancher sur l’affaire du SDF camé que sur ce qu’elle devra lui taire...

*Pour sauver ma tête*

Mais pas seulement.

Soudain, une allure familière attrape l’attention de la blonde dont le sourire refait surface. Juste à la vue de son rendez-vous, un frisson de joie l’a parcourue qui a quelque chose d’exagéré. Tout de même, a-t-elle craint si fort qu’il ne vienne pas ? Elle ne peut s’accorder un instant de réflexion que déjà il arrive à son banc. Avec alacrité, elle se lève et une badinerie fuse d’entre ses lèvres. Visiblement au diapason de la bonne humeur, il lui décoche un beau sourire. Et sans crier gare, il l’attire alors contre lui !

La réaction d’Eva, bien que muette, n’en révèle pas moins la tension palpable qui la gagne. Dans cet étrange et inattendu rapprochement, elle respire sur lui l’odeur évanescente de l’air après l’averse. Dans un désir réprimé, ses mains trépignent de lui ôter les couches de vêtements. Au toucher, ses doigts s’étonnent de la sensation de fraîcheur hivernale, le croyant tout juste extrait d’un habitacle chauffé. Il semble qu’il n’ait pas trouvé de place où se garer dans les proches environs. Avec son macaron, elle n’a pas ce genre de tracas, profitant des places réservées aux résidents du quartier. Sa tempe est effleurée par les picotements taquins d’une barbe, alors qu’il se penche à son oreille.

*Monsieur, s’excuse-t-il pour le négligeable retard de quelques minutes ? Ou pour l’attente pendable de toutes ces dernières semaines ?*

Ceci dit, la manière non romantique dont Monk l’enlace ne lui échappe pas. C’est pourquoi elle n’a pas tourné la tête pour de ses lèvres lui effleurer le cou. Cela ne mènera qu’à gâcher la chaleur de l’étreinte que de déraper avec un homme qui se voue à un veuvage éternel. Sa tête s’abandonne contre son épaule, se disant que le flic se montre désolé et soutenant, comme l’aurait été Ryann s’il savait la mauvaise passe qu’elle traverse. À cette pensée, elle réalise combien son frère lui manque. Elle aurait pu lui parler de Will sans aucune crainte d’être en galère.

En tant que frère de substitution, est-ce que Hart fait l’affaire ? La réponse est non. Vous vous en doutiez, pas vrai ? Eva ne peut se mentir à ce point à elle-même. Jamais, une embrassade avec Ryann n’a instauré une intimité ambiguë entre elle et lui. Jamais auprès de ce dernier, il ne lui vient des visions d’eux basculant dans une position plus horizontale, à s’inviter à monter au ciel, de baiser en baiser…
Hart…
Sa voix trahit une intense fébrilité. Elle décolle sa tête et rive ses iris résolument dans les siens afin qu’il lise le désir qui l’anime. Sauf qu’un détail inquiétant surgit dans son esprit… Dites voir, dans l’état second où elle se trouvait en se préparant ce matin, a-t-elle pioché des dessous assortis ?

*Bon sang ! Eva !*, se gronde-t-elle pour l’indécence de ce moment d’égarement, alors qu’elle a le devoir de garder la tête froide.

… On n’en fait plus d’aussi sérieux que vous ! se moque-t-elle avant de poursuivre bavarde : Hart, vous en faites trop quand même. Je ne vous reprochais rien. Je devrais y songer cependant. Vous me faites beaucoup d’effet, comme bouillotte ! Et avec ces températures, toute source de chaleur est bienvenue.
Dans un mouvement naturel, la jeune femme s’écarte et fait opportunément volte-face le temps de se rassoir sur la surface froide du banc.

De retour aux affaires, la criminaliste Walsh demande au lieutenant s’il a bien laissé derrière lui les apanages de sa profession. Elle sourit à sa manière de répondre, notant qu’il l’appelle spontanément par son prénom. Elle n’a pas des rayons X à la place des yeux ; elle s’en tiendra à la parole donnée. Confiante sur son intuition en matière d’homme, elle ne doute pas que Hart est tel qu’elle le voit : ouvert, aimable et franc.
Ça doit être difficile de toujours l’être quand vous enquêtez. Honnête, je veux dire. Surtout face à un suspect, remarque-t-elle, songeuse sur son propre talent à débiter des mensonges dans le blanc des yeux.
Pour elle, ça ne serait pas de gaieté de cœur de devoir prêcher le faux pour savoir le vrai. Fort heureusement dans son travail d’expert criminaliste, la vérité se débusque face à des pièces à conviction, qu’on ne fait mentir que par incompétence à leur faire cracher le morceau.

A la flatterie sur sa pratique sportive, la scientifique se dit que son collègue l’observe mieux qu’elle ne s’en doute. Mais est-ce que cela signifie autre chose qu’une déformation professionnelle ? C’est un flic après tout. Peu de choses doivent lui échapper en temps normal, et encore moins sur les lieux de la découverte d’un mort.
Les seules contorsions mentales ne me comblent pas. Pour mon plein épanouissement, il me faut aussi m’abandonner aux vertus des activités physiques. Inventives, stimulantes et revigorantes. Mais je prêche auprès d’un converti, n’est-ce pas ?
Une lueur d’espièglerie brille dans les yeux d‘Eva autant que celle-ci danse sur sa bouche. Si elle badine, elle ne perd toutefois pas de vue son objectif. C’est court une heure !

En lui tendant un pique-nique, elle lui dresse le frugal menu. Il ne semble pas s’attendre à partager un repas avec elle. Peut-être croyait-il se débarrasser de l’entrevue en dix minutes, mais raté ! Toutes les minutes de sa pause de midi seront à passer avec elle. Il remarque la lettre griffonnée sur l’emballage. Elle tique alors sur l’implication de ce détail. Comme on lui a demandé comment distinguer les sandwichs, elle a machinalement donné leur prénom. Elle ne comprend pas bien pourquoi Hart rappelle la bière, d’autant qu’à sa façon de formuler, elle entend bien la corvée que c’est pour lui.
Je les connais, confirme-t-elle d’un ton plus sec que voulu.
Elle se revoit dans le bar où se retrouvent habituellement les policiers durant leur pause et à la fin de leur service. Le fameux soir au cours duquel des témoins du feuilleton Anders-Hart lui ont relaté tous les épisodes d'un point de vue plus objectif que Goldsmith.
Mais vous n’aurez pas à vous donner cette peine. Le pari est invalidé. Je n’ai pas deviné, on me l’a dit.
Le prénom a été prononcé dans une phrase qui lui a mis un petit coup dans le cœur. Elle s’entend à nouveau mugir le « NOOOOON ! » qui en a stupéfait plus d’un dans le pub. Elle avait plaqué ses mains sur les oreilles, mais c’était trop tard. Parmi ses trois choix, Christopher était pourtant le prénom sur lequel elle misait le plus.

Une sorte de confusion passe sur les traits d’Eva. Pourquoi Hart parle-t-il d’« épreuve » ?! Elle a déjà vu bon nombre de cadavres, et de plus terriblement amochés… Est-ce qu’il sait qu’elle connaissait personnellement Will ? Comment l’a-t-il deviné ?! Les données du fichier des empreintes doivent lui avoir renseigné sur la formation scientifique de Will. Mais le fait qu’un ancien microbiologiste devenu SDF traîne dans le parc où elle court, ne les lie pas forcément ensemble. Serait-ce à cause du stylo ? Hart aurait-il donc déjà examiné les scellés ? Elle n’aurait pas pensé qu’il se mette si vite sur l’affaire, présumant plutôt qu’il la laisserait de côté jusqu’aux résultats de di Lazo. Elle sourit. L’homme est parfait, elle n’a pas besoin d’intervenir, il est déjà chargé à bloc sur l’enquête !
Retourner le couteau dans la plaie, c’est votre façon de me rassurer ? Sans plaque, sans arme, dois-je encore vous rappeler que vous n’êtes pas en service, ici présent, avec moi ? rectifie-t-elle dans un sourire joliment boudeur.
Même si cela n’est peut-être plus nécessaire, elle préfère être claire : leur rencontre est un rendez-vous non professionnel sinon galant.
Donc mauvais choix de ma part. Je ne marque pas de points, regrette-t-elle avec une mine ennuyée qui n’est pas feinte.
Bon ! Comme ce premier rendez-vous ne conduira pas à d’autres, il n’a pas besoin d’être parfait à vrai dire.
J’espère au moins qu’il fera partie de votre top trois des meilleurs sandwichs de votre vie.
La nourriture vient d’une enseigne du quartier tenue par un père et son fils, avec qui elle a sympathisé. Elle s’y rend régulièrement le soir pour emporter le plat cuisiné proposé. D’habitude, elle parle de choses et d’autres avec le fils, mais elle l’a trouvé plutôt renfrogné aujourd’hui. Ça doit être un jour sans pour lui aussi.

L’Irlandaise décroche un gobelet de boisson chaude qu’elle tend à Hart. Elle prend aussi le sien pour profiter de la diffusion de chaleur et d’arôme. Le policier prend place à ses côtés. Il mentionne apprécier des particularités irlandaises en la dévisageant bizarrement… Alors oui, Eva a l’habitude que les regards masculins s’attardent sur son anatomie. D’ailleurs, ça ne la dérange pas, même si ça ne lui plaît pas toujours. Or si par le passé, Hart lui a donné l’impression de la trouver agréable à regarder, là on aurait plutôt dit qu’il a envie de la voir dans son plus simple appareil… et ça c’est quand même étrange !?

Elle repose le gobelet de thé à côté d’elle et commence à dérouler son sachet. Elle sort une serviette et son sandwich qu’elle déballe délicatement. Elle connaît la ferveur de Monk à courir au secours de la veuve et de l’orphelin. Mais est-ce que ce trip de chevalier a pour travers qu’il ne songe à prendre son pied avec une femme que s’il croit l’avoir sauvée des eaux ? Elle repense au téléphone de Ward mère et à la visite organisée pour Ward fille… Deux espèces de sauvetage qui ont dû bien le réchauffer tiens !
Vous ne savez pas ce que vous ratez. Mais j’accepte volontiers votre dessert, puisque vous aimez tant passer à côté des bonnes choses.
Elle mord dans son sandwich, le regard porté sur des gens qui attendent le bus sur le trottoir en face. Certes Hart pourrait lui sauver la mise, mais de se savoir attirante qu'en demoiselle en détresse la refroidit de faire appel à lui. Mais est-elle en posture de faire la fière ou la fine bouche ?
Avez-vous pu identifier l’homme de ce matin ? A-t-il encore de la famille que l’on peut avertir ?

Revenir en haut Aller en bas
Christopher Hart
Christopher Hart
Protect & Retaliate
Messages : 3702
Célébrité : Jake Gyllenhaal
Alias : Stubborn
Métier officiel/officieux : Lieutenant de police / Combattant clandestin

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
Protect & Retaliate
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptySam 13 Oct - 9:32


Se gardant d’interroger Eva sur le vrai motif de ce rendez-vous soudain, Christopher laisse l’Irlandaise mener la barque. Ou plutôt, lui donner le sentiment de mener la barque. Tôt ou tard, elle chavirera ou coulera avec l’aimant à malchance qu’elle a choisi (ou qu’on lui a désigné) pour cible. Si l’Anglais possède un pouvoir surnaturel, c’est bien celui de nuire à quiconque l’approche de trop près. Êtres chers, collègues, criminels et serpents, tous finissent par blêmir sous les coups impitoyables de l’infortune.

Forte d’un esprit pétillant qui l’impressionne toujours, la manipulatrice arrose son collègue d’éloquentes flatteries qui réchaufferaient le cœur des plus humbles, de savoureuses insinuations qui dresseraient le membre viril des plus chastes, d’amusantes paroles qui dérideraient les visages des plus bourrus.
Christopher, avec force regards appuyés et rires complices, feint le samaritain repentant, englué corps et âme dans la remarquable toile que l’araignée s’emploie à tisser. Ou menotté au cadre d’un lit par les mains expertes d’Eva, pour rester dans le ton. Il doit reconnaître à cette scientifique un talent sans pareil pour séduire les personnalités récalcitrantes et les attirer dans ses bras – entre ses pattes noires et velues, où ses proies innocentes et pleines de vie mueront succion après succion en momies desséchées.
Au grand dam de sa fierté blessée, le chaste policier doit également reconnaître que les fourmillements ressentis dans son bas-ventre ne proviennent guère de ses talents de simulateur.
Quelle honte.

Honte d’être encore un homme, malgré un célibat tristement assumé, et qui franchit un palier supplémentaire lorsqu’elle s’épand sur les difficultés à rester honnête face à un suspect.
Ou à côté d’une suspecte aux cheveux d’or qui nous déstabilise chaque seconde par ses lèvres audacieuses et ses paroles enivrantes.

— Vous n’avez pas idée, répond-il en plissant les yeux, laconique.

Curieusement, l’honnête policier n’éprouve aucune difficulté à mentir lorsqu’il revêt le masque de Stubborn. Stubborn est un personnage, un rôle, un costume qu’il endosse pour mener ses enquêtes. Une partie sombre de lui-même à laquelle il choisit de confier les rênes de temps à autre – pour le bien commun, se convainc-t-il.
En outre, il tient de ses origines anglaises un talent inné dans la pratique du bluff. Talent qui fut aiguisé au cours de sa formation à l’académie de police londonienne, en tant qu’outil indispensable pour « tirer les vers du nez », notamment obtenir les témoignages des témoins et les aveux des criminels. Tout comme le masque de combattant clandestin, le badge de policier est un accessoire de spectacle, l’arme de service est un sceptre de pouvoir, chacun l’autorisant à quelques écarts de conduite dans l’intérêt général. Si les douces paroles, les bouches en cœur et les thés sucrés étaient capables d’assurer l’ordre et la justice, cela se saurait.
Toutefois, dans cet entretien en tête à tête, corps collés l’un à l’autre, avec une collègue qui a prêté serment et s’emploie – avec une efficacité redoutable – à rendre la conversation hautement informelle, les scrupules et les relents de mauvaise conscience rattrapent le policier à la vitesse d’un cheval au galop.

Tel un écho aux tourments équestres de son interlocuteur, Eva se pose en cavalière passionnée lorsqu’elle évoque contorsions et activités physiques stimulantes. Si elle prêche un converti ? Elle n’imagine pas la fougue de ses rapports sexuels avec son ancienne compagne.
Comme maintes personnes d’apparence calme et réservée, Christopher couve une énergie et une hardiesse insoupçonnées qui se libèrent à diverses occasions. Face un ennemi, sur ou sous une amante, ses corps à corps déchaînent des instincts habituellement gardés sous contrôle. Des instincts entièrement dominés par la violence depuis la mort de Lauren. Ou presque.

— Vous n’avez pas idée, répète-t-il avec à l’esprit l’image de la blonde plantureuse en plein rodéo, dans une position de cowgirl.

Se sentant peu à peu acculé dans les cordes, Christopher replie les doigts vigoureux de sa main libre jusqu’à s’enfoncer les ongles – pourtant coupés courts – dans la paume calleuse. Ses oreilles dégagées virent au rouge, un rouge plus vif que l’afflux de sang en réaction au froid ambiant.
Les répliques venaient de façon tellement plus fluide lorsqu’il jouait avec celle qui était encore « miss Walsh » ! À vrai dire les mots sortaient naturellement de sa bouche, sans effort, comme le violon d’un orchestre lancé dans un dialogue harmonieux avec un violoncelle, lançant aux moments opportuns un allégro provocateur pour rythmer la conversation.
Je vais encore tout gâcher avec ces répliques insipides. Il faut que je réagisse, et vite ! s’encourage le piètre séducteur.

Ce qu’il fait. Ou tente maladroitement de faire en rappelant leur pari.
C’est une Irlandaise, elle sera forcément contente de parler bière.
Et les solutions de facilité fournissent rarement de bons résultats quand on souffre de malchance notoire. Christopher réalise bientôt que jouer sur le cliché séculaire d’alcoolisme patent le mène tout droit à une impasse.
Non seulement Eva lui répond sèchement, mais de surcroît, elle enterre définitivement le petit jeu sur leurs prénoms en concédant la défaite.
Eva Walsh, rendre les armes ?
Christopher fronce les sourcils, troublé par cette réaction inattendue.
Pourquoi ne saute-t-elle pas sur l’occasion pour mieux l’embobiner ? Si ce qu’elle avance est vrai, pourquoi ne ment-elle pas pour s’attribuer la victoire ?
Le policier en déduit la seule explication possible : Eva manœuvre habilement pour susciter chez lui un sentiment de culpabilité et se draper d’un manteau d’honnêteté. Ainsi, le flic négligent se sentira redevable pour le service qu’elle ne va pas manquer de lui demander, sans doute très bientôt, tout en le rassurant sur l’intégrité de sa captivante collègue blanche comme neige.
La prostituée immaculée à qui l’on doit une compensation. Très rusé, serpent.

— J’en suis profondément attristé, mais nous aurons sans doute d’autres occasions de nous livrer à d’autres jeux, ment-il avec moins de scrupules, maintenant que l’espionne vient de fournir une nouvelle preuve de sa duplicité.

Ne compte pas sur moi pour trinquer aux joies de l’exercice physique quand tu croupiras dans une cellule froide et humide, avec une hippopotame couverte de pustules pour te réchauffer.

Sûre d’elle, la garce rejoue la carte de la pauvre femme blessée que les paroles maladroites de Christopher affligent. Elle a beau afficher son sourire enjôleur, le policier ne s’y trompe pas.
Stubborn aussi ne porte ni plaque ni arme. Et pourtant, sale hypocrite, je t’assure que tu préfères avoir affaire au flic en service.

— J’implore humblement votre pardon. Le couteau est d’ailleurs un outil cruel que je n’emploie jamais, sinon pour beurrer mes tartines. (Une chance que tu sois une femme, tu goûterais à mes pains en pleine gueule.) J’essayais de vous témoigner un peu de gentillesse, mais vous êtes bien placée pour savoir que les hommes font souvent preuve de maladresse avec les (salopes manipulatrices) jolies femmes.

Christopher se demande si le sourire contrit qu’il affiche a l’air authentique ou ressemble au rictus informe d’un mauvais comédien au commencement de sa brève carrière.
Le visage réconfortant qu’il montrait à Sidney plus tôt dans la matinée, expression sincère de sa compassion et sa bienveillance, ne vient malheureusement pas sur commande.
Il songe un instant à poser une main hardie sur la cuisse toute proche de sa collègue, afin d’occuper son attention et occulter ses doutes éventuels. L’effet bouilloire, pour reprendre les termes de la scientifique. Mais l’idée le répugne trop pour passer à l’acte. Pire, il craint que cette sensation lui apporte du plaisir.
Plutôt caresser la jambe d’une lépreuse avec compassion que celle d’une traîtresse avec passion.
Titiller l’esprit badin de l’intrépide Irlandaise est sans doute le meilleur moyen de sortir de ce mauvais pas, en tout cas le plus acceptable. Après une longue inspiration, l’Anglais reprend sur un ton quasi théâtral :

— Si j’étais quelque peu retord, j’avancerais qu’un modeste sandwich fait d’autant mieux ressortir, par contraste, la délicieuse compagnie avec laquelle on le mange. Une compagnie plus exquise que le plus raffiné des desserts, dont le parfum suave ôte l’appétit pour tout autre mets. Et si j’étais vraiment retord, je tenterais de soudoyer cette même compagnie : un dessert classique pour un dessert extraordinaire, beaucoup plus appétissant. (Max examine sa compagne de banc avec l’intérêt d’un gourmet pour une magnifique pièce montée.) Si j’étais homme aussi entier et passionné, mon apparente modération résulterait de choix motivés par l’exigence. Passer à côté des bonnes choses pour se consacrer exclusivement aux meilleures.

Les lèvres de Christopher s’étirent à nouveau dans une expression amusée – authentique, cette fois. Sa poitrine se gonfle avec la fierté de l’orateur qui tient une foule sous son joug. Il n’espérait plus accoucher d’une répartie aussi satisfaisante.
Certes, le policier a dû puiser dans ses lointains souvenirs pour accoucher de cette tirade, inspirée d’un dîner au restaurant avec Lauren. Le genre de tirade que la majorité des femmes d’Europolis raillerait, à une époque où les subtiles joutes verbales à caractère licencieux appartiennent à un passé révolu, ringard. Or, l’Anglais sait qu’Eva n’est pas comme la majorité des femmes d’Europolis. Tout comme il diffère de ses congénères masculins. Il s’accroche à cet atout comme un joueur de poker à sa carte maîtresse.
Sans une ex-fiancée dont le cadavre pourrit au fin fond des immondes eaux portuaires, et si Eva n’appartenait pas à la branche détestable des odieux ripoux, l’indéniable alchimie qui existe entre eux aurait produit des étincelles. Des étincelles qui auraient allumé un feu ardent et alimenté maints débats – ébats – passionnés. Mais la vie est fondamentalement injuste et pour ne rien arranger, Chris a toujours eu la poisse. Depuis quelques années, il pâtit également d’un comportement délétère et d’une paranoïa qui alimentent les déconvenues et les conflits avec l’efficacité d’une gastroentérite produisant les diarrhées.

Ah, miss Taupe se dévoile enfin, se dit Christopher sans arrière-pensées vestimentaires, alors que la criminaliste s’enquiert de l’affaire en cours.
Le policier redresse son buste et relève le menton, tel un soldat discipliné au rapport. De façon surprenante, il parvient à tenir son gobelet de thé avec la grâce solennelle d’un centurion romain calant son casque de bronze sous le bras.

— Cet homme ne figure pas dans les fichiers d’Europolis, mais j’ai plusieurs pistes dont une très sérieuse. (Et cette piste sérieuse, c’est toi.) Soyez sûre que la modeste condition de ce malheureux sans-abri ne m’empêchera pas de tirer cette affaire au clair, au moins de mener des investigations jusqu’au bout. Sa famille l’a peut-être abandonné, mais pas moi. (Christopher marque un silence, l’éclat d’une détermination sans faille scintille dans ses yeux azurés.) Je pense réaliser des avancées probantes avant demain.

En cet instant crucial, le policier guette la plus infime réaction de sa collègue. Tout ce qu’il vient de dire est vrai, bien qu’Eva l’a sans doute compris différemment.
C’était le but.

— À ce propos, auriez-vous d’autres anecdotes à me communiquer sur ce sans-abri dont le visage vous était familier ? Sous le coup de l’émotion, il arrive qu’on oublie certains détails…

Voyons comment la taupe réagit à la pression de l’enquête, et ce qu’elle veut réellement.

Christopher mord dans son sandwich avec enthousiasme, hochant la tête dans une gratitude muette tandis qu’il mâchonne avec lenteur.
L’encas est aussi dégueulasse que dans ses souvenirs.
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com/t166-christopher-hart-relati
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyDim 11 Nov - 21:16


Pour un collègue qu’Eva Walsh n’a plus rencontré durant un mois, elle renoue avec le lieutenant Hart comme s’ils se côtoyaient régulièrement. Est-ce à cause des allers venus que cet homme fait dans ses pensées ? Ou peut-être simplement à cause des rapports décontractés qu’elle établit avec la gent masculine. Toutefois, elle ne s’attendait pas à ce qu’il l’attire à lui. Dans un contact qui offre un étrange réconfort et qui la questionne sur la nature de leur relation. Ni tout à fait amicale ni tout à fait romantique. Un entre-deux aux limites, couplé d’une tension intenable, à force de grimper d’un cran. Pourtant, s’enticher d’un collègue, flic de terrain, au lourd bagage sentimental, c’est prendre le train pour nulle part !

