Qu’elle s’écarte ? Faut pas lui dire 2 fois. Elle ignore ce qu’il a l’intention de faire, mais elle recule précipitamment et en profite pour reprendre son souffle. L’obstruction de sa vue la fatigue davantage que l’épuisement physique d’un combat qui ne mène nulle part. Elle tend l’oreille, seul sens sur lequel elle peut compter pour l’instant pour savoir ce qu’il se passe autour d’elle. Ca s’agite à quelques pas d’elle, jusqu’à ce qu’elle entende la chute, juste avant d’être éclaboussée de merde. C’est le cas de le dire. Une blondasse refaite serait déjà en train de vomir, Fallon a plus de cran que ça. Elle a vécue pire, comme se retrouver avec de la cervelle sur le visage.

Monter derrière lui ? Là, elle hallucine, les toxines doivent lui monter à la tête. Comment cet idiot a réussi à monter la bête ? En la foutant à l’eau, Dieu sait comment et en lui enfonçant le crâne dans la mélasse par exemple. “Sérieux ? Tu penses au rodéo dans un moment pareil ?” Au stade où elle en est ? Qu’a-t-elle à perdre ? Si elle avait su... Il est trop tard pour regretter son saut. Trop tard pour rattraper le fait que sa semelle glisse sur la peau reptilienne et humide de la bête, et trop tard pour empêcher la chute. Aucun son ne lui échappe, elle ferme résolument les lèvres alors que l’eau clapote autour de son corps, puis trempe ses cheveux. Le “plouf” retentissant ne laisse aucune place à l’imagination, elle vient de tomber dans l’eau putride.

“Yurk!” Lâche la miséreuse puante en se relevant du ruisseau. Heureusement, il ne s’agit que d’un ruisseau. Elle pense brièvement avoir une chance de cocue, mais ce serait valable si elle était en couple. “Je sais pourquoi j’ai ripé, sans doute cette voix impérieuse, mon pied s’est rebellé.” D’où lui vient cette malchance soudaine ? Certains diraient que le karma lui rend la monnaie de ses méfaits passés et putain, elle le croit volontiers. La chute dans l’eau qu’elle cherche tant à éviter depuis que la bête leur est tombée dessus, c’est la goutte qui fait déborder le vase.

“Je vais le retrouver ce bâtard, le ramener ici par la peau du cul et lui prouver que son étude, c’est de la merde ! Autant que ces égouts.” On appel ça, péter un plomb. Chose rare chez Fallon, en général plutôt victime d’une folie meurtrière. Mais pas improbable, quand elle est à bout, ou à contrario euphorique, elle peut sortir un flot d’inepties que seule sa fille est capable de suivre et comprendre. “Tu devrais changer de nom pour Cowboy, ou chevaucheur de reptile.”

Elle sait s’arrêter, si, promis. Seulement, elle poursuit. Pourquoi ? C’est son travail, se faire passer pour ce qu’elle n’est pas, s’adapter à toute situation et l’actuelle la place clairement en position de faiblesse. Difficile de faire le lien entre Fallon et Vyper au vu des événements, c’est l’idée, même si ce n’est pas voulu. Il vaut mieux que le Lieutenant la prenne pour Fallon la folle, plutôt que la confondre avec Vyper la justicière. “Besoin d’un coup de main ?”

Jouer la comédie, c’est une seconde nature. S’adapter à toutes les situations, c’est une seconde nature, si ce n’est même inné depuis le temps qu’elle exerce. Et ce, même si elle n’exerce plus officiellement depuis 12 ans. Vendue à 12 ans, espionne pendant 12 ans et civile depuis 12 ans. A croire que le chiffre 12 tourne un moment décisif de son existence à chaque fois, qu’elle doit désormais passer un nouveau cap de son existence, vivre avec la malchance.

Ca lui manque parfois. La vie civile n’a clairement pas été de tout repos suite à sa désertion, si ne plus recevoir d’ordres l’avait libéré de ses acheteurs et détracteurs, ça l’avait aussi extrêmement perturbée. Les ordres allaient de paires avec un but, une mission pour le bien commun, hors, vivre pour soi, ne signifie pas forcément avoir un but. La déserteuse avait subi une longue crise existentielle en recherchant son frère, pourtant, c’est Kate qui lui avait apporté la stabilité dont elle avait besoin. Toutefois, elle pense encore à cette ancienne vie au crochet du service des renseignements russes, tout était plus simple lorsqu’elle se contentait d’exécuter les ordres.

