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 [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs
Nimhoë Matveyev
Nimhoë Matveyev
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MessageSujet: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptySam 9 Mar - 19:33

TENDS MOI LA MAIN, QUE JE BOUFFE TES DOIGTS

Tu te regardes dans le miroir de ta chambre, nue. Quel corps minuscule, tu possèdes là. Ta peau blanche et parfaite, dissimule les cicatrices de ton passé. Poupée fabriquée par des médecins compétents, on ne devine rien de ce que ce corps a pu subir. Mais toi tu sais, toi tu sais ce qu’elle renferme cette poupée. Tu n’es qu’un monstre à la cape nacrée. Sale monstre qui se complet dans le mensonge ; ta douceur apparente fait une si belle carapace à l’horreur qui t’habite. Mais de quelle cruauté mensongère, peut être coupable la nature. Tu souris, si seulement l’apparence reflétait l’âme, le monde ne serait peuplé que de créatures abyssales. La voilà, la réalité. Le monde est monstrueux, et il lui faut des êtres tout aussi monstrueux que lui. Détachant ton regard de cette trompeuse silhouette, tu attrapes une cigarette et la plante entre tes lèvres. La flamme embrase le tabac et la fumée s’empare de l’espace. Elle caresse les murs gris et blanc, frôle le parquet vieilli, galope entre les poutres visibles du plafond. Les photos placardées sur les murs, dévoilent les enquêtes en cours, qu’une photographe est censée faire. Mais toi, toi tu n’es pas photographe. Toi, tu es le rejeton de l’humanité, celle qu’on est venu chercher dans les profondeurs. Ils t’ont réveillé, ils t’ont éveillé, pour un sinistre destin. Cette humanité en perdition, tu portes sa souffrance jusqu’au cieux, tu élèves sa douleur, tu la révèles. Humanité aveuglée par l’espoir, elle cache néanmoins bien son jeu. Pauvre d’eux. Pauvre à tous ceux qui nourrissent l’espoir. Tu te penches sur le rebord de la fenêtre, elle perce le jour et expose les vivants en contrebas. Ils s’agitent, ils rient, ils courent, ils parlent, ils errent. Savent-ils au moins pourquoi ? Mais tu n’as que faire de leur sort, insectes au bord du précipice. Tu sens une vague malsaine s’approcher, prête à déferler sa miséricorde. Il ne restera bientôt plus rien d’eux, plus rien de toi.

Tu soupires, tu t’égares dans les méandres de ton âme déchirée. Le seul être pour l’instant, dont le sort t’importe, c’est lui. Tes froides prunelles se portent sur les photos posées sur ton lit, un grand brun au regard aussi lointain que les démons qu’il renferme. Quittant la fenêtre, tu rejoins la couette duveteuse et t’empares de l’une d’entre elles. Mystérieux bonhomme qui cache bien des secrets. Tu le sais, tu en es certaine, il te mènera à quelque chose. Il le faut. Tu n’as encore rien trouvé, sur qui que ce soit, qui pourrait intéresser Liev. Rien sur ce qui se passe dans cette triste ville aux allures étranges. Tu sens l’atmosphère lourde et les bas-fonds qui grondent. Quelque chose se passe, tu dois savoir quoi. Lui, lui il le sait. Oui, lui il le sait. Il est ta seule piste. Il est lié aux Mad Foxes, tu en es certaine. Il te faut savoir comment. Il te faut l’approcher, il faut que tu saches. Tes dents se serrent, autant que tes doigts autour du papier, se repliant sur lui-même. Il faut que tu réussisses. Tu dois faire ce qui doit être fait. Tu dois faire, ce pourquoi tu as été ramené de l’ombre. Tu dois faire, ce pourquoi tu as été fabriqué. Car fabriquée tu es, ne l’oublies pas Nim. Rageusement, tu rassembles les documents et photos sur le lit, tu les déposes dans un récipient métallique et embrase le tout de ta cigarette encore fumante. Rien ne sert de laisser des traces, lorsque l’on a tout dans la tête. Tu as lu, sur cette personne, ce qu’il était nécessaire d’avoir comme informations. Et c’est lui-même qui t’a ouvert les portes de sa vie. A votre première rencontre, dans un bar, oublié dans le brouillard de l’alcool, il s’est laissé emporter par la légèreté et t’a donné sa carte de visite. Jean Raulne. Jean. Triste Jean. Tu en intéresses plus d’un, toi, homme de l’ombre. Que possèdes-tu de si important, pour que les forces de l’ordre te convoitent ? Tes yeux fixent les flammes manger le papier. Les coïncidences n’existent pas : Mad Foxes recherchés, l’agacement des flics, et lui au milieu. Bientôt, tout devient poussière et tu déverses les restes par la fenêtre, le vent faisant le reste. Allié silencieux qui te poursuit.

Tu te laisses emporter par ton instabilité, respires. Tu ne dois plus penser, tu dois avancer, tu dois agir. La lumière s’affaiblit, la nuit arrive et assombrit la ville, comme les cœurs. Rapidement, tu enfiles une tenue aussi terne que la vie. Un dernier regard au miroir. Sale menteuse. Piètre marionnette qui se laisse guider par ses filets. Quand admettras-tu la vérité ? Quand réaliseras-tu ? Avant de t’enfoncer plus loin dans l’incompréhension de ton être, tu t’échappes par la porte d’entrée et t’évanouie dans les rues de la ville. Ramassis d’ordures, ça empeste la défaite et la fatalité. Tu ne vois comme fin à cette histoire, qu’une mare rougeoyante. Du moins, tu en rêves. Mourir baigner dans les erreurs des hommes, voilà votre destinée. Voilà, votre récompense à tant de caprices. Nature vengeresse, corrompt les hommes et les pousse au gouffre. Vous tomberez tous. Oui, vous tomberez tous. Tu souris. Tu tombes déjà.

Le bar éclaire la rue de son appel à la dépravation et à l’oubli. Tu t’arrêtes, dans l’ombre, guettant sa présence à lui. Ô Jean, viendras-tu ? Tu finis par entrer, te dirigeant vers le bar, tu décroches un grand sourire au barman : « Bonsoir, Clint. » Tu t’installes sur un tabouret en face de lui et déposes tes affaires sur un autre : « Bonsoir Nim, on est jeudi, je me demandais quand tu finirais par arriver ? » Un sourire en coin gênée, tu réponds d’un hochement de tête : « Tu sais que je ne manquerais pour rien au monde, un jeudi soir à tes côtés. » Il rit, heureux de te voir. Gentille fille, tu te moques de lui avec le sourire accroché à tes lèvres buveuses de sang. Mais comment déceler le vrai du faux, dans un monde aussi falsifié ? Il pose devant toi, un verre de vin rouge, et sur toi, un regard bienveillant. Tu le remercies de tes prunelles que tu teintes de douceur. T’apprêtant à ouvrir un livre, tu le vois, lui, non loin. A en juger son attitude, il semble déjà bien enveloppé par la brume. T’emparant du verre, tu t’abreuves de l’amertume, fixant les bouteilles derrière Clint, qui t’apporte tartines et beurre, comme à son habitude. « Merci beaucoup. » Un souffle empreint de reconnaissance. Mais déjà, tu sens une créature s’approcher, indésirable créature. Tu te retournes, voir qui est celui qui, ce soir, tentera sa chance pour trouver réconfort. Un grand balafré dont le combat, ne semble point effrayer. Embué par l’alcool, sa présence t’agace : « Elle a besoin d’aide pour tartiner la d’moiselle ? » Son haleine renvoi l’horreur d’un manque d’hygiène nauséabond : « Non merci. » Ferme, rien ne t’empêche d’être froide dans cette situation. Mais tu sais que cela ne servira à rien, car dans ses yeux brûlent déjà, le désir de t’emmerder. Il te faut alors faire preuve d’ingéniosité et de patience. Tu retournes à ton pain grillé et prend le couteau entre tes doigts fins, mais il s’accoude sur le bar, te surplombant. Son ombre te dissimule, et c’est dans tes yeux maintenant, que brûlent la rage. Calmes tes ardeurs démones, ce n’est qu’une ombre en détresse : « On sait tous les deux, c'que veut dire non dans la bouche d'un femme ... » susurre-t-il à ton oreille. Tes ongles grattent nerveusement les gravures métalliques du manche. Tu ne l’écoutes pas, tu imagines seulement avec quelle tendresse, ce couteau pourrait merveilleusement s’enfoncer dans son estomac. Tu en ferais sortir toutes les atrocités et libérais cet être de la déchéance. Tu le viderais comme un porc réclamant qu’on l’achève. Tu déverserais son sang et te baignerais dans cet océan rouge, libérée. Respires, Nim. Tremblante de nerf, tu reposes l’arme blanche. Aucune éclaboussure. C’est ce qu’à demander Liev, aucune éclaboussure. Gentille fille obéissante. Paupières closes, tu gonfles tes poumons d’air, envolant les morbides pensées. Ce crevard pourrait finalement t’être utile, qui sait ? Un moyen d’atteindre, ton Jean ? Tu sens une main baladeuse sur ton épaule, descendant dans ton dos. Alors voilà, on y est. Mise en scène, comédienne de l’enfer, à toi de jouer. Tu attends que Clint s’efface dans la cave, tout doit aller très vite. Faisant pivoter l’assise, tu te confrontes à l’homme irréfléchi, brutalement tu lui frappes les couilles. Surpris, il se tord de douleur et pousse un râle : « Regardes-toi, minable que tu es, qui voudrais de toi ? » tu siffles entre tes dents, serpent. Mais tout ce que tu attends, c’est qu’il riposte. Un tel homme, ne laissera pas sa fierté bafouée par une femme. La fierté, c’est tout ce qu’il lui reste. Tu te décales, te positionnes, prêtes à t’effondrer, le coup part et vient s’abattre sur ton visage. Dans un cri, tu t’envoles et bouscules ton cher si convoité, sonnée tu te laisses glisser sur le sol : « Salope. » Il t’attrape par les cheveux, la foule est perplexe, mais les hommes se figent face à la peur. Que leur demander de plus ? Que de rester bien sage, à attendre que la tempête s’éloigne.

En une fraction de secondes, il te balance par la porte de derrière, et tu t’écrases dans la petite rue sombre et déserte. Faiblement éclairée par un lampadaire fatigué, tu distingues l’imposante silhouette. Pauvre fou. Sereinement, tu te redresses, sourire carnassier : « Comment t’as deviné ? La violence, j’adore ça. » Tu l’attends, viens à moi, ô âme perdue. Je t’emmènerais rejoindre mes démons. Un nouveau coup et c’est ton sang qui teinte le parvis. Tu t’adosses au mur, tu as mal, mais tu la connais ta douleur, par coeur. Tu la supportes, comme tu l’as toujours supporté. Tu l’aimes, ta douleur : « A l’aide ! » Ton appel désespéré perce la nuit noire. A qui voudra l’entendre, tu espères que ça sera, lui. Jean. Il a plutôt intérêt à se dépêcher, sinon c’est Clint qui va débarquer, et alors tout ce sang sera gâché. Tu regardes l’homme s’approcher, si seulement, si seulement tu pouvais juste, éclabousser un peu. Juste un peu. Mais pourvu qu’il vienne, sinon tu te seras trompée. Pourvu qu’il vienne et confirme tes intuitions. Un nouveau coup, et c’est par ta nuque qu’il te tient maintenant.« C’est qui le minable maintenant ? » Il est fier de lui, mais dans ses prunelles, tu ne vois que le vide de son âme. Où est-ce seulement le reflet de la tienne ?
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Dernière édition par Nimhoë Matveyev le Lun 22 Avr - 0:47, édité 1 fois
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Jean Raulne
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyDim 10 Mar - 14:31

[HJ finalement j’ai fait remonter ça au départ de sa femme et de ses filles si ça te va!Décembre dernier dans la chrono:) ]


Le message de Jenna, je le repasse en boucle dans ma tête. Au revoir, à jamais. A jamais. Ca traversait toutes mes pensées comme un coup de tonnerre qui faisait trembler ma conscience, qui faisait chanceler toutes mes résolutions. Elle se barrait. Elle emportait nos filles. Mes filles, mes toutes petites. Elle me prenait tout. Je me fichais de la maison, si elles n’y vivaient pas avec moi. Je me fichais de tout ce fric, ma solde pendant la guerre, ma pension, et mon salaire de cadre. Qu’est ce qui avait vraiment du sens, si elle me prenait tout ce à quoi je tenais ? C’était sans doute ma faute. Tout était ma faute. Depuis la guerre, rien n’allait vraiment. C’était moi, le problème, j’en avais bien conscience… Toute la journée, j’avais regardé ma montre. Transpirant, le coeur qui bat le rythme erratique de tirs de suppression, marquant la mesure d’un barrage d’artillerie dans le lointain. Je me rappelais à partir de quel moment tout avait commencé à partir en couille dans ma vie.


Peut être la première fois que j’avais eu une arme en main. Peut être la première fois que j’avais pointé mon flingue sur le visage d’un de ces gosses, au Niger, en recevant l’ordre 66. Toutes les horreurs que j’avais faites, tous ces drames que j’avais commis… Mais non. Ce n’était même pas tout ça. Si je devais vraiment trouver un point de départ à toute cette tempête de merde, je devais être honnête avec moi-même.


C’était arrivé six ans plus tôt. Quand j’étais en hélicoptère au-dessus des sommets enneigés du Nord de la Norvège. Pile au moment où l’horizon s’était enflammé dans un grand halo de lumière, et que ce quelque chose que les gens appelaient âme s’était retrouvé déchiré en moi. Les hommes de la compagnie étaient devenus fous. Certains s’étaient jetés de leur hélico. D’autres s’étaient crashés tout entier. Une partie s’était tirée dessus, ou s’était battu à mort avec les coéquipiers. C’était à ce moment précis où j’avais définitivement perdu le contrôle. Monstrueux, je l’avais toujours été. Mais depuis ce jour, je n’étais même plus vraiment humain. Débris honteux d’un passé révolu, d’une guerre gagnée et d’un nouveau monde qui n’avait pas besoin de ces tueurs qui avaient permis son émergence. J’avais regardé ma montre toute la journée. Ma main gauche avait tremblé, comme elle le faisait à chaque fois que le palpitant s’emballait. Les réunions s’étaient enchaînées et j’avais dit que j’avais la fièvre, quand on m’interrogeait sur mon état. Je transpirais, au point d’aller me débarbouiller dans les lavabos du siège de ma boîte.


Le soir, je ne rentre même pas chez moi. Pas le coeur d’y retrouver la maison vide.


Le whisky, je me noie dedans. Démon aux couleurs tourbées, aux odeurs ennivrantes. Je ressasse le chaos qu’est devenu ma vie. Cette idée de gang. Je ne suis pas le seul à être incapable de me réadapter. Tous mes Fantômes encore en vie fuient ce qu’ils sont, le combattent. Sans espoir de se vaincre eux-mêmes. Je bois pendant des heures. Perdu dans mes pensées. Perdu dans le fracas des canons et la lumière des traçantes, dans le flash stroboscopique de tirs de mitrailleuse en pleine nuit. Je n’entends plus rien autour de moi. Regard perdu dans le vague, vitreux, je n’entends plus que les hurlements, l’odeur du sang et du fycélène, partout. Ce coeur qui ne s’arrête plus de battre que sous un rythme qui ne regarde que lui, sans régularité et sans logique, alors que je revoie le visage de mes petites. Ados, déjà, mais si petites hier encore. Ce « papa ! » qu’elles lancent lorsque je reviens, l’esprit embrumé et l’âme disparue, sur les quais de la gare. Ce bel uniforme, ces médailles et le béret noir des Fantômes, ce sourire de Jenna, qui me fait sourire à mon tour, tout seul dans ce bar, avec mon verre de whisky.


Elle s’est tirée, et je suis tout seul.


Je fume, dehors, j’oublie qui je suis, je ne prends garde à rien. Je pisse le trop plein contre une poubelle, clope au bec. En chemise, cravate à peine dénouée, veste posée sur le couvercle d’un container à tri sélectif à côté. Hurlement. Biélorussie, 2044. Là où tout est parti en couille. Mais non. Sourcils froncés. C’est réel, cette fois. Appel à l’aide. A moitié aveuglé par l’alcool et la pénombre, j’essaie de distinguer ce qu’il se passe, plus loin dans la ruelle. Je m’avance en titubant. Le sang bat à mes tempes, et j’ai envie de vomir.


Un type se retourne vers moi. Il tient un cou de femme dans ses grosses paluches. Regard vers elle. Je vois Jenna. Le coup par d’instinct. Direct en plein visage. Les jointures percutent une pommette. Le type grommelle et se relève. Ivre mort, je ne sens rien, ni le froid, ni la peur, ni le danger. Rien. Lorsqu’il se jette sur moi, je suis trop lent à cause de l’alcool. Je prends un coup en plein dans l’arcade. Un autre qui m’ouvre la lèvre supérieure et l’inférieure, entaillées par le choc contre mes dents. Je crache le sang et lui envoie mon front dans le nez, qui se brise. Coup dans l’estomac, je me plie en deux, mais j’attrape ses cheveux, tire violemment sa tête vers le bas à la rencontre de mon genoux. Ses dents m’entaillent la chair sous le jean. Je saigne. Je m’en fous. Tout se termine en quelques secondes. Lame repérée par un reflet de la seule lumière de l’impasse. Poing fermé pour parer ; l’acier racle les jointures et je serre les dents, avant de l’envoyer contre le mur. Et de lui claquer le visage contre la brique. Une fois. Deux fois. Trois fois. Haletant, je lui saisis les cheveux, lui coince les jambes, et lui râcle la joue contre la brique déchiquetée de ce vieux batiment. Il crie, mais s’arrête vite. Je le jette de côté, contre une poubelle.


Le monde tangue, autour de moi. J’ai envie de gerber, après m’être activé aussi vite et aussi fort, le corps imprégné d’alcool. Le sang chaud coule sur mon visage, sur mon menton et sous mon jean. Je reprends ma respiration, yeux clos. Je savoure chaque petite sensation de mon corps, des battements de ce coeur malade mais toujours vivant, au sang qui pulse sur mes égratignures. Yeux toujours fermés, je m’insère une clope entre les lèvres. L’allume dans un « clac » de mon zippo, et m’emplit les poumons. Et je me rappelle que j’ai un témoin. Je me retourne vers la jeune femme, la victime. Non, ce n’est pas Jenna. Cigarette à la bouche, je m’accroupis en grognant près d’elle.



| Désolé, je t’ai pas entendue tout de suite. Ca va, tu n’as rien ? Ce fils de pute avait l’air décidé à te faire morfler… Je m’appelle Jean. On devrait se tirer avant que les flics n’arrivent. |


Je me tourne vers la masse sombre du type ad patres.


| Si c’est ton cul qu’il voulait, il est tout à toi si tu veux lui laisser un petit souvenir. Mais fais vite. Promis, je fermerais les yeux. |
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyLun 11 Mar - 2:46

TENDS MOI LA MAIN, QUE JE BOUFFE TES DOIGTS

Le souffle coupé, tu commences à manquer d’air, et si personne ne vient, il ne te restera plus qu’à te débarrasser toi-même de ce déchet. Mais tout vient à point, à qui sait attendre ; et tu as assez attendu, pour être maintenant, récompensée. Une ombre transperce la nuit et surgit dans la sinistre ruelle. C’est lui, Jean. Il est venu. Si tu ne portais pas le masque de l’innocence, tu dévoilerais tes canines de fierté. Prévisible finalement, tu n’en attendais pas moins. Mais méfies toi, bête fauve, ne commets pas l’erreur de croire tout savoir de lui. Tu dois être plus sage, plus réfléchie. Le balafré se tourne vers lui, son emprise se resserre, ton sang empourpre ta bouche, un regard vers lui, un regard sur toi, puis un coup. Un coup qui l’emporte plus loin et qui t’emporte aussi, mais lâchant sa prise, tu te sens libre à nouveau. Sonnée, tu te laisses choir sur le pavé humide, reprenant ta respiration tu fixes le ciel assombri par les nuages. Pas une étoile, pas une lumière dans un monde de noirceur. Pas de guide pour les âmes égarées. Tu entends les coups fusés et sens la rage émanée des deux hommes. Il faut que tu voies. Tu te redresses et t’adosses au mur de briques. Si tu t’attendais à un tel spectacle. Tu n’espérais pas tant.