À leur première rencontre, et dans le feu de l’engouement, Eva sait qu’elle n’aurait pas hésité au grand saut, comme elle s’en était ouverte sur le pont. Ce soir-là, les éclats de panache de l’Anglais attisaient un charme indéniable sur elle. Depuis, elle est redescendue de son petit nuage. Le silence radio de Hart est une rebuffade qu’elle capte cinq sur cinq. Ce dernier doit se douter du défilé d’hommes qui tentent leur chance avec elle, alors une nana comme elle, on ne la délaisse pas dans la circulation, si l’attirance est réciproque. Les attentats du 15 janvier lui ont rappelé les affres de l’inquiétude à s’impliquer avec quelqu’un dont le travail le place dans le viseur de tueurs. Sans oublier le deuil impossible d’une fiancée dont le corps n’a pas été repêché.

*Avec Christopher Hart, le sauve-qui-peut est de rigueur !*

C’est la voix même de la raison… que la voix impétueuse du désir envoie au diable ! C’est alors tout à la fois désireuse et contrariée de voir Hart s’éloigner qu’Eva rompt leur étreinte.

Avec des gestes avivés d’entrain et de grâce, la jolie blonde se rassied en plissant son manteau. Machinalement, ses yeux d’un brun très clair se promènent sur les alentours. C’est une belle journée d’hiver. Le ciel, au matin encore, parsemé de nuages gris floconneux, s’est dégagé. Si plus aucune giboulée de neige ne promet de s’abattre dans l’après-midi, les températures hivernales n’encouragent cependant pas à flâner dans les rues. Avec le froid requinquant qui caresse les joues, il ne doit pas échapper au policier l’incongruité d’une rencontre à l’extérieur. Qui plus est, à proximité du lieu de la découverte d’un corps qu’elle a signalé. Or, Hart ne lui pose pas la question de but en blanc. La blonde se demande ce qui lui vaut cette absence de curiosité. Est-il inhibé par son éducation qui lui dicte d’accorder à l’instigatrice du rendez-vous le temps de l’éclairer par elle-même ? Ou alors, à côté de la fête de leurs retrouvailles, le reste sombre-t-il dans l’insignifiance ?

*Je prends à peine mes désirs pour la réalité !*, s’en amuse-t-elle tout en pinçant ses lèvres pour s’empêcher de pouffer ouvertement.

L’évasif – et non moins mystérieux – « Vous n’avez pas idée » de Hart revient en ritournelle, et l’Irlandaise s’interroge alors : est-ce la botte secrète du policier qu’il sert par paresse ou par esquive ?
Je n’aime pas rester dans le noir. Surtout quand ce que mes yeux voient me donne envie de faire mieux que d’imaginer vos prouesses, déclare-t-elle, pendant que ses mirettes redessinent le contour des larges épaules du policier.
En remontant du cou à la mâchoire, elle remarque la rougeur du lobe des oreilles de son collège. Cette manifestation de gêne l’avertit de lever le pied. Gare à ne pas s’emballer dans le flirt sans quoi elle va gâcher les bonnes dispositions du lieutenant ! L’heure tournant, elle n’aura guère de temps à perdre pour recoller des pots cassés. Selon à quand remonte la mort de Will, peut-être que les pistes à suivre sont déjà froides.
Je dis cela, en partie, pour solliciter vos conseils sur des mouvements à pratiquer. J’aimerais disposer de prises pour couper le souffle aux mauvaises rencontres, ramène-t-elle la discussion sur un sujet moins croustillant. Le jogging me garde en forme pour démarrer un sprint. Mais quand les choses se gâtent, parfois, il faut d’abord pouvoir se dégager.
Pensif, le regard de la criminaliste s’attarde sur les mains de Hart. Est-ce uniquement sur la corde sensible « Lauren Anders » qu’il se déchaîne sur quelqu’un ou est-il coutumier des excès de violence comme exutoire ?

Tour à tour, Eva remet à Hart un sac repas et un gobelet de thé. La série de gestes pour installer leur déjeuner accorde à la blonde un temps de réflexion pour servir une entrée en matière aux choses sérieuses. Elle doit la jouer finaud afin de tuyauter l’enquêteur sans lui dire vraiment ce qui peut la compromettre... A la mention du pari, elle se renfrogne, précipitée dans un accès de contrariété. Sans surprise, elle n’est pas en joie de concéder une défaite. Surtout qu’en l’occurrence, c’est tellement le comble de l’injustice ! Elle serait tombée dans le mile, si seulement il l’avait recontactée dans un délai acceptable. Sauf que pour cela, il aurait fallu qu’elle l’intéresse – en dehors de ses apports dans une enquête. Elle lui oppose un silence hostile, exaspérée plus qu’autre chose de l’entendre prétendre regretter et souhaiter de nouvelles opportunités.
J’entends comme un engagement de votre part. J’ai une bonne mémoire, Hart, je vous rappellerai ces belles paroles, s’exprime-t-elle finalement avec un sourire dépouillé de sa gaieté naturelle.
Compte tenu des sanctions qui lui pendent au nez, la voie de paria lui est toute tracée une fois rétrogradée à un travail de bagne dans un niveau oublié et poussiéreux du complexe de la PTS. La perspective de placer le bon chrétien dans le dilemme de démentir ses paroles sera son lot de consolation.

Si son avenir sur la sellette préoccupe grandement Eva, quels sont ses choix ? Elle doit à Will la paix de l’âme. De tout son possible, elle fera en sorte de contribuer à une arrestation dans l’éventualité de l’action d’une main criminelle. Et puis après tout elle a enfreint la loi, elle n’aura pas volé d’endurer une pénitence... À moins qu’elle puisse se passer d’aveux ? Hart laisse entendre qu’elle a été choquée par la découverte dans le parc. Certes la vue de cadavres, elle n’en raffole pas. Toutefois, le macabre ne la met pas non plus au bord de l’évanouissement ! Hart ne peut pas prendre une chimiste légale pour une petite nature, alors qu’insinue-t-il ? A-t-il identifié le SDF ? Sait-il l’identité précise de Will ? A-t-il pris contact avec la famille ? Y aura-t-il un proche pour s’occuper des obsèques ? Le corps devra-t-il être rapatrié, et si oui, vers quelles contrées ? Tant de questions qu’Eva ne peut poser sans déployer au préalable des subterfuges pour se couvrir. Aussi tourne-t-elle d’abord autour du pot, balayant au passage le froid que l’évocation du pari a jeté entre eux.
Votre maladresse continue de faire des siennes ! Ne vouliez-vous pas dire : avec les femmes qui leur mettent des folies dans la tête ?
Elle penche la tête sur le côté. Ses yeux noisette pétillent de malice. Elle blague, bien entendu, même si la part d’elle qui court après l’impossible désire toujours lui faire perdre la raison… L’air espiègle d’Eva s’estompe alors qu’elle aperçoit la crispation qui transforme en rictus le sourire du policier. A-t-elle encore poussé trop loin la taquinerie ? Avec les hommes, elle est plutôt douée pour lire entre les lignes, pour anticiper, pour rebrousser chemin avant de faire fausse route. Mais avec Hart, c’est comme si elle était une aveugle tâtonnant pour trouver la sortie d’une pièce inconnue encombrée de meubles.

Eva ne sait pas trop ce que le policier croit voir en la regardant. Une ressemblance fantasmée avec sa défunte fiancée ? Une demoiselle en détresse ? En tout cas, elle a passé l’âge de collectionner les impasses avec des plans foireux ! Décidée à cesser les badineries avec son collègue, elle accepte l’offre pour le dessert d’une voix, malgré elle, chargée de sous-entendu mêlée de reproches. Contre toute attente, le lieutenant se lance dans une tirade qui tout à la fois la désarçonne et la séduit. Elle sent son cœur battre à tout rompre, alors que le sourire avec lequel il ponctue la foudroie de désir.

*J’ai envie de toi !*, le fixe-t-elle avec une intensité qui exprime tout haut ce qu’elle a en tête.

Dans une précipitation qui trahit un élan, elle dépose ce qu’elle tient dans ses mains et se penche sur Christopher pour l’embrasser. Mais un sursaut de sa raison la sauve impérieusement de la claque du rejet. Ce matin encore, il ne la calculait pas ! Le subit intérêt qu’il lui porte n’est qu’une manifestation du manque de son âme de Sauveur. Les doigts d’Eva nouent les pans du vêtement dont ils se sont saisis. Elle se hisse un peu plus haut, cependant que sa bouche ne trouve pas celle de Christopher. Elle cogne alors leur front, avec un manque de douceur qui prouve – s’il est besoin – qu’elle a brusquement changé d’intention.
Vous n’êtes pas fiévreux, murmure-t-elle pour donner du sens à son action. Peut-être sonné, ajoute-t-elle d’un petit rire avant de sitôt plaisanter sur le moyen d’instiller du retors en lui. Vais-je devoir invoquer des démons pour qu’ils vous possèdent ?
Comprendra qui peut ! Elle-même suit difficilement le fil de ses pensées troublées. Elle décolle son front et reprend sa place ainsi que son sandwich. Vouloir l’embrasser a été une envie inconséquent compte tenu de l’enquête de Will en jeu.
C’est gourmand de ma part, mais je vise le meilleur sans bouder les bonnes choses qui font les petits bonheurs de la vie. Risquer l’indigestion m’effraie moins que de laisser filer une chance d’être heureuse.
Elle sourit, puis mord dans son sandwich qu’elle mange avec appétit, et non seulement parce qu’il faut se nourrir pour se maintenir en vie.

Sur ces entrefaites, Eva aborde l’enquête du SDF par une question dont elle attend simplement une confirmation, puisque Hart a évidemment identifié le microbiologiste de formation. C’est cette identification qui a permis au flic de déduire un lien entre le mort et la chimiste...

*Qu’est-ce qu’il me raconte !?*

Sur le visage d’Eva se peint une expression de perplexité et d’incompréhension. Les paroles du policier n’ont juste aucun sens ! Les pensées de la scientifique s’embrouillent. Que signifie l’absence de Will dans les fichiers d’Europolis ?! Quant à Hart, quel trafic lui prête-t-il avec Will ? Rien de bien respectable étant donné qu’elle a tu leur connexion, mais alors son gringue de tout à l’heure n’est que du baratin !? Eva sent sa gorge se serrer, tandis que Hart poursuit son laïus, parlant d’abandon, d’avancées probantes. Elle aurait dû apprécier la ferveur de l’enquêteur, mais elle sent fléchir sa confiance dans la vie que menait Will. À poursuivre la quête de vérité ne va-t-elle pas plonger dans le bourbier de la trahison ?

Le flic creuse… Il a parlé de plusieurs pistes dont une sérieuse… Était-ce à son attention ? Qu’a-t-il pu découvrir qui la rattache au mort ?
Je suis observatrice, mais les sans-abris ne sont pas vraiment des gens qu’on remarque.
Est-ce le stylo qui l’incrimine ? Trouve-t-on dessus ses empreintes ? C’est vrai que durant le temps en sa possession, elle l’a manipulé plus d’une fois.
On ne leur porte pas attention. Ils font partie du décor.
Le soir où elle a donné le stylo à Will, elle comptait s’en débarrasser dans une poubelle. Will l’avait trouvé spécial. Elle se rappelle avoir pensé que son propriétaire ne l’était pas moins… Le regard incertain de la jeune femme se pose sur son compagnon de banc.

*Me suis-je aussi leurrée à votre sujet ?*

À mesurer ses mots, elle a l’impression d’être à nouveau la témoin en déposition. Des souvenirs se reconstituent dans son esprit. Elle se revoit dans le parc face à Hart qui écrit dans son carnet, puis sur ce banc avec Will qui trace sur un papier. Le souvenir est si vivant que s’en est douloureux de le savoir allongé à la morgue. Sous ses yeux, le scientifique continue de noircir la page d’équations. Aurait-elle découvert des marques de rechute si elle lui avait remonté la manche ce soir-là ? L’image de Hart se superpose. Tiens, les deux hommes écrivent d’une manière qui se ressemble…
Vous êtes gauchers, lâche-t-elle percutant soudainement. .. Will était, le sans-abri, je me rappelle qu’il était gaucher. Et sur le corps, Di Lazio nous a montré des piqûres sur le bras gauche. Son bras droit n’a pas de marques, n’est-ce pas curieux ? débite-t-elle hâtivement avec au fond des yeux une lueur d’inquiétude.
N’y a-t-il pas un doute sur le fait que la main de Will ait injecté la dose ? Si un tiers a provoqué la mort, cela signifie-t-il que le SDF trempait dans des deals louches ? C’était déjà un écart de conduite difficilement justifiable d’avoir enfreint le devoir de réserve de sa fonction avec un microbiologiste SDF, mais c’est un summum de gravité de l’avoir enfreint avec un clandestin dont elle n’avait en réalité aucune garantie de probité.

Revenir en haut Aller en bas
Christopher Hart
Christopher Hart
Protect & Retaliate
Messages : 3702
Célébrité : Jake Gyllenhaal
Alias : Stubborn
Métier officiel/officieux : Lieutenant de police / Combattant clandestin

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
Protect & Retaliate
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyVen 16 Nov - 4:29

Christopher se réjouit de voir l’Irlandaise prendre de l’assurance, preuve qu’elle ne décode pas ses véritables intentions. Une stratégie qui lui vient de Stubborn, à moins que ce soit l’inverse. Laisser l’adversaire déployer son jeu, feindre la vulnérabilité, autant de moyens de renforcer la confiance de l’autre et le pousser à la faute.
Le policier se contraint de mener son enquête avec sérieux, mais il sent son alter ego confiné depuis une longue période cogner les portes de sa conscience, stimuler certaines parties de son corps qu’il préfèrerait laisser au repos. Chaque parole subreptice d’Eva renforce son double téméraire ; l’Irlandaise aux mots sucrés comme le miel se montre dangereusement prolixe.

Ce soir, j’irai combattre, se promet l’homme rongé par d’intenses pulsions. Dans son état, il sait qu’il ne parviendra pas à dormir et qu’une séance de sport intense ne suffira pas à calmer son trouble.
Christopher garde néanmoins une maîtrise suffisante de lui-même pour jouer le rôle qu’il s’est attribué, celui du fruit prêt à être cueilli.

— Je préfère aussi rester et agir dans la lumière. Je ne vois pas l’intérêt de se priver de la vue sous prétexte de stimuler les autres sens. Mais je digresse. Le cerveau et l’imagination sont des outils merveilleux, toutefois ils ne peuvent se substituer aux sensations du corps. Pour les gestes de défense comme d’autres mouvements, l’apprentissage passe par une démonstration et une exécution in situ. C’est particulièrement vrai pour les contacts rapprochés.

Comprends ça comme tu veux. Christopher, en tout cas, a d’autres images en tête que la pratique d’un sport de combat.

Le policier opine du chef lorsqu’elle mentionne son excellente mémoire. Une qualité qui te sera utile dans notre jeu de questions/réponses, entre les murs hermétiques d’une salle d’interrogatoire.

— Je crois qu’on parle aussi de fièvre au corps pour décrire l’effet que produit le sexe opposé. Une expression justifiée, si on se base sur le cocktail chimique que sécrète une personne en plein émoi, accompagné de gestes nerveux et d’une accélération du rythme cardiaque.

Exactement les symptômes que je manifeste en ce moment et qui ne doivent pas échapper à ton œil expert, maudite manipulatrice. Identiques à mon état avant un combat dans une arène clandestine. Cela en dit long sur la personne que je suis devenue. L’apprenti docteur diagnostique les mêmes symptômes chez Eva, ce qui l’interroge sur la sincérité – au moins partielle – de ses numéros de séduction.

Comme pour confirmer son analyse, l’Irlandaise se dresse subitement du banc pour… Christopher est tellement surpris que ses yeux s’écarquillent sans même esquisser un mouvement de recul.
Le combattant est habitué à esquiver les coups, le policier a depuis longtemps appris à se protéger des tirs. Mais l’homme n’est plus confronté à un visage féminin en quête de baiser depuis maintes années. À l’époque, il les cherchait goulument sur les délicieuses lèvres de Lauren sans jamais les éviter.
Une surface solide percute son front au lieu du contact doux et humide attendu.
A-t-il mal interprété le geste d’Eva ? L’influence croissante de Stubborn obscurcit-elle son jugement ? La scientifique revêt la tenue d’infirmière, statuant qu’il n’est pas fiévreux. Pourtant il l’est. En outre, l’inspecteur a interrogé un nombre suffisant de témoins pour reconnaître une fausse assertion et ce qu’on appelle communément « un maladroit rattrapage aux branches ».

Christopher s’accroche au bras de sa collègue, comme pour l’aider délicatement à se rassoir.
Ou l’en empêcher.
Il a éclaté de rire, hors de tout contrôle. Son premier témoignage naturel et spontané de sympathie depuis leur rencontre d’aujourd’hui. Christopher ressent un immense soulagement, comme s’il vient d’évacuer une tension rampante, oppressante.
Son oreille se fait plus complaisante envers la philosophie que lui expose Eva : viser le meilleur sans renier le bon, saisir chaque occasion de connaître le bonheur au risque d’attraper une déconvenue.

— J’admire votre raisonnement, dit-il avec sincérité sur l’instant. C’est une belle façon d’envisager la vie, mais compliquée à mettre en œuvre dans les relations humaines. Les blessures du cœur sont plus douloureuses et persistantes que les indigestions.

C’est quand même étrange, chez une personne qui s’adonne à l’espionnage et la manipulation. Quel bonheur attend-elle de sa collaboration avec une organisation criminelle ? Tromper ses collègues et vendre leurs secrets fait-il partie de ses petits plaisirs de la vie ?
L’attitude d’Eva a pourtant convaincu le policier de sa sincérité – sur cette déclaration, du moins.
Christopher ressent un léger malaise dans sa poitrine, comparable à un début de nausée. Le même malaise qui le gagne chaque fois qu’une enquête l’entraîne sur une fausse piste.

Tel un miroir de ses tourments intérieurs, le visage allègre de la jolie blonde se pare de perplexité et d’incertitude.
Se fait-il à nouveau des idées ? Pourquoi a-t-il l’étrange impression de synchroniser ses états d’âme et ses émotions avec cette traîtresse ? Possible traîtresse, se corrige-t-il. Malgré un faisceau d’indices compromettants, le lieutenant ne détient encore aucune preuve formelle de la culpabilité d’Eva.

La suspecte commence à répondre aux questions de son collègue sans apporter d’éléments nouveaux, rappelant la cruelle réalité des sans-abris auxquels si peu accordent d’attention. Malgré son engagement envers la population d’Europolis, Christopher ne leur apporte lui non plus aucune aide directe, bien qu’il combat certains maux qui les affligent – vols, drogues, agressions physiques et sexuelles, esclavage moderne. Une goutte d’eau dans un océan de misère, mais une goutte d’eau chargée de vie qui fait parfois la différence entre le rejet et la dignité.

La criminaliste poursuit sa réflexion, lâchant soudain un argument qui fait honneur à sa réputation de scientifique à l’esprit affûté.
Christopher claque des doigts avec enthousiasme – sa façon à lui de crier « Eurêka », puis se renfrogne sans préavis.
Si elle cherche à disculper ses amis criminels, pourquoi attirer mon attention sur ce qui apparaît désormais comme un meurtre ? Pour accuser une faction rivale ?

— Excellente observation, Eva, commente-t-il sans remarquer qu’il a relégué le « mademoiselle Walsh » de rigueur aux oubliettes. Remarquer ce détail chez un sans-abri qui fait partie du déco, pour reprendre vos paroles, ce n’est pas donné à tout le monde. Cet élément appuie la théorie d’un meurtre déguisé et appelle d’autres questions inévitables : qui aurait intérêt à masquer son crime de la sorte ? Pour quelle raison ? À quoi était mêlé ce pauvre homme ?

Et comment le stylo que tu m’as volé pour une raison inconnue s’est-il retrouvé en sa possession ?

— Je vais le noter, pour être sûr ne pas oublier ce détail important, dit-il en tirant son téléphone d’une poche intérieure.

Christopher n’a aucun besoin de noter cette information cruciale qui ne quittera plus son esprit jusqu’à l’épilogue de l’enquête. Mais il tient là une bonne excuse de vérifier les éventuelles avancées de cette affaire.
Le policier tapote l’écran tactile, se connecte au serveur de l’EPD, consulte ses dossiers. Un sourire apparaît sur ses lèvres lorsqu’il découvre une ligne inscrite en gras, datée d’une quinzaine de minutes.

Informations transmises par Interpol suite à la demande…
(Christopher passe directement au contenu : )
Wilhelm Morawski, né le 12 novembre 1999 à Cracovie, Pologne.
Chercheur en microbiologie, laboratoire Potchev, Varsovie.
Disparu le 25/12/2039, présumé mort d’une overdose.
Déclaré mort le 25/12/2049.


Suivent des renseignements supplémentaires sur la famille Morawski : l’épouse s’est mise en concubinage en 2047 ; deux filles : l’une fiancée, la cadette – étrange coïncidence – victime d’un accident de voiture le 23 janvier 2050.

Max relève la tête vers la chimiste accomplie. Eva Walsh, taupe pour la mafia russe ? L’Irlandaise fraîchement arrivée à Europolis ne présente guère le profil d’une Red Sparrow, mais Christopher est loin d’être un grand connaisseur des organisations criminelles internationales, dont les affaires incombent généralement aux spécialistes d’Interpol.
Dans quel nœud d’embrouilles ai-je encore mis les pieds ? La vie du policier n’a pas été si compliquée et dangereusement précaire depuis l’assassinat de Lauren, quand il errait dans les ruelles Europolis telle une âme en peine, un spectre vengeur à la recherche d’os à briser et de sang à faire couler.

Pour le moment, Christopher a surtout besoin de réfléchir.
Imitant sa collègue, il mord à nouveau dans son sandwich en espérant qu’elle lui fiche la paix quelques minutes. Si le goût insipide ne freine pas l’exercice mental auquel il se livre, il en va tout autrement de la voix suave et pétillante d’Eva. Plus difficile à ignorer qu’un moustique dans une chambre à coucher, plus agréable que le timbre monocorde d’une hôtesse.

Une fois le repas entièrement consommé, l’aimable Anglais remercie Eva pour « ce délicieux déjeuner » et sort son calepin d’enquêteur rangé dans une poche intérieure.
Les yeux fixés sur la blonde, un sourire mutin aux lèvres, il extrait ensuite son stylo à l’effigie de la police londonienne et place nonchalamment la pointe sur une page blanche.

— La technologie apporte de grands bienfaits, mais rien ne se compare au stylo et au papier pour regrouper les preuves et coucher ses idées de façon claire. Qu’en dites-vous, chère collègue scientifique ?

Comme Stubborn après les premières minutes de combat, Christopher ressent le besoin impérieux de quitter une posture défensive et brusquer son… ennemie ? alliée ? autre chose ?
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com/t166-christopher-hart-relati
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyVen 7 Déc - 16:21


Que la lumière soit, aurait pu claironner la belle Irlandaise sans crainte de détourner un ordre divin. Qu’on se le dise, elle possède un corps aux lignes voluptueuses, qui, sous la lumière alliée, prend les formes du rêve d’un homme ! Or si un instant, elle se laisse aller à s’imaginer aux prises avec Christopher, engagée sur un lit dans une lutte d’une nature totalement lascive, elle ne se leurre plus sur l’inévitable volte-face qu’il lui flanquera à un moment ou autre. Chez certains hommes, elle précipite la sourde envie de possession, mais lui n’en fait pas partie.
Vous êtes un homme de bons sens.
Et du bon sens, le policier n’en manque pas non plus, d’ailleurs elle compte dessus pour l’affaire qui la préoccupe. Cependant, le pluriel est délibéré, bien qu’à l’écoute, l’aveu de son désir ne s’entende pas. De toute façon concrétiser avec un homme qui tangue vers un autre temps, vers une autre vie, vers une autre femme, c’est la déception mutuelle au bout.
Je vous remercie pour vos avis éclairés. C’est donc d’un partenaire démonstratif dont j’ai besoin.
Ce dont elle ne manque pas dans sa cour. Si seulement l’un d’eux allumait la passion de leur arracher les vêtements cinq minutes après s’être dit bonjour…

La conversation se poursuit avec le policier qui continue à se montrer intéressé, charmeur et un brin nerveux. En somme, ce dernier lui envoie les signes d’une inclinaison ! Ce qui la perturbe, elle, plus que jamais vacillante sur le contrôle qu'elle a de la rencontre. Au détour d’un énième échange de flirt éclate au grand jour le contraste de leur tempérament. L’un plus échaudé, l’autre plus opportuniste. Avec leur approche différente de l’existence s’ébauche une incompatibilité… rapidement vaincue par la tirade magistralement déclamée qui remplit la soif d’accélération d’Eva ! Elle chavire, forcément. La tension accumulée se mue en élan passionnel. Elle se penche vers l’Anglais… et lui cogne le front sans ménagement. La vérité pour Will est en jeu ! Elle n’a pas le droit d’agir en dépit de tout bon sens, même pour en terminer avec une envie qui ne la quitte pas depuis le soir du pont. Elle raconte un peu n’importe quoi. Il rit. Sitôt regagnée par l’envie d'un baiser, elle se recule néanmoins. Il lui serre le bras ; est-ce pour la retenir proche de lui ou pour la repousser à sa place ? Le moment est confus, maladroit, étrange, et pourtant, nullement gênant.