Hors, il ne lui vient pas vraiment à l’esprit d’obéir bêtement à ce Lieutenant qui surgit de son personnage de combattant clandestin et si elle s’était écoutée au lieu d’agir en son sens, elle ne serait pas trempée de merde. Enfin, si ça la dérangeait tant, elle serait déjà sortie de la mélasse au lieu d’y rester et de s’inventer un personnage. Elle propose un coup de main, pour la forme, il est évident qu’il s’en sort très bien sans elle. D’une main, elle essuie les éclaboussures qui ont atteint son visage, tandis que l’autre maintient toujours son arme blanche.

Les hurlements de la bête sont étouffés par l’eau qui recouvre sa tête, Fallon entend que ses gestes se font moins intenses, signe qu’elle se fatigue, mais plutôt qu’elle meurt à petit feu, noyée. Une grimace déforme son visage, elle se sent soudain une certaine affinité avec la bête, elles sont toutes deux des victimes de scientifiques. En tout cas Fallon n’a rien demandé à personne alors qu’on la transformait en caméléon humaine, et elle n’ose imaginer que quiconque accepte volontairement de finir en reptile humanoïde.

Légitime défense, si Chris et Fallon ne s’étaient pas défendus, cette chose les aurait sûrement bouffé sans le moindre remord, mais la tuer n’est pas plus facile à accepter. Quand on sait qu’il s’agit surement d’un(e) innocent(e) sous cette peau. Stubborn lui demande de chercher la lampe torche, elle ne l’écoute pas, voir la bête mourir à petit feu la rend mal à l’aise. C’est pourquoi, elle profite qu’elle soit immobilisée pour chercher la faiblesse de la créature.

“Tu pouvais pas dire plus tôt que ta lampe est étanche ? Donner des ordres tu sais faire, mais donner une information capitale ça te passe au dessus de la tête ! Dis plutôt que tu voulais pas plonger dans la merde, maintenant que j’y suis ça te rend bien service.” Là. D’un geste vif et assuré, Fallon plante sa lame dans la fente derrière l’oreille de la bête, la lame est assez longue pour atteindre le crâne, du moins elle l’espère vu les transformations faites.

Soudain, la chose cesse de se débattre, morte. Elle n'est peut-être pas si malchanceuse que ça, finalement. Le Lieutenant pourra mettre la mort sur le compte de la noyade, s’il ne s’amuse pas à examiner le cadavre. Quant à elle, la tueuse retire son arme mortelle du cadavre et essuie le sang sur la veste toujours accrochée à sa taille, avant de le ranger dans son étui. Avec l’adrénaline et les prouesses physiques nécessaires à leur survie, elle n’a pas réalisé une seconde qu’il faisait plus frais dans les égouts. Son coeur bat la chamade, libérée de la menace, elle se penche et pose ses mains sur ses genoux, pour reprendre son souffle et calmer ses nerfs.

Par la même occasion, elle cherche la dite lueur sous l’eau putride. A quelques pas de là, elle plonge la main sous la surface et récupère l’objet qu’elle brandit fièrement. Le faisceau se dirige droit dans la figure de l'homme masqué, quelques pas supplémentaires la ramène face à lui et dans l’optique de jouer son rôle et non parce qu’elle est mauvaise perdante, elle envisage sérieusement de le pousser dans l’eau. Seulement, le faisceau montre l’état de sa blessure au torse, elle ne saurait dire la gravité de cette dernière, mais ça la dissuade de le faire. Ils s’en sorti vivants, ce serait con qu’il crève à cause d’une infection. “Si ça t’ennuie pas j’aimerais sortir d’ici rapidement, et prendre une douche, et un bain et encore une douche, je vais sûrement vider deux flacons de gel douche avec ces conneries.”

Stubborn ôte son masque, elle ne s’attendait pas du tout à ça. Il aurait pu l’enlever beaucoup plus tôt, elle n’a jamais compris ceux qui portent des masques. Certes, ça cache l’identité, mais ça gêne énormément aussi. En tout cas, elle, ça la gêne. A vrai dire, elle n’en a jamais vraiment eu besoin puisqu’elle se fond littéralement dans le décor quand bon lui semble. Elle a l’habitude d’avancer et d’agir dans l’ombre.