C’est la danse macabre qui se meut, devant tes yeux émerveillés. Tant de violence, tant de haine. Aucune pitié. Les corps entremêlés peignent vermeil, ces lieux lugubres. Ton visage n’image que la peur et l’impuissance, mais à l’intérieur, tu brûles d’euphorie et de satisfaction. Toi, qui désires si ardemment faire couler le sang, tu ne peux que regarder les autres le faire. Alors, écrase-le. Qu’il n’en reste rien. Abreuve-moi de sa vie. Un enragé embué, dont les gestes gracieux ébranlent ton être. La douleur, il est fait pour ça aussi. Extase. Tu en es certaine maintenant, tu en es certaine, il n’est pas ce qu’il prétend être. Il est quelqu’un d’autre. Quelqu’un de violent. Mais pourquoi refouler un don aussi évident ? Pourquoi contenir cette hargne, cette brutalité, quand on est capable de si belles choses ? Quel gâchis que de réprimer de telles pulsions. Tu le sais maintenant, tu avais raison. Ce cher Jean, a quelque chose, quelque chose que tu veux. Et tu l’adores déjà pour ça. Tandis que le fracas, du crâne de la piètre bête contre le mur, rejouit ton cœur et résonne dans la rue, tu passes délicatement ta langue sur ta lèvre supérieure ensanglantée. Tu as si soif. Si soif. Et il frappe, encore, et encore et encore. Quelle douce mélodie macabre, qui t’enchante de ses notes enivrantes. Tes prunelles suivent avec envie chacun de leur mouvement, et tu restes de marbre, admirative. Qui est-t-il ? Qu’a-t-il fait ? Tu veux savoir où peuvent bien se cacher ses démons. Il n’est pas bon de les renier. Tu désires si ardemment les rencontrer. Pourquoi les fuir ? Ce serait dommage de les perdre. Ils peuvent nous apprendre tant. Toi, auprès d’eux, tu as appris beaucoup. Pourquoi ne pas les écouter ?  C’est si bon, de se laisser glisser dans le creux de leur bras goût d’enfer.

La valse s’achève et tu recroquevilles sur ton être, contenant ta fascination. Il est affaibli, tangue, manque de s’effondrer. Pauvre corps imbibé d’alcool qui se perd entre la raison et l’exaltation. Pauvre âme égarée, tu as renoncé à ce pour quoi tu étais destinée, c’est pourquoi tu te meurs. Mais je te guiderais dans le noir. Parce que tu en es sûre, il savoure. Il savoure ce moment. Du moins, tu veux qu’il savoure, comme toi tu savoures. Il se rappelle alors ta présence et c’est sur toi, maintenant, qu’il repose son attention. S’accroupissant près de ton corps, tu mimes un léger mouvement de recul. Parce que, c’est ce que tu devrais être, effrayée, non ? Effrayée devant tant de violence. Effrayée devant l’horreur de ce qu’est capable l’homme. C’est ce que fait l’ignorance devant l’horreur, elle a peur, non ? « Désolé, je t’ai pas entendue tout de suite. » En aurait-il oublié la raison initiale de cet échange sanglant ? Aurait-il perdu la raison, noyé dans le plaisir ? Un sauvetage se transformant en défouloir. Magnifique : « ... Ca va, tu n’as rien ? Ce fils de pute avait l’air décidé à te faire morfler… Je m’appelle Jean. On devrait se tirer avant que les flics n’arrivent. » Tu te décrispes, à ses mots. Prends ton temps pour comprendre la situation, temps que prendrait une victime. Tu fais glisser tes doigts sur ton visage, et grimaces sur ta pommette noircie par un précédent coup : « ... Je crois ... Je crois que ça va ... » Apeurée, tu fixes la masse plus loin. Effectivement, cet abruti avait prévu autre chose, mais le pauvre n’aurait, jamais, obtenu satisfaction. Brave jouet, qui a si bien rempli son rôle. Et les flics ? Ils allaient sûrement débarquer, oui, mais pourquoi les craindre, mon tendre ? Après tout, il n’a fait que t’aider, toi, demoiselle sans défense. Alors pourquoi un héro fuit-il devant la justice ? Parce qu’aucun des deux, n’est tout blanc.  « Si c’est ton cul qu’il voulait, il est tout à toi si tu veux lui laisser un petit souvenir. Mais fais vite. Promis, je fermerais les yeux. » Oh si seulement, toi aussi, tu pouvais laisser s’exprimer, l’ouragan qui hurle en toi. Il ne resterait de cette créature, que la vague forme d’une chose autrefois humaine. Ce n’est pas l’envie qui te manque donc, mais les chaînes de Liev, qui te retiennent. Et elles retiennent bien plus encore, d’inavoué. Tu regardes maintenant Jean, aux charmeuses mais néanmoins, vengeresses propositions. Se rendre justice soi-même en frappant un homme déjà à terre ? Tu en apprécies d’autant plus sa morale et son esprit. Tu vas terriblement bien t’entendre avec lui, dommage que tu ne puisses te montrer sous ton vrai jour : « ... Nan, c’est gentil, je ... » Tu regardes l’homme au loin, sers les dents et reposes tes prunelles sur ton héro : « Il a déjà eu ce qu’il méritait. » Un faible et triste sourire de remerciement silencieux, toujours choquée, perdue, tu le détailles un moment ; dessinant de ton regard, les marques sur son visage, laissées par un passé éreintant : « Merci ... Sans toi, je serais sûrement … » Ta voix se perd dans les images inventées, de ce qui aurait pu arriver à une autre, s’il n’avait pas été là. « ... pas sortie indemne, alors ... merci. » Faussement gênée, tu réalises enfin que tout ce sang, n’est pas uniquement celui de l’autre. Tu te redresses davantage, dans un pénible effort : « Toi, ça va ? » Tu te penches légèrement, inquiètes, examinant avec une certaine distance, son visage : « Ça ... ça a l’air grave ... Faut que je t’emmène voir un médecin. » Tu espères en réalité, qu’à défaut de pouvoir voir les flics, il ne pourra pas aller dans un hôpital non plus, et finira donc, dans un lieu sûr : chez lui ou chez toi. Tu le fixes, sentiment d’impuissance et désir de rendre la pareille, mélangés. Il est temps que tu te présentes : « Moi c’est Nimhoë .... Mais, tu peux m’appeler Nim. »



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Jean Raulne
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyLun 11 Mar - 21:58

HJ normalement pour tout ça on tire des dés, sur le forum. Mais comme c'est un FB et que _a ne compte pas pour la balance de justice, tant qu'on reste cohérent...


Je ne savais pas si ce que j’avais fait était juste, ou si c’était nécessaire. Je n’était pas juge, ni flic, ni même garant d’une forme de morale. Je m’étais battu pendant quinze ans pour une Europe et un monde tués dans l’oeuf, pour des gens qui aujourd’hui me sortaient par les yeux. Vils et cupides, quand tant d’hommes et de femmes s’étaient fait découper à l’arme automatique pour leur assurer un certain avenir qui n’avait jamais vu le jour, un futur radieux qui s’était transformé en horrible fange. Ce type-là, n’était qu’un des symptômes du mal qui rongeait cette ville. La permissivité d’une société, qui préférait donner des excuses aux gens plutôt que de les éduquer. On avait été très forts pendant des années pour donner des leçons au monde entier à grand renforts de bombes incendiaires, de missiles à infrarouge ou d’obus à l’uranium appauvri, mais finalement, Europolis restait elle aussi une arène ou seule la Loi du plus Fort avait libre cours. La société avait aboli l’essentiel de son racisme, et de ses inégalités de genre. Tous ces vieux travers de l’âme humaine avaient été balayés, mais tous nos beaux idéaux s’étaient bien vite fânés sur l’autel de la course au pouvoir et à l’argent.


Et même si aujourd’hui les femmes étaient payées autant que les hommes, ça n’empêchait toujours pas les fils de pute de vouloir passer outre la volonté de leurs partenaires éventuelles. A gerber. Et dégueuler, je n’en étais vraiment plus très loin. Parce que je pouvais accuser toute cette société, inique et amorale, le fait était que je me sentais enfin vivant, putain de merde. Ces poings endoloris, cette main qui a paré le coup de couteau en perdant de gros bouts de chair sur chaque doigt, dont les phalanges tremblaient avec la perte de sang d’une part, mais aussi les problèmes neuros que je me tapais depuis le Crépuscule des Dieux. J’essaie de me dire que j’ai fait ça pour la jeune femme brune, qui a l’air paumée, mais en fait, j’ai fait ça parce que j’en avais envie. Et pire que ça, parce que j’en avais besoin. Je me sens aussi bien qu’après une bonne baise, aussi serein qu’après la fin d’une mission. Putain, je respirais. Et même si le fond de ma gorge m’irritait à cause de la bile viciée par l’alcool, j’étais en vie comme jamais. J’essaie de me concentrer sur elle. Pas sur Jenna, pas sur cette putain d’envie que j’ai d’étrangler à mort l’autre enculé. Elle pense que ça va. J’époussette ses vêtements, essaie de voir si elle n’est pas blessée, mais je ne le fais que de la main droite, la gauche étant poisseuse de sang, et secouée de tremblements. Elle n’a l’air de rien avoir.



| Ouais, c’est bon, t’es indemne. |


Je manque de glisser et de tomber tout seul. Merde, je perds du sang, et j’ai pris des coups dans la gueule. Avec l’alcool, j’ai l’impression que ma poitrine va imploser et qu’un connard joue du gong entre mes deux oreilles.


| Oh, putain. |



Je mordais dans ma tige pour l’empêcher de tomber d’entre mes lèvres, et me rattrapais à son épaule à elle. Je me redresse en même temps qu’elle. Loin au dessus de nos têtes, les étoiles dansent le mia et je me plie en deux, main endommagée contre mon ventre, quand je me mets finalement à dégueuler. Une fois. Deux fois. Trois fois. Je crache plusieurs fois, cette salive compacte qui suit le dégueulis. Et je recommence. Encore. Une fois. Deux fois. J’ai la tête qui va exploser. Commotion ? Je m’en balance, je pourrais crever ce soir, qu’avec le départ de ma femme et de mes filles, j’en aurais rien à foutre. Ok, il y avait les Foxes, mais les copains n’auraient pas besoin de moi pour exploser en plein vol. Je reprends mon souffle. Ca va mieux, mais maintenant, j’ai froid à en claquer les dents. Fièvre, déshydratation, blessures. J’inspire, yeux fermés, en me redressant, main posée contre le container à poubelles tout proche. Oh, j’ai évité mes chaussures, et je l’ai évitée elle. Légion d’honneur pour le capitaine. Je sens la sueur, plus chaude que ma peau, couler et se mélanger au sang sur ma gueule d’assassin. Une clope revient mécaniquement se visser entre mes lèvres éclatées, que j’allume d’un geste d’automate.


| Pas de médecin non plus. Si hopital, il y aura signalement. J’aime pas beaucoup les flics. Je suis cadre pour ma boîte, et si mon patron apprend que je dois aller au tribunal et tout ça, même comme témoin, je vais me faire saquer. C’est un connard psychorigide qui ne prend aucun risque avec notre réputation, tu vois le genre ? |


Ce n’était pas si loin de la vérité, mais c’était surtout que je ne voulais pas attirer l’attention des flics, qui feraient des recherches sur mes antécédents, même si je n’étais que témoin. Tomber sur un dossier militaire tronqué risquait trop de titiller des curiosités, même s’il n’y avait rien à trouver je ne voulais pas de petits curieux qui me renifleraient l’arrière train alors que je préparais un autre casse. Longue bouffée de fumée. J’expire lentement. Oui, ça va mieux, même si ma main gauche tremble toujours, et que ma chemise est foutue. Cheveux en pétard, cravate dénouée presque tout à fait.


| C’est pas très grave. Par contre, je vais avoir besoin d’aide pour ma main. Si t’as de la glace pour ma tronche avant que ça n’enfle trop, et de quoi me nettoyer les phalanges, ce serait parfait. |


Une ombre nous couvre. Non, plusieurs. De la rue principale, des silhouettes se découpaient dans l’éclairage des lampadaires. Je reporte mon attention sur la jeune femme.


| On va encore avoir des problèmes, Nim. Reste derrière moi. |
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyMer 13 Mar - 20:00

TENDS MOI LA MAIN, QUE JE BOUFFE TES DOIGTS

A toi, monstre de cendre, qui se tapisse dans l’ombre, je demande ce qui peut animer, le cœur partagé d’un pâle démon ? Que peut bien stimuler, un être se réjouissant de la brutalité, en faisant le bien ? Tu te questionnes, sur ce qui se passe derrière ce visage ensanglanté. Curieuse, d’en imaginer, les intentions. Indemne ? Tu ne l’es pas, tu te le persuades. Et lui, est-il indemne ? Qui peut bien se vanter d’une telle chance ? Ceux qui perdent un être cher, ceux qui laissent leur âme sur les champs de bataille, ceux qui se retrouvent seuls, ceux qui n’espèrent plus, ou ceux qui se rassurent en espérant ? A qui le droit d’être indemne, quand la majorité en est victime ? A tous ces petits cœurs faiblement palpitants, il ne faut aucune pitié. Alors non, tu n’es pas indemne, mais pour ses beaux yeux, tu te dois de l’être.

Il pisse le sang, telles de majestueuses cascades, s’écoulant sur les plaines de granit verdoyantes. Tu imagines tes montagnes, restes d’un souvenir lointain. Mais ici, ce n’est que du pavé, des ordures et de la crasse. Bien loin de ta plaine immaculée, tu es aussi sale que ces rues : « Oh, putain. » Il perd l’équilibre, tu tentes maladroitement de lui attraper le bras, pour le retenir, mais c’est sur ton épaule, qu’il finit par trouver appui. Tu devines l’alcool dansant la farandole et le rongeant de l’intérieur : « Ça va ? ... On ne peut plus attendre, faut que je t’emmène voir quelqu’un. » Tu l’accompagnes en te redressant avec lui. Il se plie en deux, tu tentes de ressentir ses difficultés, toi qui renies la douleur. Regarde ce gâchis Nim, il se noie dans ses souffrances, au lieu de les utiliser. Quel dommage. Tu pourrais lui montrer le chemin, le chemin vers la libération, s’il daignait t’écouter. Mais il est trop tôt encore, pour savoir s’il t’entendrait. Et les maux sortent de sa gueule de renard. Il évacue, mêlant la liqueur nauséabonde au sang compact. Tu vas le perdre, tu le maintiens tout évitant les rejets. Il tremble, il sue, tu vas le perdre. Il tremble. Il fume.

« Pas de médecin non plus. Si hôpital, il y aura signalement. J’aime pas beaucoup les flics. Je suis cadre pour ma boîte, et si mon patron apprend que je dois aller au tribunal et tout ça, même comme témoin, je vais me faire saquer. C’est un connard psychorigide qui ne prend aucun risque avec notre réputation, tu vois le genre ? » Oh, oui tu vois le genre. C’est un rire qui résonne en toi, ô chevalier sombre, que tes paroles sont douces de mensonges. Comment y croire, après toutes ces images qu’il vient de t’offrir en sacrifice : « Ah oui, je vois très bien » Doux sourire amusé, presque sincère. Car tu l’es, amusée. Mais, tu en es certaine, maintenant, trop de coïncidences. Excuse bidon, pour travail bidon. Et jusqu’au bout, tu croiras en tes idées encore non prouvées. Il n’est pas fait pour ça, et cette hérésie, contribue à sa descente vers les abysses.

Pas la police, pas de médecins, pas d’hôpital. Mais alors, où pourriez-vous bien aller ? Dis-le-moi, Jean. Dis-le. Guides cette pauvre victime ignorante et incapable. Dis-lui, ce qu’elle doit faire. Il chancèle toujours, son état s’aggravant, il va falloir arrêter de jouer, sinon tu n’auras plus rien à mordre. Aussi soucieuse pour lui, que pour toi, tu guettes ses mouvements. Nan, il ne va pas s’effondrer. Il lui en faut plus. Il se remet doucement, il peut encore encaisser. Il peut encore prendre. Ravissement dissimulé, tu examines ton semi cadavre déchiqueté, au désir de s’enfumer : « ... Mais va quand même falloir que tu voies quelqu’un, c’est ... » « C’est pas très grave. Par contre, je vais avoir besoin d’aide pour ma main. Si t’as de la glace pour ma tronche avant que ça n’enfle trop, et de quoi me nettoyer les phalanges, ce serait parfait. » Intérieurement, c’est l’effusion d’une lumière éclatante, qui illumine ton être entier. Voilà, tu vas pouvoir l’emmener, le guider, jusqu’à toi. Enfin, rien qu’à toi, libre de lui arracher les renseignements, qu’il voudra bien t’abandonner. Libre de t’immiscer dans sa vie, aussi loin que pourra te mener, ce chemin. Tu acquiesces, le regardant de toute ta petitesse, avec laquelle tu joues si bien : « Oui, bien sûr ! J’ai ... J’ai sûrement ce qu’il faut chez moi, ce n’est pas très loin ... » Tu essaies de mieux le soutenir et t’apprêtes à te diriger vers la porte par laquelle le balafré t’a fait sortir. Tu dois récupérer tes clés, dans ton sac, dans le bar : «  ... On devrait pouvoir y arriver, il faut juste que j’aille .... » La lumière se voile, des ombres obscurcissent encore davantage la ruelle. Tu t’arrêtes dans ton élan, tandis que tu examines les formes qui se rapprochent. Viennent-elles pour toi ? Viennent-elles pour lui ? « On va encore avoir des problèmes, Nim. Reste derrière moi. » Nan. Nan, pas maintenant. Pas maintenant, que tu avais tout. Il était prêt, prêt à te suivre, tu en étais sûr. Il allait venir avec toi. Tu l’avais, l’occasion de tisser un lien. Pourquoi ? N’était-ce pas déjà suffisant comme épreuve ? Le désarroi se mue en haine envers ces intrus. Tu résistes à la rage, mais ton corps entier tremble d’un rugissement intérieur. Tu contiens ton mécontentement. Si tu pouvais seulement, brûler ces quatre indésirables. Si seulement. Si seulement, tu pouvais, tu pouvais écraser. Ecraser ces larves. Si seulement, tu pouvais te laisser aller, à tes pulsions. S’il n’y avait pas ces chaînes. Ses chaînes. La noirceur de la nuit dissimule le brasier qui danse dans tes prunelles assassines, lorsque tu passes inconsciemment derrière Jean, grelotante. Champs visuel rompu, tu peines à retrouver le froid de ta plaine. Tu réclames le calme, dans un soupire silencieux. Respires. Aucune éclaboussure. Respires : « On est perdu, m’sieur dame ? » L’ironie crève cette phrase, autant qu’elle en éclaire leurs intentions. Tu attrapes avec une délicatesse, que tu ne te connais pas, le bras du chevalier sanguinolent : « Attends, Jean, tu veux faire quoi ? ... T’es pas en état de ... » Tu n'oses finir ta phrase. Chuchotement imprégné d’une inquiétude irréelle, tu sais qu’en vérité, il n’y a pas d’autres solutions. Il doit le savoir, lui aussi. Et l’idée de le voir à nouveau danser, sur la macabre symphonie de la violence, te remplit d’une nouvelle allégresse. Oui, tu veux le voir se battre, se débattre. Qu’il te montre ce qu’il sait faire, que tu puisses le lire un peu plus. Alors va, va affronter tes démons. Et s’il pouvait s’écrouler avant d’en finir avec ces imbéciles, que tu puisses te soulager à ton tour, à l’abri de son regard, tu serais alors comblée. « On se fera un plaisir, de vous aider .... » Tels des félins qui emprisonnent leur proie, l’étau se resserre et tu te demandes comment il compte s’y prendre, en suintant autant l’ivresse. Il t’est indispensable pour continuer, interdis de succomber. Mais pas de quoi s’inquiéter, bien que dégoulinant, il peut encore prendre. Et tu ne laisseras pas ces charognards te voler ta carcasse. Tu ne peux te dévoiler, sinon, tout est perdu. Qu’il gère ou qu’il s’évanouisse, dans tous les cas, il sera à toi.