Comme s’il est habituel de cogner le front de son interlocuteur dans le déroulement d’une conversation normal, la blonde ne s’embarrasse pas de plus amples justifications et reprend là où la discussion s’est arrêtée.
Je ne peux pas vous donner tort.
Elle esquisse un sourire triste qui se dérobe sitôt à la vue, alors qu’elle mord dans son sandwich. Perdre un être aimé du jour au lendemain et sans adieu n’est pas une blessure du cœur qui lui est étrangère. Ni d’ailleurs, celle de vivre à côté d’un homme ravagé par l’abandon de sa femme. Mais comme à chaque fois que les souvenirs liés à la disparition de sa mère remontent à la surface, elle s’en détache aussi sec, comme si ceux-ci n’appartiennent pas à sa propre enfance.
Mais la vie vaut la peine, non, qu’on essaie d’aller toujours de l’avant ?

Même si la blonde se sent s’appesantir dans ses vulnérabilités, elle n’a pas le choix de remettre la discussion au lendemain. Le lieutenant lui fait part qu’il n’a pas identifié le mort du parc. Le regard médusé de la criminaliste se porte au hasard des passants. En un instant, elle a la cervelle en capilotade. Elle ne comprend plus rien. Sa confiance en Will s’effrite à la vitesse de l’effondrement de dominos. Pire, sa confiance en Hart s'enfuit dans la même débandade. Pourtant, elle a besoin de faire confiance en l’enquêteur chargé de l’affaire. Si elle se confesse à lui, il tiendra dans ses mains son avenir professionnel.

Au milieu de ses élucubrations silencieuses, elle repense au stylo du policier. Seul objet qui l’implique, elle, et en fait Hart également. Elle se revoit avec Will dans ce qui s’avérera leurs dernières rencontres. D’abord, au retour de la soirée à la taverne des flics. Par dépit, elle avait voulu jeter le stylo, renonçant ainsi à son propriétaire. Puis, il y a trois soirs. Elle revenait d’une expédition imprévue à Coal District. En y repensant, Will s’était conduit différemment, plus nerveux. Si elle n’avait pas été embrumée par l’alcool et sa rencontre avec l’homme des docks, elle l’aurait questionné sur la raison de son agitation. Elle se souvient que Will était gaucher, ce qui sème un doute sur la main qui injecté la dose fatale. Son cœur bat de panique des dommages collatéraux si la théorie du meurtre se vérifie.

Hart souligne la contradiction dans les propos de la chimiste. Puis formule des interrogations qui tournent déjà en boucle dans la tête de cette dernière.
Allez savoir...
Elle serre les lèvres, jusqu’à se mordre. Non tant qu’elle veuille s’empêcher de parler, mais davantage par crainte de ce qui pourra se passer si au contraire elle prend la parole. Avec un clandestin drogué qui s’est fait assassiner, la violation du devoir de réserve d’une experte de la police scientifique devient d’une gravité cataclysmique. Son intégrité souillée, toutes les enquêtes sur lesquelles elle a réalisé une analyse seront compromises. Peut-être de manière irrévocable. Les avocats d’inculpés vont vouloir récuser les pièces à conviction qui sont passées entre ses mains.

*Les pires tordus vont être libérés à cause de moi !*

Le policier sort son téléphone pour noter que le mort était gaucher. Il semble qu’il ait reçu un message au contenu satisfaisant. L’Irlandaise n’y prend pas vraiment garde, sans quoi elle aurait sans doute spéculé que l’expéditeur était une Ward, la voisine ou dieu sait quelle veuve et orpheline secourue. Elle a d’autres chats à fouetter !

Pour n’avoir pas à parler, Eva s’efforce de continuer à manger. Mais alors le repas est englouti en quatrième vitesse.
De rien…, marmonne-t-elle platement à la suite des remerciements pour le repas.
Comme si elle finirait par le réduire à néant, elle compacte dans le creux de ses paumes l’emballage du sandwich. Ça ne va pas du tout ! Ils vont se quitter sans que rien n’ait avancé pour l’enquête de Will. Désormais, il n’est plus sage de se confier à un inspecteur sans se référer à un avocat. Toutefois, elle n’a véritablement pas d’autres options que de parler. Et cela même si elle ne peut plus compter sur un arrangement de dupes afin que sa faute ne s’ébruite pas hors des murs du bureau de sa hiérarchie.

Jaugeant Hart, elle cherche à reforger la confiance qui la décidera aux aveux. Tout d’un coup, il brandit un stylo, immédiatement reconnaissable. Durant plusieurs semaines, la scientifique l’a tournicoté. Parfois nerveusement, parfois distraitement, parfois pensivement. Elle baisse les yeux, comme pour envisager toutes les différentes réponses qu’appelle la question – insidieuse et qui ne doit rien au hasard – du policier. Le poing serré, son pouce esquisse machinalement le geste d’appuyer sur le bouton poussoir. Le doute n’est plus permis. Hart sait qu’elle lui a kidnappé ce stylo, qui a été retrouvé dans les poches d’un mort inconnu des fichiers d’Europolis. Il la soupçonne, et il la soupçonnait déjà en venant la rencontrer. Elle est sidérée. Lui qu’elle croyait une statue d’honnêteté personnifiée, il tente de la manipuler ! Une colère froide s’empare aussitôt d’elle. En soi, faire marcher ses interlocuteurs quand il le faut n’est pas un procédé scandaleux pour un inspecteur face à des suspects. N’empêche qu’elle n’aime pas réaliser que derrière la façade de séduction, il mène un interrogatoire.
Selon moi, cultivez-le. Ce côté old school fait partie de votre charme, dit-elle sur un ton distant.
Le flic cherche la vérité, peut-être. En revanche, il ne faut pas qu’elle s’attende à ce qu’il soit de son côté.
Mais vous vous fichez comme d’une guigne de l’opinion que je peux avoir de vous. Je ne vous ferai pas la comédie de ne pas comprendre où vous voulez en venir, lieutenant.
Par ces quelques mots, elle les réinstaure dans leur statut. Elle se lève et met à la poubelle les restes de son repas.
Nous savons ce qu’il nous reste à faire, décrète-t-elle. Suivez-moi, je connais l’endroit où nous pourrons embrayer plus sérieusement.
Si l’enquêteur a pu récupérer le stylo, c’est que le scellé n’est pas une preuve exploitable. Il n’a encore rien pour bâtir un dossier contre elle, hormis son flair de fin limier. Ce qu’elle s’apprête à faire ne sera pas réglo. Mais l’est-il avec elle, lui ? Un représentant de l’ordre qui cherche à lui soutirer quelque chose. Pour ce qu’elle le connaît au fond, elle ne peut pas exclure que ce ne soient pas des faveurs sexuelles. N’empêche que ce n’est pas son style d’être calculatrice et manipulatrice. Enfin, pas de l’être abusivement, du moins. Mettant de côté tout scrupule, c’est à l’hôtel le plus proche qu’elle le conduit. Et non chez elle, alors qu’elle habite à deux pas. C’est qu’elle a besoin d’une trace de passage pour le compromettre dans un délit d’intention.

Revenir en haut Aller en bas
Christopher Hart
Christopher Hart
Protect & Retaliate
Messages : 3702
Célébrité : Jake Gyllenhaal
Alias : Stubborn
Métier officiel/officieux : Lieutenant de police / Combattant clandestin

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
Protect & Retaliate
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyMer 12 Déc - 6:18

La vie vaut-elle la peine d’essayer d’aller toujours de l’avant ?
Christopher ne peut se résoudre à mentir sur une question aussi essentielle, de même qu’il juge inopportun de confesser ce qu’il a sur le cœur. Ses noires pensées couperaient sans aucun doute l’appétit – vorace – de sa collègue, en plus de ruiner la malhabile tentative de séduction dont il espère encore quelque résultat.
Il aimerait pourtant répondre par l’affirmative, mais un flic d’Europolis voit trop d’ignominies pour considérer la vie sous un œil invariablement optimiste. Quelles sont les perspectives d’une gamine contrainte à l’esclavage sexuel, ses petites veines irriguées de drogues, son jeune cerveau irrémédiablement atteint et son humanité réduite à néant ?
Même avant le décès de Lauren qui a considérablement obscurci son horizon, Christopher estimait que certaines vies ne valent pas la peine de continuer. Parfois, la mort est la meilleure porte de sortie, le seul moyen de tourner la page, le seul espoir d’un avenir meilleur.

Sa propre vie s’est figée le 10 juillet 2046. Le devoir et la satisfaction d’apporter une contribution positive à ce monde sont aujourd’hui tout ce qui le retient d’emprunter la voie rapide vers une existence plus agréable, l’autoroute vers le paradis ou un quelconque Eden agnostique.
Résoudre le supposé meurtre de ce sans-abri à qui peu témoignaient du respect et de l’importance s’inscrit dans cette vocation. Et déterminer le rôle que joue l’Irlandaise dans cette affaire, quel qu’il soit. Cette question cruciale l’obsède davantage que les vagues de désir s’échouant sur les hauts remparts de sa volonté.

La criminaliste botte en touche lorsque le policier souligne les éléments suspects du décès. Ignorance sincère ? Volonté de couvrir les coupables ? Autre chose ?
La « méthode douce » qu’emploie Christopher tarde à porter ses fruits. Preuve s’il en est du piètre charmeur qu’il est devenu, incapable d’inspirer la confiance suffisante à une collègue pour obtenir des aveux sincères.

Cet échec l’oblige à adopter une nouvelle stratégie, à surprendre la suspecte en lui montrant de façon fortuite l’objet qui la mouille jusqu’au cou dans cette affaire : le stylo Made in London, objet long et cylindrique, duquel sort une bille durcie quand on presse le bouton poussoir.
Le symbolisme aurait pu les faire rougir après les paroles évocatrices qu’ils venaient d’échanger, mais c’est une tout autre réaction que cherche à provoquer le lieutenant de police.
Et il l’obtient.

Cette Irlandaise est une coriace à sa façon, mais enfin son vrai visage apparait.

Certes, Eva Walsh ne craque pas. Christopher avait envisagé – espéré – entendre un timide « Lieutenant Hart, il y a quelque chose que je dois vous dire… » au moment de griffonner sur un bout de papier, une main réconfortante éventuellement posée sur son bras.
Néanmoins, la timidité paraît aussi absente de la séductrice que le remords chez un psychopathe après un meurtre sauvage. Elle commence par le rabrouer, puis voilà qu’elle l’invite dans un hôtel pour « avoir de l’intimité » ! Et y faire… ce que font les hommes et les femmes depuis l’ouverture des premiers lupanars, ou des aveux dans un contexte privé et sécurisé ?

— Je suis lieutenant de police, réplique-t-il aussitôt, je ne vais nulle part sans mon arme et mon badge.

Rencontrer une suspecte sur un banc public est une chose, foncer dans un traquenard les mains vides en est une autre. Car le policier redoute le piège – plus qu’il ne le flaire. À vrai dire, il ne sait plus quoi penser de cette collègue atypique qu’il regrette au moins autant qu’il apprécie d’avoir rencontré.
Une curieuse malédiction semble le condamner à ressentir une attirance physique et émotionnelle pour les femmes merveilleuses à l’extérieur, mais pourries de l’intérieur.

Se sachant compromise par le stylo qu’il vient de dévoiler, cherche-t-elle à user de ses charmes pour endormir sa vigilance, le conduire à un point de chute où l’attendent ses complices – ses commanditaires ? Ou désire-t-elle au contraire se confesser dans un lieu clos, sûr et informel ?
Dans les deux cas, Christopher sait qu’ils se dirigent vers le dernier acte de cette étrange comédie.

La blonde ne conteste pas les exigences de son collègue qui l’entraîne dans sa voiture garée à proximité. Au moins, ce dénouement inattendu permet à la criminaliste de vérifier que l’Anglais avait tenu parole, laissant à l’intérieur de son véhicule ses précieux attributs d’officier de police.

— Vous savez, c’est assez courant, des policiers qui rencontrent des témoins… ou des suspects dans ce genre d’endroit, tente-t-il durant le court trajet qui mène à l’établissement hôtelier, tel un pêcheur lançant un hameçon et priant que ça morde.

Sans oublier les flics qui s’envoient en l’air avec des amants réguliers ou occasionnels, s’abstient-il d’ajouter, bien que cette dernière pratique soit loin d’être exclusive aux forces de l’ordre. Et c’est sans doute pour cette raison que tu connais bien l’endroit, se convainc-t-il en jetant un coup d’œil à sa charmante passagère.

Comme pour confirmer les soupçons de l’inspecteur, c’est avec un sourire entendu que l’agente d’accueil, une jeune femme au maquillage excessif, accueille les deux célibataires de l’honorable police d’Europolis.
Ou un sourire hypocrite d’employée à qui on a graissé la patte pour leur attribuer une chambre précise – celle où des complices attendent avec impatience. C’est pourquoi Christopher prend les devants, exige une autre chambre que celle proposée et choisit lui-même parmi les chambres disponibles. Si le policier se considère en territoire hostile, il n’a pas l’intention de sauter à pieds joints dans une fosse hérissée de pics.
Au moment du paiement, l’officier écarte un pan de sa veste pour montrer son badge de l’EPD et ordonner l’absence de mention dans le registre. Il ajoute un petit supplément au paiement en liquide en guise de « pourboire ». Et paye-toi un maquillage plus subtil, tu ressembles à un clown pas drôle, se retient-il de commenter.
Lorsque la jeune hôtesse leur souhaite un bon après-midi, Christopher a l’impression d’entendre une autre chanson en rapport avec des galipettes sous les draps et une sortie du lit en fanfare.


Chambre 312, troisième étage. Une porte verrouillée au moyen d’un passe magnétique. Facilement piratable, mais le policier méfiant devra s’en accommoder.
Une fois à l’intérieur, il invite Eva à prendre ses aises puis étale un linge sur le sol, devant le pas de la porte. Grâce au frottement induit, c’est un moyen simple et discret d’en gêner l’ouverture. Suffisamment pour l’alerter et lui laisser le temps de réagir.

Une fois sa besogne accomplie, Christopher quitte le petit renfoncement de l’entrée, accroche son manteau à une patère mais garde sa veste. Celle-ci contient tout ce qui importe – téléphone, papiers, badge – en plus de masquer le Beretta suspendu à un holster d’épaule.
Il retrouve la scientifique dans la pièce principale, à la fois chambre et salon. À ses petits gestes nerveux et son visage contrarié, le flic remarque aussitôt son embarras. Se sent-elle perdue, à présent que son pigeon de flic a contrarié ses projets ? Ou hésite-t-elle encore à passer aux aveux ?
La scène en elle-même offre un étrange retournement de situation : c’est Christopher qui se sent dans son élément à l’intérieur de cette salle d’interrogatoire officieuse, et non la femme qu’il soupçonne de fréquents rendez-vous galants dans cet hôtel bon marché.

Son corps d’homme trop longtemps abstinent lui suggère d’associer l’utile à l’agréable, de saisir cette belle occasion et céder à une tentation parfaitement naturelle. Quel risque court-il, tant qu’il reste sur ses gardes ? Le célibataire n’a d’ailleurs aucune raison de faire durer le plaisir – celui d’Eva, avant le sien propre. Il lui suffit de se vider les couilles, comme disent poétiquement ses collègues masculins.
Cette dernière pensée répugne tellement Christopher qu’il en perd toute envie de coïter avec Eva ou n’importe qui d’autre.
Quel genre d’homme serait-il en s’abandonnant à des pulsions étrangères à toute morale ? En utilisant pour les assouvir une femme trompeusement consentante ? Un ribaud semblable aux criminels qui entraînent Europolis dans la débauche, un vicieux qui se donne l’apparence d’un policier respectable. Certainement pas le Christopher Hart dont ses parents pourraient être fiers. « Les crapules baisent, les gens bien font l’amour », plaisantait-il avec Lauren au début de leur relation, quand l’assouvissement frénétique d’un désir brûlant caractérisait leurs ébats quotidiens. Aujourd’hui aigri et radical, Monk en pense chaque mot.

Le policier demande à sa suspecte de s’assoir sur le lit. Lui reste debout, le dos appuyé contre le mur situé en face. Son ton est ferme, mais « gently » britannique. L’implication d’Eva Walsh reste à déterminer, sa culpabilité reste à établir.

— Maintenant que nous sommes seuls, je te laisse une dernière chance de me dire la vérité, annonce-t-il de but en blanc. J’en ai assez de jouer, de ne pas savoir à quel saint me vouer te concernant. Tu as raison de croire que je me soucie peu de l’opinion que les autres ont de moi, y compris à l’EPD. Mon boulot consiste à découvrir la vérité et veiller sur eux… sur tous ceux qui le méritent ; pas à devenir populaire. Je t’ai fait la promesse d’aller jusqu’au bout de cette enquête et je sais que tu ne m’as pas tout dit. Quelque chose te lie à Wilhelm Morawski, le sans-abri d’origine polonaise.

Max sort à nouveau le stylo londonien d’une poche intérieure, qu’il agite sous les yeux observateurs d’Eva.

— Et à moi, puisque c’est le stylo qui a disparu dans mon bureau. Stylo que tu as immédiatement reconnu et qu’on a retrouvé dans ses affaires. Si des criminels font pression sur toi, tu as ma parole que je ferai le maximum pour te mettre hors de danger. Tu es de la maison et tu es une personne intelligente : tu sais donc que les bonnes intentions ne suffisent pas toujours. Mais c’est le mieux que je peux t’offrir. On le doit à cet homme, à sa famille, et au serment qu’on a prononcé en nous engageant dans la police.
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com/t166-christopher-hart-relati
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyMer 26 Déc - 3:33


Hart reste muet. Un silence éloquent. Eva l’observe. Il a sur le visage l’expression d’un vague à l’âme incurable.

*Il n’a pas tourné la page…*

À cette pensée, elle ne peut s’empêcher d’être attristée. Elle entrouvre la bouche pour lui parler du temps qui finit par refermer toutes les plaies. Comme si les mots d’une collègue qu’il connaît à peine peuvent l’apaiser… Elle croque dans son sandwich. De toute façon, il les connaît déjà ces phrases que d’autres – plus à leur place qu’elle – ont dû maintes fois les lui seriner.

Dans le silence qui s’éternise entre eux, la sensation de froid semble redoubler, aussi Eva se décide-t-elle à le rompre. Elle lance alors le sujet sur l’affaire qui les a remis en relation, avec l’impression d’avoir une enclume sur la langue. Pour le moment, elle ne ressent aucun mépris de la part de son collègue, et elle doit bien l’admettre, garder l’estime de ce modèle de respectabilité lui importe beaucoup. Pourtant, on ne peut pas dire que la chimiste se soucie de ce que la plupart de ses collègues pensent d’elle. Ça lui est égal de froisser les susceptibilités en donnant toujours l’image d’être sûre de son fait et la plus compétente en toutes circonstances. La confiance qu’elle a en son savoir scientifique tient de la haute opinion qu’elle a de son jugement. Or, si elle a pu monumentalement se tromper sur l’homme qu’était Will, en quelles autres occasions a-t-elle encore failli ?

Elle a manqué de prudence ; va-t-elle devoir le payer cher ? D’une entorse à la déontologie dont elle croyait pouvoir s’amender en acceptant une mise à l’écart le temps de rentrer à nouveau en grâce auprès de sa hiérarchie, la criminaliste redoute désormais une imprudence aux conséquences désastreuses. Pourquoi un esprit criminel aurait-il éliminé Will ? Le SDF a-t-il fuité plus loin les analyses dont elle avait discutées avec lui ? Comme à un confrère, elle lui a fait part des cas épineux qui la travaillaient. Pour un scientifique qui n’était plus en activité, Will a gardé un esprit affûté et une pertinence dans ses observations. Qu’en est-il aussi des confidences sur le projet sur lequel elle travaille en sous-marin ? Tout en engloutissant son sandwich et ses desserts, Eva se remémore le contenu de toutes les informations qu’elle a divulguées à Will. Elle ne se souvient pas d’une seule fois où elle aurait senti qu’il forçait des révélations. Il se contentait des éléments qu’elle mentionnait sans jamais demander davantage de détails. C’est ce qui lui a inspiré une confiance grandissante au fil de leurs échanges.

Dans l’engrenage infernal du doute, Eva est aussi tenaillée d’incertitudes à l’encontre du lieutenant Hart. Avec le stylo, cherche-t-il à faire peser une menace sur elle ? Lui faire comprendre qu’il la tient. Elle plonge son regard dans le sien, cherchant à deviner ses intentions avec elle, et surtout si lesdites intentions sont indignes d’un représentant de l’ordre. Mais peut-elle se fier à ce qu’il laisse transparaître maintenant qu’elle le sait doué à bien cacher son jeu ? Tout est brouillé entre eux. En outre, si elle est supposée comprendre le caractère raisonnable des suspicions à son égard, en vrai, elle est juste en boule que leur première étreinte se soit établie sur un mensonge. Il ne joue pas franc jeu avec elle, et après, il espère d’elle des déclarations qui lui porteront le coup de grâce ? La croit-il folle – de lui – à ce point !?

C’est dans l’ignorance de l’étendue de crapulerie dont Hart est capable– en effet a-t-elle affaire à un pourri fini ou à un simple connard qui tire avantage de la situation ? – qu’Eva lance une invitation à se rendre dans un endroit qui permettra plus d’intimité. Même si elle n’est pas coutumière du procédé pour instaurer un deal licencieux, son bon sens l’incline à parier que le non-dit est le mot d’ordre. Elle s’est levée, inutile de davantage traîner. Hart émet une condition.