Quoi qu’il en soit, il se dévoile. En quel honneur ? Il prend un énorme risque en agissant ainsi, pour autant qu’elle sache son visage n’est pas médiatisé, mais elle pourrait le reconnaître ultérieurement. Serait-ce un excès de confiance de sa part ? Quand bien même elle sait parfaitement à qui elle a à faire, lui l’ignore et prend tout de même le risque. En sus, il se met à rire, elle capte la nervosité et ne relève pas. Alors, lequel des deux perd la tête maintenant ? On élimine la pression comme on peut. De fait, elle ne pipe mot pendant qu’il se rapproche d’elle avant de récupérer la lampe de ses mains.

“Ravie qu’on tombe enfin d’accord sur quelque chose.” C’est déjà ça de gagné. Puisqu’elle avait fait preuve de malchance jusque-là, elle ne va certainement pas rechigner. Pour cette fois. Elle regarde derrière elle, même si elle ne voit rien puisque le faisceau lumineux n’est plus dans cette direction. C’est terminé. Du moins, avec la créature humanoïde. Est-ce que ses prédécesseurs ont terminé de la même façon ? Ca fait froid dans le dos, elle aurait pu finir comme ça et pour autant qu’elle se souvienne, elle était la seule à avoir survécue à ces batteries d’expérimentations, qu’étaient devenus les autres ? Pourquoi y a-t-elle échappé ? Aurait-elle quelque chose que les autres n’ont pas ? Y a de quoi se poser des questions quand on fait face à ça. Quand on sait comment on aurait pu terminer. Dans les égouts, à bouffer des rats.

Ca la fout en rogne, Fallon, elle sait ne pas être la seule, elle en connaît au moins 2 autres qui ont subi des expérimentations. Les rumeurs au sujet des monstres échappés du Danvers sont exactes, mais le Danvers Hospital n’est pas le seul, il existe des centres partout dans le monde. Combien d’autres se sont retrouvés livré à eux même là dehors ? Et tués à cause de leur différence ? Elle-même ne serait plus de ce monde si ça s’apprenait.

Surprenant, de devoir affronter un cas de figure similaire pour qu’elle se pose ce genre de questions. Jusque là, elle s’en moquait, tout ce qui importait était d’être en vie, d’avoir sa liberté, malgré les vices qui sont les siens. Cette bête là leur a vraiment donné du fil à retordre, à l’accoutumée, Fallon descend sa cible en profitant de l’effet de surprise, l’honneur n’a pas de place dans sa branche, pire, elle n’était clairement pas préparée à ça.

Stubborn garde le silence, elle en fait autant, perdue dans ses songes, sa conscience naissante. Elle détache sa veste autour de sa taille, pour la secouer et retirer le maximum de déchets toxiques, même si elle se doute que le cuir est fichu. Ses fringues lui collent à la peau, c’est très désagréable, mais pire elle sent qu’elle empeste. Heureusement, elle n’a pas avalé d’eau putride. Kate va sûrement brûler ses fringues pendant qu’elle prendra sa douche une fois à la maison. Elle n’en croira pas ses oreilles quand elle lui parlera de sa soirée. Dire qu’elle devait simplement suivre sa cible, elle était loin de se douter de la manière dont se terminerait sa soirée.

Stubborn s’exclame et la ramène à la réalité. Elle constate qu’il a trouvé la sortie et lui confie la lampe, qu’elle braque pour lui illuminer le passage jusqu’à hauteur de la bouche d’égout. Elle patiente, elle est douée pour ça, tandis qu’il tente d’ouvrir la bouche et ne réprime pas un sourire quand il y parvient enfin. Dès qu’il disparaît du passage, elle entame sa propre remontée et accepte la main tendue pour l’aider à s’extirper de la puanteur des égouts. Comme lessivée, elle reste assise au sol, le visage levé au ciel tel une douche naturelle bienvenue. Le regard du Lieutenant est rivé sur elle, il sourit, pourquoi ? Il s’excuse. Elle hausse des épaules, elle a entendue bien pire.

“Il n’y a pas pires saloperies que ce que j’ai sur moi.” Elle aussi a balancé de belles saloperies, apparemment, il ne lui en tient pas rigueur. Par contre, il lui ment. Il se présente comme Stuart, elle sourit, comme si elle était heureuse de faire sa connaissance. Il ne se doute de rien. “Stuart, je te dois une fière chandelle, moi c’est Fallon. Je crois qu’aucun de nous deux s’attendait à tomber sur… ça.” Elle ne prend pas la peine de mentir, mais lui, prendra-t-il la peine d’enquêter avec un simple prénom comme base ? Elle ne doit certainement pas être la seule Fallon parmi les 12 millions d’habitants d’Europolis. Et aucune chance qu’il fasse le rapprochement avec son double, Vyper.