Derrière vous, une porte s’ouvre à la volée, un colosse se dresse dans l’encadrement lumineux, fusil de chasse à la main. C’est le barman : « Nim, c’est toi ? » Tu l’avais oublié. Lui et son bar. Le temps s’arrête, la scène se fige, tu te demandes ce qui va se passer. Personne ne bouge, les fauves se sont immobilisés, indécis : « Clint ! » Tu t’exclames, faussement soulagée, finalement déçue de louper une nouvelle valse. Tu te contentes, maintenant, d’être spectatrice d’une pièce imprévisible. Prêt à défendre l’habituée que tu es, il recharge son arme avec la ferme attention d’en faire usage si nécessaire : « Bien, alors vous allez tous dégager de ma vue, avant que j’appelle les flics ! » Froncement de sourcils imperceptibles. Nan, nan pas les flics, pas les flics. Jean pourrait s’envoler et tout ça, n’aurait servi à rien. Pas les flics. Tu ne peux rien dire. Immobile, toujours accrochée à ta viande crue, tu attends. Tu patientes. Ton âme gelée, apaise tes impatientes. Tu ne détaches ton regard de l’homme armé. Respires. Qu’ils dégagent. Dans une concertation muette, ils finissent par se retirer lentement, et disparaissent comme ils sont arrivés. Braves petits. Respires. « Et c’est qui lui ? » Son ton est menaçant. Certes, la mine du brun n’est pas appropriée, pour inspirer confiance, mais tu rassures ton chien de garde : « C’est bon, il m’a aidé ... » Tu te détaches finalement de Jean, lâchant son bras, tu veux l’aider à s’adosser confortablement : « ... Rentres Clint, je te suis. » Hésitant, il s’exécute finalement, et tu te retournes vers ton héro alcoolique. Il a eu de la chance, il aurait pu repartir de cette rue, beaucoup plus amoché. Est-il tout aussi déçu, que toi ? Tu en doutes, à contrecœur. Ça aurait pu être marrant pourtant, mais ce n’est que partie remise, d’autres jeux vous attendent. Le plus important, c’est qu’il soit toujours avec toi : « Je vais chercher mon sac à l’intérieur, je reviens tout de suite. » Tu cours maladroitement vers la porte, manque de trébucher sur une marche et t’engouffre à l’intérieur. Que c’est triste, de jouer une personne aussi pitoyable et ennuyeuse. Mais c’est l’image que tu te fais, d’un être typique, inscrit dans une communauté : pitoyable et ennuyeux. Mais ne l’es-tu pas, Nim ? Musique, lumière, bruit, foule ; éblouie, tu as la sensation de revenir d’entre les morts. Venue d’un autre monde. Ils te dévisagent, toi et ton sang, toi et ton visage bleuit. Toi, tu les incendies : « Nim, je suis désolé, mais qu’est-ce qui t’est arrivé ? Tu veux que j’appelle quelqu’un ? » Clint s’en veut, tu ne peux l’imaginer, mais tu l’espères. Il n’arrive que maintenant, le balafré aurait déjà œuvré, plusieurs fois, à cette heure. Mais tu te dois de l’apaiser, la comédie oblige : « T’en fais pas, ça va ... Je veux juste rentrer chez moi, je verrais un médecin demain si j’ai toujours mal. » Tu attrapes ton sac sur le tabouret, tout en vérifiant que Clint n’utilise pas le téléphone. Tu ne voudrais pas qu’il vienne tout gâcher, en voulant se rattraper. S’il te regarde soucieux, il sent qu’il ne doit pas insister et se tait. Il est temps que tu partes, tu ne risquerais pas de perdre Jean, en t’attardant plus longtemps. Tu t’apprêtes à pousser la porte de sortie, quand tu te retournes soudainement vers l’être bien en chair : « Clint ! Clint, t’as des glaçons ? Passes m’en un petit sac s’il te plaît ! » Impatiente, inquiète, tu le presses sans le presser et tends la main vers lui. Dépêches-toi. Tu l’as, tu pars. De nouveau dehors, tu retrouves ton monde rassurant de noirceur et de calme. Le vent, vient caresser ton visage, et te susurre qu’il faut s’éloigner. Regarde ta tendre épave, cachée dans les ténèbres. D’un pas précipité, tu la rejoins, faisant un nœud avec le sac en plastique, que tu lui tends : « Tiens, j’ai pris ça aussi ... » Tu l’aides à le placer sur son visage et ne peux t’empêcher de l’observer, peinée : « Bon allez, t’es prêt ? ça va ? » Ton sac sur l’épaule, tu mets l’autre au service de Jean, te proposant comme béquille humaine pour le pâle démon. Enfin, vous quittez cette rue, enfin, vous fuyez la crasse et les témoins. La grande faucheuse et le chevalier noir.

Dans la ville endormie, grouillent des ombres noires. Tu les sens mouvoir, partout, dans les tréfonds des égouts jusqu’aux cheminées sur les toits. C’est une ville qui, faussement, sommeil. Tout comme toi. Et bien que tu devrais te réjouir de la situation, dont l’objectif a nécessité une démarche radicale, mais à cœur désespéré, méthodes désespérées, tu n’arrives pas à trouver forme de soulagement. Tu sens quelque chose dans ton dos, devant, tu entends des frémissements, tu distingues le bruit du vent et celui d’autrui. Instinct de traqueuse, qui pulse dans tes veines. Quelque chose se trame : « Jean ? T'entends pas ... » Les quatre félins les auraient-ils attendus ? Ou bien s’agit-il d’une nouvelle menace ? Ou bien d’un simple animal ? Ou est-ce seulement ton esprit perturbé qui se joue de toi ? Décidément, il attire les problèmes comme tu attires la folie. Sans savoir si cela te fatigue ou bien t’excite. Poupée de chiffon, qui meurt de soif et dont la raison, s’effrite.

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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyDim 17 Mar - 15:19

Je suis à moitié dans l’autre monde, déjà. Depuis six ans, je navigue entre les rives. Au gré des marées, porté par l’ivresse et par la rancœur, guidé par cet instinct de mort qui me pousse dans les bras d’une instabilité chronique, d’une remise en question permanente, et de pulsions contre lesquelles je ne lutte jamais vraiment, et jamais bien longtemps.


J’aime ce moment. Cet instant où, lentement, les blessures réapparaissent en tête des choses que je ressentais. Ces égratignures, ces écorchures, ce sang brûlant sur ces plaies et déchirures si froides, ce moment où l’adrénaline reflue mais l’ivresse, elle, toujours se renforce. Le sang qui s’écoule de mon corps est vicié et corrompu, et véhicule cette charge éthylique qui me chamboule l’esprit et me renverse la raison, aussi facilement qu’une tornade qui couche les arbres. Cette fille-là, c’est moi qui l’ai sauvée. Mais je sais très bien que je ne l’ai pas tant fait pour elle que pour la promesse qu’il y avait derrière mon intervention. Cette prise de risques, cette mise en avant de ma propre vulnérabilité dans une énième confrontation sans queue ni tête en dehors de l’importance viscérale et impétueuse de mon placement en zone de danger. Le monde tangue autour de moi. Encore et encore. Je manque de tomber et le vent frais m’humidifie les yeux, en même temps que la douleur et l’adrénaline.


J’ai mal, mais finalement pas tant à ces doigts blessés, à ces mains contusionnées ou à ce visage qui pris lui aussi de sales coups. J’ai mal au ventre. J’ai mal au cœur. A chaque palpitation, c’est comme si on me le tordait, qu’on me l’essorait. Ses battements marquent une mesure à laquelle je me raccroche pour m’empêcher de tomber, pour me concentrer. Je dégueule, mais ça ne m’aide qu’un instant. Je cherche l’échappatoire dans la clope, pour me concentrer sur autre chose, dérivation extérieure de cette douleur interne que je n’explique plus. La jeune femme que j’ai tirée de là dit qu’elle comprend, mais je ne sais pas trop si c’est vrai ou non. Et à vrai dire, dans cet état-là je ne ressentais aucune urgence à comprendre. Je préfère encore aller chez elle, chez une inconnue, avant de prendre le risque de m’écrouler dans la rue et de comater au milieu des ordures, d’attraper des saloperies. Ce ne serait sans doute pas pire que dormir dans une tranchée contaminée aux déchets chimiques quelque part en Chine, mais je n’en avais aucune envie. Elle n’hésite pas vraiment, mais me propose d’aller chez elle. Pourquoi pas ; Tout plutôt que chez moi.



| Ca va le faire. |


Elle me devait bien ça, et vue la sueur froide qui me trempait le front, il ne fallait pas tarder si on ne voulait pas que je m’effondre pour de bon.


Je dois pourtant me préparer à nouveau à me battre. Ils sont là, déjà. Je ne sais pas comment je vais pouvoir m’en sortir, mais l’instinct reprend dessus et la bile qui s’agite dans mon bide comme dans une tempête en haute mer ne m’empêche pas de me concentrer. Maintenant, je vais cogner pour faire vraiment mal. Plus question de s’amuser, si on en arrive là. Pourtant, on me vole ce surplus orchestré par une destinée merdique ; un type arrive et chasse tout le monde en brandissant un fusil de chasse. Dérisoire, mais à cette distance, de quoi vous plomber salement. Tout s’enchaîne rapidement. La jeune femme repart avec le type, le barman, elle me dit qu’elle doit chercher ses affaires. Je comprends, mais je hoche la tête, le cœur au bord des lèvres. Pourquoi cette foute planète change sans arrêt de sens ? Je ne comprenais rien à mon existence d’ordinaire, et c’était encore pire ce soir.

Je dégueule encore, quand elle est à l’intérieur. Le vent froid me fait frissonner, et j’essuie la bile au coin de mes lèvres avec un mouchoir pioché dans ma poche, que je jette par terre. Encore une cigarette de foute. Je plisse les yeux alors que je manque de tomber en avant, et pousse un juron. La fille revient. Avec des glaçons.



| Merci. |


J’ai la gorge si sèche putain, je pourrais boire un océan et m’y noyer… Je me jetterais volontiers dedans. Je hoche la tête quand elle me demande si ça va.


| J’ai connu pire. |


Eclats d’obus et quelques blessures par balles, des flammes sur le flanc, ce genre de merde. Rien n’était pire qu’une brûlure chimique, et là, l’alcool me faisait passer au travers de l’essentiel des sensations, même si elles s’imprimaient plus fort en moi à mesure que les minutes passaient. Je l’utilise comme soutien. Elle est plus petite, plus menue. Mais elle est solide. L’instinct me dit sportive. Je suis plus large et plus fort. Comme toujours cet instinct qui ne me lâche pas, qui me souffle que ce corps n’est pas sans danger, si elle devait vouloir ma mort. Je suis trop en vrac pour penser que ce corps peut être désirable, et dois me concentrer sur chacun de mes pas pour ne pas trébucher. Mais la voilà qui se fige. Tourne la tête. Moi aussi, je l’ai senti. Mais un instant plus tard.


| On n’allait pas laisser partir ce joli petit cul avec quelqu’un qui a ta gueule, enculé. Tu vas partager, pas vrai ? Avec mes potes, on a de quoi l’amuser toute la nuit, sale poivrot. |


Je le détaille de la tête au pied, le chef de groupe. Et me rapproche en lâchant Nim. J’espère qu’elle aura la présence d’esprit de se tirer de là… Je m’arrête devant lui, le jauge du regard. Les autres m’entourent. C’est peut être comme ça que tout doit finir, rond comme une queue de pelle et l’impression qu’un batteur s’en donne à cœur joie entre mes deux oreilles, avec ce palpitant qui rate quelques battements mais qui sonne la charge.


| Si tu veux t’occuper d’elle, faudra d’abord me passer dessus, pine d’huître. |


Mature, la répartie. Et on me prend au mot… Mais deux types avec de puissantes lampes éclairent la ruelle. Des flics. Merde, j’étais sur le point de buter des mecs ou de me faire planter alors que pour une fois, la maréchaussée prouve qu’elle existe. Les mecs prennent la fuite. Les flics leur courent après. L’un d’eux, arrivé après, nous demande si ça va. Je réponds, sourire jusqu’aux oreilles.


| Ca va aller, officier, j’ai trouvé mon infirmière personnelle. |


Je m’appuie encore un peu plus sur la jeune femme. Je ne me sens plus vraiment là. Ma tête dodeline, comme un camé en pleine descente. J’ai encore envie de boire en plus, putain.


| Nim, tu devrais rentrer chez toi. Je vais me démerder. Ca va mieux. Je suis juste fatigué. Je dois dormir. Ce soir, t’as grave déconné. Cet endroit est un vrai coupe-gorge. Les filles comme toi, il leur arrive que des emmerdes dans ce genre de coin. Rentre chez toi. Et achète un tazer. |
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyMar 19 Mar - 20:44

TENDS MOI LA MAIN, QUE JE BOUFFE TES DOIGTS

« J’ai connu pire. » ça tu en es persuadée. Évidemment, qu’il a connu pire, c’est une certitude. Mais toi, tu veux savoir ce qu’est, ce « pire », tu veux savoir ce que ce corps a bien pu endurer et pendant combien de temps ? A quelle bataille, à quelle affaire, peut-être même à quelle guerre, ce corps a-t-il participé ? Les questions brouillent davantage ton esprit perturbé, tu le laisses réinventer la vie de Jean, mais l’ignorance t’enlace douloureusement, comment le faire cracher ? Il s’appuie finalement sur ton corps, cessant tes interrogations encombrantes. Le doute ne serait-il pas loin, Nim ? Jamais. Tu ne doutes jamais. Assurée. Tu es assurée. Il est temps de quitter cet endroit. Elle est lourde la bête, est-ce le poids de sa culpabilité ? Tu en as déjà saigné de la même espèce, mais c’est loin d’être une tâche aisée. Et lui, il en a à revendre. Tu le sais, il t’écraserait facilement au moindre conflit, comme d’autres auparavant. Mais, cela ne t’a jamais arrêté. Cela ne t’a jamais empêché d’aller au bout, de toujours creuser, jusqu’à rencontrer la mort. Et bien qu’elle ne vienne que pour tes clients, elle reste à tes côtés, tu la sens près de toi, elle t’attend. Tu ne la crains pas, tu la fais patienter, car ce n’est pas le moment encore. Pas encore. Pour l’instant il est à toi, toi bête sauvage qui ne sait pas où elle va. Tu le guides jusqu’à ton terrier, sans savoir ce qu’il s’y passera. Tu as cessé d’être rationnelle, tu as cessé d’écouter la morale, pour ne prêter l’oreille qu’à la folie. Tes réactions sont engendrées par tes pulsions, il n’y a que pour elles que bat ton cœur détruit. « Jean ? T'entends pas ... »

L’attente n’est pas longue, avant de voir confirmer vos intuitions. Tu tournes un visage craintif vers la triste créature, alors que la voix rieuse du rôdeur perce à nouveau la nuit : « On n’allait pas laisser partir ce joli petit cul avec quelqu’un qui a ta gueule, enculé. Tu vas partager, pas vrai ? Avec mes potes, on a de quoi l’amuser toute la nuit, sale poivrot. » Tu serres les dents. Comment ose-t-il parler de toi, ainsi ? Tu n’es à ses yeux qu’un objet à qui on ne s’adresse pas, à qui on ne demande pas son avis, et qui doit juste, faire ce qu’on lui demande. N’est-ce pourtant pas ce que tu es déjà ? Objet désolent de Liev ? Non. Chasses ces idées. Pourriture. Ils te répugnent, quel manque de vision, d’ouverture, de créativité. Vraiment, quel manque d’ambition. Voilà toute la bassesse de l’âme humaine ? Se contentant de petites crasses sans impact ? Ridicule. Sur un point, il a néanmoins raison, avec eux, tu aurais eu de quoi t’amuser toute la nuit, mais sûrement pas comme il l’entend. A moins que s’écoulent de rire, des larmes de sang.

Jean te quitte pour s’approcher du petit groupe, qui t’exclut de la confrontation en encerclant le chevalier fou. Tu recules de quelques pas, fixant pensive ton brun si, courageux. Cherche-t-il à te défendre ou à expier ? Tu peines à le cerner, tu peines à cerner ses motivations. Pourquoi secourir une jeune femme dans la rue, quand il aurait les capacités d’en tuer cinq ? Parce que tu n’es pas « l’ennemi » ? Parce qu’aujourd’hui, tu es une civile innocente, inoffensive et faible ? Ou bien parce qu’aujourd’hui, comme depuis toujours, rien n’est gratuit dans ce monde, et qu’il faut toujours rendre. On tend la main à quelqu’un pour mieux le dépouiller. Quoiqu’il en soit, maintenant, tu en dois une à Jean, comme prévu. Tu ne sais pas si cela sera concluant, tu t’en fiches, puisque ça sera divertissant. Furtif sourire amusé lorsque la menace tombe : « Si tu veux t’occuper d’elle, faudra d’abord me passer dessus, pine d’huître. » Il est fougueux comme tu es sauvage. L’est-il autant sobre ? Tu l’espères, tu aimes cette impétuosité. Alors comment va-t-elle le sortir de cette situation ? Tes prunelles brillent de curiosité et d’envie, lorsqu’elles se retrouvent éblouies par des faisceaux lumineux.