*Genre vous ne les avez pas déjà sur vous, à d’autres !*

Craint-il qu’elle se carapate en découvrant, oh surprise, qu’il lui a menti sur toute la ligne ? Elle a envie d’émettre un ricanement, mais ça serait l’instruire que le désaper n’entre aucunement dans ses desseins. Elle le suit curieuse du ridicule tour de passe-passe par lequel il va récupérer des affaires qu’il porte déjà sur lui. Ils atteignent la voiture du lieutenant…

*C’est quoi cette histoire, pourquoi a-t-il accédé à ma demande ?!*

Comme si elle a besoin de tirer une dernière bouffée avant de se résigner à écraser sa cigarette, Eva marque un temps devant la portière. Sauf qu’elle a cessé de fumer dès qu’elle était partie à Dublin pour ses études. À vrai dire, elle n’a jamais vraiment aimé ni le goût ni l’odeur. C’était simplement une provocation – aussi pathétique que vaine – à l’adresse du Dr Walsh. Elle tourne la tête en direction du banc qu’ils ont quitté. Will se préoccupait qu’elle boive trop. Elle a pensé que cette attention était dictée par l’expérience des addictions qu’il combattait. Mais il lui a répondu qu’il trouvait normal de suppléer à l’absence de son père et qu’il priait pour qu’un autre homme puisse se montrer aussi concerné envers ses filles. Elle a alors pensé que même physiquement dans les parages son père ne se serait pas soucié outre mesure d’elle… Quelle égocentrique ! Elle aurait dû bondir pour questionner Will sur sa famille. Pourquoi n’était-il plus avec ses filles ? Vraiment elle devrait reprendre la cigarette, se dit-elle, toujours interdite de constater que Christopher Hart a tenu parole. Elle aurait eu quelque chose à faire avec ses mains et surtout, elle aurait affiché une désinvolture qu’elle ne ressent pas. Le flic est armé et dieu seul sait s’il la conduira réellement à la destination qu’elle lui a communiquée. Elle ne monte pas moins dans le véhicule.

N’imaginez pas qu’Eva Walsh se mette dans de beaux draps par goût immodéré de sensations fortes. La belle compte vivre aussi longtemps que sa santé tient bon ! Cependant, certaines situations vous obligent à prendre un risque. Sans parler que Hart n’a rien à gagner en ne la conduisant pas à l’hôtel.

*T’en sais rien, c’est peut-être tripoter des macchabées qui le fait grimper au rideau*

Elle va vite être fixée. En voiture, l’établissement n’est qu’à petites dizaines de minutes. Elle se rassure sur son sort en voyant le policier prend la bonne direction.
Vous m’en direz tant, lieutenant, lâche-t-elle, ironique. Quelle vie vous faites mener à vos femmes, vous autres policiers ! Entre le veuvage ou les cornes, leur cœur doit balancer à chaque appel au milieu de la nuit.
Un sourire passe sur les lèvres d’Eva, trahissant un amusement mal à propos. La compagnie d’un vil inspecteur ne devrait lui procurer aucun plaisir à converser. Elle garde la tête tournée du côté de sa propre vitre afin de couper court à tout échange.

C’est ici, nous sommes arrivés, à l’hôtel, énonce-t-elle un chapelet d’évidences.
Elle appelle de ses vœux de subir un sermon de la part de Monk, des fois qu’il aurait mal compris en fait le type d’endroit dont elle lui parlait. Ça suffisait à Eva qu’ils soient devant l’hôtel. Lui le lieutenant de police et elle une potentielle suspecte dans une enquête dont il a la charge. Elle peut le menacer d’un délit d’intention dans l’éventualité où elle aurait besoin de recourir à un moyen de pression pour le dissuader d’être trop curieux. Sauf qu’il entre à sa suite…

Hart la dépasse pour les annoncer à la réception. L’Irlandaise éprouve un froid dans son cœur malgré la chaleur qui l’a enveloppée en pénétrant dans le bâtiment. Elle hallucine ou il a réellement l’intention de leur prendre une chambre ?! Jusqu’à cet instant critique, ses convictions à propos de Hart menaçaient seulement d’être pulvérisées d’un seul coup, mais elle gardait un espoir au fond… Elle croise les yeux de la réceptionniste, qui se détourne expressément. Sans doute gênée d’avoir fixé longuement une cliente. Pourtant, Eva imagine bien que la paire qu’elle forme avec Hart doit soulever des interrogations. Ils se présentent à une heure creuse. Sans bagages, ils ne sont manifestement pas des touristes ou des voyageurs de passage. Comme l’Anglais n’avance pas le confort, l’agréabilité ou une quelconque attention romantique pour motiver son choix de chambre, ça serait étonnant qu’ils passent pour un couple légitime. Visiblement habitué à mener ce genre de transaction, Hart règle en liquide et demande à ne pas être dans le registre sans éprouver une once de honte à utiliser son insigne. Si pendant une seconde, la réceptionniste a pris Eva pour une indic, il est évident qu’au final, elle la catalogue escort-girl.
Go raibh maith agat, répond-elle avec son accent le plus prononcé, histoire de marquer la mémoire de l’employée de l’hôtel. Nous essayerons de ne pas perturber la sieste de nos voisins.
Dans l’esprit d’Eva, l’allusion porte au bruit de grabuge, car ce ne sont pas des coussins qu’elle compte faire valdinguer sur le flic corrompu.

Dans l’ascenseur, elle prend toute la distance possible avec l’autre occupant. Inquiète, elle a toutes les peines du monde à tenir en place. Ses mains tremblent ; elle les fourre dans les poches, résolue à ne pas montrer son agitation.

*Expliquez-moi comment d’un rencard avec un collègue, j’en suis là, à devoir confondre les agissements d’un ripou*

En longeant le couloir de l’étage qui mène à la chambre, la blonde repense avec consternation à quel point elle s’est laissée berner. Sous couvert du pari qui courait entre eux, combien de fois a-t-elle pianoté : choisissez un pub et j’y serai à l’heure que vous voulez avant que sa fierté ne la retienne d’être la première à envoyer des avances ? Hart s’approche d’une porte et la déverrouille avec un passe magnétique. Il l’invite à entrer. La chimiste sent tout son corps se crisper. Elle ne prend pas la fuite à toutes jambes, malgré ce que lui hurle son instinct de conservation. Ça serait lâche de laisser un sale type continuer impunément à s’en prendre à des femmes plus faibles ou plus désespérées qu’elle.

Une fois le pas de porte franchi, elle poursuit dans la pièce principale. Il ne la talonne pas. Elle connaît l’agencement des chambres, elle a fait une nuitée en début de mois à cause des risques d’émanations toxiques dans son appartement. Immédiatement, elle repère la salle de bain et entrouvre la porte, vérifiant le verrou. Le cas échéant, elle n’aura plus qu’à s’y précipiter et pousser la porte pour se barricader à l’intérieur le temps d’appeler des secours. À cette intention, elle fait glisser son téléphone dans la poche de son manteau et se débarrasse de son sac sur une table où trône un vase. Tout en balayant le reste de la déco, elle déboutonne rapidement son manteau. Hart apparaît alors qu’elle se tient debout, une main posée sur le dossier d’une chaise, à quelques foulées de la salle de bain. Il a ôté son manteau, mais doit toujours porter son arme, mmmm… elle est mal barrée ! Il va falloir le lui en défaire, si elle veut pouvoir s’enfermer dans la salle de bains sans qu’il puisse canarder à cœur joie la porte. Il est calme ; ni impatient ni troublé. Si elle se fiait encore à ses observations, elle conclurait que l’homme n’éprouve aucun désir d’aller plus loin avec elle. Mais quelle est la vérité dans ce qu’elle déchiffre sur les traits d’un homme qu’elle ne connaît pas si bien que cela ?

Il lui signifie de s’assoir sur le lit. Elle le regarde sans un mot. Elle hésite, évidemment. Non seulement à cause du rapprochement lui-même, mais encore parce qu’elle ne sait pas si elle sera capable d’être assez convaincante pour l’abuser le temps de le désarmer. Elle n’a pas le cœur d’une infiltrée ni le courage d’une héroïne. Bon sang, il lui faut être fait comme un rat pour connaître ses limites ! Elle se cramponne à sa chaise. Il est peu probable qu’elle l’assomme complètement en la lui jetant dessus, mais si elle envoie aussi valser d’autres objets... Il s’adosse à un mur, creusant étonnamment de la distance entre eux. Elle évalue qu’elle pourra attraper la chaise avant qu’il n’arrive à elle, aussi obtempère-t-elle et va s’assoir au bord du lit, les talons de ses bottines bien plantés dans le sol. Qu’il ne s’imagine pas pour autant qu’elle va lui permettre de prendre le dessus… En la circonstance, la rougeur qui accompagne cette pensée désespère la jeune femme sur la nature des sentiments qu’elle éprouve toujours pour le félon inspecteur.

Il commence à parler… et tout de suite, joue cartes sur table avec elle. Elle ne peut pas mal interpréter ou mal comprendre ses propos. Au-delà des mots, elle perçoit son langage corporel, et celui-ci confirme la sincérité de ses dires. Il est l’incarnation de l’officier de police totalement absorbé par l’enquête qu’on lui a confiée. Son sens du devoir est inébranlable, alors même qu’une magnifique femme l’attend sur un lit. Elle admire cela chez lui. Les secondes s’égrenèrent lentement pendant qu’elle soutient quelques instants son franc regard.
Dieu du ciel, prend-elle à témoin le Très-Haut avant de lâcher dans un souffle : Christopher Hart, cet homme est impossible !
Elle se laisse tomber en arrière sur le lit. Elle contemple le plafond, libérée d’une tension indescriptible. Un moment s’écoule durant lequel les battements de son cœur reviennent à une cadence normale.
Je t’aurais balancé une chaise... Et je ne me serais pas arrêtée là ! Mon dieu le scénario dramatique que je me faisais.. L’état de la chambre qu’on aurait rendue !
Sans parler des pratiques sexuelles scabreuses que l’employée de l’accueil leur aurait collées. Elle rigole ; un rire à moitié nerveux.
Mais c’étaient pour m’offrir des chances de te dire la vérité...
Elle préfère cette explication à celle où il entrait dans le jeu du flirt pour la piéger à du sexe. D’ailleurs, elle n’a aucun mal à se forger une conviction, puisqu’expérience faite, elle le laisse de marbre… Elle se redresse.
Pardon.. c’est le soulagement, désolée, Morawski, Wilhelm ? C’est comme ça que s’appelait Will.. Polonais ? J’aurais dit que son accent était russe. Mais je croyais qu’il n’était pas dans les fichiers comment l’as-tu-l’avez-vous identifié alors ?
Elle abandonne le tutoiement qu’elle s’est autorisée spontanément à sa suite. Car sans doute y a-t-il, lui, recouru avec elle comme il l’aurait fait avec un témoin dans une salle d’interrogatoire, et non à cause de l’intimité qui s’instaure entre une femme et un homme dans une chambre à coucher.
Vous vous trompez sur mon problème. Voyez-vous, vous parler ne me disculpera pas. Je suis entièrement responsable du pétrin dans lequel je me suis mise.
Assumer les sanctions, si ce n’est qu’à elle de subir des conséquences. Mais elle est un écrou d’un rouage qu’elle peut sérieusement faire gripper.
Si cela s’avère nécessaire pour un dossier d’accusation, je vous jure de signer une déposition en bonne et due forme.
Elle se lève et marche vers le coin table et chaises.
Avant que nous décidions de l’action qui sera judicieuse de ma part, pouvez-vous, lieutenant, déposer votre badge sur la table ? Vous pouvez garder votre arme… Mais ne dégainez pas, d’accord, c’est en tout bien tout honneur que j’ôte mon manteau, plaisante-t-elle comme à son habitude avec une petite badinerie à double sens.
Elle se défait de son vêtement qu’elle laisse sur une chaise. Elle retourne se rassoir sur le lit.
Je connaissais Will-helm Morawski sous son surnom dans le quartier, Will. Je l’ai rencontré la première fois le jour où je venais visiter un appartement à louer près du parc Green Haven. En novembre dernier. Il m’a indiqué le chemin jusqu’à l’immeuble. J’ai pu visiter l’appartement à l’heure. Pour le remercier, je lui ai offert un café après la visite. J’étais nouvelle arrivante à Europolis. Il connaissait le quartier comme sa poche. On a un peu discuté.
Elle a un sourire évasif. Hart doit assez la connaître. C’est elle qui a beaucoup parlé, évidemment. De l’Irlande, où sa famille réside et qu’elle a quittée. De la raison de son installation : un poste de chimiste. Elle n’avait alors pas précisé que son domaine était la chimie légale. En général, les gens sont mal à l’aise en apprenant qu’elle appartient à la police scientifique.
J’ai eu l’appartement. Je l’ai recroisé le jour de mon emménagement en allant chercher un encas. On a mangé un sandwich ensemble. On s’est revus plusieurs fois après. Avant d’être dans la rue, il exerçait comme microbiologiste. Il a gardé une passion pour la science, il récupérait des revues et passait son temps à des lectures à la bibliothèque aussi. C’était impressionnant comme il était un puits de savoir. Il stationnait souvent sur les bancs de l’abribus du parc. Il avait une lanterne avec lui. C’était rassurant de voir sa lueur quand je rentrais la nuit.
Tout en parlant, elle prend conscience de l’importance de Will dans sa vie. Il a été le premier à l’accueillir dans cette ville. Il a été une présence constante et rassurante, alors qu’elle ne connaissait pas grand monde.
Je sais qu’il était alcoolique. Ce mois-ci, il allait sur ses dix-huit mois de sobriété. Il a été addict à la méthamphétamine, mais c’était il y a très longtemps. Je crois que cette dépendance lui a fait tout perdre. Il a des filles, mais je ne sais pas où on peut les trouver. Il ne parlait pas beaucoup de lui. Je n’ai sans doute pas assez posé de questions. Il avait parfois des discours obscurs, paranoïaques. Il se croyait poursuivi. Je ne sais pas par qui, c’était dangereux d’après lui que j’en sache trop... Pour votre stylo. J’étais, par hasard, vraiment par hasard, dans votre bureau. Je l’ai emporté par étourderie. Je ne savais pas que c’était le vôtre…
De bureau, mais l’ambiguïté arrange la blonde. Toute cette histoire de stylo est embarrassante. Pas tant à cause de la raison pour laquelle elle l’avait emporté, mais à cause de la raison pour laquelle elle ne l’avait pas rendu.

Revenir en haut Aller en bas
Christopher Hart
Christopher Hart
Protect & Retaliate
Messages : 3702
Célébrité : Jake Gyllenhaal
Alias : Stubborn
Métier officiel/officieux : Lieutenant de police / Combattant clandestin

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
Protect & Retaliate
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptySam 29 Déc - 6:30

Le policier digère mal la réplique de sa collègue sur le trajet qui les mène à l’hôtel. Très mal. Eva lui a porté un véritable coup de poignard entre les côtes, juste avant d’agiter sadiquement la lame de haut en bas pour lacérer sa poitrine.
En effet, Christopher et Lauren étaient sur le point de se marier lorsque cette dernière est morte. À ses yeux, ils formaient un couple très uni et il se sent aussi veuf qu’on peut l’être. Quant aux cornes… il ignore si sa fiancée a jamais connu d’amants, mais ses rapports avec la Pègre l’ont affecté plus sévèrement que sa disparition. Tous deux étaient lieutenants de police et connaissaient les risques inhérents à leur métier. On peut invoquer le mal, la malchance, le destin, une quelconque raison extérieure pour justifier la mort. La trahison, en revanche, est un acte délibéré, volontaire, un outrage à l’être qu’on a juré d’aimer loyalement.
De cette trahison plus que tous ses autres déboires, Christopher Hart ne s’est jamais remis.

Pourtant le policier n’en veut pas à Walsh pour ses paroles chargées de fiel. Car ses accusations ne reposent pas sur du vent : la mortalité des policiers se hisse toujours sur le podium des statistiques d’Europolis, la vie de couple y est plus difficile qu’ailleurs. Chez les ripoux autant que les flics honnêtes, autant que Monk puisse en juger.
Malgré tout, si un délinquant en bonne santé avait siégé à la place de cette jeune femme à la moralité incertaine, Christopher lui aurait sans aucun doute décoché un direct du droit dans la mâchoire, puis violemment projeté sa tête trop bavarde contre la vitre de la portière.
Parmi les droits de chaque citoyen figure aussi le droit de la fermer, quand des insultes à une noble profession lui titillent la langue. Et en tant que flic, le devoir de Christopher est aussi de rappeler chacun à l’ordre et au respect.

— N’oubliez jamais que vous êtes aussi de la maison, siffle-t-il entre ses dents, plus menaçant qu’il ne voudrait.


La suspicion du policier monte d’un cran lorsque la blonde articule quatre mots ultra irlandais à la standardiste de l’hôtel. Des mots qui lui sont familiers, de l’époque où jeune lieutenant il sillonnait les quartiers de Londres marqués du trèfle. Des mots dont l’Anglais a oublié le sens – si tant est qu’il les ait connus un jour.
Un code entre membres de la mafia irlandaise, peut-être ? Un indice de plus qu’il devra vérifier – si Christopher sort vivant de ce possible traquenard.
Car la remarque ambiguë de Walsh sur le calme relatif de leur rendez-vous intimiste suggère des ébats vaguement maîtrisés autant que des aveux discrets.

Incertain, vigilant et précautionneux jusqu’à la dernière seconde, le flic organise la scène du mieux qu’il peut et passe enfin à l’interrogatoire.
Christopher s’attend à un regard fuyant et puant la culpabilité, aux supplications d’une manipulatrice prise à son propre piège, aux larmes d’une femme qui attendait l’occasion propice de vider son sac. Il s’attend aux centaines de réactions différentes, regroupées en familles d’archétypes, qui ont ponctué ses quinze ans de carrière.
En revanche, Christopher ne s’attend pas à ça.

Que Walsh se couche en arrière en écartant les cuisses, il n’aurait guère été surpris. C’est un moyen comme un autre de se tirer d’un mauvais pas, qu’une ribambelle de jolies femmes croit efficace devant un représentant de la loi.
Peut-on réellement les blâmer de tenter le coup, quand plus d’un policier acceptent de fermer les yeux contre une faveur sexuelle ? Une petite gâterie, comme ils appellent cet abject abus de pouvoir.

Que Walsh se couche en arrière en évoquant le Seigneur et se mette à le tutoyer, excitée comme une puce et de nouveau guillerette alors qu’elle lui parle de chaise qui vole, Christopher l’anticipait tellement qu’il reste quelques secondes bouche bée, clignant rapidement des paupières pour actualiser son champ de vision.

Quand l’Irlandaise se redresse et se met à jacter comme une pie, tout ce que le policier lui montre est un visage grave, front plissé et lèvres scellées.
Christopher tente de donner un sens aux propos déroutants de sa collègue, refusant de répondre aux questions sur la victime qui est au centre de l’enquête… au cœur de l’imbroglio qui les réunit dans cette chambre d’hôtel.

— J’écoute, dit-il quand elle prend enfin le temps de respirer.

Ce qu’il fait, sans autre expression qu’un froncement de sourcils accentué lorsqu’elle évoque sa culpabilité.

Sans bouger du mur sur lequel il est adossé, l’officier extrait d’une poche intérieure de sa veste le badge qu’elle lui demande de poser sur la table avant de… avant de passer à table, pour ainsi dire.
Christopher jette le symbole de sa profession sur le lit, non sans réticence. Une façon de montrer à Walsh qu’il concède un geste de bonne volonté, mais que la témoin-suspecte n’a rien de plus à espérer.
Pas même un début de sourire pour ses badineries à la finesse inégalée.
Avec ou sans badge, c’est lui le flic, c’est lui qui possède le flingue, c’est qui garde le contrôle.

Au fond de lui, Chris ressent pourtant la certitude que Walsh est innocente. S’il lui arrive, comme tout enquêteur, de formuler des théories inexactes, l’inspecteur expérimenté se trompe rarement sur l’interprétation du langage corporel.
Quand il a l’esprit clair, du moins.
En ce qui concerne Walsh, la spontanéité de sa réaction ne fait aucun doute. Même une comédienne surdouée n’aurait pu simuler le soulagement qu’une myriade de petits gestes inconscients a exprimé, son enthousiasme à confesser la vérité. De surcroît, la pétillante criminaliste semble redevenue elle-même. La même Walsh qu’il rencontrait pour la première fois quelques semaines plus tôt, la même femme qui lui a tapé dans l’œil.

La manière extravagante – tout en restant efficace – dont Eva Walsh s’exprime est un vrai régal, il faut lui reconnaître cette qualité. La jeune femme délivre ses explications avec force paroles et mouvements qui enchanteraient n’importe quel policier.
À l’intérieur de l’Anglais se livre pourtant une terrible bataille, sans cri ni fracas, entre deux forces opposées.
Il éprouve d’abord un immense soulagement que l’austère Monk, en d’autres circonstances, aurait manifesté en prenant Walsh dans ses bras afin de la consoler, de lui murmurer des excuses sincères et émues à l’oreille. Le même Monk qui a réconforté la jeune Sidney quelques heures plus tôt, dans un élan de compassion.
Mais une sourde colère, une rage dirigée contre lui-même, contre sa bêtise, neutralise tout élan extérieur. Stubborn a des fourmis dans les bras, l’envie de cogner contre le mur jusqu’à passer au travers. Il ressent le besoin de quitter cet endroit exigu à grandes enjambées et se défouler sur la première ordure venue, le premier pécheur qu’il croise.

Tout ce que Walsh raconte se tient. Ses mots jaillissent chargés d’émotions de ses lèvres joliment expressives, écartant toute suspicion de discours prémâché et répété.
Cette sincérité et le lien qu’elle décrit avec ce pauvre homme de la rue touchent Christopher au plus profond de ses entrailles, là où gisent ses valeurs et son humanité.
Dans un moment de faiblesse, les jambes de Christopher vacillent et se plient, tel un animal se recroquevillant sur lui-même au moment de rendre l’âme. L’Anglais se laisse glisser contre le mur, bientôt cul par terre devant le lit où la jeune femme est sobrement installée.
Du flic grave et résolu qui maîtrise la situation, il ne reste plus qu’un trentenaire abattu, au visage las de désespoir.
C’est avec des yeux presque suppliants qu’il redresse le menton pour regarder sa collègue à l’énergie inépuisable.

— Je suis désolé, Walsh, vraiment désolé. J’ai fait confiance aux mauvaises personnes par le passé et aujourd’hui, j’ai le défaut de me méfier des bonnes personnes.

Comme un symbole, Christopher glisse une main dans sa veste, en ressort avec le Beretta personnalisé que Lauren lui a offert plusieurs années auparavant. Il pose l’arme sur le sol et la pousse sur la moquette du bout des doigts, tel un objet toxique.

— Pire que ça, je fais n’importe quoi. Je suis devenu un pauvre con, un mauvais flic, murmure-t-il pour lui-même.

Chris a toujours connu des hauts et des bas, des réussites spectaculaires et quelques échecs cuisants dans sa carrière. Un bilan suffisamment positif pour qu’on voie en lui un lieutenant de police fiable et compétent.
L’attentat politique de Coal District a marqué le début d’un rapide déclin – une chute vertigineuse dans les sombres abysses. Sa volonté tenace de punir les coupables, sa relation singulière avec Ward mère et fille, la rencontre inattendue de Walsh et, clou du spectacle, les révélations-choc de sa coach valkyrie, plus rien ne tourne rond dans son univers. À moins que ce soit à l’intérieur sa tête, que ça ne tourne plus du tout rond.

— J’ai l’impression de me trouver au creux d’une vague, continue-t-il sur le même ton, comme si personne n’était dans la pièce, la vague immense d’un tsunami qui va bientôt m’engloutir. J’aurai beau nager, lutter de toutes mes forces, que peut faire un homme ordinaire contre la force écrasante des éléments ?

Plusieurs secondes s’écoulent durant lesquelles Chris fixe silencieusement le pistolet du regard, captif de ses pensées.
Quand enfin il réussit à se libérer de son emprise, c’est pour river ses yeux clairs sur le visage aux fossettes facétieuses qu’il a méjugé. Comment ai-je pu y voir la figure odieuse d’une vipère à la botte de criminels ? se reproche-t-il mentalement.

— Tu es une fille bien, Eva Walsh de Kilkenny. J’en suis convaincu à présent. Un peu bizarre, mais c’est ce qu’on aime chez vous, les Irlandaises. Dans son malheur, Wilhelm Morawski a eu de la chance de te rencontrer et j’en suis heureux pour lui.