“Tu veux que je regarde ta blessure ? Tu t’es pris une bonne raclée de Melvin aussi, ou que je te dépose à l’hôpital ?” S’il n’a pas peur de finir comme la bête. “Sinon, je vais y aller, j’ai vraiment besoin d’enlever tout ça.”

Que ça lui va bien, elle hausse un sourcil. Se moque-t-il d’elle ? A voir son sourire, sans doute. Elle tente de déterminer s’il s’agit de moquerie ou de taquinerie et décide de hausser les épaules, franchement ça n’a aucune importance. “Toi par contre, t’as pas une tête de Stuart.” Ne peut-elle s’empêcher de balancer, l’air de rien. Qu’il s’interroge donc si le doute le taraude. Merci. Non, merci à toi... Gnagnagna, c’est fou ce que la politesse élémentaire vous pousse à dire comme conneries. Fallon n’a pas la patience pour ça, pas alors qu’elle est trempée de merde.

Très gentil de sa part, il n’a vraiment aucune idée d’à qui il a à faire. Tant mieux, finalement ça arrange bien la tueuse de n’être qu’une incompétente aux yeux d’un Lieutenant de police. Qu’elle ne s’inquiète pas pour lui, c’est pas qu’elle s’en faisait. Pas vraiment, si ? Ces derniers temps, c’est devenu difficile, jouer la comédie est devenue si naturel depuis des années, que savoir si ce qu’elle ressent vient d’elle ou de son rôle, est difficile à dissocier. Dans le doute, elle ne cherche même pas à insister, ce ne serait qu’alimenter ce qu’elle considère comme une faiblesse. Appliquer la politique de l’autruche, tout va bien dans son monde.

“Oui, j’en doute pas.” Elle était là. En première, en dernière loge, elle a assisté à plus d’un de ses combats. S’il sortait vainqueur de la plupart, il se prenait de belles branlées aussi. A se demander comment il justifie ça auprès de ses collègues, mais ce n’est pas son problème. Le fait est qu’il sait encaisser.

Bon, il veut pas de son aide, ça l’arrange bien et plus rien ne la retient ici. D’un signe de la main, elle lui fait un salut, avant de lui tourner le dos pour s’éloigner. Il la hèle, elle se retourne le temps de l’écouter et de répondre. “Compte sur moi. Je parierai sur toi la prochaine fois, t’auras plutôt intérêt à pas laisser ton adversaire botter ton cul. Ce serait dommage de l’abîmer.” Elle sait de quoi elle parle, elle en a eu un bon aperçu pendant qu’il montait à cette échelle et s’échiner à ouvrir la bouche.

Elle attend d’être hors de portée de vue pour se fondre dans le décor et s’assurer que le Lieutenant quitte bien les lieux. Elle se doute bien qu’il enverra des flics pour récupérer le cadavre de la bête, seulement, elle n’a pas l’intention de le laisser faire. Elle préfère garder ses vêtements humides par la merde des autres et empêcher à une équipe scientifique de faire leurs petites affaires sur une pauvre victime du Danvers Hospital, que rentrer chez elle en sachant que la bête est en train d’être autopsié, décortiqué et étudié par des scientifiques.

Tant pis, elle prend le risque. Que le Lieutenant se lance sur ses traces quand il apprendra que le corps ne se trouve pas là où il l’avait laissé. Mais au moins elle sera tranquille. Dès que le Lieutenant a quitté les lieux, elle retourne à sa voiture pour se rapprocher de la bouche et retourne dans le souterrain, il lui a gentiment laissé sa lampe torche. Si elle se sent d’humeur joueuse, elle lui renverra peut-être par la poste, mais ce serait prendre plus de risques qu’elle n’en prend déjà.

Ca l’ennui de retourner là dedans, mais au moins elle offrira une fin plus appropriée à la bête. Ca lui prend un temps fou, elle craint de tomber sur les flics quand elle sortira d’ici, mais la chance semble lui sourire cette fois, jusqu’à ce qu’elle balance le cadavre dans le coffre de sa voiture et qu’elle dégage des lieux. Maintenant, elle a vraiment besoin de prendre des douches, 3 au minimum. Après, elle trouvera un endroit pour enterrer la créature.