Tu grimaces, main devant le visage, qui est-ce encore ? Les quatre louveteaux partent la queue entre les jambes. Crétins. Tu devines bientôt les uniformes. La police. Jamais là quand il faut. Tu ravales un soupir d’agacement et jettes un rapide coup d’œil vers Jean, auprès duquel tu reviens. L’un des héros de la loi arrive près de la carcasse souriante, imbibée d’alcool, qui s’appuie de nouveau sur la poupée de cire, que tu es. « Ca va aller, officier, j’ai trouvé mon infirmière personnelle. » Il s’affaisse de plus en plus, sa tête ne tient plus vraiment sur le haut de son corps. Il faut partir maintenant, rentrer. Pas de dernière valse, toute la ville vous rejette, il est temps de fuir. Tu le maintiens, un sourire s’étirant sur tes lèvres sanguines : « C’est bon, je m’en occupe, merci beaucoup d’être intervenu. » Mais il ne part pas de suite, quelque chose le chiffonne. Tu imagines ses pensées : qui sont ces deux-là couverts de sang ? Tu lui accordes le doute, tu attends qu’il se décide, n’est-ce pas suspect, inspecteur ? Fixes. Poupée glacée au sourire d’ange : « Vous êtes sûre ? Vous le connaissez au moins ? » Pas de flic. Tu acquiesces, bienveillante, dans un souffle lassé mais poli. Il doute trop, pour vous embêter plus longtemps, alors vous vous éloignez dans un adieu silencieux. Tu perds Jean. Il n’est plus vraiment là, son regard se fait vide et sa voix, lointaine. S’il s’écroule, tu auras beaucoup de mal à le traîner jusque chez toi. Faisable, mais pénible. Il doit tenir encore. T’arrêtant plus loin, vous vous retrouvez de nouveau dans le calme de rues désertiques. Tu inspires cet air bouffé par la haine et le désespoir. Faisant mine de chercher ton chemin, tu guettes le bruit, tu ne peux te permettre de croiser qui que ce soit. « Nim, tu devrais rentrer chez toi. Je vais me démerder. Ca va mieux. Je suis juste fatigué. Je dois dormir. Ce soir, t’as grave déconné. Cet endroit est un vrai coupe-gorge. Les filles comme toi, il leur arrive que des emmerdes dans ce genre de coin. Rentre chez toi. Et achète un tazer. » Les filles comme toi ? Les filles comme toi, auraient déjà privé ces louveteaux de leurs parties intimes, pour les nourrir à tour de rôle ; si les filles comme toi, avaient le droit de vivre. Malheureusement, il n’en est rien, tu n’es pas faite pour vivre, alors les filles comme toi, n’existent pas. « Arrêtes, ça va pas mieux du tout. » Tu l’examines rapidement, regardant sous le sac de glaçons ce que donne son visage, grimace : « Tu as raison, tu as besoin de dormir, comme tu as besoin d’être soigné. C’est pourquoi je t’amène chez moi. Je ne te laisserais pas agonisant dans la rue, après ce que tu as fait pour moi, c’est hors de question, j'peux pas te laisser » Ferme, il faut qu’il te suive, de toute façon, il n’a pas le choix. Tu l’encourages et vous traversez la rue, tu le maintiens toujours comme tu peux. T’arrêtant plus loin à nouveau, pour respirer, vous y êtes presque. Regarde-toi, regardes-le. Dans quel état êtes-vous ? Tu lèves les yeux au ciel, cherchant l’air frais. Ce qu’il ne faut pas faire pour ramener quelqu’un chez soi. Jusqu’où iras-tu avec lui ? Cette mission n’a aucun sens, pour toi. Mais tu apprécies toujours autant, cette irrationalité. Elle te réconforte. Elle rend irréelle, la situation, la vie, le monde. Tu te sens plus libre dans le non-sens. Et vous voilà, deux corps abimés, dont les lignes de la destinée, finissent par se croiser. Tu te demandes déjà, si elles s’en renforceront ou s’en effriteront. Ton esprit divague : « C’est vrai, j’ai merdé ... et c’est toi qui as payé, je suis désolée ... » Posant sur lui, un regard emplit d'une reconnaissance faussée, tu le soulèves pour repartir et souffles avec plus de légèreté : « C’est promis, j’achèterais un tazer. » Un sourire discret, se dessine sur ton visage. Il est drôle le monstre gris.

Vous arrivez devant ton immeuble aux allures fantômes, qu’on devine charmantes à une autre époque. Il faut encore monter les quatre étages, étant au dernier, sans ascenseur. Épuisée, vous passez la porte d’entrée du bâtiment et tu déposes délicatement Jean sur un banc du petit hall aux carrelages bleu et blanc. Tu souffles un moment, recouvertes du sang de ton être suintant : « Ca va ? » Tu finis par t’asseoir sur le même banc, fixant les boîtes aux lettres de métal en face. Tu y es presque. Et il sera chez toi. Presque. Un dernier petit effort, et après, tu improviseras. Tu auras fait beaucoup pour l’avoir celui-là, tu espères pouvoir t’amuser avec lui avant de le voir partir. Aucune éclaboussure. C’est la règle. Aucune éclaboussure : « On y est presque, il faut monter tout là-haut et c’est bon. » Ton doigt fin pointe les hauteurs, l’escalier en colimaçon dévoile le toit de verre au sommet, laissant passer la faible lueur de la lune qui éclaire ton chemin. Un dernier souffle et, de nouveau sur tes pieds, tu te penches vers ton tendre cadavre, il est temps d’en finir : « Allons-y ».

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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyMer 20 Mar - 13:33

Tout se passe comme dans un rêve, à distance de moi. Comme si je n’étais plus acteur, mais simple témoin de ce qu’il se passait. J’aimais ce sentiment de perdition. Ce sentiment d’abandon total, où vous êtes enfin convaincu que peu importe ce qu’il pourrait se passer autour de vous, ça ne vous toucherait pas vraiment. Je me plais dans cette idée de l’absolu qui me dissout, dans cette implication au niveau zéro. Je réagis, je n’agis plus. A cet instant précis, plus personne ne compte sur moi. Ni ma femme qui attendait toujours que je rentre de la guerre, ni mes filles qui ne voulaient que ma présence, pleine et entière, sans plus jamais partir. Et certainement pas mes Fantômes, qui devaient s’adonner à leurs propres vices. Je savais très bien ce qui les taraudait, tous autant qu’ils étaient. John et les femmes, qu’il aimait brusquer à un point qu’aucune morale ne saurait lui donner crédit. Kat’, fidèle sergent, qui ne pouvait pas s’empêcher sans arrêt de s’opposer aux plus forts, aux plus dangereux. A tous les autres, Wilson qui se perdait dans la violence de sa dépravation, au meilleur des Fantômes qui avait besoin de rougir sa lame à intervalles réguliers. Besoin que je ne pouvais que comprendre, après les avoir tous utilisés jusqu’à la corde raide pendant la guerre, jetant mes soldats sur l’ennemi comme autant de monstres sur leur quatre heures. Tous avaient été utiles. Plus aucun ne l’était, aujourd’hui. Titubant à demi, je regardais un moment mes mains. Si dures. Si calleuses. Combien de cous avaient-elles tordu ?


Ceux de ces hommes aussi, là-bas ? Cela faisait longtemps que je n’avais plus serré jusqu’à faire craquer les cartilages, jusqu’à broyer la trachée et faire s’étouffer un type dans son propre sang, ce « aglargl » si caractéristique et si réjouissant qui annonce la mort de l’opposant, avec tout le panel d’émotions que l’on capte dans son dernier regard, blanc des yeux rougis et pupilles presque totalement dilatées comme chez un chat. Mais non, l’occasion se perd dans l’arrivée d’un flic. La pulsion de mort repart aussi vite qu’elle est venue, oubliée dans le roulis de mon corps soumis à l’aléatoire de la contamination de mon sang par tout le whisky qui l’imprègne tant qu’il en vient à le posséder, à le définir. Je me demande si je ne devrais pas étouffer ce désir en même temps que le cou de la brunette, si belle et si gentille. Non. Ce serait trop facile. Tu as un code de tueur, Jean, qui n’a rien à voir avec l’honneur, mais la nécessité doit toujours faire loi. Elle n’a rien fait. Elle ne te menace pas. Et rien ne pas plus dans cet esprit malade qui se parle à lui-même. Nim m’évite d’avoir à tuer le flic. Merci, Nim. Je me fiche de ce connard en uniforme mais si je suis totalement en vrac je comprends encore que ça serait vraiment, vraiment une mauvaise idée.


On passe. Encore. Plus c’est gros, plus ça passe, comme les explosions nucléaires passées pour des accidents alors qu’on se battait au sol contre des connasses armées d’épées et pourvues d’une force surhumaine. Je fronce les sourcils. Quelque chose cloche, mais quoi ?



| T’as raison, ça va pas mieux, mais bon. | Mon regard accroche le sien, même si j’ai du mal à ne pas me laisser déconcentrer | Tu ne devrais pas ramener des inconnus avec une sale gueule chez toi. Les filles comme toi, c’est des aimants à emmerdes. Tu devrais être plus prudente. |


Auto-trollage puissance maximum. Je me retourne vers elle, paupières basses et lourdes, mais sourire réjoui.


| Je t’aurais bien dit que je pouvais t’apprendre à viser, mais si tu te loupes et que t’en éborgne un ou que tu lui grilles les couilles, franchement, c’est plus rigolo pour ce genre de fils de pute. |


Dis donc, ça m’allait bien d’insulter des pseudos racailles dans la nuit d’Europolis alors que votre serviteur alignait quinze ans plus tôt des gosses nigériens dans la cour du PC pour les exécuter un à un, entre autres joyeusetés. On arrive enfin à destination. Honnêtement, ça pourrait faire un an comme mille que je marche que ça ne m’impactera ni plus ni moins. Elle a l’air fatigué, et il y a mon sang sur elle. J’ai pissé le sang pour des blessures superficielle, et je dois avoir la gueule du méchant des goonies. Mais qu’importe. Je me relève péniblement, en faisant la grimace. C’est plus ma main bien entaillée qui m’emmerde. Je me rapproche, fatigué, au bout de mes nerfs. J’essaie d’effacer de mon sang qui a goûté sur son visage avec mon pouce, mais je n’arrive qu’à étaler l’hémoglobine déjà à demi-sèche.


| Désolé, putain, j’en ai mis partout. T’inquiète. J’ai pas l’air comme ça peut être, mais je suis pas malade. |


Enfin pas au sens figuré. Je ris pour moi-même, avant de monter avec elle, m’appuyant sur elle. Plus je grimpais, et plus je me rendais compte que c’était loin, dur, et surtout, bizarre. Cette grande ouverture sur la lumière de la lune.


| C’est beau, ici. Ca me rappelle le laboratoire du Docteur Jekyll, dans un des films. |


On entrait, finalement, et je m’engouffrais dans son couloir. Me débarrassais de mon cuir en grimaçant.


| J’ai besoin d’eau. Il faut que je me réhydrate. Après si tu as du whisky, pour la douleur…. |
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyJeu 21 Mar - 1:31

TENDS MOI LA MAIN, QUE JE BOUFFE TES DOIGTS

Ne jamais s’arrêter, toujours avancer. Si l’envie te prenais de vouloir interrompre, rappelles-toi qu’en cessant, tu mourras. C’est courir ou mourir. C’est la vie qui tourne les rouages de nos existences, nous ne sommes que les pantins d’un destin destructeur, en perpétuel recommencement, mais éternellement dévastateur. Enchaînés aux idéaux, enchaînés aux espoirs, au passé, aux traditions, aux désirs, vous êtes condamné à errer jusqu’à ce qu’un autre vous remplace. Ainsi passe le temps. La seule unité de mesure, la seule preuve de votre passage, la seule preuve de votre finalité. Tu regardes Jean, lui aussi il est marqué par le temps, lui aussi, il a déjà laissé des preuves de son passage, comme les tiennes, dans les tombes du monde.  Tu le laisses arrimer son regard à tes prunelles. Arrive-t-il à lire ce qu’elles réservent secrètement ? Peut-il apercevoir le néant de ta conscience et la froideur de ton cœur ? Peut-il sentir, la pourriture de ton âme décomposée ? Peut-il comprendre la perversité qui contamine ton existence entière ? Il ne peut pas. Il ne se voit pas lui-même, comme tu ne peux te voir. Comment comprendre les autres lorsque tout en toi n’est que chaos ? « Tu ne devrais pas ramener des inconnus avec une sale gueule chez toi. Les filles comme toi, c’est des aimants à emmerdes. Tu devrais être plus prudente. » Mais tu n’es pas un inconnu, Jean, bien que toute l’histoire soit loin d’être complète. Tu le connais mieux qu’il ne te connait, mais il le découvrira bientôt. Jouer la comédie a toujours été ton fort, mais seulement pour quelques scènes. Jouer la pièce entière, te paraît plus difficile à tenir. Tu as beau promettre la perfection, tu aimes l’improvisation. C’est ton défaut. Et puis, comment faire semblant de vivre une vie banale, lorsqu’on n’y connaît rien ? Tu as tout appris. Tout, tout ce que tu pouvais apprendre, tu l’as appris. Pour lui, pour toi. Tu as ingurgité, ingurgité et ingurgité des informations à en vomir. Tu sais le monde, tu sais les gens, tu sais le mépris que t’inspires chacun d’eux. Et pourtant, ici, au milieu de cet infernal abysse, tu te sens emporter par quelque chose de plus fort. Tu te sens glisser, attirée par l’inconnu et tu te raccroches vainement aux chaînes de Liev. Car si tu le lâches, lui, tu sais ce qui t’attendra. Si tu dévies de la seule chose, qui te maintiens, tu sombreras. « T’as raison, je ne devrais pas ramener d’inconnus chez moi ... Ce qui n’arrive jamais d’ailleurs, mais ... C’est à cause de moi que tu as cette sale gueule alors, je peux faire ça, pour toi. » Rapide sourire gêné, tu détournes le regard, pour fixer la rue vide. Et oui, Jean, tu es un vrai nid à emmerdes. Vous repartez, lui promettant d’acheter un tazer, tu ris doucement sur sa proposition : « Je t’aurais bien dit que je pouvais t’apprendre à viser, mais si tu te loupes et que t’en éborgne un ou que tu lui grilles les couilles, franchement, c’est plus rigolo pour ce genre de fils de pute. » Tu apprécies ses pensées, si seulement il pouvait apprécier les tiennes. Vous vous amuseriez tellement, tu aurais enfin un compagnon de jeu à la hauteur de tes envies. Mais tu serais déçue, il n’est peut-être pas comme toi, et vos motivations divergeraient sans aucun doute. Voilà, tu es déjà déçue. Pauvre poupée chiffonnée : « Ça aurait pu être utile, cette nuit. » Tendre rire.

Tu reprends ton souffle dans ce hall silencieux, la route était longue, mais elle aboutit bientôt. Le plus dur reste néanmoins à faire. Tu fixes le trou perçant le bâtiment, dévoilant le ciel découvert. Tu te laisses imprégner de la force endormie de la lune. Respires. Tu sens qu’il se relève, tes yeux se posent alors sur lui. Dissimulant ta méfiance, tu le laisses venir à toi. Que sais-tu de ce qu’il a compris ? Que sais-tu de ce qu’il sait ? Mais ce n’est pas le moment de douter, Nim. Car toi, tu ne doutes jamais, rappelles-toi. Qu’importe au final ce qu’il advient. Tu veux juste jouer, avec cet être disloqué. Il tente finalement d’essuyer le sang sur ta joue, maladroitement ; tu ne bouges pas. Tu trouves ce contact étrange. Inhabituel. Tu ne comprends pas, cette intention. Comment peut-il renfermer quelque chose d’aussi haineux et quelque chose à la limite du délicat, dans le même corps ? La seule délicatesse que tu connaisses, toi, c’est la caresse de la lame : « Désolé, putain, j’en ai mis partout. T’inquiète. J’ai pas l’air comme ça peut être, mais je suis pas malade. » Sourire. « T’inquiètes, j’te crois. »Tu prends sa main pour la guider jusqu’à ton épaule, tes yeux rieurs l’invitent à prendre appui pour entamer l’ascension des escaliers : « Allons-y. » De toute la patience et la douceur dont tu es capable, marches après marches, tu l’aides à grimper. Baignés par la blancheur du satellite naturel, tu vois deux rescapés d’une nuit sans fin, tentant péniblement d’échapper aux enfers qui les poursuivent. « C’est beau, ici. Ça me rappelle le laboratoire du Docteur Jekyll, dans un des films. » Tes charmantes lèvres s’entrouvrent en un nouveau sourire : « N’est-ce pas ? J’aime beaucoup la lumière ici. Mais ne t’en fais pas, il n’y a pas de laboratoire sordide là-haut. » Rire étouffé par l’effort. C’est pourtant bien un laboratoire que tu tiens là-haut, tu y étudies les hommes, les corps, les secrets. Les photos sont tes ustensiles et les fenêtres, tes lunettes.

Devant la porte d’entrée, tu cherches les clés au fond de ton sac, un sac aussi mensonger que toute cette mise en scène. La porte s’ouvre, tu t’engouffres à l’intérieur, Jean à tes côtés. Tu le laisses avancer, claquant la porte derrière toi, sans la fermer à clé. L’aidant à enlever sa veste poisseuse, tu le guides ensuite jusqu’au large canapé de cuir vieilli, dégageant les couvertures, plaids et coussins pour lui faire une place : « J’ai besoin d’eau. Il faut que je me réhydrate. Après si tu as du whisky, pour la douleur… » Tu te débarrasses à ton tour de ta veste en jean, que tu laisses choir sur un fauteuil anthracite : « Ça marche, je vais te trouver ça. » Tu te diriges rapidement jusqu’à la cuisine, te faufilant derrière le comptoir. Tu laisses une carafe en verre se remplir de l’eau du robinet, tandis que tu t’empares de deux verres. Fouinant dans les placards, tu recherches une bouteille d’eau-de-vie que tu finis par dénicher. Dans la hâte, tu emportes le tout auprès de ton chevalier noir. Remplissant son verre d’eau, que tu lui donnes, tu lui présentes ton remède contre la douleur de la nature : « Désolé, je n’ai pas de whisky, je n’ai trouvé que du rhum, j’espère que ça t’iras ? » Tu poses la bouteille près de lui, à porter de main. Il en a déjà bien assez dans le sang, mais bois, bois Jean. Abreuves-toi. : « Je vais trouver quelque chose pour ta main et ton visage, je reviens. » Tu cours jusqu’à ta chambre aux parois vitrées et t’engouffres dans la salle de bain, il ne peut plus te voir désormais. Posant tes mains de part et d’autre du lavabo, tu souffles deux secondes. Profitant de cette pause, tu te ressources. Penchée au-dessus du gouffre, tu dois te retrouver. Il est là maintenant. Que vas-tu faire, Nim ? Que vas-tu faire ? Ta piste la plus prometteuse est là. Que vas-tu faire ? Faisant face au miroir, à ton reflet, tu plonges dans les eaux troubles qui luisent dans tes yeux clairs, réjouie de l’obscurité dans laquelle tu disparais., tu souris. Prestement, tu prends la trousse de soin basique d’un intérieur typique, ta vraie trousse de toilette étant cachée ailleurs. Quelques serviettes de bains, une bassine remplie d’eau et tu t’empresses de retrouver ton balafré : « Je ne sais pas si ça va suffire ... » Accroupis aux pieds du canapé, tu te sers de l’eau, que tu siffles avant de pousser les magazines, les bouquins et les photos éparpillées sur la table basse. Vidant la trousse, tu tentes de ressortir l’utile de l’inutile, indécise : « Tu m'excuseras d'avance, je ne suis pas une très bonne infirmière ... » Rire nerveux, tu finis par prendre une serviette que tu trempes dans l’eau, tu tends ta main libre vers Jean, demandant la permission de prendre la sienne : « On va commencer, par ça, je peux ? »

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Dernière édition par Nimhoë Matveyev le Dim 24 Mar - 20:49, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyJeu 21 Mar - 13:31

Je ricane d’un air un peu absurde, un peu fou, quand la jeune brunette me dit que j’ai une sale gueule et que c’est à cause d’elle. Par réflexe, je me palpe la peau du visage et je me retrouve à sentir la chair à l’air libre sur le coin de mes lèvres, à frôler ces égratignures sur mes pommettes, ces entailles proches de l’arcade… Et du sang à demi séché, en train de prendre une consistance d’un coup plus solide. Les boursouflures se mettent à pousser sur mon visage, surtout sur la pommette ; l’os n’est sans doute pas abîmé, d’expérience, mais la chair a été écrasée contre et durcit sous l’afflux de sang, de l’hématome qui s’y forme en gonflant la chair. C’est douloureux, mais je ne sens la souffrance qu’à distance, comme si elle n’arrivait que filtrée par l’alcool jusque dans mon cerveau. C’était sans doute le cas, et je ne peux convenir que d’un sourire en coin qu’elle avait raison, après tout.


| Ouais, tu peux AU MOINS faire ça oui. Merde alors, je pourrais plus jamais me faire ramener par des inconnues saines d’esprit, maintenant, avec cette gueule de travers. |


De toute façon, à qui cela importait ? Je portais l’alliance, toujours, mais ça n’empêchait pas que Jenna et moi avions un lourd passif, l’un comme l’autre, tant nous nous étions leurrés l’un l’autre entre efforts, faux espoirs, mensonges et détermination jusqu’à nous détruire par les mots, par les gestes et par les larmes. Il ne restait rien de ma vie, rien de mon mariage, rien de ma famille. Mon existence était vitrifiée, comme ces versants norvégiens après une détonation nucléaire à laquelle j’avais contribué. Lien de cause à effets, sans doute, même si on m’avait déjà dit longtemps en arrière que la mort et la destruction ne pouvaient que m’emboiter le pas, ou me suivre dans mon sillage sitôt que je prenais le large. Nous plaisantons sur la précision du tir avec un tazer. Je me remémore la Lybie et l’apprentissage de l’Oncle Gégène, de ces fils électriques branchés sur les extrêmités charnues d’un corps qui se crispe, se tend, se conchie, alors que les décharges ne servent même plus vraiment à le faire parler, mais simplement à le punir pour ses propres péchés. Exactions qui se surajoutent à d’autres, combien d’actes indicibles avions nous commis, sourires aux lèvres et clopes au bec. Certains l’avaient mal vécu. Beaucoup de suicides. D’auto-mutilations. Pas de pitié pour les perdants, l’Union a besoin de viande fraîche pour le broyeur, et ces mecs étaient trop dangereux pour les autres, plus encore que pour eux-mêmes, pour qu’on accepte de les relâcher. Zonzon militaire de haute sécurité pour tout le monde, et zou. Je conclue, sourire en coin.


| Ca pourrait être encore utile, demain. |


La jeune femme semble se raidir imperceptiblement quand je la touche, et je referme bien vite les doigts sur sa main quand elle vient la guider sur son épaule pour m’aider à monter. Limite et interdit franchi ? Je ne sais pas. Elle n’a pas l’air forcément super distante, vu tout ce qu’elle a subi de moi depuis le début de notre rencontre. Je ne sais pas et au fond, je m’en fous. Certains dans la Compagnie avaient des problèmes avec les femmes, avec le sexe, et sans doute en avais-e également. Mais forcer quelqu’un n’avait jamais fait partie de mes fantasmes, même si j’en avais bousculé plus d’une en bordel de campagne. Je savais très bien ce qui me plaisait le plus, entre une partie de jambes en l’air et la pression de tout à l’heure sur un cou, ou les reflexes de métronome qu’il fallait pour tuer plusieurs personnes dans une fusillade intense à distance de corps à corps. C’était ça, qu’il me fallait. C’était tout ce dont j’avais besoin, cette pulsion viscérale qui ne trouvait le repos que dans la mort, et l’expression d’un art qui ne m’appartenait pas en propre, mais que je partageais avec tous les tarés de ce monde. Je me trouve très drôle, quand j’en suis à ce stade de l’ivresse.


| Tu aurais pu être une malade qui découpait des gens que je sentirais rien du tout dans cet état. |


Plus de veste. Hauteur de plafond, poutres mansardées, ustensiles et mobilier mêlant verre, acier noir et bois brut. J’aime ce genre d’endroit ; j’ai une déco analogue à la maison même si les filles ont toujours mis leurs affaires sur tous les trucs que j’aimais le plus. Lumineux, en tout cas. La lumière de la lune filtre au travers des nuages et du verre du plafond. La jeune femme débarrasse le canapé de vieux cuir, retire sa veste et me dit qu’elle va me chercher de quoi boire. Je regarde alentours. Etrange. L’endroit me souffle atelier, ou je ne sais quoi. Mais en tout cas, j’aime beaucoup. C’est calme, tranquille. Vide en comparaison du bordel des filles, mais avec pas mal d’objets de toutes sortes, et cette lueur presque blanche, fantomatique, qui vient des grandes vitres. J’acquiesce quand elle parle d’alcool.


| Rhum ? Parfait. J’étais pirate dans une autre vie. |


Et je l’étais toujours aujourd’hui. Je tends ma main valide pour prendre la bouteille, la débouche avec les dents, produisant le petit son réconfortant du bouchon de liège qui a tout juste l’espace de se glisser par le goulot. Je recrache le bouchon sur la table, et englouti tête renversée une lampée, puis deux. Estomac propre, je peux continuer toute la nuit jusqu’à ronfler dix heures durant, au lieu des cinq habituelles. La belle revient avec tout son bric à brac.


| Ca devrait aller. Y’a rien de grave, c’est que des égratignures qui ont besoin d’être nettoyées. Je garderais juste la main bandée pendant un moment, c’est pas grave. Et pour la tronche, si tu as des points de suture ça devrait aller tout seul. C’est super simple à faire. Je peux te montrer de ma main droite au début, si tu veux. |


Regard perdu vers le « plafond », j’acquiesce encore.


| La main, la tête, tout t’est dévoué, ce soir. |


Je regarde encore autour de moi avant de reporter un regard curieux vers elle.


| Pas de Monsieur ou de Madame Nim ? Tu vis seule ici ? C’est beau en tout cas, j’aime bien cet endroit. J’ai l’impression de me retrouver au-dessus de la mêlée. |


Comprendrait-elle ? Sans doute pas.
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Nimhoë Matveyev
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyDim 24 Mar - 20:56

TENDS MOI LA MAIN, QUE JE BOUFFE TES DOIGTS

« Prêtes ? » Il susurre à ton oreille. Immobile, tu fixes la forme gémissante, suppliante. Tu sais ce qu’on attend de toi, tu sais ce que tu dois faire, mais tu te questionnes encore sur la raison, sur le bien, sur le mal. Dans ton esprit, tu fais la balance, attendant que ton cœur choisisse. « C’est le moment de me prouver ce que tu vaux. Montre-moi que j’ai eu raison de te choisir. » Tu rassembles tes forces, imperceptible. Il a cru en toi, comme jamais personne auparavant, Il t’a appris tant de choses, Il t’a donné la vie. Jamais, tu n’oserais Le décevoir. Toi, Nimhoë, 17 ans, après tout ce qu’Il t’a fait endurer, après Lui avoir donné tout de toi, enfin, Il t’offre l’opportunité d’être importante. L’opportunité d’être quelqu’un. Alors, choisis Nimhoë, à toi s’ouvre le chemin de la vie. Avancer ou mourir ? « Nim ... S’il te plaît, j’recommencerais plus ... S’il te plaît ... » Trois sanglots et les larmes s’écoulent, tandis que tu t’assombris au rythme des supplications. S’installe un vide profond, obscur et indéchiffrable. Un vide total, terrifiant et agréable : « David, tu sais très bien ce qu’on fait au déserteur .... Assume tes actes. » Le gamin hurle de nouveau, et tu t’enfonces toujours plus. Reniant les émotions et les sentiments, tu les enfermes loin, assez loin pour oublier leur existence. Fini la faiblesse, fini la douleur, fini la pitié. La forteresse que tu te bâtis à l’intérieur sera solide, robuste, et jamais personne ne pourra un jour voir ce qu’il se cache, de l’autre côté. Personne ne saura, ce que tu renfermes. Personne, ne saura. Ton cœur a choisi. Maintenant, tu es prête. Tu es prête, à être ce que l’on attend de toi. Tu prends la hache qu’Il te tend, tous te regardent ; mais c’est sereinement que tu t’approches du corps allongé sur la table métallique. Tout le monde le sait, personne ne doit quitter la base, sans Son accord. Toute personne trouvée à l’extérieur, sera accusée de désertion et donc, jugée non fiable. Et une personne non fiable, ici, est une personne inutile. Étant donné que vous n’existez pas officiellement dans le monde, il n’y a aucun problème pour faire disparaître les inutiles. Toi, tu comprends ça, David, ne l’a pas compris ; avoir dix ans, n’est pas une excuse, puisque des plus jeunes le savent déjà : « ... S’il te plaît ... Nim ... » Il a été stupide, et le monde ne récompense pas les idiots. Ton visage n’exprime rien, tes yeux ne fixent que le néant, un dernier pas, et tu t’apprêtes à achever ton âme. Tu en es consciente. Ce sacrifice, te détruiras pour toujours. Mais, tu es prête à payer le prix de cette nouvelle vie. Le prix du sang. Tu te tournes vers Liev, attendant son accord pour commencer. Il se tourne vers l’assemblée : « Il faut un exemple, pour ceux qui auraient la même idée, alors ouvrez grand vos yeux ... » Alignement de gueules cassées, quelques larmes, reniflements, tremblements, ça pue la peur. Lui, Il adore ça, inspirer l’effroi, il se nourrit du leur. De nouveau vers toi, il te fait signe de débuter : « Nim, tu as intérêt à appliquer tes cours d’anatomie ... J’aime quand ça dure. » Robotique, le soldat exécutant les ordres. Pas de questions, pas de pourquoi, pas de comment. Il n’y a plus ni bien, ni mal, juste l’acte. La hache découpe l’air, le filet rougeoyant salit ton visage. Un cri perce le silence. Illumination.



Tu es cette malade, Jean, tu es cette malade qui découpe des gens. Tu es celle qui se délecte du son de la chair se déchirant. Tu es celle qui s’émerveille de l’horreur, étincelant dans les prunelles des terrifiés. Tu es celle qui apprécie les corps se disloquant. Les hurlements, les déchirements t’abreuvent, toi, l’assoiffée. Tu es leur plaie béante, qui se nourrit de leur énergie. Tu es cette malade désespérément aveuglée par les pulsions, les souvenirs, la folie. Perdue dans le labyrinthe de l’enfer, tu sèmes la destruction, engloutie par l’inconscience. Tu n’es qu’un vent violent, qui n’attend que d’hurler sur les hommes. Voilà, ce que tu es. Courant avec le sourire, vers ta perte. Plus fière de ce que tu pourrais apporter à Liev, qu’effrayée du sort vers lequel tu te diriges. « Tu aurais pu être une malade qui découpait des gens que je sentirais rien du tout dans cet état. » Alors tu ris doucement, comme si l’impossibilité de cette phrase, en était amusante, et rétorques sur la plaisanterie : « Je te rassure, c’est pas mon genre. » Essoufflée.

L’appartement est inondé d’une lumière blanche, mystérieuse, presque spectrale. Elle désigne silencieuse, tes ustensiles, tes bouquins, tes photos. Une vie irréelle dans laquelle tu te débats. Tu le surprends à se perdre dans l’observation de ton refuge, tu t’interroges, avant de lui rapporter la bouteille : « Rhum ? Parfait. J’étais pirate dans une autre vie. » Tu m’en diras tant, Jean. Quelles péripéties comblent ta vie ? Quelles croisades destructrices, as-tu mené sur les flots tumultueux du monde et de l’âme ? Coffre-fort aux milles trésors. S’offrira-t-il à toi ? Tu rigoles, satisfaite, et le laisses s’hydrater, tandis que tu cours chercher le matériel de soin. Respires. Tu reviens au plus vite auprès de lui, faussement soucieuse : « Ca devrait aller. Y’a rien de grave, c’est que des égratignures qui ont besoin d’être nettoyées. Je garderais juste la main bandée pendant un moment, c’est pas grave. Et pour la tronche, si tu as des points de suture ça devrait aller tout seul. C’est super simple à faire. Je peux te montrer de ma main droite au début, si tu veux. » Tu acquiesces. Il sait se recoudre lui-même, par pratique peut-être. Les cicatrices invisibles de ton passé, se voient-elles sur son corps à lui ? Restent-ils les marques de ses ténébreux voyages, incrustées sur sa peau ? Tu lui demandes la permission de te soigner : « La main, la tête, tout t’est dévoué, ce soir. » Tu attrapes sa main ensanglantée en t’installant au bord du canapé, sourire en coin. Il t’avait, à vrai dire, réellement dévoué sa main et sa tête ; ce pourquoi il était dans cet état. Il t’avait sauvé, d’une funeste soirée, et pour cela, il t’avait offert le spectacle de sa rage. Il t’avait offert, l’acte : « On ne peut pas dire que ça t’ai réussi jusqu’ici ... » Épongeant d’une main, la petite serviette blanche, tu l’appliques délicatement sur les blessures, minutieuse. Tu fais de l’ironie, mais c’est tristement que tu souris : « ... Je suis vraiment désolée pour tout ça, et je ne sais comment te remercier. » Tu n’oses croiser son regard, ainsi tu replonges la serviette dans l’eau se teintant, en même temps que sa main se clarifie : « Mais je vais t’arranger ça, du mieux que je peux, ça sera un bon début. » Tu opines de la tête pour toi-même, décidée. La blessure tait ses vomissures, tu la laves une dernière fois et délaisses la serviette rougit dans la bassine : « Je vais te faire le bandage. » Tu t’empares sur la table du nécessaire, tandis que les yeux de l’incompréhensible chevalier s’égarent sur l’environnement. Tu défais un peu la bobine immaculée et commences à l’enrouler autour de l’arme blessée : « Ça va ? Je serre pas trop ? »

Il repose sur toi un regard emplit de curiosité : « Pas de Monsieur ou de Madame Nim ? Tu vis seule ici ? C’est beau en tout cas, j’aime bien cet endroit. J’ai l’impression de me retrouver au-dessus de la mêlée. » Tu maîtrises ta force en enveloppant sa main. Non, personne ne pourra jamais vivre avec toi. Avec qui d’ailleurs ? Avec Calixte ? Avec Nimhoë ? Avec ... Respires. Tu échappes un éclat de rire, tu te moques clairement de toi-même : « Eh nan, je n’ai pas encore trouvé de Monsieur Nim capable de me supporter, tu vois, donc oui, je vis seule. » Seule la solitude te supporte et t’es supportable. De toute façon, tu n’as droit qu’à la solitude. Tu t’arrêtes dans ton mouvement, et laisses tes prunelles vagabonder dans ton décor apaisant. Au-dessus de la mêlée ? C’était exactement pour cette raison qu’elle avait élu domicile ici. Loin du mouvement, de l’agitation, loin des hommes. Tu ne peux faire partie de ce monde, tu préfères rester spectatrice de leur déchéance, ou en être la coupable : « Merci ... Oui, j’ai la même impression, c’est une des raisons pour lesquelles je l’ai choisi d’ailleurs. C’est calme, reposant, aéré ... » Tu hausses les épaules, comme si cet endroit contribuait à ton épanouissement fictif : « Je m’y sens bien. » Tu reposes tes yeux perçants sur ta carcasse tenace, tu lui souris tendrement et reprends la chorégraphie de tes mains autour de la sienne : « Et toi alors ? Je ne te pose pas la question. » Tu poses sa paluche bandée, et en te saisissant des ciseaux, tu montres de ton pouce l’annulaire où devrait se trouver une bague, si tu avais quelqu’un dans ta vie. Tu t’apprêtes à couper le surplus de bande, mais tu t’arrêtes finalement dans ton geste, pensive. Tu fixes Jean, quelques instants : « Tu ... Tu ne veux pas que j’appelle quelqu’un pour toi ? » Après tout, tu n’es qu’une inconnue, il a une femme, un foyer, il pourrait l’appeler, qu’elle vienne le chercher. Tu espères que non, mais à vrai dire, tu es presque certaine qu’il refusera. Un homme qui a bu autant, a-t-il véritablement prévu de rentrer chez lui ? Tu ne sais pas. Mais tu dois voir, voir s’il est prêt à parler, de quoique ce soit. Il doit juste parler. Parle, Jean. Tu cesses finalement le contact pour déposer la bande et reprends, en échange, la serviette. Tu t’avances, toujours sur le bord du canapé, pour te rapprocher de son visage cabossé. En chemin vers sa joue, tu t’abstiens et ramènes ton bras légèrement vers toi ; demandant à Jean du regard, de pouvoir continuer.


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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyMar 26 Mar - 21:11

Pas son genre de faire du mal à des gens. Je la crois. Elle a l’air douce. Elle a l’air gentille. Je sais, pourtant, que les gens ne sont jamais de quoi ils semblent avoir l’air. Jamais. Qui pourrait dire que je n’avais rien d’un héros, d’un saint-bernard, après les risques que je venais de prendre ? Que j’avais planté des tas de gens, et même des gamins ? Je ne connaissais pas meilleur tueur au monde que McHall. Et pourtant, l’homme ne se sentait bien qu’avec du sang sur sa lame. Ce dernier gémissement, ce dernier petit bruit d’inspiration ultime susurrée. Anders lui, c’était les filles. La satisfaction de ce besoin primaire, lancinant, qui lui tenaillait les couilles. Mais aussi ce pouvoir, cette emprise sur le plaisir et la souffrance d’un corps, quelque chose de cruel, de violent. Sans la moindre compassion, il prenait du plaisir au mal brut. Entendre ces pleurs et ces gémissements, c’était ça qui le bottait. Il y avait tous les autres. Tous des malades. Comme moi. Le papa qui essayait d’accompagner ses filles en compétition de foot. Qui emmenait sa femme au restau.


Qui se réveillait au milieu de la nuit, poursuivi par ses Fantômes et par tous les autres, en sueur, le regard fou.


L’envie de se tourner vers cette femme que j’aimais tant, juste pour voir comment elle arriverait à me résister. Combien de temps elle tiendrait. Pour voir si on me retrouverait, si on saurait me prendre à la suite de mon crime abominable. Je n’avais pas à me poser toutes ces questions, mais qu’y pouvait-on à la fin quand on était toujours sur le qui-vive, sur la défensive ? Quand j’entrais dans un magasin de mon enseigne, je repérais les lieux. Je pensais à l’endroit où je placerais un franc-tireur. A celui d’où je couvrirais la zone avec une LMG. Là où je me posterais moi-même. Là où il fallait évacuer, ou contre-attaquer au couteau et à l’arme de poing pour nettoyer les salles plus petites.


Malade jusqu’au bout des ongles. Et rien à voir avec mon corps, qui allait toujours bien. Ma tête, c’était la merde. Mon âme n’était plus qu’un champ de mines, qui avait enrayé plusieurs assauts et qui n’avait plus beaucoup de punch pour repousser encore longtemps la folie.


La brune me tance. Elle n’entre pas tout à fait dans le jeu facile que je lui tends. J’ai toujours aimé les filles. Un peu trop, sans doute. C’ est la solution de facilité pour oublier qu’on n’est qu’un pauvre tocard, pour se sentir vivant un moment avant de retourner à sa propre fange. C’est moins cher que l’alcool… Non, pas toujours. Et j’ai toujours su me servir de ma gouaille, ou pour motiver une tripotée de recrues psychopathes, ou pour convaincre une nana de faire un tour dans mon bureau. Même bourré, même la gueule en vrac, je restais dépositaire d’un terrible pouvoir d’attraction ; bien au-delà du pouvoir de la séduction. J’étais le trou noir, le vide abyssal qui attirait les paumées et les filles qui n’avaient rien de mieux dans leur vie qu’un pauvre alcoolique aux mains pleines de sang. Je ne pousse pas plus loin. Ma femme vient de me quitter, mais je dois encore avoir son odeur sur moi.


Même dans cet état, j’ai droit à un peu de dignité. Mais il y a l’alcool. Et il y a la folie. Je suis incapable de ne pas répondre. Mais il y a sa gentillesse qui revient à la charge. Franchement Jean, tu veux vraiment profiter de la situation, et t’avilir un peu plus ?


Je hoche la tête, mince sourire aux lèvres, un peu triste, regard perdu sur les reflets lunaires que renvoient ses affaires. Je ne sens même plus ma main quand elle la manipule.



| Tu n’as pas à me remercier. J’ai fait ce soir ce que j’aurais dû faire toute ma vie. Me battre pour une vraie raison, sans rien attendre en retour. Je l’ai pas fait souvent, alors profites-en. J’ai trop bu. Un autre soir, j’aurais peut être pensé que t’aider n’en valait pas la peine, que ça ne valait pas le coup de me mettre en danger pour quelqu’un que je connais même pas. De risquer de plus revoir ma femme et mes filles, juste pour une inconnue qui se balade sans réfléchir dans les sales coins de la ville. |


Je redresse les yeux vers elle. Un peu plus rieur, la taquinant. Et je m’affligeais plus que nécessaire, car il était évident à mes yeux que j’aurais agi. Pas par courage. Par besoin, par désir viscéral pour ce shoot d’adrénaline, et cette suprématie acquise dans le sang.


| Tu peux serrer. Je sens plus rien, de toute façon. |


Si seulement c’était vrai. Après le shoot, après l’orgasme de violence, ne restait que le reflux. Et la prise de conscience, énième depuis ce matin, de ma bêtise, de mon inconstance. De tout ce que j’avais perdu par incapacité à me conduire correctement. Elle me répare, se moque d’elle-même, me questionne. Je glisse dans des eaux plus calmes, maintenant que la douleur s’en va, que l’alcool resserre son emprise comme mon seul et unique maître, oblitérant tout le reste. Visage qui se crispe, muscles maxillaires qui tressaillent. Elle se rapproche de mon visage, je déglutis, et acquiesce yeux fermés d’un signe. Laisse reposer ma tête si lourde sur le dossier de son canapé.


| Tu ne trouveras pas de monsieur Nim en secourant les vieux clebs paumés. Mais non. N’appelle personne. Ma femme s’est tirée cette nuit. Avec nos deux gamines. C’est peut être mieux comme ça. Pour elles, je veux dire. Je ne suis pas quelqu’un de bien, Nim. | lui confiais-je par déduction éthylique, regard vitreux, avant de refermer les paupières. | Mets moi juste des points sur la gueule pour éviter que ma pommette ne se rouvre, et je rentre chez moi. J’ai fait assez de bêtises pour aujourd’hui, sinon pour plusieurs vies. | Je passe, aveugle, ma main bandée contre son bras, remonte jusqu’à son visage, que je caresse doucement au travers du bandage. | Toi, tu es quelqu’un de bien. Alors, fais un peu plus attention. Il n’y aura pas toujours de chien fou pour te tirer de ce genre de guêpier. |
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyVen 29 Mar - 7:04

TENDS MOI LA MAIN, QUE JE BOUFFE TES DOIGTS

Jolie poupée de porcelaine, ensorceleuse au sourire charmant, ton joli minois trompe les défenses des hommes. L’attirance, triomphe toujours de la méfiance. Tu l’as compris dès ta première mission. Tu n’as pas été surprise, tu n’as pas hésité. Qui de mieux qu’une jeune et jolie fille, pour approcher les avides machistes ? L’innocence. Tous guidés aveuglément par leurs pulsions animales, bêtes fauves ; toi aussi, toi aussi tu es une bête fauve, mais aux pulsions, bien plus sauvages. Utiliser cette enveloppe pour arriver à ses fins, n’a jamais été un problème. Ce corps, n’est pas le tiens. Tu as été conditionné. Conditionnée à ne pas t’attacher à cette ombre suivant tes mouvements. Tu te sens en dehors de cette prison de chair, tu te sens ailleurs, dans un non-lieu entre la réalité et le mensonge. Trop loin pour te sentir concernée par ce qui pourrait bien lui arriver, à ce corps. Mais cet éloignement commence à se faire pesant. Peut-être ne s’agit-il pas d’éloignement, mais d’enfermement ? Oppressée dans le conditionnement, ce sont tes pulsions qui étouffent. Si cette enveloppe est quelconque, ce que l’on t’a demandé d’enfermer à l’intérieur l’est beaucoup moins. Et ça gronde, et ça hurle. Le détachement ne fonctionne plus. Et tu le sens, tu le sens ce venin, empoisonner tes veines.  

Tu l’écoutes se perdre dans ses pensées, il s’éloigne lui aussi, hors du temps. Vers quels horizons imaginaires, se dirige-t-il ? Tu te voies l’accompagner dans ses réflexions, le suivre jusqu’à ses sordides souvenirs, qu’il ressasse. « Tu n’as pas à me remercier. J’ai fait ce soir ce que j’aurais dû faire toute ma vie. Me battre pour une vraie raison, sans rien attendre en retour. Je l’ai pas fait souvent, alors profites-en. J’ai trop bu. Un autre soir, j’aurais peut être pensé que t’aider n’en valait pas la peine, que ça ne valait pas le coup de me mettre en danger pour quelqu’un que je connais même pas. De risquer de plus revoir ma femme et mes filles, juste pour une inconnue qui se balade sans réfléchir dans les sales coins de la ville. » Oh Jean ... J’en profiterais, promis ... Quelle douce symphonie que celle d’un homme meurtri, dévoré par les actions passées. Entendrais-tu des regrets ? Ne perds pas espoir Jean, la rédemption t’attend. La rédemption, par le sang versé. Parce que toi aussi, tu ne comprends que la violence. Alors quel sang ? Quel sang verseras-tu, pour laver les péchés de l’humanité ? Tu l’écoutes tandis que tes mains tournoient autour de la sienne, pensive. Toute sa vie ? Se battre pour une vraie raison ? Pour quelles mauvaises raisons, se serait-il battu toute sa vie ? Tu classifies des scénarios intérieurement, tu te rapproches, lentement. Trop lentement. Reviens. Existe-t-il de bonnes raisons de se battre, de toute façon ? Rappelle-toi, à monde vénéneux, hommes vénéneux. Tu lui souris en coin, gênée ; oui il aurait pu mourir en te sauvant, sa famille ne l’aurait plus jamais revu, et il n’aurait été qu’un cadavre de plus dans cette ville putride. Le sacrifice, la bravoure, l’entraide, c’est ce que tu ne comprends. C’est ce qui ne colle pas. C’est sa faiblesse, sa douleur, sa peine. Tout ce qu’on t’a demandé de réfuter, depuis ta naissance. Tu poses sa main bandée et fixes tes menteuses prunelles dans les siennes : « Tu peux dire ce que tu veux, Jean, moi je pense, qu’ivre ou pas, bonne journée ou pas ... Tu serais venue m’aider. » Retournant au bandage, tête baissée, tu ajoutes : « Tu n’aurais pas juste ... passer ton chemin. J’y crois pas. » Bien sûr qu’il serait venu. Il n’aurait pas manqué une occasion, d’exulter. Il n’aurait pas manqué une occasion, de se libérer. Ton presque offusqué après ce qu’il venait d’avouer, ce sont finalement des yeux amusés que tu poses sur lui. Océan d’émotions, cantonné à n’en dévoiler qu’une : la sincérité, confectionnée de toutes pièces. Misérable sorcière, croqueuse d’espoir.

« Tu peux serrer. Je sens plus rien, de toute façon. » Il se laisse doucement porter, il s’apaise, s’enfonce. Il s’éloigne, l’alcool l’emportant vers d’autres temporalités. Tu contemples son égarement. Au plus il coule, au plus il se rapproche de toi. Tu pars attraper la serviette et remontes t’asseoir plus haut. Il acquiesce, fermant les yeux, il laisse sa tête tomber sur le dossier. Il t’autorise à continuer, s’abandonne entre tes mains. Tu savoures cette confiance, même infime, qu’il accepte, de te livrer. Proche de son visage rougi, la distance se fait plus intime, propice à la confidence.

Soigneusement, tu tapotes la serviette sur les plaies, tandis que ton noyé danse avec ses démons, dans une autre divagation : « Tu ne trouveras pas de monsieur Nim en secourant les vieux clebs paumés. Mais non. N’appelle personne. Ma femme s’est tirée cette nuit. Avec nos deux gamines. C’est peut-être mieux comme ça. Pour elles, je veux dire. Je ne suis pas quelqu’un de bien, Nim. » C’est ça, Jean. Livre-toi, donne-toi. Dis-moi, pourquoi sont-elles parties ? Pourquoi n’es-tu pas quelqu’un de bien ? Qu’est-ce qui pourrait bien pourrir ta vie et effrayer celle de ceux qui t’entourent ? Tu ralentis le mouvement sur ses pommettes, le fixant, faussement attristée : « Sauf si je suis aussi paumée, que ces vieux clebs ... » Tentes-tu en lui souriant timidement, mais rapidement tu pars laver la serviette dans la bassine. Tu lui fais de nouveau face, peinée : « Je suis désolée, pour ta famille. » Tu te repenches sur son visage, tapotant la peau déchirée qui crache encore son essence : « Je ne te connais pas Jean, mais ... j’te trouve très dur avec toi-même. » Après tout, ne faisons pas de nous des cas à part, il n’y a que de mauvaises personnes dans ce bas-monde. La bonté, tu n’y crois pas, tu n’y as jamais cru. Toi, tu ne crois que ce que tu vois. Et ce que tu as toujours vu, c’est la destruction, c’est la brutalité, c’est l’effondrement, c’est la mort. Constante et omniprésente. Qui peut bien se vanter d’être une bonne personne, dans un tel univers de noirceur, de trahison, de bataille et d’enfer, dans lequel seul le pouvoir, compte ? Alors ne faisons pas de nous des êtres différents, car nous sommes tous mauvais. Dévoré par l’ambition, par la suprématie, par l’égoïsme, par la folie. Tout dévorés.

« Mets moi juste des points sur la gueule pour éviter que ma pommette ne se rouvre, et je rentre chez moi. J’ai fait assez de bêtises pour aujourd’hui, sinon pour plusieurs vies. » Tu retiens un tressaillement. Comment ça, rentrer chez soi ? Maintenant qu’il est là, il y reste. Tes gestes restent calmes, fluides, légers, délicats, mais dans ta tête, ce n’est que désordre et perturbation. Tu appliques la serviette, continuant de gagner du temps. Comment le retenir ? Peu de choix s’offrent à toi. Il est à deux doigts de sombrer, il a juste besoin, d’un petit coup de pouce. Creuses, Nim, tu sais ce que tu dois faire. Tu sais. « Tu sais ... » Suspense, tu réfléchis. Tu balances la serviette dans la bassine, descends du canapé préparer le fil, désinfecter l’aiguille et remplir la seringue, voyage jusqu’aux bras de Morphée. Tu reviens sur le canapé, te rapprochant à nouveau de son visage, la seringue disparait derrière Jean, tandis que l’aiguille se rapproche de sa joue. Tu soupires : « ... Si tu veux, tu peux rester... ». Sourire bienveillant, tu reposes tes yeux sur la plaie appelant la soif, t’apprêtant à piquer, tu sens une main glisser de ton bras jusqu’à ton visage glacé. Immobile, tu relèves tes claires pupilles vers les siennes, pleines d’incompréhension. Que fais-tu, Jean ? Il glisse vers toi. Viens, créature déboussolée, que je puisse déchirer ton être. Le jeu commence, ton cœur se réjouit, mais ta joie n’est qu’intérieure : « Toi, tu es quelqu’un de bien. Alors, fais un peu plus attention. Il n’y aura pas toujours de chien fou pour te tirer de ce genre de guêpier. » Sauf si tu es, ce chien fou. Mais pas de ceux qui sauvent, tu es de ceux qui créent, le guêpier. Les démons qui te hantent, s’esclaffent. Comment pourrais-tu être quelqu’un de bien, toi, pauvre chose torturée depuis le berceau. Qu’est-ce qu’être quelqu’un de bien ? Souviens-toi, Nim, tu ne crois pas en la bonté. Parce qu’elle n’existe pas, encore moins dans ton cœur. Malade de l’âme, tu assassines tes émotions à coup d’indifférence. Alors viens à moi, fantôme errant. Que tu aspires son essence enragée, que tu te nourrisses d’elle, comme on s’est nourri de la tienne. Ton visage se rapproche avec hésitation du sien. Il t’appelle. Il est trop loin déjà, trop loin pour réaliser quoique ce soit. C’est ta chance. Dans d’autres circonstances, dans d’autres contextes, d’autres lieux, tu n’aurais jamais eu pareille occasion. Et tu ne l’auras jamais plus. C’est ta chance. Et tu cours, inconsciente, vers elle. Ta main libre s’enfonce derrière lui, à la recherche du venin, rapprochant davantage ton doux minois de celui, abîmé, de l’égaré, les yeux brillants d’une hérésie inavouée : « ... Oh Jean ... » Le temps se suspend, alors que tes yeux se voilent progressivement d’une nouvelle noirceur. D’un coup sec, tu transperces sa peau, et vide la seringue à l’intérieur de son corps : « ... Je ne suis pas, quelqu’un de bien ... » Murmures. Tes lèvres maudites, laissent entrevoir les blanches cannibales. La comédie est terminée. Tu n’as plus qu’à admirer le poison s’emparer de lui.

Ton sourire carnassier reste accroché à ton visage illuminé. Tu veux profiter de ce moment, avant que tout ne commence. Ta main appuyée sur l’accoudoir derrière sa tête, l’autre vient caresser d’une malsaine tendresse, son visage assoupi ; ton visage toujours plus près du sien : « Mon tendre Jean ... Tu es à moi ... ». Il est à toi, souffles-tu. Rien qu’à toi. Il n’a plus qu’à parler. Ce n’est qu’un jeu, sordide certes, mais un jeu, avec des règles, tout comme la vie. Tu te redresses brusquement et prépares le terrain rapidement, chaise, cordes, scotch, la base. Tu ne comptes pas en faire des tonnes. Après tout, aucune éclaboussure. Tu enlèves ses chaussures, son haut, tu t’attardes sur les cicatrices que tu redessines du bout de ton doigt fin. Le palpant pour enlever tout objet indésirable, tu le fais tomber du canapé, sur des planches à roulette. Gaiement, tu le pousses jusqu’à une chaise, que tu as mis dans un coin reculé de l’appartement. Tu peines à asseoir l’épave sur son trône, mais y parvient enfin. Tu attaches ses poignets ensemble, entrelaçant la corde, paumes l’une en face de l’autre. Ensuite les pieds ensemble, au-dessus des chevilles, même entrelacement. Tout est mécanique, chorégraphié, réalisé dans un automatisme froid. Tu entoures son torse cette fois, la corde se croise derrière son dos, puis de nouveau derrière le dossier de la chaise, et de nouveau avec les bras ; puis elle refait le chemin inverse. Enfin, tu enveloppes ses avant-bras et ses mollets, avec du scotch. Tu hésites à le faire pour ses cuisses, sourire en coin, ça sera moins drôle. Il est prévu qu’il parte de chez toi, vivant, rien ne sert d’en faire des tonnes ; et puis, il se libérera sûrement, et c’est ça qui est amusant. Tu pars chercher bouteille et cigarettes et te poses enfin, près de la fenêtre. Tu avales une gorgée de la liqueur, réchauffant ton corps, avant de planter une cigarette entre tes lèvres et de l’embraser. Douce sensation que cette fumée meurtrière, pénétrant les voies et étouffant les poumons. La lune éclaire ton visage serein, tandis que tu laisses échapper un nuage gris de ta bouche entrouverte. Il ne tardera plus à revenir. Tu savoures toujours le calme, avant la tempête. Quelle Nim seras-tu alors ? La comédie est-elle réellement terminée ? Comment te croira-t-il maintenant ? Pourquoi ne pas lui montrer, à lui, qui tu es ? Respire. Tu ne peux pas. Lui montrer qui tu es, mais le sais-tu seulement, Nim ? Ta mâchoire se crispe. Stupide comédie, stupide jeu, stupide règles : « J’espère, que tu es bon joueur. » Tu te sens froissée par tes propres pensées.

Tu sens du mouvement, il revient doucement à tes côtés. Tu continues de fixer la ville somnolente, expirant la voluptueuse fumée enveloppant ton visage fermé : « Bon retour parmi nous, tu m’excuseras ... » Tu quittes ta contemplation, pour poser tes yeux assombris sur lui : « J’ai préféré aller droit au but. »


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Dernière édition par Nimhoë Matveyev le Mar 2 Avr - 7:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyLun 1 Avr - 14:00

Epave à l’abandon dans un océan de sang, frêle esquif survivant d’un puissant vaisseau qui autrefois provoquait plus de peur et de larmes que de frustration. Ma tête dodeline à moitié alors que je me force à affronter la réalité de leur abandon, de leur disparition. J’étais privé d’elles, et je ne savais pas encore si j’allais pouvoir les retrouver un jour, ni comment. Forcer les retrouvailles, retrouver les petites pour les emmener, m’enfuir avec elles, ça m’avait trotté dans la tête toute la journée, mais je ne pouvais pas m’y résoudre. Ce serait simple, mais Jenna s’y opposerait avec toutes les extrêmités qu’elle pourrait requérir contre moi. Je ne voulais pas me retrouver confronté à une situation pareille, parce que je savais très bien au fond de moi que je n’hésiterais probablement pas longtemps si ma femme se mettait en travers de ma route. Ca ne me faisait pas peur, mais ça me dégoûtait malgré tout, et j’avais déjà un goût de bile dans la bouche bien avant de dégueuler pour la première fois ce soir. Je me sentais paumé, à la dérivé, charrié comme toujours par le destin au gré des marées et des vents contraires qui m’agitaient dans tous les sens sans la moindre vergogne. Jouet de puissances supérieures ou amusement du destin, prenez ça comme vous voulez.


J’étais bien, là. J’avais toujours aimé les femmes. Sorte de pommade apposée sur les plaies à vif de mon âme, lots de consolation éphémères à une nature que je ne parvenais jamais à combattre, à repousser de façon pérenne. Les femmes et le sexe n’avaient jamais été une addiction, mais des haltes bienvenues entre chaque tuerie. Jenna m’avait reproché mes infidélités. Elle avait voulu croire qu’un thérapeute pourrait m’aider à « aller mieux », mais c’était peine perdue. J’avais beau aimer mon épouse, la rage que j’avais à l’intérieur ne passait jamais que dans le sang, ou contre la respiration d’une femme… Parce que tout ça n’était pas lié à mon enfance, ni à un manque d’amour, ni au shoot seulement du sexe ; j’étais malade, empoisonné depuis longtemps par l’adrénaline et ses effets ravageurs, et je n’arrivais jamais autant à me sentir en vie qu’en me battant ou en m’abandonnant à quelqu’un. A prendre et donner, avec la malédiction de ne pas savoir partager. C’était ça qui avait enfoncé le clou de mon mariage ; je ne savais pas être un époux à temps plein, et Jenna était incapable de comprendre ce besoin permanent de me mettre en danger, de renverser par la force tous les obstacles.


La jeune femme me bande la main. Croit que je suis un héros… Mais le héros était mort depuis longtemps, et avait été enterré, oublié, au moment même où l’atome fissurait le monde des hommes et des dieux, et que les Fantômes devenaient fous pour de bon. Je perds encore le contrôle, proche d’elle. L’impulsion me pousse à vouloir en profiter… Mais non. Le moment est passé. Je ne suis pas un psychopathe comme Anders, ou McHall. J’ai ma folie, mais elle ne doit s’exprimer que dans la mort. Mon code moral est peut être incliné, bancal, et sans doute immoral pour beaucoup de gens. Mais je m’y tiens. Je ne profite pas de la situation. Pourtant, la jeune femme se rapproche. Me regarde intensément, de ce genre de regard auquel je n’ai jamais su apporter la moindre résistance. J’abandonne bien vite mon fameux code… Même si une part de moi ne se laisse pas faire, essaie de me contraindre à l’immobilisme, ou à partir… Mais c’est trop dur.


Nous nous embrassons. Presque. Quelque chose me perce le cou et je me raidis. Me mords la langue, en me raidissant. Lui jette un regard chargé d’incompréhension. De rage. Déjà, je m’endors, et m’enfonce dans mes propres abîmes.


Sommeil sans songes, mais la sensation de me perdre. La mer sur laquelle je me perds est démontée. Je n’y fais pas naufrage. Au bout d’un temps indéfini, je remonte à la surface. Inspirations lourdes, sifflantes. Visage endolorie. Vision trouble. Je suis collé à mon siège. Littéralement. En partie déshabillé, scotch contre ma peau. Attaches solidement nouées. Je suis à sa merci… De qui ? Nim. C’est Nim. La haine coule dans mes veines, glaciale. Elle sert de combustible à ma rage qui s’embrase. Je ferme et rouvre plusieurs fois les yeux, essayant de plisser les paupières pour mieux distinguer mon environnement. Bouche pâteuse, mais le petit dodo m’a fait du bien. La chimie et l’alcool ne font jamais bon ménage, et j’ai un goût métallique dans la bouche.



| Putain de merde, il fallait forcément qu’il y ai un piège, pas vrai ? C’est comme ça que tu me remercies ? Oh, merde | sifflais-je en me rendant compte de la situation.


Piégé. Je suis piégé, putain de merde. Je me suis fait avoir comme un bleu. La haine. Elle seule peut me donner la force de faire ce qui était nécessaire, d’endurer ce corps meurtri, abîmé et fatigué, pour le dépasser et me sortir de là. Suicidaire incapable de passer à l’acte, toujours à se mettre en danger mais incapable d’abdiquer. Je la dévisage, haineux, sourcils froncés, visage enflé me donnant un air revêche.


| Tu es qui, toi ? « Nim » ? Pour qui tu bosses ? |


Le capitaine et le Fantôme revient à la barre. Ca fait du bien. Le cœur s’emballe, les muscles se gonflent. Je suis prêt à attaquer toute la russie à moi tout seul.


| C’était malin le coup de la nana en détresse. T’as pas dû beaucoup forcer, pas vrai ? Ton joli petit sourire marche pas mal, hein ? Qu’est ce que je suis con. Est-ce que le mec s’est rendu compte de ce que t’étais, quand tu l’as provoqué avec ton cul ? Espèce de malade mentale, détache-moi, ou je jure que je me fais un masque avec ta gueule. |


Qui ? Rescapée des laboratoires détruits pendant la guerre ? Sœur, épouse ou fille d’un ennemi trucidé au combat ? Rat de laboratoire, rescapée d’un bain de sang ou… Divine en quête de vengeance ?
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyMar 2 Avr - 8:02

TENDS MOI LA MAIN, QUE JE BOUFFE TES DOIGTS

La flamme du fond de tes entrailles, danse avec délice, avec un désir de représailles, et sur ton âme joue l’éclipse. A jamais perdue dans les limbes d’une histoire sordide, devenue conte de fées, tu te complets dans cet abysse splendide. Tu ne connais que le froid de l’éternelle hiver, qui sommeille en ton cœur. Soumise au bâillonnement de tous sentiments, c’est ta faim insatiable qui a fait taire la rancune. Combien de temps encore, la contiendras-tu ? Tu ne peux être que celle qui obéit. Tout ce temps, tu n’as fait qu’obéir. A ton père, à ta mère, à Liev, à tes pulsions, à ta faim, à tous. Toutes ces années, ils t’ont affamé, privé de tes choix. Tu t’es laissée écraser, tu t’es laissée tomber, en échange du savoir. Tu t’es offerte à la destruction, pour devenir quelqu’un, pour servir à quelque chose. Maintenant, tu sais. Maintenant, tu pourrais être qui tu veux, et cette perspective, bouleverse ton être d’une nouvelle félicité. As-tu encore besoin d’eux comme ils ont besoin de toi ? Le doute s’immisce dans ton esprit, il creuse difficilement mais se fraie un chemin. S’il parvient à ce que tu renfermes, il en sera fini de toi. Tu ne peux pour le moment, que te raccrocher aux chaînes de Liev, soigneusement enroulées autour de ta vie.

La fumée caresse ton visage, tu écoutes le silence pesant, flottant au-dessus de la ville. Tu devines les coeurs palpitants, battant à l’arracher. Candides, ils espèrent des jours meilleurs, sans pour autant chercher à être meilleurs eux-mêmes. Ingrats pullulants tels des insectes saccageurs. Tu répugnes ta propre espèce affligeante. Quelle fierté y-a-t-il de s’associer à cette espèce cupide et insensée ? L’humanité n’aspire qu’à l’extermination, et tu es prêtes à lui donner ce qu’elle demande. Tu es prête au massacre et à l’extermination, crée dans cet unique but, tu es prête aux milles ravages de ces âmes en perdition. Elles murmurent à ton oreille, suppliant de mettre fin au supplice de leur existence vermeille. Et bien que seul le froid, accompagne ta vie, c’est la chaleur de la rage qui t’enivre. Et lorsque cette chaleur, enflammera ton être entier, c’est un brasier, que tu déferleras alors sur cette ville sans avenir. Nouvelle fumée dans laquelle tu te tapisses, tu reviens parmi les vivants. Sans quitter les étoiles, tu le sens revenir lui aussi. Sans peine, tu imagines son incompréhension, que se passe-t-il ? Que se passe-t-il Nim ? Si tu savais. Si seulement tu savais, ce que tu comptais faire. Mais l’imprévisibilité est ton maître, et tu ne fais que suivre ses pensées, ensorcelée.

Tes prunelles gourmandes se posent finalement sur la carcasse coléreuse. « Putain de merde, il fallait forcément qu’il y ai un piège, pas vrai ? C’est comme ça que tu me remercies ? Oh, merde. » Tu aspires une nouvelle bouffée, et viens t’adosser au dos du canapé, en face de lui, restant à une distance raisonnable, pour le moment. Tu souris amusée, plus de faux semblants. Finis la comédie, tu veux jouer. Tu te penches en avant : « Voyons Jean, tu crois encore aux gentilles filles polies et bienveillantes ? C’est un mythe, ça n’existe pas ... » D’abord sur le ton de la confidence, tu finis par sourire, moqueuse : « Désolée de te l’apprendre comme ça. » Charmante déesse des enfers, tu sers le sarcasme avec plaisir, n’espérant qu’alimenter la haine dont il est déjà l’esclave. Tu la vois embraser ses yeux, tandis qu’elle accentue ta faim : « Tu es qui, toi ? « Nim » ? Pour qui tu bosses ? » La colère le nourrit, le renforce, tu le vois se laisser envahir par elle. Il la réclame. L’épave renait de ses cendres calcinantes. Tu t’en enchantes. Laissant la question dans le vide, tu n’y réponds pas. Tu ne voudrais pas lui donner ce qu’il demande. Tu attends l’explosion, mais tu veux d’abord ce que tu es venue chercher. Des réponses. Un éclaircissement sur ce qui alimente le chaos de cette cité. Comment agir sans savoir ? Tu ne le sais que trop bien, auparavant ignorante, tu as conscience maintenant, de l’importance de la connaissance.

« C’était malin le coup de la nana en détresse. T’as pas dû beaucoup forcer, pas vrai ? Ton joli petit sourire marche pas mal, hein ? Qu’est ce que je suis con. Est-ce que le mec s’est rendu compte de ce que t’étais, quand tu l’as provoqué avec ton cul ? Espèce de malade mentale, détache-moi, ou je jure que je me fais un masque avec ta gueule. » Tu effectues une révérence théâtrale, remerciant les compliments sur sa prestation, on ne peut plus convaincante : « Merci, c’est vrai que j’ai un talent, disons, naturel. » Non, Jean, tu n’es pas con. Juste troublé par un passé, que tu penses et espères, encombrant. Tu ne peux que remercier son manque de méfiance, et son penchant pour le breuvage envoûtant. Tu fronces légèrement les sourcils, sévère. Ce ne sont pas des victimes à plaindre. Personne n’est à plaindre, chacun fait ses choix, et chacun doit en assumer les conséquences : « Les hommes n’ont pas besoin d’être provoqué, ce sont eux qui provoquent ; ils sont attirés par ce qui leur est interdit, ou ce qui leur est dangereux ... » Sourire charmeur, tu tires sur la cigarette : « Et ce n’est quand même pas ma faute, si mon cul est attrayant ... » Petit regard malicieux et sourire en coin. Il sait de quoi tu parles. Il l’était aussi, dans ses filets, le joli petit renard.

Tu prends un air exagérément outré : « Un masque avec ma gueule ? Et c’est moi la malade mentale ? » Tu hoches la tête et repars vers la fenêtre, écrasant ta cigarette dans un cendrier sur le bureau, tu t’empares d’une aiguille à tricoter métallique. Liev ne t’ayant pas autorisé à prendre tes armes, il fallait bien faire avec les moyens du bord. Tu passes derrière lui, laissant ta main se perdre dans ses cheveux, tu te penches, non loin de son oreille, murmurant : « En fait, il faut que je t'avoue, je me sers du conflit comme préliminaire ... » Tu en fais le tour, sourire narquois, tu te postes devant lui, l’aiguille dirigée subitement, à deux millimètres du creux intérieur de son oeil gauche. Le bout de l’aiguille continue de le menacer, tandis que tu te rapproches, au-dessus de lui : « Si tu bouges, je te lobotomise. Ne me tente pas. » Sourire carnassier, tu l’as déjà expérimenté, tu as adoré. Mais tu ne voudrais qu’il use, tout de suite, de sa tête libre pour gâcher ce moment. Tu viens te poser à califourchon sur ses jambes, ton amusant outil, fermement prêt à s’enfoncer dans la chair globuleuse. Ta main libre court de son épaule jusqu’à sa nuque, et finit par s’agripper à une poigne de cheveux. Tes prunelles brillantes de démence, plantées dans celle de ton tendre Jean, tu affiches un mince sourire : « J’enquête sur les Mad Foxes, je sais que tu en fais parti. » Coup de bluff, tu n’as aucune certitude, mais il y a tellement de coïncidences. Tu le sens, tu as raison. Imperceptible, tu guettes, le moindre froissement. Tu ne peux pas te tromper, entre ce que tu sais, ce que tu as vu, ce que tu sens, il ne peut y avoir de doutes. Tu glisses ton bassin jusqu’au sien, tu claques ta langue contre ton palais, l’aiguille suggérant dangereusement l’immobilité : « Je me fiche de ce que vous faites, ce que je veux savoir, c’est pourquoi le gouvernement, s’intéresse tellement à toi ? Ce que je veux savoir, c’est ce que tu as fait, pour qu’ils t’apprécient autant ? » Ironie. Viens à moi. Mes pulsions n’attendent que de rencontrer les tiennes, avec le sourire.




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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyMer 10 Avr - 19:59

Enfermé. Attaché. Attaché, putain ! Comme un animal, une bête fauve. Créature qu’il faut enchaîner pour l’empêcher de mordre. Ca me fout en rogne. Ca m’a toujours rendu barge. Je pars en vrille, avec les neurones qu’il me reste, dans un endroit perché dans le fin fond de mon crâne où toutes les connexions ne se font plus. Cette connasse m’a fait me battre, m’a charmé en me jouant du pipeau et m’a refait encore boire. Elle m’a attaché. Pas besoin d’avoir fait polytechnique pour comprendre qu’elle attend quelque chose de moi. Et que ce quelque chose ne va pas me donner envie de me mettre à table comme ça. Cette garce s’amuse de la situation et j’enrage encore plus.


Se nommer nous-mêmes « Foxes » n’est pas qu’en souvenir de notre ancien indicatif de peloton, une vie plus tôt. C’est aussi parce que nous sommes tous des prédateurs, tous plus ou moins malins, et tous à péter des câbles quand on nous enferme.


Je la détaille du regard. Et je me dis putain que j’ai vraiment fait une connerie en me réfrénant depuis six ans. C’était si bon, si libérateur, de pouvoir se lâcher sur le front. Ces conscrits qu’il fallait interroger. Qu’on tabassait à mort même quand on avait déjà obtenu les informations voulues. Gratuitement. Par expérience. Pour repousser nos limites. Ces gens qu’on découpait tout vifs, qu’on pelait encore conscients pour voir quelle dose de douleur ils étaient capables d’encaisser et combien de temps ils tenaient. Ces palpitants à moitié désenclavés, rompus, qui barbouillaient les salles ou tentes d’interrogatoire. Ricanements de hyènes et plus de renards, quand on entendait les hurlements. Certains nous avaient glacé. Mais la peur et l’horreur, ça faisait le même effet que la puissance et la mort. J’avais moins pris mon pied que d’autre ; la douleur pour la douleur m’était totalement inutile pour prendre mon pied. Inepte, même. La souffrance pour la vengeance, elle… C’était comme un rail de coke, ou un litron de whisky frelaté.


Elle est belle, cette conne, à me toiser de loin, à fumer. La petite chose que je sentais chez elle, c’était pas du tout du désir. C’était du putain de danger. Je le sentais maintenant. Trop bourré pour m’en rendre compte. C’était ça qui m’attirait chez elle ; la perspective de l’abîme, de la noirceur qu’incarnait le fond de ses yeux. Je crache par terre. Glaviot de bile, de salive et de sangs mêlés. Rien à foutre de ruiner ce plancher, ou tout le reste. Je la regarder droit dans les yeux, comme ces drones japonais vous fixaient avant d’ouvrir le feu.



| Ta gueule. Tu crois que je t’ai attendue pour savoir que la vie était injuste ? La vie est injuste parce qu’il existe une tonne de gens comme moi. Et comme toi, visiblement. On se trouve les uns les autres et puis ensuite, on se tue. |


Promesse sous-jacente, délice elle, de lui briser les os à force de transpercer ses poumons, entre les côtes, cognant comme un sourd jusqu’à la garde. Elle ne me répond pas ; Pourquoi le ferait-elle ? Je ne le cherche pas vraiment. J’ai mal au crâne comme après une cuite monumentale, et je ne suis au point peut être que sur un tiers de mes capacités, de mes compétences. Je ne peux pas renverser des montagnes, mais je vais quand même essayer. La haine me guide et me pousse en avant. Avec ma bonne vieille haine, tout devient possible. Je repasse en revue dans ma tête entrées, sorties, ouvertures. La chaise est solide. Mais je suis lourd. Je peux la briser. Elle sera plus rapide. Lame ou aiguille, de toute évidence, mais elle sera assez rapide pour me régler mon compte.


Sois un renard, Jean, mais un renard noir.


Elle continue de se la péter, et de croire qu’il suffit d’un beau petit boule pour me faire perdre les pédales. Elle a raison, sans doute. J’ai toujours été le genre de type à profiter de la moindre occasion. Sans vergogne. Sans limite. Mais il y avait chez moi un besoin, et un désir, qui étaient bien plus impérieux que celui de baiser. Mais voilà qu’elle coupe court à toute sorte de mouvement de ma part, en me fixant l’oeil d’une aiguille qui pointe juste devant et me fait à demi loucher jusqu’à ce que je ferme la paupière. Elle s’assied sur moi, me questionne. Elle sait, déjà, pour les Foxes. Quand était-ce ? L’alcool et la migraine foutaient le bordel dans ma tête et dans la temporalité de mon existence. Je la regarde, goguenard, alors que je bouge bassin et jambes sous elle pour créer l’ouverture, l’empêcher de s’appuyer solidement sur un corps de roc.



| Je crois que ma petite histoire avec madame la présidente a fini par se savoir. |


Sourire imbécile fixé sur les lèvres. Et je ricane, avant d’écarter les jambes d’un coup pour la faire glisser, chanceler. Assez pour une ouverture. Je suis pas rapide, mais je suis costaud. Je sens ‘linstant, pour l’avoir déjà vécu. L’instinct de mort, travaillé par vingt ans de tueries. Mon front s’écrase contre son visage et l’envoie en arrière. Je grogne et gueule de rage et d’effort en me redressant à moitié et en balançant mon corps en arrière, puis sur le côté. Choc de la chaise contre la table, ferronneries patinées par le temps. Assez solides… Deux pieds se brisent. Le dossier. Les pièces de bois tombent mais certaines restent, chaise à demi fracassé, à cause des liens, qui se sont enfoncés dans mes mollets et sur mes tibias, au moment où le choc a tout cassé. Elle est déjà debout, plus leste et plus agile que je ne le serais jamais. Poings redressés, à moitié handicapé par les liens plus ou moins tendus qui m’attachent toujours aux débris.


| Tu veux danser, « Nim » ? |


Poing qui s’ouvre, se déplie. Lui fais signe de venir.


| Tu vas regretter de m’avoir attaché, putain de garce. |
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyJeu 18 Avr - 9:33

TENDS MOI LA MAIN, QUE JE BOUFFE TES DOIGTS

« Ta gueule. Tu crois que je t’ai attendue pour savoir que la vie était injuste ? La vie est injuste parce qu’il existe une tonne de gens comme moi. Et comme toi, visiblement. On se trouve les uns les autres et puis ensuite, on se tue. » Ses mots traversent ton corps renfermant le tumulte qui t’étouffe. De quelle injustice parle-t-il ? De quelle justice parle-t-on ? Ce ne sont que des mots, des idées, des mensonges. Toujours plus de mensonges pour dissimuler la vérité. Tellement dure à avaler, ils préfèrent se noyer avec. Lâches, ils se mentent en s’aveuglant, choisissant la facilité, ils la réfutent ces aveugles beuglants. Ton esprit s’effrite, tu secoues la tête, souriante. Vous seriez la cause de l’injustice ? Vous seriez les seuls responsables des tourments de la vie ? Trop facile de nommer des responsables aux sombres désirs de l’homme : « Oh arrête, il n’y a pas plus d’injustice, qu’il n’y a de justice, et je suis sûr que tu le sais très bien. La seule chose qui existe, ce sont les hommes et leur insatiable avidité. » Silence. Tu ries sur tes paroles profondes, serais-tu d’humeur philosophe ? Tu n’as pas assez de morale pour guider les hommes vers l’illumination, mais cette insuffisance te permettra de les guider jusqu’au chaos. Ton rire s’éteint dans un nouveau souffle grisâtre, étreignant ton visage à l’expression soudain lointaine. Comme moi ... A-t-il dit ? Il se croit responsable de ses actes. Le pauvre renard serait-il tordu par les remords ? Tu n’oses le croire. Une telle beauté, une telle richesse, une telle hargne ne devrait point culpabiliser de l’impact de son talent. Tes prunelles étrangement scintillantes transpercent l’homme intérieurement torturé. Tu cherches à le lire, orage grondant, tu t’imprègnes de la haine qu’il dégage. Il enferme quelque chose, scellé par les chaînes de son âme, il contient le trésor. Il contient la vérité. La vérité voilée, mais il en a conscience, il le sait. La vérité sur ce qu’il est capable de faire pour abreuver ses pulsions. Ton visage inexpressif est doucement déchiré par le sinistre sourire qui vient crever tes lèvres froides. Quel personnage intrigant. Tu ne l’imaginais pas aussi, enflammé. Et c’est ton essence qu’il enflamme : « Éclaires-moi Jean, qu’est-ce que sont les gens comme moi ... Comme toi ? » Ton visage sournoisement interrogateur, disparait dans un nouveau nuage expiré.

Tu te diriges vers le bureau et revient près de lui avec l’aiguille, qu’une fois sur ses genoux, tu pointes vers son œil, menaçante. Il louche, tu le fixes, sourire venimeux toujours accroché à ta bouche. Le jeu est amusant, tu espères qu’il s’amuse autant que toi. Il est ailleurs, décrochant parfois. C’est au nom des Mad Foxes qu’il commence à gesticuler discrètement. Mais tes yeux, submergés de convoitises, restent attachés aux siens. Tu es l’humanité, dont l’avidité est insatiable : « Je crois que ma petite histoire avec madame la présidente a fini par se savoir. » Si tes prunelles restent d’ébènes, ton cœur s’exalte. La présidente ... C’est la voie. Tu avais raison, tu le savais. Ton joli renard regorge de secrets. Tu les désires tant. Tu désires ses connaissances, ses souvenirs, ses fantômes. Tu les désires tant. Sorcière tenaillée, l’envie t’assassine. Mais son ricanement assombrit de nouveau ton être, qui s’empare d’une nouvelle méfiance. Trop tard. Ses jambes s’ouvrent sous toi. Tu te sens perdre l’équilibre, tu pers appui, ton arme s’éloigne de sa cible, ta mâchoire se crispe. Tu ne vois que son visage se rapprocher et n’entends que le fracas de son front contre le tien. La violence du coup t’éjecte de son corps, tandis que tu t’écroules plus loin.

Sonnée, tu fixes le plafond. Tes yeux ne regardent rien, envahie par l’obscurité, tu te nourris de la seule chose à laquelle te raccrocher. Ses hurlements. Ils transpercent la pièce, le silence, l’espace, tout comme ton cœur. Tu tournes la tête, pour apercevoir le spectacle d’un homme s’arrachant de ses chaînes. Cette fièvre qui émane de lui, imbibe l’atmosphère et empoisonne ta frénésie. Tu esquisses un sourire, et tes doigts se resserrent autour de ton épingle. Rapidement tu te redresses et t’éloignes de lui, touchant de ta main libre ton front douloureux. Grimaçante, tu reprends tes esprits au même moment où Jean se dresse devant toi. Des restes de chaise, par ci, par là. Tu affiches une mine boudeuse en hochant la tête : « C’est dommage, je l’aimais bien cette chaise. »

Il n’est pas totalement libre, toujours quelques liens le retiennent, mais sûrement pas pour bien longtemps. Tu ne te fais pas d’illusions, et le coup porté à ta tête n’en est qu’une preuve supplémentaire : s’il t’atteint, tu ne feras pas le poids. Plus fort que toi, plus grand, plus costaud, il n’y a qu’une solution. Glisser telle une anguille, et frapper stratégiquement. L’aiguille insolente, danse entre tes doigts. Que c’est réjouissant : « Tu veux danser, « Nim » ? » Sourire charmeur, tu te balances curieusement, taquines. Tes pupilles effrontées s’harponnant à sa détermination, tu amènes l’aiguille jusqu’à ta langue indécente, qui vient lécher le métal froid dans toute sa longueur : « Seulement avec tes démons, Jean. » Laisse-les t’envahir, prendre possession de la marionnette que tu es, que nous sommes tous. Laisse-les dévorer les derniers fragments de peine qui t’immobilisent.

Il te fait signe de venir jusqu’à lui, pendant que l’aiguille tournoie élégamment entre tes doigts. Il te défit : « Tu vas regretter de m’avoir attaché, putain de garce » Tu aurais peut-être dû l’attacher mieux que ça, tu aurais pu le cuisiner plus tranquillement. Mais c’est tellement plus drôle comme ça. Tellement plus drôle. Tu cesses le balancement : « La menace, ne m’a jamais épaté. Mais je t'en prie, fais moi ce plaisir. » Rictus en coin, l’aiguille met fin à la valse avec tes doigts, pour se planter dans ta main fermement devenue poing. Tes prunelles se vident, le sourire s’efface, le silence suspend le temps. Tu te laisses posséder par le poison que représente tes années de délicieuses souffrances. Tu le sens couler dans tes veines, pulser ton sang, tabasser ta personne. Il mange tes sens, dévore tes yeux, détruit tes pensées, murmure l’horreur. Trouble ouragan. Tes désirs ont des délires, que tu ne peux pas taire.

Tu te précipites vers lui, froide et déterminée. Bête sauvage, tu fonces droit dans la gueule du canidé. Mais tu te laisses soudainement glisser au sol à sa droite, avec vivacité tu profites de la fenêtre pour transpercer brutalement la chair de son mollet. Laissant un trou vomissant rouge sur ton passage, les mouvements s’enchaînent accompagnés d’un aplomb brutal. Après que ton aiguille ait goûté le sang et l’alcool, le coude du même bras vient s’écraser dans le creux de son genou droit ; et ton corps tournoie de manière contrôlée, dans un mouvement donnant puissance à ton pied venant s’abattre dans le creux du genou gauche. Le même mouvement, continue et te ramène debout. Deux secondes et demi. Glissée, plantée, coup de coude, frappe du pied, debout. Équilibre fragilisé. Ouverture. Tu sautes sur son dos, espérant définitivement le déséquilibrer. Et s’il y a beaucoup de chances pour qu’il t’écrase ensuite, tu ne peux que courir après le danger, sinon c’est toi qui t’écroules. Tu imagines cette aiguille déchirant son corps, le trouant jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un cratère sanguinolent. Mais tu l’aimes bien Jean, il sait faire la fête. Tes bras s’enroulent autour de son cou, ton arme provisoire pointée sur sa jugulaire commence à entailler la peau. Ton visage vient se nicher près de son oreille gauche, tu souffles langoureusement : « C’est vivifiant, nan ? De faire ce pourquoi on a été entraîné toute sa vie ... » Sous-entendus, tu tâtonnes, en profitant pour essayer de le faire cracher quelques infos. Gouvernement, présidente, quel intérêt envers ce bandit, s’il n’a pas déjà commis des choses plus graves qu’ils veulent faire taire, ou volé quelque chose d’important, qu’ils veulent récupérer. Mais ses compétences de combat il les a acquis quelque part, à l’armée ? Ce ne sont que des suppositions. Ta langue vient titiller son lobe, tandis que tes dents rieuses viennent le mordiller : « Vilain petit renard, qui joue les revanchards. »



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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyVen 19 Avr - 0:33

La survie. Peur de la mort ? Je ne sais pas. Impossible de m’y résoudre en tout cas. Toutes ces années à tromper la Faucheuse, sur le champ de bataille ou en dehors, mais sans pouvoir pour autant m’empêcher d’aller à sa recherche, en quête d’elle, de sa compagnie. Je ne pouvais pas m’en empêcher, comme ce soir. Peut être que quand elle me trouvera, finalement, je serais heureux de l’accueillir comme une amie, comme ma plus fidèle compagne depuis le début de ma vie d’adulte. Bien plus présente et loyale que ne l’aura jamais été mon épouse, qui s’est barrée avec mes filles, les prunelles de mes yeux. La fille que je regarde, cette espèce de tarée, est un prédateur. Je suis un renard, un renard noir. Une créature maligne, qui tue pour vivre mais qui n’a rien contre des combats inéquitables contre des cibles plus petites que lui. Tuer, que ce soit facile ou non, reste tuer. L’émulation de mes compétences de tueur ne se fait qu’au détriment de mon instinct de survie, mais celui-ci prend toujours le dessus à un moment ou à un autre.


La garce déblatère à propos de ce qui est ou non de la justice. Elle est dangereuse. Je la jauge d’un œil amoindri par l’alcool, par la drogue qu’elle m’a injectée et par l’obscurité. Mais je m’y connais, en tueurs. J’en ai façonné des tonnes, en quinze ans d’armées. J’en suis un moi-même, et j’ai appris à des dizaines d’autres comment devenir meilleurs. Elle est dangereuse, pas parce qu’elle est d’un physique terrifiant. Plutôt petite, ça lui donnait un avantage pour l’esquive. Pas très forte, sans doute, encore qu’elle paraît assez solide pour encaisser un temps, et pour enchaîner le duel un moment sans faillir. Je l’ai déjà vu, c’est son agilité, sa principale force. La précision d’un corps tout voué à son art qu’était la mort. Le mien était la guerre, pas le meurtre en lui-même, pas comme elle. Nous étions différents. J’étais l’arme automatique ; robuste et moderne, capable de tuer à la pelle. Mais elle était le poignard, petite mais capable de donner la mort d’un seul coup. Je crache presque, glaviot pour moitié bileux, pour moitié ensanglanté, alors qu’elle ne semble accorder de crédit qu’à l’amusement que j’étais capable de faire naître chez elle.



| Mais qu’est-ce que tu crois être toi, putain ? Je sais très bien ce que je suis, moi. Et toi, ça fait pas le moindre doute. On est tous les deux des tarés. Des monstres. Tu vois le genre ? On est des prédateurs pour les gens normaux. Pour ceux qui vivent sans le besoin de tuer quelqu’un d’autre pour se sentir entier. |


Elle était dangereuse physiquement, mais c’était surtout dans sa tête, le principal danger. Je le vois dans ses yeux. Cette lueur de folie pure. D’absence de retenue, de contrôle sur la morale, ou sur la suite des événements. A ses yeux, je ne suis qu’une gourmandise. Un pair, peut être. Si rare dans cette vie de civile qu’elle ne m’a pas encore tué, alors qu’elle pourrait sans doute le faire plus facilement compte tenu de mon état, ce soir. Je suis assez bourré pour tomber tout seul. Seules la rage et la haine me poussent en avant, ça et l’incroyable défi qui émane d’elle, de cette situation. Comme toujours… Je suis incapable de me rendre sans me battre à mort, avec toute la cruauté et le vice que je suis capable de mobiliser. Toujours ce sourire.


Elle fait partie de ces frappés qui confondent baston et sexe. Qui jouissent indifféremment de l’un comme de l’autre. J’en ai la certitude. Mais nulle sensualité dans le ballet de nos corps. Force et agilité, au service de la mort et de la mort seule.



| Alors, tu vas être servie. |


Elle est shootée à l’adrénaline, ou quelque chose de pire encore, qui submerge ses sens. Je me rends compte qu’elle aime vraiment tuer ; ce n’est pas qu’un besoin chez elle. C’est un art. Là où je fais preuve d’une sanglante efficacité, elle dresse un portrait de notre temps à l’aide de ses maniques écarlates. La voilà qui me bondit dessus.


Je me sens lent, pataud, impropre à une réaction efficace. Dents serrées, j’attends l’impact fatidique qui scellera mon destin. Trop rapide. Trop agile. Elle glisse sous ma paluche qui allait lui envoyer un coup d’enclume en pleine face ; elle est déjà ailleurs et je sens une douleur aigüe dans mon mollet. Dents serrées à m’en faire mal, je pousse un râle à mi-chemin du grognement, et m’apprête à cogner coude vers le bas pour lui faire voir des étoiles de sang, mais trop lent, encore une fois. Je me maudis intérieurement alors que mon genou se dérobe sous moi. Elle bondit sur mon dos alors que je lutte pour rester debout ; c’est dur, le monde tangue sous mes pieds, mon univers chancelle et son odeur me submerge.


Je dois liquider cette pute au plus vite.


Elle joue avec moi. M’étrangle à moitié, me plante presque du même mouvement. M’appelle à me libérer de mes entraves, alors qu’elle vient passer sa langue contre mon oreille, me la mordre doucement. Je réagis d’instinct. Technique apprise vingt ans plus tôt ou peu s’en faut, en stage commando chez les parachutistes, mon arme d’origine. Main gauche paume en avant pile sur la seringue, dont l’aiguille se casse… Dans ma peau ! Le même mouvement opère de l’autre côté, coude en avant contre ses côtes. Panique. Fièvre. Sueur froide. Quelle dose de quel produit cette connasse m’a injectée ? Pas le temps de réfléchir. Hurlant, mes mains encadrent sa tête, s’aggripent à ses cheveux… Et je tire de toutes mes forces tout en me penchant en avant, l’envoyant rouler par dessus mon corps jusqu’attérir lourdement, les quatre fers en l’air, dos sur sa table, éclatant sous elle les objets qui s’y trouvaient. A peine est-elle tombée que couvert de sang, de bile et de transpiration, je lui tombe dessus à bras raccourcis ; ma main droite empoigne son cuir chevelu et cogne deux ou trois fois l’arrête de sa tête contre la table.


Je lâche, et tombe à même le sol.


Elle bouge encore. Elle est pas bien mais elle bouge. Pas d’arme pour finir le boulot proprement. Si j’y retourne, elle pourra bloquer, parer, et me planter autre chose dans le corps. Je dois fuir. Main pressée contre mon cou qui saigne, ma vue chancelle, s’emplit de fleurs de sang. Son produit, son poison… Quelle dose, contenue dans l’aiguille ? Un milligramme ? Deux ? Rien ? Je n’en sais rien, mais je titube en m’enfuyant. Animal blessé, drogué, hallucinant, qui n’a survécu qu’à la chance et à l’instinct. Je passe la porte en me cognant contre, main contre mon cou, poisseuse… Mouvement derrière moi. Je tombe et trébuche, glisse dans les escaliers. Je m’y reprends à plusieurs fois. Course effrénée de l’animal piégé en quête de sa tanière.


Et ne rencontre en sentant l’air libre, que la masse du pare-chocs d’une voiture qui cherchait à se garer, heureusement sans allure.


Fin nette à une nuit d'enfer, à l'odeur de la maison et aux relents de paradis ensanglanté; à l'hopital on ne parle que de coma éthylique et de bagarre d'ivrogne. Je me rappelle de son visage à elle; et surtout, de son regard couvant du feu ardent de la folie la plus furieuse qu'il m'ait été donné de rencontrer. Une curiosité... Mortelle. Atroce et inhumaine. Abîme dans lequel je me retrouve néanmoins. Un jour ou l'autre, le renard retombera sur cette drôle de créature, et en fera son ennemie ou son alliée.
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MessageSujet: Re: [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs   [Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs EmptyLun 22 Avr - 0:46

TENDS MOI LA MAIN, QUE JE BOUFFE TES DOIGTS

Tarée. Monstre. Prédateur. Tous ces titres que l’on te crache comme s’ils étaient indésirables. Tu n’es pas née, éclairée par la lumière divine, mais entre les doigts crochus du diable, et depuis il écrase ton cœur à l’en priver de sang. Tu étouffes, tu étouffes poupée. Trop loin de la normalité, tu t’amuses de ton esprit vagabond. Le nez dans son cou, tu aspires à ressentir ses sens. Et l’aiguille se brise dans sa main, trop tard pour empêcher le liquide assommant de faire du zèle dans son corps affaibli. Son coude vient frapper contre tes côtes, tu gémis et par la douleur, ton sourire satisfait se transforme en grimace hargneuse. Tu resserres ton emprise autour de son cou, poussée par l’appel de l’impétuosité, tandis que ta mâchoire se contracte d’agacement. Tu ne l’auras jamais mieux qu’à cet instant, fragilisé, il est l’opportunité unique que tu laisses s’envoler. Incapable que tu es. L’énervement pulse dans ton crâne, mal de chien de cette girouette qui est dans ta tête. Incapable. Mais ses mains viennent faire taire les démons dont les supplications sont incessantes. Tu les vois encercler ton visage, pas le temps de se dégager. Agrippant tes cheveux, tu te sens partir. Au rythme de son cri, tu voles dans l’espace, passant au-dessus de lui, tu viens t’écraser le dos sur la table, et sur tout ce qui s’y trouve. Ton hurlement perce ta voix et l’appartement, comme tes outils percent la chair de ton dos. Mais la douleur assourdie les plaintes de tes fantômes, baignée dans le silence régnant dans ton crâne, tu laisses la douleur s’emparer de ton corps se courbant au supplice. Mais les secondes te paraissent des minutes, ralentie il te tombe déjà dessus. De toute sa force, ta tête se fracasse contre la table. Encore. Encore et encore. Fracas qui ruine ton esprit. La souffrance accroche tes sens, tu la savoures lorsque tu t’écroules. Lorsqu’il s’écroule. Ta vue brouillée, le flou t’enfonce encore davantage dans l’ombre. Mais tu es toujours là, l’adrénaline se nourrit du mal et t’aide à bouger. Pas bien, tu craches rouge. Tu te mets sur le côté difficilement, paume contre le sol, tu dois te lever. Lèves-toi. Il se relève, il s’échappe. Ça ne pouvait pas finir autrement. Il s’en va. Et ce qui résonne comme des sanglots, s’éclaircit en des éclats de rire. Les tâches noires couvrent ta vue, et dans cette noirceur un sourire écarlate vient de nouveau crever ton visage carmin. Peu importe, qu’il s’en aille. Maintenant tu sais. Il peut fuir, il peut courir, il peut se cacher, maintenant tu sais, tu ne le laisseras pas en paix, tant que tu n’auras pas ses secrets. Tu te redresses finalement, soupirante, assise sur le sol, tu fixes enchantée l’entrée. Dans un coin de la pièce, elle apparait lugubrement. Petite fille de ton enfance, être innocent d’un autre monde, d’une autre vie. Elle te regarde complice, sourire amusé que tu lui rends. Elle est tout ce que tu as de plus enfoui. Du fond de tes entrailles perverties, elle révèle tes cauchemardesques desseins. Ta main passe grossièrement sur ton visage sanguinolent, arcade ouverte, pommette aussi. Tu regardes drôlement ce sang sur tes doigts blanc, avant de fixer de nouveau l’entée : « N’est-il pas magnifique ? » Lugubre sentiment d’un avenir macabre. Ton Jean traîne derrière lui une funeste existence, qui bientôt verra naître un futur enflammé. Tu veux être de ce futur. Un moment éloigné de tes divagations quotidiennes, elles ne reviennent que plus puissantes. A chaque écorchure, tu disparais un peu plus, dévorée. Tes yeux brillants perdent leur éclat, retrouvant leur abîme, avant que tu ne viennes sucer tes doigts rougis de tes lèvres farceuses : « Je reviendrais pour toi, mon renard ».



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[Livre I - Terminé] Tends moi la main, que je bouffe tes doigs
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