Le tutoiement de Christopher lui est resté naturellement, de même que sa voix a gagné en douceur ce qu’elle a perdu en causticité. D’abord parce qu’il a catalogué Eva Walsh comme bonne personne, mais surtout à cause des aveux sincères de son ex-suspecte. Une confession personnelle est une forme de mise à nu. Et comme disait jadis sa mère avec une retenue très british : « quand une personne se met à nu devant une autre personne, celles-ci deviennent intimes. »

— Je vais te dire tout ce que tu veux savoir mais auparavant, il nous reste un point à éclaircir. En admettant que tu te sois retrouvée par hasard, vraiment par hasard dans mon bureau, pourquoi tant de secrets pour un stylo ?

Le policier attrape ledit stylo dans sa poche de devant, qu’il fait habilement tournoyer entre ses doigts. Des gestes des milliers de fois répétés au cours des quinze dernières années, au point qu’ils sont devenus instinctifs.
Les mouvements hypnotiques de l’objet semblent plonger l’Anglais dans un nouveau silence embarrassant, l’enfermer une bulle intemporelle et imperméable au monde extérieur.

Sans aucun signe avant-coureur, Christopher quitte ce curieux état de transe pour plonger à nouveau son regard céruléen dans les yeux d’Eva.
Il présente le stylo de la police londonienne entre deux doigts, bien en évidence.
Sa voix résonne avec un timbre plus rauque, comme si elle revenait de loin.

— Il a pour moi une valeur sentimentale, tu sais. Mais tu aurais pu me le rendre ou m’en parler beaucoup plus tôt. Que croyais-tu, que j’allais déposer une plainte pour un stylo ? Que je chargerais un dossier sur une collègue honnête et compétente à cause de ton lien avec Will, alors que plusieurs secteurs d’Europolis grouillent de meurtriers et de violeurs ? S’il te plaît, n’invoque pas en ma présence les couplets de la tolérance zéro et du règlement à suivre à la lettre. Si tu crois que j’en suis encore là après dix ans dans cette ville duplice à rendre cinglé, soit tu as moins de jugeote que tu en as l’air, soit tu te trompes lourdement à mon sujet.
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com/t166-christopher-hart-relati
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyLun 7 Jan - 23:52


Un moment plus tôt, lorsqu’elle tombait de haut dans le gouffre entre l’homme qu’elle croyait un modèle d’intégrité et le pourri que Monk se révélait être, Eva retardait le moment de s’assoir sur le lit en face du flic ; il en est tout autrement désormais qu’elle respire sans l’entrave du sentiment abominable de méfiance. Sa confiance en déroute remonte en flèche, après qu’elle se soit débarrassée des pernicieux doutes qui l’ont envahie. La couche accueille sans grand remous la pression qu’elle exerce en tombant dessus. À peine un soubresaut imperceptible. La plaque du lieutenant n’a d’ailleurs pas bougé d’un iota. Hors de son contrôle, son esprit allégé expertise instantanément un bourrage « haute résilience » du matelas. Un sommeil confortable est assuré, ce que l’expérience d’une précédente nuitée lui a déjà prouvé à vrai dire. La qualité de la literie est sans doute l’unique fierté du directeur des lieux, mais avec de modiques prétentions, il est plutôt judicieux de tout miser sur la principale finalité de la pièce. Sans se débrider, les pensées de la scientifique tressautent sur les dimensions du lit. Généreuses pour une personne, en revanche à deux, il ne faut pas s’embarrasser de la distance intime sans quoi au moindre écart du mauvais côté, c’est la chute ! Lit à une place ou lit double, la question restera en suspens. Réalisant soudain les digressions qui encombrent ses pensées, Eva passe la main dans sa chevelure blonde qu’elle remonte pour aussitôt la relâcher. Comme s’ils savent ce qu’ils sont censés faire, ses cheveux retombent impeccablement en place dans un chatoiement discret sous la lumière artificielle. Par ce geste machinal, elle fait bon ménage dans ses idées indisciplinées.

Sans faux-fuyant, l'Irlandaise agrafe son regard sur le policier, lequel l’observe d’un air toujours grave, cependant, elle retrouve au fond de ses yeux bleus la lumière qui la conforte dans la voie de la parole libérée. Elle raconte sa rencontre avec Will quelque trois mois auparavant. Aussi bien par les informations qu’elle partage sur des pans personnels de la vie du SDF que par certaines intonations éraillées dans sa voix, elle fait entendre que le disparu et elle entretenaient une relation autrement plus proche que de vagues connaissances. À mesure qu’elle évoque Will à l’enquêteur chargé d’élucider sa mort, dans le cœur de la jeune femme se grave toujours plus la réalité de la perte, son irrévocabilité et la place vide que celle-ci laisse.

Finalement, la blonde se tait. Pourtant, un dernier et indispensable aveu lui pèse encore sur la conscience. Un aveu qui poussera sa carrière au bord du précipice. Elle lance un long regard à Hart, le temps de rassembler sa résolution à avouer le pire. Formellement, il ne porte pas son badge sur lui et ils discutent en dehors d’une déposition officielle. Même s’il n’est pas strictement parlant un policier dans l’exercice de ses fonctions, son serment d’allégeance et sa promesse de faire respecter la loi n’en demeurent pas moins ancrés en lui. La volonté d'Eva de les placer dans un cadre officieux n’est nullement motivée par l’attente que le lieutenant transige avec la loi et ferme les yeux sur des incartades au devoir de réserve. Elle essaie juste de pouvoir bénéficier des latitudes pour traiter sa mise à pied sans déclencher un tapage médiatique.

La criminaliste s’apprête à lancer sa confession, mais son élan se voit détourné lorsque le policier coulisse horizontalement jusqu’au sol. Ses mains prennent appui et le haut de son corps esquisse un mouvement en avant, prompte à se propulser comme un petit bolide. Mue par une sollicitude qu’elle aurait montrée à n’importe qui trébuchant devant elle, – et aussi pour retrouver les bras de Christopher, mais ça, elle ne se l’avoue pas pour n’avoir pas à se demander où cela la mènera de s’entêter dans ce désir. Or ce dernier échoue par terre dans un cri du cœur silencieux, et non par mégarde. Témoin de l’état de désarroi de Hart, elle devient aussi immobile et figée qu’une statue de pierre, comme si elle craint par le plus petit geste de commettre un faux pas. Un homme en deuil. Voilà ce qu’elle a devant elle. Un homme qui ne parvient pas à franchir l’étape de laisser un passé révolu derrière lui. Un homme qui paie le prix d’avoir aimé avec passion, et dont le cœur a été arraché par la trahison.

Le policier lui présente des excuses. Elle les reçoit avec le soulagement d’entendre qu’il n’a pas une si mauvaise opinion d’elle. Mais les lui devait-il ? Elle ne croit pas mériter une marque d’égard. Par sa rétention d’informations, elle s’est conduite à l’inverse d’une personne innocente. Elle aurait pu dissiper les soupçons plus tôt, mais non, elle l’a laissé penser ce qu’il voulait.
Vous ne pouviez pas savoir, ma conduite ne plaidait pas ma cause, dit-elle à mi-voix.

Il se défait de son arme, accompagner d’un geste de rejet dont elle n’est pas en mesure de comprendre toute la portée, malgré tout, ses sens perçoivent l’émotivité. Il continue à broyer du noir. Les yeux noisette naviguent entre l’homme et l’arme. Il lui fait peur avec l’ombre de la mort collée aux basques. Elle se demande si un jour, ou une nuit, à force de travailler trop, de ne pas dormir, de ne plus croire qu’il a une vie, il ne cédera pas à une impulsion fatale. Elle sent sa gorge se serrer. Le chagrin de cet homme est un crève-cœur à voir, mais elle ne le quitte pas d’un œil. Elle veut l’interrompre dans l’inventaire de ses échecs personnels, mais elle ne trouve pas les mots pour traduire sa compassion pour lui. Une compassion tellement violente du fait de la résonance avec son propre deuil, même si bien sûr son attachement pour Will n’est pas aussi fort et éternel.

Faute de paroles réconfortantes, elle songe alors à lui balancer un seau d’eau froide. Ça remet les idées en place normalement. Elle se lève. La stérilité, voire l’absurdité de cette idée la frappe sitôt debout.

*D’où tu sors qu’on envoie de l’eau sur quelqu’un qui se débat contre un sentiment de noyade ?!*

Empêtrée dans sa propre tristesse, elle se sent de piètre réconfort. Elle se rassied, penaude. Le regard de son collègue revient sur elle. C’est normal qu’il le pense, aussi s’attend-elle à des reproches à peine voilés sur son flagrant manque d’empathie. C’est alors qu’il la surprend, et disons-le la déroute même ! Sa voix est grave. Et douce. Elle le sent revenir dans cette chambre avec elle, et dieu qu'elle préfère le savoir dans le présent ! Une fille bien, et un peu bizarre, ah bon ? Elle a un léger sourire, qui ne rend pas compte de l'effet allègre du compliment. Pour un peu, elle le taquinerait sur ce qui peut s’apparenter à une déclaration involontaire. Mais ce qu’il dit sur Will la touche profondément, bien qu’elle craint de plus en plus que leur rencontre ait précipité le sans-abri vers sa dernière heure. Elle tique sur un détail. Comment Hart sait-il qu’elle est originaire de Kilkenny ? Elle ne s’en cache pas, mais elle n’a pas souvenir que cela soit sorti une fois dans leur conversation. L’a-t-il deviné à son accent de tout à l’heure quand elle a parlé en gaélique irlandais ? Ça serait fort étonnant, elle a tellement forcé le trait que l’accent ne ressemblait à rien de bien localisable. L’explication la plus plausible est que se défiant d’elle, il a épluché son dossier. Comment en est-il venu à la soupçonner ? Elle ne croit plus que ça soit le stylo qui l’a mis sur la voie. Elle regarde le fin objet cylindrique tournoyer entre les doigts du policier. Si empreintes, seulement partielles et bien trop confondues pour être exploitables, analyse-t-elle. De toute façon, le simple fait que Hart l’ait récupéré des pièces à conviction prouve que les analyses n’ont rien donné de concluant. Elle repense à la raison pour laquelle il lui a offert son dessert. Elle comprend alors qu’il avait décelé ses tribulations au parc et qu’il ne les avait pas attribuées à une petite nature. En fait, le stylo n’a qu’abondé dans le lien que le policier a déjà pressenti entre Will et elle...
Je dois confondre tes foutaises d’abord.
Elle lui adresse un sourire, avec une lueur énigmatique dans les yeux. Non, elle ne se trompe pas lourdement sur lui, et c’est ça le fond du problème. De son problème d’entêtement pour lui, s’entend. Qu’elle ait ressenti une attirance fulgurante, rien d’extraordinaire. Elle est célibataire, dans un état d’esprit disponible et ouvert à une rencontre. Mais qu’en absence d’un intérêt réciproque, cette attirance ne lui passe pas, voilà ce qui la perturbe. Elle ne se connaît pas capable d’avoir des attachements qui ont la vie dure.
Tu fais n’importe quoi ? Un pauvre con et un mauvais flic ? Je ne crois absolument rien ! Et quand bien même j’ai pu le penser, ça n’a été qu’un moment d’égarement de ma part. À quoi as-tu su que j’étais liée à Will ? demande-t-elle avec sagacité.
Elle n’attend pas de réponse, seulement qu’il réfléchisse à la question et à ce qu’elle implique. À savoir qu’un mauvais flic doublé d’un pauvre con ne serait pas doté d’une perspicacité proprement exceptionnelle et pertinente pour ainsi décoder les émotions humaines.
Veiller sur ceux qui le méritent, ta promesse d’aller jusqu’au bout de cette enquête que tu sais comptée pour moi.. Tu montres tant de compassion à autrui, et si peu à toi-même.
Ne peut-il pas passer la main du fardeau de porter les malheurs du monde ? Tout en parlant, elle s’est levée et commence à marcher vers lui.
Tu es quelqu’un de rare, Hart. Et si tu penses le contraire, alors tu penses n’importe comment.
Elle sait qu’on ne peut pas forcer quelqu’un à se remettre, pas de la disparition brutale d’un être aimé. Mais pour des raisons intéressées et égoïstes, elle veut essayer quand même de trouver le moyen de le pousser à s'extraire du marasme dans lequel il se débat depuis des années. Comme une corde tendue à laquelle s’agripper, elle lui tend un bras pour l’aider à se relever.
Une enquête n'est-elle pas jonchée de bûches qu’on se prend à la volée tant qu’on n’a pas trouvé la solution ? Avec tes années de service, permets-moi de croire que braver les tempêtes soit largement dans tes cordes, pour ne pas dire que cette faculté est depuis inscrite dans tes gènes.
Elle sourit. N’ayant pas attendu, elle s’est penchée pour attraper le coude de l’Anglais et, de l’autre main, elle lui agrippe le poignet. Elle l’attire alors vers l’avant. À l'encontre de son désir de rapprochement, elle s’applique à ce qu’ils ne se percutent pas. La mort de Will est peut-être l’œuvre d’un acte criminel dont le mobile est à chercher dans la relation qu’ils ont tissée ensemble. Elle a besoin d’en avoir le cœur ; Hart doit garder la charge de l’enquête.
Pourquoi tant de secrets pour un stylo ? rappelle-t-elle sa question et ainsi se laisser le temps de réfléchir à une réponse.
Ce n’est pas un simple stylo pour Hart. Ça n’a pas non plus été un simple stylo pour Eva. Les couleurs du drapeau du Royaume-Uni, Big Ben, autant d’indices qui auraient ciblé son propriétaire, si elle avait eu besoin de l’identifier.
J’ignorais sa valeur sentimentale, comme je n’ai pas entendu qu’on organisait une battue…
Elle tente l’humour, mais elle ne s’en sortira pas à si bon compte. Ce n’était pas correct de sa part d’avoir gardé un objet qui ne lui appartenait pas, et en plus de l’avoir donné à quelqu'un d’autre. Sachant en plus combien ça lui était facile de le rapporter à l’accueil du commissariat qui se serait chargé de le conserver aux objets trouvés le temps qu’on le réclame.
Elle respire un grand coup.
D’accord, d’accord, ne sors pas tes instruments de torture ! se lance-t-elle, alors qu’elle se sent déjà rougir. Alors, je l’ai emprunté par étourderie. Je l’ai gardé par attachement. Et je l’ai donné par dépit. Voilà ! Il t’est revenu, je suis désolée de ne pas l’avoir ramené moi-même. Restons-en là, laissons tomber les détails ! On peut tout expliquer par le fait que je sois une fille bizarre qui ne fait rien comme tout le monde.
C’est fou, mais elle préfère balancer l’aveu de sa faute professionnelle que creuser leur relation, ou non relation. Elle se rapproche de la fenêtre. Elle voit une cour de récréation qui se remplit d’enfants qui reviennent de leur pause de midi. Il va bientôt falloir qu’elle retourne à son bureau… à moins qu’il songe à la convoquer en salle d’interrogatoire, ce qu’elle souhaiterait éviter.
J’ai encore quelque chose d’important à dévoiler à propos de Will. Mais avant d’en dire plus, j’invoque le secret.. confessionnel. Tu es un peu comme un prêtre.
La plaisanterie sonne tellement faux, malgré tout elle rit légèrement, plus de nervosité qu’autre chose.
Je te l’ai dit, nous échangions sur des thématiques scientifiques. Il était resté très au fait des publications, intéressé par tout et enthousiaste à débattre.. Alors bon en fait, il m’est arrivé de lui transmettre des éléments d’enquête.. Quelquefois seulement. Pour confronter nos avis sur des analyses. Je n’aurais jamais dû, c’est grave, j’en ai conscience.. Si on l’a tué, crois-tu que ça pourrait être pour obtenir une information sur une enquête dont je lui ai parlé ? Je devrai rentrer au bureau et examiner les dossiers dont j’ai discuté avec lui.
Elle ferme brièvement les yeux.
Je regrette tellement que ses filles n’aient pas vu ses efforts de ces derniers mois pour rester sobre, pourquoi n’ont-elles pas essayé de le contacter à Noël ?

Revenir en haut Aller en bas
Christopher Hart
Christopher Hart
Protect & Retaliate
Messages : 3702
Célébrité : Jake Gyllenhaal
Alias : Stubborn
Métier officiel/officieux : Lieutenant de police / Combattant clandestin

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
Protect & Retaliate
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyVen 11 Jan - 4:20

Forte de son caractère intrépide et son éloquence aiguisée, Eva tirerait facilement avantage de la vulnérabilité de l’Anglais. Le rouer d’invectives blessantes, lui cracher au visage un cumul de mauvaise bile, ou même se défouler sur lui par simple plaisir de relâcher des nerfs à vif.
Fort heureusement pour elle, l’Irlandaise ne manifeste aucune intention d’achever l’homme à terre.
Poussé à bout, le « gentleman » britannique régresse à un stade violent, primaire, imprévisible, comme une réaction instinctive de survie. Les adversaires de Stubborn et plusieurs criminels en ont déjà fait l’effrayante expérience – la dernière, pour certains d’entre eux.

Mieux, la femme avisée ne tombe pas dans l’attitude inverse du pathos exacerbé. Après les épreuves et les tragédies qui ont parsemé son existence, Christopher a entendu son quota de paroles creuses, supposément réconfortantes. Les banales « ça va aller » accompagnées d’un sourire hypocrite l’insupportent, les mensongères « vous allez vous en sortir » qu’on annonce à un cadavre en sursis lui donnent envie de vomir.
Les faits et la vérité. C’est toujours ce qu’a recherché Christopher, au travail comme dans ses relations personnelles.
Par clairvoyance ou par une opportune affinité de leurs esprits, Walsh expose des faits, pousse l’esprit du policier à la réflexion. L’appât est irrésistible. Sa volonté de comprendre, combiner les éléments de façon cohérence afin d’en obtenir une juste interprétation ressemble à bien des égards à la démarche scientifique. Éprouver toutes les hypothèses les unes après les autres mène progressivement à une juste conclusion, de la même façon que la démonstration éclairée d’Eva guide le naufragé vers une bouée de sauvetage.

Joignant le geste à la parole, la scientifique endosse l’uniforme rayé d’une vigoureuse matelote de la marine irlandaise. Elle extrait son collègue de la houle prête à l’engloutir, l’aide à se remettre debout sur le sol ferme de leur chambre d’hôtel.
Leurs regards se croisent alors, proches et sincères. Les iris de Christopher ont conservé la coloration saphir de l’océan, mais la brume qui les voilait s’est dissipée. Eva lui oppose des yeux pétillants, presque enflammés. Une étrange attraction s’opère entre l’eau agitée et le feu malicieux.

Quel abruti, se lance-t-il à lui-même.

Alors qu’elle rechigne à justifier cette histoire de stylo, le visage pâle de l’Irlandaise s’empourpre et l’excès de bière semble hors de cause.
Revenu à un état de pleine lucidité – celui où il brille dans son métier d’inspecteur – Christopher rassemble les pièces du puzzle de manière presque intuitive.
Les allusions drôles, voire burlesques de l’Irlandaise ne le détournent plus de la vérité. Le lieutenant esseulé accepte les théories qu’il avait précédemment écartées non pas incompétence, mais par refus de se confronter à la réalité. L’explication maladroite d’Eva, qui contraste avec sa clarté et sa précision habituelles, consolide l’évidence.

— Je comprends, dit-il en jetant un œil sur le Beretta offert par Lauren, qu’il a conservé par attachement et vient de repousser par dépit.

Une émotion soudaine lui comprime la poitrine, l’empêche de respirer, humidifie ses yeux. Sa tête lui ordonne de refouler ces sentiments dévastateurs, quand son cœur lui hurle de les laisser enfin s’exprimer, de vivre comme un homme au lieu de s’abandonner à la mélancolie et appeler la mort de ses vœux.

Pauvre Eva, elle en pince réellement pour moi…
Christopher, quant à lui, songe à avouer tout ce qu’il a pensé d’elle depuis leur première rencontre.

La blonde embarrassée s’éloigne jusqu’à la fenêtre, accordant une trêve providentielle à l’homme en proie à un conflit intérieur. Des cris étouffés de jeunes enfants proviennent de l’extérieur – la goutte de trop qui submerge un trop-plein d’émotions.
Le trentenaire profite du dos tourné d’Eva pour chasser discrètement le liquide lacrymal de sous ses paupières.

Pourquoi est-ce que je me fourre toujours dans des situations pas possibles ?

Tout ce que Christopher a toujours désiré – ou cru désirer –, c’est mener une existence utile et honnête, fonder une famille avec une épouse aimante, serrer leur enfant contre lui en rentrant du travail, jouir des plaisirs simples de la vie. Reproduire le cadre idyllique de son enfance, en endossant cette fois le rôle du père policier qu’il a toujours admiré.
Ce rêve ne se réalisera jamais.
Il doit l’accepter. Tout comme il doit accepter d’avancer, ne plus s’accrocher au passé et se laisser porter vers l’avenir en faisant de son mieux. Ses choix, ses décisions lui appartiennent, le reste n’est qu’un chaos incontrôlable dont il essaiera toujours de protéger les innocents.

Le flic traverse la chambre aux dimensions modestes et se fige derrière Eva. C’est à elle qu’il doit cette nouvelle prise de conscience. Chris en a connu quelques autres, en près de cinq années de deuil.
Jamais sous l’influence d’une personne dont il partage les prémices de sentiments.
Toujours suivies de rechutes.

Il se place en léger décalage, le visage surplombant l’épaule d’Eva. Leurs regards observent conjointement les enfants qui regagnent l’école à travers la fenêtre de la chambre. Une scène ordinaire, d’une banalité cruelle.
Christopher soupire ; son souffle chaud soulève quelques cheveux blonds qui, par un troublant mécanisme, retombent à leur place au nanomètre près.

J’ai déjà une vingtaine d’enfants dont je m’occupe à la paroisse, sans les contraintes et les responsabilités parentales. Peu ont cette chance.

Il devra apprendre à s’en contenter, ne plus ruminer sur le vide amer de son petit appartement.

Avec déférence, Christopher pose une main sur le dos de sa collègue, qui frémit à son contact. La paume remonte lentement vers l’épaule la plus éloignée en décrivant de petits cercles, cherchant à décontracter les muscles tendus. Le policier la sent nerveuse, et sait désormais que l’affaire Wilhelm Morawski n’est pas l’unique raison.
D’un dernier pas silencieux, Christopher vient au contact et penche la tête sur le côté.

— Merci d’être une fille bizarre qui ne fait rien comme tout le monde, lui murmure-t-il au creux de l’oreille. J’ai envie de te dire de rester comme tu es, mais je crois que c’est inutile. L’ADN irlandais est particulièrement résilient, paraît-il, et je doute qu’une personne en ce monde soit capable de te changer.

Le visage de l’Anglais s’attarde près du cou d’Eva. Les paupières mi-closes, il hume le parfum délicat mêlé aux flagrances de sa peau. Une odeur féminine qu’il a toujours aimée, un contact charnel qui ne lui a jamais autant manqué.

— Merci pour tout.

Du bout des lèvres, Christophe dépose une bise reconnaissante au coin de la joue puis se déporte sur le côté, rapatriant la main qui massait l’épaule d’Eva.
Celle-ci pivote dans sa direction et exprime le souhait de poursuivre ses aveux, plus nerveuse que jamais.
L’homme qu’elle compare à un prêtre lui adresse un large sourire. Ses yeux scintillants redécouvrent avec émerveillement le visage facétieux qu’il méjugeait encore un peu plus tôt.
Il tire sur le bas de sa veste pour en faire disparaître les plis, puis redresse son col à la manière d’un ecclésiastique avant d’exécuter le signe de croix.

— J’écoute votre confession, ma fille. Tout ce que vous direz pourra être reten… euhhh, non, excuse-moi. (Chris se fend d’un léger rire, le premier depuis leur départ du banc public.) Cela restera entre nous. Et Dieu pour seul témoin, s’il existe et qu’il n’a rien de mieux à faire que nous espionner. Remarque, la Première femme et le Messie qui travaillent ensemble sur une enquête criminelle, ça doit jaser là-haut !

