Jamais deux sans trois

Les derniers cris, les premières larmes.

La volonté de la Folie.

L'éclipse du sourire.

Que battent les coeurs.

L'Aurore rouge..

Bouclier brisé.

La Cour des Grands.

Rictus sucré

Cauchemars en cuisine..

Salut ! Moi c'est Pastishuitre mais appelez moi Nunu. J'ai connu le forum via top site et je pense que le forum est vraiment pas mal.
Sur une échelle de présence de 1 à 7, je pense être présent(e) 2/7.

Fut un temps où j'allais en cours, fut ce temps où j'appris que le bonheur ne pouvait être quantifié. Je ne pouvais que m'incliner devant cet axiome, cependant, si le bonheur n'est mesurable, je savais que l'époque de l'euphorie candide était résolue. Certes, je pouvais effleurer le bonheur, certes, j'éprouvais la joie, le rire, le contentement, mais cet âge d'or où les sourires étaient courants et normaux et où le simple fait de vivre ne rimait avec la souffrance ou l'anxiété s’avérait définitivement loin et enterré.
Cette béatitude qui semblait acquise, nous l'avions dans les années Trente. Le Paroxysme de notre joie, de notre réussite, du bonheur simple, de l'épanouissement. Simplement aucun nuage à l'horizon, ou si peu, si faibles, que notre lumière suffisait à les chasser ou les ridiculiser. Dans les vieilles affaires de ma mère se trouvait, protégé dans un écrin précieux, un extrait d'un magasine. On la voyait elle, en photo, en tenue de travail, souriante. Ses longs cheveux blonds nattés en une tresse pour éviter qu'ils ne tombent la rendait presque féerique et soulignait sa féminité cachée par son énorme veste de cuisine. Elle souriait, ses yeux cernés avaient été Photoshopée mais, néanmoins, ils respiraient une certaine allégresse et une fierté relative. Elle trônait, fébrile devant les appareils photo, sous la deventure de son restaurant. A côté de l'image, imprimé sur du papier glacé, on pouvait lire les mots suivants.

"Eurocity continue de grossir inexorablement. Alors que les images montrent un monde qui s'assombrie, cette ravissante danoise cherche à illuminer la ville nouvelle. Cette jeune mère a fondé son restaurant il y a quelques mois seulement et déjà les réservations sont indisponibles jusqu'à la fin de l'année ! Quel est son secret ? Beaucoup d'amour, explique-t-elle. Mais ce n'est pas tout, j'imagine car je n'ai pas pu y goûter, car déjà elle vient d'être étoilée. Stella Güldstig est la chef la plus étoilée d'Eurocity, C'est à la fois une victoire contre la dominante masculine du milieu de la cuisine mais aussi une preuve que la vie continue. Nous sommes ce que nous mangeons après tout, et nous aimerions tous être les résultats des repas de Stella pour continuer à sourire éternellement."

L'article continuait sur d'autres éloges encore, sur des félicitations quant à être le meilleur restaurant de la ville et enjolivait les photos des plats. Mais nous, tout ce que nous retenions, c'était que notre mère avait réussi. Que notre famille recousu avait réussi. Et nous étions heureux.

Oh, que nous étions heureux !

Ma mère devait avoir la recette du bonheur. Elle l'a toujours eu. Elle a aimé des hommes et ils les ont aimé, elle a aimé ses enfants et nous l'aimons toujours. Cependant, sa recette est aujourd'hui insipide, fade.

Elle aima un premier homme, lui faisant partager sa recette de la joie. Mais cette amourette ne dura pas, qu'un très long été je crois, ou une longue année. Elle étudiait, elle travaillait sa cuisine, forcenée elle ne remarqua pas, elle ne vit pas la vie en elle grandir, grossir, et tarder à venir. Evidemment, elle aima sa fille. Stella ne pouvait qu'aimer. Stella ne pouvait que travailler, et se faire remarquer en gardant sa fille dans les cuisines, à l'allaiter puis à faire rôtir des cailles, à la bercer tout en faisant sauter de la grenaille. Une battante, toujours souriante.

Peut-être qu'ainsi elle se fit remarquer de son second amour. Mais je ne crains que non, que ce fut une toute autre raison. De leur rencontre, nous ne savions rien, nous n'en apprendrons peut-être jamais plus. Ils ne parlaient que peu, à leur façon. Stella avait le verbe efficace, il lui suffisait de quelques mots pour se faire comprendre, elle n'aimait gaspiller sa salive. Quant à notre père, il était plutôt évasif. Il ne devait parler que peu, mais ils s'aimèrent beaucoup, tellement que trois enfants naquirent.

Nous fûmes quatre, tous autant adulés par nos parents. Tous autant, nous eûmes une enfance sans esclandre.

Et puis notre père s'en alla. Juste un instant, juste le temps d'une scène. Quelques mois après que l'article soit paru.
Notre père, il était scientifique. Scientifique, mais surtout au sein de l'armée. Il étudiait les fonds marins qui ne cessaient de changer auprès des côtés suite aux séismes ou coulées de lave. On l'envoya, malgré ses efforts pour refuser, sous l'océan Atlantique, au large de l'Afrique. Notre père ne parlait que peu, et les repas étaient souvent silencieux, mais lorsqu'il revint, nous perçûmes son austérité et ses silences. Et comme nous mangions seuls avec lui, notre mère étant affairée à nourrir des plus fortunés, cela ne nous échappa guère.

En réalité, nous l'apprîmes bien plus tard, mais notre cher géniteur avait déjà été traumatisé par ses OPEX alors qu'il servait l'armée irlandaise. Alors, c'est pourquoi, dans un premier temps, notre mère imaginait qu'il ne s'agissait là que des résurgences des blessures passées. Mais non. Il nous l'avoua petit à petit. D'abord, le sous-effectif suite aux désertions avant l'embarquement. 10% Cela semble peu mais, dans un sous-marin, chaque individu compte. Ensuite, la piraterie, beaucoup plus intense que prévue, forçant à des manœuvres et des chemins différents. Et la mauvaise gestion des stocks. Et un suicide. Et, quelques jours plus tard, une attaque.

Quelques mots, il disait, évasif, il était.
Tremblant, il racontait cela par petite touche, comme on peint un tableau impressionniste. La vibration du lancement de la torpille. Jusqu'aux os. Le point blanc, sur le sonar, du missile. Il avance, subrepticement. D'une lenteur infinie. Et sa disparition. La joie, les cris, des militaires, victorieux. Alors que toi, toi, tu as la main sur le bouton. Encore. Le doigt qui ressent toujours la pression. Et là, enfin, les drones. Les images. Le sang et l'acier. Le zoom, terrible, sur les corps déchiqueté par l'explosion, les corps décomposé par les turbines dévorant dans un ultime souffle ce qui leur tombe sous l'hélice. Les poissons brûlés, les algues détruites.


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