Le policier lève ostensiblement les yeux vers le ciel, badin, puis reprend une attitude professionnelle lorsque la criminaliste reprend la parole.
Christopher n’est guère surpris d’apprendre que sa langue bien pendue lui a joué quelques mauvais tours. En matière de langue, Eva s’est toujours montrée très audacieuse et d’une grande générosité.
En revanche, le front du trentenaire se plisse avec gravité lorsqu’elle s’inquiète de sa possible responsabilité dans le meurtre de Will.

— Je comprends ton inquiétude, dit-il en lui caressant chaleureusement le bras. On ne peut pas écarter totalement cette hypothèse, mais ton implication me parait très improbable. Si la Pègre utilisait ton Will comme indic, ils possédaient nécessairement un moyen de pression : carotte ou bâton. Or ton ami était miséreux, sobre et clean avant de nous quitter ; donc pas d’argent, d’alcool ou de drogue à l’exception de sa dernière injection létale. Reste le bâton : que lui restait-il à perdre en dehors de sa famille ? Et si on avait menacé ses filles, sans vouloir dénigrer le lien qui vous unissait, je suis sûr que Will aurait répété tout ce qu’il a entendu de ta bouche. Ou il aurait essayé de t’alerter, sachant que tu travailles dans la police.

Le lieutenant se délaisse du bras d’Eva pour se frotter machinalement la barbe, le regard pointé vers le sol.

— À propos de sa famille, d’ailleurs…

Christopher relève la tête, montre à sa collègue son téléphone. L’écran affiche le rapport reçu pendant qu’ils déjeunaient aux abords du parc. Il lui laisse le temps de prendre connaissance des faits,  énonçant à voix haute tout ce qu’il a appris et noté sur son carnet.

— Tu vois, moi aussi je partage des éléments d’enquête à une personne non habilitée. Et je n’éprouve aucun scrupule quand je suis certain d’agir dans l’intérêt de tous. Il m’arrive de me tromper, mais beaucoup, beaucoup plus souvent cette entorse au règlement bénéficie à Europolis et sa population.

Règlement que personne ou presque n’applique à la lettre. La règle tacite consiste à tolérer les incartades, à condition de ne pas franchir certaines limites et boucler les enquêtes. Dans le cas contraire, les affaires internes vous tombent dessus et ne vous lâchent pas facilement.

Après avoir rangé son carnet et son téléphone en deux battements de paupières, Christopher reprend le fil de sa réflexion avec un dynamisme qui ferait presque de l’ombre à la pétulance d’Eva.

— Un chercheur en microbiologie comme Wilhelm Morawski n’entre pas dans la clandestinité sans raison. Il lui a également fallu une grande force de volonté pour résister à l’envie de contacter sa famille, sans doute par volonté de les protéger. On comprend que le pauvre homme se soit noyé dans la bouteille pendant des années…
En tant que scientifique, tu connais sûrement le principe du rasoir d'Ockham. D’après tous les éléments à notre disposition, la piste de la mafia russe me semble la plus cohérente.


Christopher marque une nouvelle pause, élaborant sa théorie sous le regard d’Eva.

— Wilhelm a probablement découvert quelque chose d’important aux yeux de ses financiers russes, dans le laboratoire polonais où il menait ses recherches. Il a dû penser qu’après dix ans, on l’aurait oublié ou du moins cessé de le rechercher. Sa cadette est à peine plus âgée que toi, elle travaille aussi dans la science et vit à Europolis depuis peu. Peut-être que tu lui as fait penser à elle, je veux dire… plus que d’habitude, et qu’il a cherché à la contacter. Elle a eu un accident de voiture il y a quatre jours, et les coïncidences sont rares dans une enquête criminelle. La mafia russe soupçonne peut-être la fille de savoir quelque chose, peut-être de posséder des documents. Si j’ai raison, alors elle court un grand danger.

Christopher s’empare de la main d’Eva avec détermination. Toute trace de son récent vague à l’âme a disparu de son visage volontaire.

— Tu vas venir avec moi. Je te réquisitionne pour l’après-midi. (Il lève sa main libre pour faire taire toute protestation.) Je remplirai le formulaire qui convient, le même que certains collègues utilisent pour venir faire des galipettes dans ce genre d’endroit. (Son regard s’attarde sur le lit d’une place et demi.) On va aller voir la fille Morawski, elle est en ITT jusqu’à la fin de la semaine.
Je lui annoncerai le décès de son père, et de ton côté tu lui répèteras tout ce que tu m’as dit à son sujet : l’homme digne et serviable qu’il était, le combat qu’il avait remporté sur l’alcool, combien sa famille lui manquait. Tu lui diras tout, sauf les détails sur l’enquête. Si elle ne sait rien, elle aura au moins la satisfaction d’entendre un portrait valorisant de son père disparu. Si elle l’a revu… je le verrai à ses réactions et devant la sincérité de ton témoignage, elle acceptera sûrement de nous aider.


Celui qui est redevenu un lieutenant de police motivé et efficace saisit l’autre main d’Eva, dans un face-à-face qui paraîtrait romantique dans des circonstances très différentes.

— Je pourrais te donner le choix, mais je te force officiellement la main. Cela vaut mieux, libre à toi de m’accorder ta confiance ou me le reprocher. Considère que c’est ta sanction pour avoir eu langue trop pendue. Ou une bonne action en mémoire de ton ami Will.
Si jamais cette affaire tourne au vinaigre à un moment ou un autre, tu seras déchargée de toute responsabilité, aux yeux de la loi comme de ta conscience.
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com/t166-christopher-hart-relati
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptySam 9 Fév - 1:57


Tout en relevant l’homme effondré, Eva ne détache pas ses yeux des siens. C’est le seul moyen de le garder avec elle et de combattre son âme solitaire à qui s’il s’abandonne, il sera perdu. La poitrine de la jeune femme se soulève sous l’effet de l’émotion et des désirs réfrénés. Le temps s’est arrêté pour lui dans un passé dont personne ne peut plus changer le cours des choses. Un passé à qui il autorise d’ériger un rempart autour de son avenir. Dans sa vie sentimentale à elle, Eva n’a vécu que des aventures sans engagement. Elle n’a jamais été éperdument amoureuse, et cela ne lui a pas manqué pour prendre du plaisir. Aussi sa compréhension n’est-elle sans doute qu’intellectuelle, du combat perpétuel auquel Hart se livre contre un chagrin sans bornes, qui chaque jour lui refuse de prendre part au tourbillon de la vie. Or, c’est dans le monde des vivants qu’elle veut le voir… Elle relâche sa prise. Rien qu’à ce simple contact, un flot d’idées folles s’est formé en elle que la possibilité bien réelle de rouler sous les draps n’aide pas à endiguer. Ce ne sont pas les scrupules d’exploiter un moment de vulnérabilité, et encore moins la timidité, qui la retiennent de se jeter à l’eau. Non, si elle freine des quatre fers, c’est qu’il n’est pas question de faire du forcing et qu’elle n’est pas désinvolte à l’idée d’un point final à une relation qui est encore tout à inventer.

La blonde revient sur la question posée au sujet du stylo. Maintenant qu’elle y réfléchit sans détour, ses joues s’empourprent, alors qu’elle se lance dans des explications qui la confondent d’embarras. Et c’est une réaction étrange, pour une femme comme elle, si entreprenante avec la gent masculine. À la place, dévoiler sa nudité l’aurait moins gênée ! Intérieurement, elle peste contre le climat océanique de sa verdoyante île d’Irlande qui ne lui a pas forgé une peau à couvrir ses émois intérieurs.

*Tu comprends… c’est bien sûr ?*

Une part d’elle est soulagée qu’il n’insiste pas, mais une autre part, et pas des moindres, est franchement perplexe. Peut-être blasé, Hart porte un long regard sur le sol, plus précisément sur son arme de service, donnant le désagréable sentiment à Eva d’être passée à la trappe. Seule à remplir les blancs, elle sent son cœur plombé par la conclusion qui se formule dans son esprit. Durant le silence qui s’étire entre eux, elle observe par la vitre des enfants dans la cour d’en face. Une femme sous un bonnet en tricot agite les mains pour attrouper des marmots survoltés en pleine bataille de neige. Malmenée au milieu de la mêlé de brailleurs, la vaillante enseignante emmitouflée s’impose néanmoins, et peu à peu se forme devant elle une rangée de bambins deux par deux qui se tiennent la main. Cette démonstration triomphante conforte l’Irlandaise : on gagne à persévérer ! Avivée par un optimiste sans doute illusoire, un sourire point sur son joli minois sous le frémissement des commissures de ses lèvres. Et sentir proche la présence de Christopher redouble son regain.

Le regard dans le vide, ou plutôt fixant une silhouette invisible sur la vitre, elle imagine des contours plus qu’elle ne les discerne réellement. Le souffle sur sa nuque est telle une caresse diablotin. Et après qu’elle tressaille, marquant la surprise du contact physique, elle le laisse faire. D’abord la main de l’Anglais se pose sur son dos. Avec force tranquille, retenue et lenteur, la main sillonne, jusqu’à une épaule. De seconde en seconde s’accroît le désir de la jeune femme. Le policier se rapproche encore. Dans une proximité à laquelle elle se serait prestement soustraite, si elle le considérait uniquement comme un collègue de travail. Un air chaud et tentateur cajole le creux de son oreille avec des paroles, en partie, recouvertes par les battements emballés de son cœur. Elle sourit à dévoiler ses dents ravissantes. Elle espère, elle veut, elle anticipe, un baiser dans le cou. Or c’est sur la joue qu’une barbe la râpe… Elle se mord alors la lèvre, assurément frustrée et néanmoins électrisée. Le baiser presque chaste lui paraît fort charmant, si c’est un préliminaire… Écoutant le murmure de la respiration qui s’éloigne, la scientifique se rend compte que la cour d’école s’est vidée, et elle ne sait pas depuis combien de temps. Ce signe d’inattention l’alerte qu’elle perd de vue l’enquête sur la mort de Will. Elle décide de se reprendre, ayant sur la conscience une possible responsabilité dans la mort d’un homme. Elle refait face au lieutenant sous le beau regard duquel elle fond. Afin de brider ses envies d’attraper le cœur de ce dernier, son esprit, sous couvert de plaisanterie, fait endosser une austère soutane au flic… Les épaules d’Eva tressautent, au rythme de son rire d’abord nerveux qui laisse place à des pouffements chargés d’une gaieté naturelle. Hart est incorrigible d’humour, et c’est pour elle, irrésistible chez un homme !

Gardant néanmoins le cap de la raison, elle parvient à refouler l’empressement de nouer ses bras autour du cou de Christopher pour un baiser passionné. Elle s’exprime d’abord sur un ton assez calme. L’émotion la gagne cependant à mesure qu’elle partage à haute voix ses préoccupations. Un sans-abri qui a traversé de nombreux hivers trépasse quelques mois après qu’elle soit entrée dans sa vie. Will, était-il arrivé à son heure fatidique ou d’une manière ou d’une autre, leur rencontre l’a-t-il précipité six pieds sous terre ? Le lieutenant assemble pièce par pièce les éléments connus, ou déduits, et au fil de son implacable raisonnement, elle se sent apaisée ainsi qu’admirative. Dans le discours de Hart, on sent le policier qui en connaît un rayon sur la nature humaine, des motivations aux limites d’un individu. La chimiste baisse la tête sur l’écran de téléphone. Elle prend alors connaissance des renseignements sur Wilhelm Morawski et sa famille… qui le présume mort d’une overdose. Le sort a frappé Will d’une bien cruelle ironie !
Nous ne pouvons pas avoir la même souplesse d’usage des règlements. Tu es un flic de terrain, je suis une fouine de labo, les resitue-t-elle dans leur environnement professionnel. Il peut m’arriver de prendre l’air pour réaliser des prélèvements. Mais mes activités ne m’amènent pas à contourner les résistances d’une victime. Ni à démêler les entourloupes d’un suspect. Ou encore à côtoyer la perversité d’un esprit criminel. Je n’ai pas de décisions ni d’initiatives personnelles à prendre dans le feu de l’action.
Ses actes à elle doivent être sous contrôle, traçables et répertoriés.
Le plus délicat dans mon travail n’est pas de faire des analyses avec rigueur et minutie, mais de les défendre à la barre. Si je ne suis pas à cheval sur l’intégrité de mon travail, les résultats de mes analyses peuvent être réduits à néant lors du contre-interrogatoire.

Le poids de son manquement au devoir de réserve menace d’accabler l’experte en chimie légale, mais l’enquêteur reprend son raisonnement. Elle l’écoute avec attention. À nouveau, elle est impressionnée par l’acuité des liens qu’il énonce.

*La mafia russe…*

Ce n’est pas une colère bien-fondé, n’empêche qu’Eva en veut à Will. Pourquoi n’a-t-il pas eu plus confiance en elle ? Il la savait dans la police. Elle aurait pu le mettre en relation avec des agents du programme de protection des témoins. Il aurait peut-être pu renouer avec sa famille. Il n’avait pas besoin de souffrir autant, ni si longtemps et encore moins tout seul !
La dernière fois que j’ai vu Will, il était différent. Agité, fébrile. Quelque chose clochait, c’est sûr. C’était au soir du 24 janvier, se remémore Eva à la suite de la mention du récent accident de route de la cadette du microbiologiste. Je ne peux pas croire qu’il ait rechuté dans ses addictions. C’était certainement qu’il a appris pour l’accident de sa fille.
Hart lui prend la main. Elle se concentre sur la diffusion de chaleur. Elle se réchauffe également dans la détermination du policier ainsi que dans son plan d’action. Elle le regarde, emplie d’une profonde gratitude, pourtant, elle n’ose pas l’exprimer ouvertement de crainte que les digues en elle cèdent. Il lui prend l’autre main. Elle sourit faiblement. Si on la passe au détecteur de mensonges, ça ne tiendrait pas une minute avant que la machine ne révèle qu’elle est bien trop consentante à rester à ses côtés pour qu’à un quelconque moment, il lui ait forcé la main. De toute façon, de par leur réputation à l’un et à l’autre, elle parie que sa collaboration sur une enquête de Monk soulèvera peu de curiosité. Tout au plus s’imaginera-t-on qu’elle a badiné et qu’il n’aura pas été réceptif. Malgré la ribambelle de collègues qu’elle « chauffe », on ne lui connaît pas de liaisons avérées, laissant croire aux admirateurs que chacun garde toute sa chance. À contre-pied du défi de la femme inaccessible, le stratagème déployé par l’Irlandaise lui paraît bien plus amusant pour se voir généreusement offrir des verres et se mêler aux compagnies masculines sans avoir à se départir de sa glorieuse féminité.
Ça peut se négocier avec une douzaine de choux à la crème.
Elle sourit, et éclaircit ses propos :
Prix d'un service dûment rempli par mon confrère du bureau d’à côté. Hickman, tu vois qui sait ? Cet après-midi, je dois normalement me rendre au dépôt pour passer au peigne fin des véhicules accidentés. Il va devoir me remplacer, et crois-moi, ça ne sera pas de gaieté de cœur qu’il se déboulonnera de son siège.

N’ayant pas vraiment une minute à perdre, Eva récupère son sac à main et son manteau dont elle s’en revêt rapidement. Elle dégage sa chevelure, tandis que de son côté, le policier reprendre ses propres affaires. Elle file vers la porte d’entrée, note à peine le linge sur le sol, car elle décide subitement de faire volte-face. Un dernier point la retient encore : la vie n'a pas de temps pour les regrets. Dans son tour sur elle-même, elle s’empêtre dans le morceau de tissu, mais un heureux réflexe lui permet d’attraper deux pans du vêtement de celui qui la talonne. Dans leur élan mutuel, elle l’attire résolument à elle, tandis qu’elle bute contre la surface plane de la porte. Tout n’a pas été prémédité, mais elle est drôlement contente de l’issue ! La tête baissée, elle rit sous cape.

*Je te tiens !*

Très vite, leur posture la tend. Ses iris noisette se posent au niveau de l'encolure de la veste de Christopher, tandis que ses mains glissent délicatement autour de sa nuque pour aplatir le col remonté. Elle respire profondément.
Pour l’instant, nous remettons l’inévitable à plus tard…
Sous ses doigts, elle sent ce qui semble être une chaîne ; ça la rend curieuse de savoir ce qui est suspendu au bout.
Je n’abandonnerai pas sans insistance... Faute à mon ADN irlandais, comme tu sais…
Ce sont toujours des mots murmurés, mais il peut désormais lire la confiance dans ses yeux à présent relevés pour rencontrer les siens.
Tu vas devoir compter avec moi…
Elle l’embrasse légèrement d’abord, puis son baiser se fait plus intense, allumant le désir de voluptés. Bien vite, elle met fin à l’effusion, mais sans brusquerie.
La Première femme convoite le Messie, là-haut, ça va continuer à jaser, lui sourit-elle.
Pour l’avoir à ses côtés, elle doit le faire revenir de loin, repousser les idées noires qui lui gangrènent la tête et dieu seul sait si cela ne relève pas du vœu pieux…

À présent installée dans la voiture du lieutenant, Eva sort son téléphone de la poche de son manteau afin de taper un mail à Hickman.
Tu étais sérieux pour les particularités irlandaises ? Quand tu disais les apprécier. Car si c’est vrai, libère ta soirée du 17 mars !
Naviguant du conducteur à son téléphone, elle active l’écran et ouvre un nouveau mail.
Je vais te faire vivre la St Patrick, à l’irlandaise. Ça va être un grand soir, fais-moi confiance.
Le nez sur son écran, elle ébauche un sourire omniscient qui dénote sa confiance sur la liesse inégalable que procure cette célébration. Mais pourra-t-il y prendre part, avec les imprévus de son activité de pourfendeur du crime, qui font tomber à l’eau les plans quatre fois sur cinq ? Le mail envoyé à son confrère chimiste, elle consulte les notifications et s’aperçoit du sms de Hart. Sitôt lu, elle rit de la coïncidence du fait que le contenu du message fait écho à son interrogation.
J’ai reçu la prévision de l’Oracle, et comme on ne peut déjouer le destin, tu ferais bien de réviser les classiques irlandais à entonner en chœur dans les pubs.
Tout soudain, ça lui revient en mémoire que la batterie de son téléphone était censée être à plat.
Sais-tu que c’est moi qui ai fait la visite de Kate Ward.. Ta protégée, c’est le bon terme, non ?
Elle lance ce nouveau sujet pour détourner l’attention de Hart sur un service qu’elle lui a gracieusement rendu – même si sur le moment, elle ignorait qu’il était l’instigateur de la visite et que strictement parlant, il ne s’agit pas d’un service, puisque cette tâche incombe à son poste. Bref, elle range son téléphone dans son sac ni vu ni connu…

Proche de la destination, le caractère éphémère de l’existence occupe à nouveau les pensées d’Eva. Dans moins d’une dizaine de minutes, Maja Morawski, la fille cadette de Will, apprendra la mort inexpliquée d’un père, qu’elle venait à peine de retrouver ou qu’elle croyait mort depuis des années.
Tu l’as déjà fait beaucoup de fois ? D’annoncer ce type de nouvelle, demande-t-elle comme si à partir d’un certain nombre, on peut être indifférent à l’exercice.
Ça sera une première pour elle. Malgré qu’elle se doive de tenir une attitude professionnelle, si cela devait durer, les larmes qu’elle retient ne pourront que rouler sur ses joues pâles. Elle souffle longuement. Pour la mémoire de Will, elle lui doit de dire à sa famille l’homme de volonté qu’il a été ces derniers mois.

Revenir en haut Aller en bas
Christopher Hart
Christopher Hart
Protect & Retaliate
Messages : 3702
Célébrité : Jake Gyllenhaal
Alias : Stubborn
Métier officiel/officieux : Lieutenant de police / Combattant clandestin

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
Protect & Retaliate
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyMer 13 Fév - 4:21

Christopher pose un regard admiratif sur le visage réfléchi d’Eva. Elle aurait presque l’air sérieuse, sans une marque indélébile de malice sur ses traits mutins. À tout le moins, sa conscience professionnelle ainsi que sa lucidité sur leurs fonctions respectives inspirent le respect.
L’Irlandaise est une personne de contrastes, une femme à découvrir et redécouvrir sous une myriade d’angles différents. Pourtant, même les adorables fossettes de ses joues se montrent incapables d’ensorceler plus avant le chaste policier.
Le flic trépigne. Les idées et les déductions enflamment son esprit comme un feu de broussailles nourri par le vent. Les minutieuses analyses en laboratoire  d’Eva, les savants exposés dans les tribunaux entrent dans une temporalité différente, un univers qu’il côtoie sans en faire partie.

Au moins, la scientifique volubile n’interrompt pas l’inspecteur dans le cheminement de ses pensées. Un cheminement parfois si ténu qu’une parole déplacée en romprait le fil.
Mieux : elle apporte de l’eau à son moulin, soutient l’échafaudage de sa théorie.
L’homme esseulé pose une main reconnaissante sur l’épaule de sa sauveuse. Une femme à l’intelligence vive, à l’énergie positive qu’il prendrait bien pour collègue ou à défaut, consultante permanente.
Un sourire en coin amuse les lèvres du flic de terrain.

— Si les microscopes et tubes à essai t’ennuient un jour, songe à te reconvertir en détective privée. Avec ton sens de l’observation et tes capacités de déduction, je décèle en toi un grand potentiel ! Remarque, ces qualités servent aussi dans la pêche à la mouche…

Le lieutenant est lancé, gonflé à bloc. L’affaire presse, une vie est en jeu ! Il s’empare des mains d’Eva sans arrière-pensée romantique. Prêt, s’il le faut, à lui passer les menottes pour l’emmener avec lui.
En d’autres circonstances, Christopher pourrait leur attribuer un usage plus coquin. Les barreaux du « lit aux galipettes » ont le diamètre idéal pour ces petits jeux – on comprend pourquoi les policiers apprécient cet hôtel.

Eva se déclare prête à accepter son invite contre une douzaine de choux à la crème.
Christopher baisse la tête, avise en silence la poitrine généreuse, arque un sourcil dubitatif. Ce genre de rondeur exige un minimum de calories, certes, mais la dose paraît quelque peu exagérée…
Son étonnement amuse l’espiègle Irlandaise, qui se fend d’une explication après un mutisme calculé.

— Hickman ? (Christopher rit.) Bon sang, on risque d’avoir réellement un mort sur la conscience. (L’homme est déjà si corpulent qu’il paraît sur le point d’exploser.) Tu me diras, ça doit représenter un simple encas pour lui… Va pour les pâtisseries ! Mais on essaiera de lui dénicher des produits allégés, enrichies de saveurs exotiques qu’il appréciera peut-être, pour son plus grand bien !

*Beurk* Christopher secoue la tête. Une image écœurante lui est venue à l’esprit : Hickman accroupi devant une voiture, la raie sombre de ses énormes fesses poilues bien en évidence, un carton de pâtisserie à portée de main, la bouche dégoulinante de crème jusqu’à son triple menton pendant que ses yeux porcins se livrent à un examen minutieux.

Le tandem de choc Messie-Première Femme se met alors en mouvement. Rien de tel que l’action pour chasser de viles pensées !
Christopher se hâte de ramasser veste, badge et pistolet. Il range le tout avec une stupéfiante économie de gestes. Une rare aptitude que les policiers partagent avec leurs lointains confrères pompiers, lesquels s’élancent sans arrêt au secours des gens en trois coups de cuiller à pot.

Tandis qu’il se dirige vers la porte où l’énergique criminaliste l’a précédé, celle-ci se retourne subitement et se prend les pieds dans le linge étendu au sol – inutile précaution contre d’illusoires complices d’une collègue honnête.
Le premier geste d’Eva, Christopher l’a répété des milliers de fois sur des canailles, crapules et autres salopards. Les chopper par le col, puis les plaquer contre un mur afin d’établir qui mène le jeu. Dresser ensuite le menton, prendre l’œil mauvais et poser les bonnes questions.
La blonde, cependant, ne l’attrape pas : elle se love contre lui. Féline, féminine, elle glisse les mains sur son manteau dans une imitation de caresse, jusqu’à lui étreindre la nuque. Hart, la corde au cou, repense-t-il bêtement. C’est sa chaîne aux maillons dorés qu’elle sent sous l’extrémité de ses doigts graciles, portant le plus précieux objet qu’il possède.
Elle lui parle d’inévitable et il songe à la mort, la destination finale de toute vie. Au dernier voyage qu’ont déjà entrepris son père, sa mère, son épouse en devenir. Le gouffre de noirceur de son subconscient régurgite pêle-mêle un vomi de sinistres pensées, prêtes à l’engloutir.
Sa sauveuse ne le lâche pas : elle le tire vers la vie, le ramène une fois de plus sur le rivage. « Je n’abandonnerai pas sans insistance », murmure-t-elle. Son regard est fort, assuré. « C’est précisément d’une main secourable et loyale dont mon âme a besoin », paraissent supplier les yeux troubles de Christopher.

Fallait-il qu’il soit le plus masochiste des imbéciles, pour se priver de la douceur des lèvres d’une femme durant ces quatre dernières années ?
Dans son exécution le contact parait banal, anodin. Il a suffi à Eva de pousser légèrement sur les orteils pour se hisser à la hauteur de l’Anglais tétanisé.
Aussitôt de terribles pensées l’envahissent : tu trompes Lauren, salopard infidèle, papa n’aurait jamais trahi maman, tu es faible. L’image de sa mère alitée s’invite dans son esprit : elle affiche une expression désapprobatrice ; Lauren se tient à son chevet, choquée, les yeux chargés de déception.
Bordel, vous êtes mortes !, hurle Christopher à l’intérieur de sa boîte crânienne.
Il n’a plus personne à tromper, plus personne à décevoir.
Sinon lui-même.

L’Anglais passe un bras autour de la taille d’Eva, avance le torse, accentue l’inclinaison de sa tête. Sa langue s’engouffre dans la bouche collée à la sienne ; audacieuse, gourmande. Avide de caresses, presque rageuse.
Un battement puissant résonne sur ses tempes comme un tambour de guerre. Sa musique est plus agréable que les pulsations causées par l’adrénaline.
L’homme allonge son bras libre ; la paume de sa main rencontre la porte.
La porte.
Le monde extérieur.
L’insécurité, la violence.
La mafia russe.
La fille Morawski !


Eva se retire avec langueur, redoutablement allumeuse. Séductrice.
A-t-elle senti le changement qui s’est opéré en Christopher ?
La réponse attendra. La vague d’émotions qui a gagné sa poitrine restera sous confinement.

Christopher répond au sourire de la blonde par courtoisie. Son esprit est déjà en chemin, son cœur s’affole pour la vie innocente menacée, ses oreilles prêtent une maigre attention à la plaisanterie de l’Irlandaise.

— Allons-y, conclut-il sur un ton résolu.


Sur la route menant au domicile de Natalia Morawski

Cette femme est stupéfiante, se dit Christopher en jetant des œillades furtives sur Eva.
Il l’embarque dans une drôle d’aventure, avec une part de risque – la mafia russe, quand même ! –, elle va bientôt donner à une inconnue d’émouvants détails sur son père tragiquement assassiné, pourtant elle mitraille son téléphone avec un sourire badin aux lèvres.
Avant leur étrange confrontation dans une chambre d’hôtel, Christopher aurait pu croire à de l’indifférence, voire une forme inoffensive de démence.
Il sait à présent qu’il n’en est rien : Eva est une personne sensible et compatissante. Elle possède heureusement une forme de force intérieure, de robustesse sans laquelle Europolis la briserait, la broierait. Sa personnalité atypique la fait néanmoins réagir de façon singulière, irrésistiblement drôle et… contagieuse.

— J’espère que tu n’envoies pas de message coquin à Hickman. Je pourrais être jaloux. (Mains sur le volant, il tourne un visage amusé vers Eva.) Et moi, tu ne me soudoieras pas avec une poignée de choux à la crème, vile corruptrice.

Le sérieux de l’affaire en cours confinait Christopher dans une certaine réserve. Contrairement à sa passagère, il sait qu’une fois sur le terrain, tout peut survenir. Au cours de sa longue carrière, maints collègues ont lourdement payé le prix de l’inattention.
Toutefois, un grondement sourd envahit la gorge du policier quand Eva le menace de classiques irlandais à chanter en cœur.

— Avec mon accent anglais, je crains que tes amis au trèfle me jettent leurs verres de Guiness à la figure dès que j’ouvrirai la bouche. Eh oui, même avec une belle chaperonne aux cheveux de blé pour me couvrir  ! Vous êtes des sauvages.

Ahhh, la vieille querelle anglo-irlandaise ! Heureusement, les voisins insulaires ont dépassé le stade de l’étripage en règle depuis longtemps… pour la plupart d’entre eux.
Christopher conserve un vague sourire, toutefois son refus n’a rien d’une plaisanterie. Eva l’a certes sauvé de la noyade, mais le chemin reste long avant de retourner vivre parmi ses congénères humains.

Le conducteur se tortille sur son siège quand Eva mentionne Kate Ward et sa visite à la PTS, prenant le temps de réfléchir avant de répondre. Que sait la scientifique de son lien avec les Ward ?
Il ne relève pas le téléphone à court de batterie. Leurs petites manigances du début appartiennent désormais au passé.
Pour une fois, Christopher trouve du réconfort et de l’assurance dans le mutisme légendaire de Kate. Eva n’a aucun intérêt à connaître toute leur histoire, mais il a suffisamment confiance en elle pour y jouer un rôle futur.

— C’est une fille bien, avec un parcours difficile. À sa place, beaucoup voudraient profiter de la vie sans se préoccuper des autres. Pourtant elle se bat pour garder la tête haute et contribuer à la pacification d’Europolis. Je trouve ça beau et très courageux. (Chris cherche le regard d’Eva.) Je peux compter sur toi pour veiller sur elle, si elle rejoint la PTS ? Pas la couver comme une mère poule, ça lui déplairait et je pense que toi aussi. Juste l’aider à prendre ses marques et lui faire profiter de ton immense talent. Si quelqu’un l’emmerde ou lui cherche des noises, viens directement me voir. Bien sûr, cela vaut aussi pour toi. N’importe où, n’importe quand.

La main droite de Christopher lâche le volant et se pose sur celle d’Eva. Il la presse avec une tendre affection, reprenant peu après sa place initiale.
L’Irlandaise a du caractère, c’est indubitable. Mais une jolie blonde au rire facile attire les hommes (et des femmes) comme des mouches. Des mouches agaçantes pour la plupart, menaçantes pour d’autres.
Christopher détient une méthode pour les écraser.

Le duo emprunte la rue à sens unique où vit Natalia Morawski, poussant la passagère à interroger son collègue sur le triste exercice qui les attend.
Elle ne rit plus, désormais. Christopher encore moins.

— Je l’ai fait trop de fois, répond-il sur un ton grave. Je sais aussi ce que ça fait, d’être à leur place.

La voix du flic se casse abruptement, comme une branche morte, privée de sève. Comme une âme brisée le jour où des collègues lui ont annoncé la mort de Lauren.
Un silence de mort s’installe dans l’habitacle, rompu au moment de garer le véhicule.

— Malgré tout, ou peut-être à cause de ça, je préfère que ce soit moi qui leur annonce plutôt qu’un jeune sans expérience, un collègue sans cœur ou un vieux flic désabusé.
Les vivants sont plus à plaindre que les morts. Ils ont besoin de notre respect, de notre compassion, de notre humanité, d’être traités avec dignité.


Christopher détache sa ceinture puis se tourne vers la criminaliste. Il la saisit par les épaules et rapproche leurs corps pour déposer un baiser sur son front.

—  Je suis conscient que je te demande beaucoup, mais je sais aussi que tu es forte, que c’est la meilleure chose à faire. Plus tard, quand tu auras digéré toute cette histoire, tu en tireras une forme de joie et de fierté qui n’ont rien de malsaines. Peut-être même dès aujourd’hui, en avisant la gratitude dans ses yeux. Ça fait toujours du bien, d’aider les autres. Même quand c’est difficile, surtout quand c’est difficile.
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com/t166-christopher-hart-relati
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyDim 17 Fév - 14:26


Eva incline légèrement la tête, avec sur la bouche un sourire mi amusé mi interrogateur.

*La pêche à la mouche… Hart, te rencardes-tu sur mes activités de loisir ?* est-elle tentée de demander, mais elle s’abstient.

Ils ont des soucis plus urgents que les badineries sur le beau programme d’une sortie. N’empêche prenons le temps de dissiper un malentendu : ce n’est pas l’idée de jouer du moulinet dans une rivière en cuissardes de pêcheur qui botte l’Irlandaise. Oh ça non ! L’extravagance de son imagination fait toujours des siennes, aussi celle-ci peint-elle une toile bien plus exaltante d’une nature sauvage, préservée, et dans ce lieu d’accueil confidentiel deux amants au sommet de l’abandon grimpent au point de fusion… ce qui ne sera pas un mince exploit dans les rigueurs de cet hiver ! Le sourire d’Eva tressaute au bord d’un éclat de rire, évidemment, pour se moquer d’elle-même. Elle secoue la tête chassant ce fantasme déplacé, que son cerveau a néanmoins considéré avec sérieux ! Si le moment était propice à un peu d’introspection, elle se serait inquiétée pour sa raison qui s’égare – à ne plus pouvoir différencier le possible du désirable. Et parler de possible, compte tenu du délire, c’est indulgent !
N’oublions pas mes appâts. Tous fameux. Pour ferrer de gros poissons, ça ne gâche rien, s’amuse-t-elle à glisser avec une arrogance assumée.
Tout esthète doté de la vue ne peut qu’avoir le bon goût d’en convenir !

À mesure que les pièces s’emboîtent dans l’esprit respectif des deux représentants de l’EPD s’ouvrent des ramifications vers la mafia russe. Et si cette piste se vérifie, l’enquête se corse. Ce n’est pas à une bande de rigolos dont ils auront affaire. Le tempo s’accélère, prémices d’actions. Sans s’attarder, leur échange ne se départit toutefois pas d’un humour salutaire pour contenir la pression. Hickman en fait les frais, mais loin d’être un agneau sacrificiel, on peut faire confiance au dolent chimiste pour casser goulûment du sucre de son côté. Pour Eva, guère habituée à partir sur le front en cours de bataille, préserver une énergie positive envers et contre tout est son moyen pour mobiliser ses forces. Elle rit, amusée, mais avant tout sincèrement touchée par le message que Christopher délivre avec son humour empreint de dérision. Il ne lui veut que du bien, et qu’elle se raisonne sur son sentiment de culpabilité dans la mort de Will.
Je crois que toute nourriture plus saine le mettra en état de choc, plaisante-t-elle à sa suite. Mais, pour renverser le joug de ses excès caloriques, l’expérience mérite une tentative !
Il y a entre eux, dans leur façon de communiquer, une familiarité, une confiance réciproque, une intimité qui se sont instaurées tout naturellement. Ça va paraître dingue, mais ce n’est qu’à présent que la jeune femme prend conscience du tutoiement qu’elle a adopté sans réfléchir.

Ils se mettent en route. Il leur faut se dépêcher de rejoindre la fille de Willhem Marowski, peut-être sous la menace imminente de tueurs de la mafia russe. Eva en a conscience. Toutefois, au seuil de retrouver le monde extérieur, elle ressent le besoin de poser certaines choses avec Christopher afin que le poids des regrets cesse de s’alourdir. Elle compatit au sort d’un être qui éprouve aux tréfonds de soi le déchirement de la perte. Qu’on ne se leurre pas, cependant, ce ne sont pas des bontés de sa compassion qui la poussent à se plaquer contre Christopher Hart, cet homme à part, dont la flamme si chatoyante, si chaude qu’elle décèle au fond de ses yeux, l’attire inlassablement. Au fil de ses paroles, on ne peut interpréter la conduite de la blonde que comme l’expression d’un engagement amoureux. Et dans un mouvement le plus naturel du monde, elle se hisse pour l’embrasser. De tendre, le baiser devient plus érotique et de surcroît… partagé !? Elle sent son impatience la basculer dans la servitude des désirs. Hélas ! Trois fois hélas ! Ce n’est pas le moment maintenant, aussi rompt-elle l’étreinte, non sans chercher à attiser une vive frustration chez son compagnon. Afin que l’appel du désir le gouverne à la retrouver dès qu’ils pourront lâcher prise du travail.



Sur la route menant au domicile de Natalia Morawski

Dans la voiture, Eva songe que la souplesse et la flexibilité ne sont pas vraiment les points forts de son confrère Hickman. Est-ce que cela passera, alors qu’elle le prévient à la dernière minute, et par mail, lui ravissant ainsi le plaisir de l’entendre de vive voix lui demander une fleur… Non elle va se faire jeter ! Prestement, Eva efface le deal d’une douzaine pour le modifier en une vingtaine de choux à la crème livrées à son bureau pour son retour et elle lui servira personnellement leur excellent café pour accompagner cette dégustation. Voilà de quoi faire saliver les papilles de ce cher Hickman ! Elle rit à la plaisanterie de Christopher, qui n’est pas si loin du compte. Même si le flirt avec le corpulent chimiste s’apparente à faire miroiter des débauches gustatives.
Je n’ai aucune chance avec lui ! Crois-moi, j’ai déjà usé tous mes sourires enjôleurs pour lui subtiliser des enquêtes. Niet ! Une fois, j’ai même cru qu’il allait me mordre le bras. Tout de même, il a assez d’ancienneté dans le métier pour lâcher du lest sur les affaires de premier plan. En plus, il ne montre aucun empressement à exaucer mes demandes, bougonne-t-elle. Il doit faire partie de ces bienheureux en mariage.
N’ayant jamais eu de conversation sur leur vie privée respective, Eva suppose seulement que le docteur en chimie est marié. Dans leur salle de repos, elle le voit parfois déballer des Tupperwares de plats cuisinés pour se sustenter hors des heures de repas de la cafétéria. Et comme elle ne l’imagine pas s’activer aux fourneaux pour autre chose que des pâtisseries – de plus, les plats qu’il apporte sont plutôt équilibrés et joliment présentés.

Le sourire badin, elle lève un sourcil un peu de défi.
Vous concernant, lieutenant, je miserai sur d’autres appétits, de ceux que je peux satisfaire en donnant de ma personne.. Mais si je prends goût au moyen pour te corrompre, tu ne pourras t’en prendre qu’à toi !
Momentanément mise en pause, elle reprend l’écriture de son mail qui ne comporte pas uniquement la demande de service, mais également des éléments à foison du dossier à traiter. Dans les réjouissances à venir, Hart avait lancé la première ligne avec une activité prisée chez les british. En y repensant, Eva se demande s’il lui arrive de temps à autre de retourner visiter ses parents et, avec un plaisir toujours renouvelé, de parcourir les chalk-streams connus de la famille Hart... L’Irlandaise ne voulant pas être en reste, non qu’il y ait une compétition à avoir entre eux… ou si quand même, dès qu’il s’agissant de leur mère patrie. En tout cas, elle croit frapper un grand coup avec la fameuse célébration du 17 mars. Si elle avait levé le nez de son écran, peut-être aurait perçu sur les traits du conducteur que ce jour si spécial pour tout Irlandais ne le fait lui pas plus que cela trépigner d’impatience. Elle envoie son mail, puis prend connaissance du sms reçu. Tout en changeant le nom du destinataire en Hart attack, elle s’amuse alors à prendre le contenu comme réponse à l’invitation présente. Ce n’est même pas lui forcer la main, puisque qui sur terre, ferait l’impasse sur les festivités de la Saint Patrick ? Or la plaisanterie qu’il lui rétorque, la plonge dans la perplexité.
C’est à cause de la pêche à la mouche ? Parce que je suis d’accord…
À son tour, il a l’air perplexe. Elle fronce des sourcils. Du coup, le refus entre les lignes de l’Anglais n’est donc pas des représailles ? Alors quoi ? Craint-il réellement d’être chambré ? Elle a une moue ennuyée, sans doute trop sérieuse sur la question.
Il est vrai que ta prononciation de la langue de Shakespeare s’entendra à l’oreille de mes compatriotes, comme trop policée et anémique de pep…
Rien à voir avec les mélodies endiablées, certes pas toujours articulés de manière compréhensible, des accents irlandais !
Aussi est-ce fort probable que.. non, c’est archi sûr en fait : tu seras crucifié, si tu ouvres la bouche !
Elle sourit, amusé à vrai dire, et ce disant que d’un, n’est-ce pas simplement sa destinée qui s’accomplit ? De deux, s’il veut éviter la mise en croix, elle peut penser à un stratagème pour occuper ses lèvres et justifier son mutisme, sans que cela n’implique qu’il vide des verres en continu ! Et de trois…
Je ne vais pas contester, en réunion bien arrosée, nous pouvons être des sauvages face aux Redcoats. Mais ! Aucun peuple ne porte plus haute la valeur de l'hospitalité que nous. Tu n’auras qu’un mauvais quart d'heure d'un récital moqueur à passer. Aurais-je tort de penser que tu as assez d’humour et les épaules pour y survivre ?

A la vibration d’une notification – sans doute la réponse de protestation de Hickman, juste pour la forme –, le téléphone qu’elle tient en main se rappelle à elle, et dans la foulée, le souvenir d’avoir prétendu n’avoir plus de batterie. Elle le range et aussitôt relance la conversation sur un sujet qu’elle soupçonne l’embarrasser un peu. Kate Ward est une anguille, qui fait mystère sur tout. Hart est un policier de terrain, à qui il peut arriver de devoir sortir hors des clous pour mener enquête. Sachant qu’a été saisi du matériel de prélèvement avec les empreintes du policier et que les Ward ont été interrogées sur une enquête d’attentat, il ne faut pas être un grand génie pour comprendre qu’il y a anguille sous roche dans ce drôle de ménage à trois… Hart évoque un parcours difficile, mais n’explicite pas quelles épreuves la brunette a bien pu traverser. Ce qui en soi est une indication que le passé de Kate est un sujet sensible. Un passé qui ne doit pas être si lointain, l’étudiante est très jeune. Le regard d’Eva rencontre celui du policier. Elle pourrait le questionner, mais à quoi ça servira ? Il n’en dira pas plus ; elle respecte la discrétion dont il fait preuve à l’égard de sa protégée. Ce n’est pas à lui de raconter le jardin secret de Kate, mais à cette dernière de s’ouvrir à Eva. Si la brune en a envie, rien ne l’y oblige.
Qui est le vil corrupteur maintenant ? taquine-t-elle, alors que la main de Christopher repart sur le volant.
Un moment, elle porte son regard sur la route devant eux, réfléchissant à sa demande. Elle n’a pas à prêter plus d’attention à une nouvelle collaboratrice en particulier plutôt qu’au reste de la volée de fraîchement diplômés qui débarqueront bientôt. Mais si c’est une mission pour son immense talent… Elle pousse un soupir et se tourne vers le conducteur :
N’essaie plus de me prendre par la flatterie, tu sais, je ne marche pas... je coure ! lui sourit-elle, embobinée malgré tout. Très bien, d’accord. Je garde un œil sur ton poussin. Le temps que la petite s’empâte un peu et puisse déployer ses ailes.
Elle sourit. Kate Ward n’a pas encore débarqué à la PTS, mais la voilà déjà affublée du surnom de petit poussin. Pas sûr que tant d'honneur lui fasse plaisir...
Je ne peux pas encore dire si je l’apprécierai. Je ne la cerne pas assez… Mais en laissant son passé ériger un mur de cloison entre elle et les autres, elle ne donne pas vraiment de chance pour la connaître. Vous deux, vous êtes bien trouvés, remarque-t-elle avec un sourire en coin. Tu sais, elle me parait apte à gérer les lourdaudes, et qui sait si ce n'est pas son style d'homme ? Pour ma part, ce sont mes préférés à enquiquiner. Mais bon, je n’ai plus qu’à souhaiter me tromper, puisqu’il me faut ce genre de motif pour t’invoquer.

Leur destination pointe au bout de la rue à sens unique dans laquelle s’engouffre la voiture du policier. Les pensées qu’Eva a cherchées à repousser un temps s’imposent à nouveau à son esprit. Elle pose une question à laquelle elle n’a pas mesuré la portée sur son collègue. Un point douloureux dans sa poitrine l’emprisonne dans le silence. « Un temps, on a craint que ça ne le tue ». Ces paroles qui lui reviennent en mémoire, elle les a entendues de la bouche d’un collègue témoin des instants où le monde s’est écroulé sous les yeux de Hart. Ce n'est pas aimer un peu que d'aimer à vouloir en mourir, avait-elle alors pensé, scellant là-dessus le sort d’un stylo innocent. Elle tourne le regard vers l’homme à ses côtés. Le sourire pétri de tristesse, mais incapable du moindre geste vers lui. À chaque fois que planera le fantôme de sa fiancée disparue, pèsera-t-il toujours ce silence révérencieux entre eux ?

*Si je veux vivre quelque chose avec toi, devrai-je accepter le fait qu’Elle te manquera jusqu’au bout ?*

Même si Eva n’attend pas du sérieux entre eux, ce n’est pas facile pour elle de passer outre. Plus que tout, cela l’effraie que pressentant les difficultés, elle ne veuille pas renoncer à lui.

Tandis que le véhicule s’immobilise, Hart brise le silence. Eva acquiesce d’un vague signe de tête. Elle déboucle sa ceinture puis sa main droite agrippe la poignée, s’apprêtant à ouvrir la portière. C’est alors que les mains de Christopher la capturent pour l’amener à lui. Il pose un baiser sur son front ; elle ferme les yeux. Deux larmes roulent sur sa joue et tombent sur le dos de sa main. Elle est forte, c’est vrai, mais ce jour-là, ça lui aurait été dur d’être forte seule.
Tu as toujours les mots pour me remettre en selle, dit-elle en rouvrant les yeux, le doux sourire retrouvé. Merci, vraiment, merci. Tu me fais beaucoup de bien.
Rapidement, elle se recule, lève le menton et dépose un léger baiser sur la bouche de l’Anglais.

Sans tarder autrement, ils sortent de la voiture. Le quartier est calme, semble-t-il à cette heure de l’après-midi. Des résidences individuelles bordent la rue pratiquement sur tout le long, mais l’adresse de Natalia Morawski correspond à un vieil immeuble. À l’intérieur, ils avisent de l’étage sur la boîte aux lettres. Ensuite, ils se postent pour attendre l’ascenseur. Les portes de la cage métallique s’ouvrent. Avec un bonnet bien enfoncé sur le crâne, deux hommes pressés en sortent. L’un d’eux bouscule la chimiste qui n’a pas eu le temps d’esquisser un mouvement pour s’écarter. L’homme ne s’excuse pas, et aurait sans autre tracé son chemin, sauf que le son d’un objet qui tombe sur le sol l’arrête dans son avancée. En se bousculant, Eva lui a fait lâcher ce qu’il tenait dans sa main, sous la longue manche de sa veste. Un flacon en verre épais roule alors jusqu’à buter la pointe de la bottine de la blonde. Elle se baisse pour le ramasser. Un fond de poudre blanche cristalline est contenu dans le verre. Il y a une étiquette sur laquelle est inscrite une courte formule chimique : NaN3… Brusquement, le flacon lui est arraché des mains. Elle quitte la paume vide de sa main et relève la tête pour rencontre deux yeux glacials et comme sans âme. Le cœur d’Eva bat vite, son cerveau a décodé la formule : azoture de sodium. Un produit très volatil, toxique et explosif. En dehors de son utilisation dans les labos comme agent de conservation et dans les airbags comme propulseur, il s’agit d’un poison mortel. L’homme grogne un remerciement avec une sonorité étrangère, puis s’en va rattraper son comparse qui l’attend pour sortir. Elle tourne des yeux écarquillés par la panique du côté de Hart. Ses lèvres articulent silencieusement : poison. Sont-ils arrivés trop tard pour la fille de Will ? Que doivent-ils faire là maintenant ?



Dé action : Si réussite ===> Munie d'une minerve, Natalia rentre d’un contrôle médical, rejoignant le quatuor dans le hall de l’immeuble.
Si échec ===> Natalia agonise dans son appartement, allongée dans son canapé. La TV est allumée, tout l'endroit est en ordre.
Revenir en haut Aller en bas
Master of Chaos
Master of Chaos
Admin
Messages : 2217
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyDim 17 Fév - 14:26

Le membre 'Eva Walsh' a effectué l'action suivante : Lancer de dés


'Action' :
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Action10
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com
Christopher Hart
Christopher Hart
Protect & Retaliate
Messages : 3702
Célébrité : Jake Gyllenhaal
Alias : Stubborn
Métier officiel/officieux : Lieutenant de police / Combattant clandestin

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
Protect & Retaliate
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyMar 19 Fév - 22:11

Hickman, bienheureux en mariage ? Christopher arque un sourcil suspicieux sur une moue franchement dubitative. Il peine à y croire, à moins que madame Hickman… l’Anglais secoue la tête comme un chien mouillé, afin d’en chasser une nouvelle série de visions d’horreur.
Une profonde inspiration, et le voici prêt à répliquer à sa volubile passagère :

— Me voilà doublement rassuré. La concurrence ne m’effraie pas, mais je ne suis pas quelqu’un de partageur. Comme Hickman avec ses choux à la crème, j’imagine. Et je ne parle pas spécialement de ton bras qui a failli nourrir notre ami commun.

Christopher agite un index tendu, sans mesurer l’ironie de la chose. Ou peut-être qu’il réalise la suggestivité du geste, au moment de remettre fébrilement la main sur le volant et négocier un virage.
Ouf ! L’erreur de conduite a été évitée, mais le crissement étrangement humain des pneus sur la chaussée manque de les faire pouffer de rire.

Eva détient l’étonnante capacité de replonger l’Anglais dans ses jeunes années, avant que son humour ne se ternisse au point de s’embourber dans un triste cynisme. Europolis avait rapidement déçu le policier de Londres, l’attirant dans les abysses du désespoir. Il avait fallu l’arrivée de Lauren Anders dans sa vie pour réveiller sa passion et son enthousiasme.
Au fond, Christopher a toujours eu besoin d’une femme dans sa vie pour garder le sourire, pour éviter de sombrer dans la mélancolie. D’abord sa mère, puis Lauren. Mortes, toutes les deux.
Eva Walsh, quant à elle, déborde de vie et sa lumière lui apporte un bien fou.

— J’apprécie ton engagement. Beaucoup de scientifiques cèdent leur corps à la science après leur décès, mais… offrir son corps à la police de son vivant, quel esprit de sacrifice ! En tant que Messie, tu sais à quel point je suis sensible au don de soi… et à d’autres oblations plus matérielles.

Christopher adresse un regard appuyé sur les lèvres d’Eva, le seul délice charnel dont il s’est délecté pour l’instant. Il se retient néanmoins de regarder plus bas : l’Irlandaise serait bien capable de mettre ses atouts en avant et leur concentration en pâtirait.

D’un autre côté, une petite décharge d’hormones nous préparerait à un éventuel danger…

Combien de fois avait-il brandi cet argument, lorsqu’il vivait en couple ? À l’époque, tout prétexte était bon pour passer à table, mettre le couvert et autres métaphores culinaires. Depuis l’assassinat de Lauren, « Monk » est passé d’un extrême à un autre, de la profusion au néant.


Malgré les efforts de l’Irlandaise, Christopher se montre beaucoup plus distant sur l’invitation à la fête de Saint Patrick. Elle va trop vite en besogne pour l’homme austère qu’il est devenu. Le dynamisme d’Eva fait certes partie intégrante de sa personnalité et de son charme, mais l’Anglais suit son propre rythme.
De surcroît l’affaire Crows League le contraint à une grande prudence. Peu importe ce qu’elle souhaite, ce qu’il souhaite, Christopher ne peut s’engager dans une relation alors qu’il joue le faux couple avec Fallon Ward pour tromper une organisation de tueurs à gages.
Il sourit timidement aux brillantes plaisanteries de sa collègue, soudain étranger à toute exubérance.

— On en reparlera plus tard, la Saint Patrick est encore loin. Il y a d’autres facteurs à prendre en considération.

Comme pour sonner l’épilogue de ce sujet de conversation, le téléphone d’Eva se met à vibrer tandis qu’un chauffard double leur voiture qui roule à la vitesse réglementaire. Sans s’énerver, Christopher lance un appel de phare avant de plonger dans un état méditatif.
Pour l’heure, l’affaire Morawski le préoccupe beaucoup plus que cette histoire de beuverie à l’irlandaise.


La criminaliste change alors complètement de sujet, questionnant son collègue sur sa « protégée » Kate Ward. Christopher lui demande sans détour de veiller sur elle, ce que la blonde accepte… en y mettant les formes, comme à son habitude.

— Je te remercie, Eva. Vous avez des caractères très différents, mais tu pourrais avoir une bonne influence sur elle. (Il sourit.) Comme tu en as sur moi. J’espère que ça collera entre vous… tant que vous n’humectez pas vos lèvres de super glue, évidemment ! Appelons ça un vœu pieux.


Ils arrivent enfin à destination, Christopher retenant sa désormais plus-que-collègue dans la voiture avant l’épreuve à affronter.
Si les mots échangés les émeuvent tous les deux, les larmes de la jeune femme le bouleversent encore plus. Enfant, Christopher était déjà très sensible à celles que sa mère versait en cachette après la mort de son bienaimé époux. Il sent que l’émotion d’Eva est sincère, pas comme les larmes de crocodile coulant sur les visages fourbes des criminelles.
Décidément, il aura passé la journée à faire l’ascenseur émotionnel…

C’est devant un ascenseur bien concret que le flic avise deux suspects sortir de la cage. Après quinze ans de métier, dont dix à Europolis, il n’a pas besoin de consulter les dossiers de ces deux types pour flairer l’odeur du crime.
Le lieutenant fait mine de rien, salue poliment les deux hommes qui n’affichent aucune réaction. Ceux-ci prennent le chemin du hall d’entrée comme si le monde leur appartient, bousculant Eva sans précaution.

Merde.

Christopher fronce les sourcils, espérant que la blonde regarde dans sa direction pour lui signifier un « non » de la tête. Manque de chance, un objet est tombé à terre. Christopher glisse une main à l’intérieur de sa veste, palpant la crosse du 9mm suspendu à un holster d’épaule. Il sent l’adrénaline affluer dans ses veines, accélérer son rythme cardiaque, stimuler ses réflexes.
Dans ce genre de situation, tout peut déraper en un battement de paupière.

Le lieutenant Hart ne parle pas le russe, leur mafia n’est pas son domaine spécialité, mais il en reconnaît l’accent caractéristique lorsque le plus petit remercie sobrement Eva pour le flacon rendu.
Dès que le Ruskof leur tourne le dos, la scientifique lance un regard paniqué à Christopher qui comprend sans difficulté le mot qu’elle articule. Celui-ci pousse Eva dans l’ascenseur et chuchote à toute allure :

— Monte dans l’appartement et appelle du renfort. Vite ! Si besoin, demande à être mise en contact avec un spécialiste des empoisonnements. Ils sauront te guider, en espérant qu’il n’est pas trop tard. Nous comptons tous sur toi !

C’est une énorme responsabilité que le flic vient de placer sur les frêles épaules d’Eva. Mais sa seule alternative est de monter avec sa collègue, sans garantie que Natalia Morawski respire encore. Et si par chance elle est encore en vie… ces deux sbires reviendront tôt ou tard achever leur sinistre besogne.

Sans prendre le temps de recevoir une confirmation de sa collègue, Christopher pivote sur ses talons et s’élance à la poursuite des deux Russes. Il les trouve  à l’autre côté du vestibule, les aligne aussitôt de son Beretta. Le plus grand a déjà une main sur la poignée de porte.

— Police ! Mains en l’air et retournez-vous lentement. Pas d’entourloupe ou je vous flingue sans autre sommation.

Les suspects sont aux yeux de Christopher déjà coupables. De meurtre ou, espère-t-il encore, de tentative de meurtre.

Citation :
Action : les Russes tentent de s’enfuir si réussite ou riposteront au prochain tour si échec.

Tir facile (meilleur résultat sur 2 dés) : dans les deux cas, Chris tire dans les jambes du Grand Ruskof.

Chris : 6 Points de Baston avant la morgue.
Grand Ruskof : 3-1 = 2 blessures légères avant de claquer.
Petit Ruskof : 3 blessures légères avant de claquer.


Dernière édition par Christopher Hart le Mar 19 Fév - 22:13, édité 2 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com/t166-christopher-hart-relati
Master of Chaos
Master of Chaos
Admin
Messages : 2217
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptyMar 19 Fév - 22:11

Le membre 'Christopher Hart' a effectué l'action suivante : Lancer de dés


#1 'Action' :
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Action10

--------------------------------

#2 'A&P+Tir à Distance' :
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée 1pt_pe13 [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée 1pt_pe13
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com
Eva Walsh
Eva Walsh
"Voir, c'est savoir. Vouloir, c'est pouvoir. Oser, c'est avoir."
Messages : 914
Célébrité : Jodie Comer
Métier officiel/officieux : Experte criminaliste en chimie (recherche & analyse de fibres)

Dossier Central
Equipe: Aucune
Points de Baston: 6
Points de Marave: 0
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Good10
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptySam 23 Fév - 14:52


Immeuble dans lequel réside Natalia Morawski

Comme une nuée d’oiseaux effrayés qui prennent leur envol, les pensées de la chimiste se télescopent durant plusieurs secondes. Étant précautionneusement utilisé dans les laboratoires d’analyses médicales, l’azoture de sodium est un composé dont les réactions instables lui sont fort connues. Les effets d’un tel poison dans le corps humain lui font ainsi redouter le pire pour la fille de Will. D’ailleurs, ils l’ont tous échappé belle ! Si en tombant, l’épais verre du flacon s’était brisé… le hall de ce modeste immeuble aurait accueilli leur dernier soupir !

En panique, la criminaliste se tourne vers Hart. Ce dernier comprend illico la situation de crise. Il montre le sang-froid et la décision qui manquent à la blonde pour réagir au quart de tour. Sans ménagement, il l’engouffre dans l’ascenseur et lui donne pour mission de gérer avec la victime. S’enjoignant avec force de réprimer son angoisse pour l’heure, la scientifique appuie sur le bouton de l’étage de Natalia tout en ayant la présence d’esprit de souffler à toute vitesse à son collègue qui lui tourne déjà le dos :
Gaz-toxique-explosif-attention !
Avec le bruit des portes qui se referment, Eva ignore si Christopher a entendu son avertissement. Tout ça ne la rassure vraiment pas sur le sort du policier, mais elle ne peut pas se disperser. Faire face aux risques est le quotidien d’un inspecteur, elle doit lui faire confiance : il s’en sortira ! Normalement, les probabilités sont de son côté, car, ça relèverait franchement de la malédiction de causer le malheur de tant de gens durant cette seule journée !

Pendant que l’ascenseur monte au quatrième étage, elle sort hâtivement son téléphone – qui lui glisse des doigts et faillit se fracasser au sol, mais de justesse elle le rattrape dans sa chute. Aussitôt elle cherche dans son répertoire le Centre Antipoison. Le contact fait partie des numéros d’urgences qu’elle a enregistrés. Avec les spécialistes en toxicologie de la PTS, elle n’a guère besoin d’appeler cet organisme pour des informations. Cependant, elle connaît le personnel qui se relaye à la permanence d’urgence, puisque ceux-ci sont pour la plupart des collègues du département Drogues et Toxicologie de la PTS.

Dès la sortie de l’ascenseur, elle lance l’appel. Dans le long couloir plongé dans une semi-obscurité à cause d’une lampe défectueuse, elle se précipite à la recherche l’appartement de Natalia Morawski. Sa tête braquant de gauche à droite, elle lit les noms de porte en porte. C’est bon pour son temps de chauffe ! Son cerveau relâche le besoin de passer en revue toutes les différentes possibilités avant un essai ; il est désormais à l'écoute des intuitions à vif.
Eisenmann ! C’est Walsh ! coupe-t-elle directement en reconnaissant la voix qui a pris son appel.
Afin de contenir l’angoisse sur le sort de Natalia qui lui noue l’estomac, elle se conduit avec frénésie, sans temps mort.
Je suis au domicile d’une femme qui a été empoisonnée avec de l’azoture de sodium. J’ignore la gravité, mais envoyez vite les secours, je lui fais les premiers soins d'urgence !
Enfin, dès qu’elle trouvera la foutue porte ! Elle transmet l’adresse. Avec l’écho des couloirs, elle entend des cris indistincts de voix d’homme en provenance d’en bas ainsi qu’un coup de feu... Elle refuse de trop penser à ce qui peut se passer pour Christopher.
Dans le hall de l’immeuble, le lieutenant Hart poursuit les deux assassins. Ils sont encore en possession d’une dose qui peut faire des dégâts. Dites aux secours de prendre des masques !
Le spécialiste en toxicologie prend acte. Ils raccrochent sans autre discours. Chacun sait quoi faire. Eisenmann s’occupera immédiatement de prendre contact avec les urgences du Danvers Federal Hospital afin qu’une ambulance soit envoyée toute sirène hurlante. Il guidera également les médecins à la prise en charge d’un empoisonnement à l’azoture de sodium. Eva lance un nouvel appel, cette fois, au centre d’appel du commissariat central. Elle pousse un mini cri de victoire en prenant connaissance du nom sous la sonnette de la porte la plus au fond, évidemment.
Walsh de la chimie légale ! Je suis sur l’intervention d’une victime d’empoisonnement, hurle-t-elle, tant la pression et l’excitation lui montent à la tête.
À nouveau, elle transmet l’adresse tout en baissant la poignée de la porte. C’est ouvert, sans surprise. L’air semble respirable.
Un policier poursuit deux assassins ! Mafia russe. Envoyez-lui immédiatement des renforts ! Attention il y a des risques d’émanation gazeuse toxique !
Elle pose un pied à l’intérieur, entend le son de la publicité pour un gel douche semble-t-il, alors que le voisin d’en face entrouvre sa porte. À l’air peu dégourdi du jeune homme en T-shirt caleçon, il lui fait penser à un étudiant qui sort d’une sieste pour récupérer une nuit blanche de révisions… ou plus probable, de beuverie. Peu importe, elle ne lui jette qu’un coup d’œil, aussitôt elle s’est enfoncée dans l’appartement qu’elle traverse pour trouver Natalia.
Hé le jeune homme, sortez de chez vous ! Police ! crie-t-elle du fond de l’appartement à l’attention du voisin qui ne comprend cure de ce qui se passe. Allez toquer aux portes du premier au dernier, et faites en sorte que personne ne sorte de chez lui. Il y a un risque de respirer du gaz toxique dans le hall !
.. Du gaz… toxique.. merde alors !!?
Dépêche-toi, bouge !
Tant pis pour la politesse ; elle n’a pas le temps de tailler la bavette.

Se rapprochant de la pièce où elle entend des gémissements nauséeux, elle aperçoit dépassant du canapé des pieds qui se tortillent. À toute allure, Eva contourne le meuble. Une femme est allongée avec un bras sur les yeux et les traits crispés d’inconfort.
Natalia..
La femme retire son bras qui pend lamentablement et regarde Eva avec des yeux vitreux et effrayés, par l’idée de sa mort imminente mais aussi par la crainte d’un nouvel agresseur.
N’ayez pas peur, je suis avec la police. Eva. Je connais votre père, Wilhelm…
Natalia essaie de parler, mais ne peut que gémir. Elle hoquette brusquement, puis vomit et sa tête retombe lourdement sur l’appui du canapé. Appelant toutes ses capacités de détachement, la criminaliste passe outre un dégoût bien naturel et dans des gestes décidés, elle aide la jeune polonaise à glisser au sol et la positionne sur ses genoux de sorte à l’empêcher de s’étouffer dans son vomi. Du revers de manche, Eva essuie le dégueulis partout, notamment sur la minerve.
Tiens bon, je t’en prie, ça va aller. Les secours arrivent.
Hormis la garder calme et lui éviter une obstruction des voies respiratoires ainsi qu’un coup du lapin, Eva ne peut guère faire grand-chose pour la soulager. Son manteau éloigné à cause de l'odeur, elle caresse doucement le front de la fille de Will. Elle regarde la pièce à la recherche des éléments pour évaluer le mode d’ingestion et la quantité administrée. Il y a sur la table basse un verre à moitié rempli d’eau sur lequel il n’y a aucune trace de rouge à lèvres. Or, les lèvres de Natalia sont peintes d’un rouge qui a déposé des taches sur le manteau d’Eva. L’appartement est en ordre. Natalia montre les premiers effets concordants avec une ingestion orale de l’azoture de sodium, à infime dose. Tout semble montrer que les assassins ont voulu faire croire à une mort subite naturelle. À une dose difficilement détectable dans l’organisme sans analyses poussées, l’azoture de sodium provoque une crise cardiaque plusieurs heures après l’ingestion. C’est une mort brutale qui survient lentement, avec l’avantage qu’on ne peut a priori pas soupçonner un meurtre. Ont-ils utilisé ce même poison pour Will ? Si les analystes ne recherchent pas précisément l’azoture de sodium, ils vont conclure à un arrêt cardiaque consécutif à une overdose.

Au bruit à l’entrée de l’appartement, Eva dresse le cou pour voir qui vient.
Chris-..
Espoir rapidement déçu, c’est l’étudiant en caleçon. Il l’informe qu’avec quelques autres voisins, ils sont en train d’avertir tout le monde dans les étages. Comme il demande s’il peut faire autre chose. Elle lui demande d’aller à la fenêtre voir s’il y a les secours en approche.
Vous avez entendu quelque chose du hall ?
L’étudiant secoue la tête. Hormis le coup de feu qui l’a réveillé un peu plus tôt. Soudain il lui annonce que l’ambulance et la police sont en bas. Quelques minutes plus tard, des secouristes avec un masque arrivent avec un brancard. Eva les suit en leur transmettant les hypothèses qu’elle a. On lui passe un masque. Dans le hall, des policiers circonscrivent les lieux. L’un d’eux prélève par terre ce qui semble être le flacon de NaN3. Il y a aussi du sang vers la porte d'entrée. Des yeux, Eva cherche à repérer Hart. Aurait-il été transporté à l’hôpital ? Où est-il, bon sang !? Elle monte à l’arrière de l’ambulance à la suite du brancard de Natalia. À l’intérieur, des soignants sont penchés sur un corps en détresse respiratoire…

*Oh-mon-dieu-oh-mon-dieu-oh-mon-dieu*



******
Un peu plus tôt…

Dans sa voiture de patrouille, une jeune patrouilleuse pianote sur son volant. Elle attend son coéquipier qu’elle aperçoit à travers la vitre progresser lentement dans la file pour passer commande. De toute façon, ils ne sont pas pressés. L’après-midi est calme, d’autant plus dans ce quartier résidentiel. Soudain la radio crache un message phonique d’appel de renfort d’urgence. L’adresse est à deux pas. Une seconde, la patrouilleuse hésite à héler son coéquipier, mais il ne l’entendra pas de toute façon. Elle démarre alors en trombe. D’après le message, un collègue est seul aux prises avec deux criminels, armés d’un gaz létal... C'est un gros coup pour une première intervention, se dit-elle plutôt déchaînée à faire ses preuves dans la cour des grands.  

Proche de l’adresse indiquée, elle sort de son véhicule, arme au poing. Elle repère un colosse clopiné avec une vitesse néanmoins impressionnante jusqu’à un véhicule dans lequel il engouffre son corps immense. La porte de l’entrée de l’immeuble s’ouvre à la volée. Un homme aux cheveux foncés soutient un homme plus trapu, apparemment dans les pommes. Il l’allonge, puis se redresse cherchant visiblement le colosse en cavale. Le véhicule du colosse démarre. La policière remonte dans sa voiture et roule jusqu’à vers le grand brun qui vacille un peu – de fatigue d’avoir traîné un corps ou d’autre chose ? Elle baisse sa vitre :
Montez !



******
Danvers Federal Hospital

Dans un couloir, Eva patiente au comble de l’angoisse. Les chances de survie à l’ingestion de l’azoture de sodium sont quasi nulles, néanmoins, la dose administrée était extrêmement faible et Natalia a pu être retrouvée assez tôt. Il y a donc encore une chance, et c’est déjà beaucoup. La chimiste serre fort son téléphone, attendant des nouvelles de Hart. On n’a pas pu la renseigner, hormis que ni lui ni le second criminel n’étaient plus sur les lieux à l’arrivée du gros des renforts. On lui tend un café qu’elle accepte. La chaleur du gobelet a quelque chose de réconfortant. L’homme s’assied à côté d’elle.
Merci.. Ça devient chez vous une habitude, de vouloir me réchauffer… remarque-t-elle, sans parvenir à un sourire.
Elle apprécie le soutien de l’ambulancier – le même qui ce matin-là lui a donné deux couvertures –, mais ce dont son coeur a réellement besoin, c’est d’être fixée sur le sort de Natalia autant que celui de Christopher…



Dé action 1 : Si réussite ===> Le flacon que jette le petit Ruskof se fissure légèrement. Crépitements et émanation d'un filet de gaz.
Si échec ===> Le flacon se brise dans un bruit de détonation et un nuage toxique emplit le hall.

Dé action 2 : Si réussite ===> Le grand Ruskof n’a pas la force pour pousser la porte de l’immeuble ; étourdi par le gaz et la douleur à la jambe.
Si échec ===> Pas touché par le gaz, le grand Ruskof sort de l’immeuble en traînant sa jambe blessée.

Dé action 3 : Si réussite ===> Le petit Ruskof se prend une bouffée de gaz.
Si échec ===> Le petit Ruskof arrive à se protéger du gaz et sort de l’immeuble. Il court à son véhicule.

Dégâts causés par le gaz : Si touché par le petit filet de gaz ===> étourdissement & maux de tête lancinants
Si touché par le gros nuage de gaz ===> violents étourdissement & maux de tête, risque de collapsus.

Dé action 4 : Si réussite ===> A l’hôpital, Natalia pourra reprendre conscience.
Si échec ===> A l’hôpital, Natalia est dans le coma...


Dernière édition par Eva Walsh le Sam 23 Fév - 20:07, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Master of Chaos
Master of Chaos
Admin
Messages : 2217
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée EmptySam 23 Fév - 14:52

Le membre 'Eva Walsh' a effectué l'action suivante : Lancer de dés


#1 'Action' :
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Action11

--------------------------------

#2 'Action' :
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Action10

--------------------------------

#3 'Action' :
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Action11

--------------------------------

#4 'Action' :
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Action11
Revenir en haut Aller en bas
https://after-my-fate.forumsrpg.com
Contenu sponsorisé
MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée   [Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
[Livre I - Terminé] La nuit d’une dure journée
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 2
Aller à la page : 1, 2  Suivant
 Sujets similaires
-
» [Livre I - Terminé] L'histoire du livre, épisode 2
» [Livre I - Terminé] Do you need some help ?
» [Livre I - Terminé] Toi ? Ici ?
» [Livre I - Terminé] Since where are you here
» [Livre I - Terminé] Why did you not tell me anything ?

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
-
Sauter vers: