Les véhicules filent à toute allure, gyrophares allumés, sirènes hurlantes, jusqu’au commissariat.
Elle avait assisté à tout depuis l’extérieur, coordonnant les équipes et distribuant les ordres, cette affaire c’est la sienne. Sauf qu’elle a découvert ne pas être la seule sur les Mad Foxes, quand l’hélicoptère avait laissé descendre plusieurs types, elle avait immédiatement cherché à savoir de qui il s’agissait, elle n’en avait clairement pas donné l’ordre, ni demandé d’intervention par le toit. A partir de là, c’était parti pour un bordel innommable. Un flash lumineux visible par les fenêtres, suivi d’un échange de tirs, c’est à ce moment là qu’elle fait intervenir la brigade d’intervention à l’intérieur puisque son cessez le feu reste sans réponse. Une autre explosion, à l’extérieur cette fois, les radios grésillent, c’est la panique totale parmi les hommes. Des blessés, des morts, des prisonniers. Elle distribue des ordres, divise les unités et file avec les fourgons jusqu’au commissariat tout en écoutant les rapports et le décompte des blessés et des morts.
Elle fait face à un homme et une femme lorsqu’ils sont ‘escortés’ hors du fourgon d’intervention. Ce serait jouissif d’avoir mis la main sur ces deux criminels si ce n’était pas le bordel. Il s’est passé quelque chose à l’intérieur du bâtiment et elle compte bien découvrir qui et pourquoi on a cherché à court circuiter son affaire. Les prisonniers sont aussitôt débarqué à l’intérieur du commissariat, devant lequel elle est direct alpagué par deux agents d’Interpol. BIM, ils lui sortent un putain de mandat pour interroger la femme, la soirée va de contrariété à contrariété, elle leur laisse bon gré mal gré embarquer la femme vers une salle d’interrogatoire du poste. Non sans un regard vers elle, si Interpol s’intéresse à elle, c’est une criminelle internationale, mais en ce cas pourquoi ne pas s’intéresser à son camarade ? Elle le regarde lui aussi, alors que c’est la débandade à l’accueil.
Les portes se referment à peine qu’elle voit du coin de l’oeil un groupe d’hommes qui pénètre le lieu. Tout, jusqu’à leur attitude de maîtres des lieux en tenu militaire lui déplait, et ils posent leur regard sur son prisonnier comme s’il était le leur. Le Lieutenant s’interpose entre le groupe et le renard avec ce regard arrogant qui la caractérise si bien. Échange de banalités. “Je suis Colonel de l’Union et voici mon adjoint.” Il donne son grade, pas leur nom. “Lieutenant Miller.” Répond-elle en faisant preuve d’un trésor de patience. “Livrez-nous les prisonniers.” Qu'il enchaîne direct en réclamant de leur rendre le type et la femme. Moment de flottement, deux fois ? Une par Interpol, l’autre par l’armée ? “Vous avez un mandat ?” S’enquit-elle avec sagesse. “J’ai procuration de l’Etat-major de l’Union.”“Et je suis censée vous croire sur parole ?” Ils n’ont pas de papier officiel, elle ne leur livrera pas le renard. Forte de cette certitude, le Colonel en revanche ne le comprend pas. “J’ai pas l’intention de me laisser emmerder par un Lieutenant de pacotille, ces prisonniers sont les nôtres…” Miller n’a pas l’intention de jouer sa carrière sur un coup de bluff, des renards si ça se trouve. C’est facile de prétendre être n’importe qui de nos jours. “Vous pourriez être le père noël en personne que vous n’obtiendrez rien sans un mandat officiel... Colonel. Votre parole ne vaut rien sachant que ses amis sont en vadrouilles, qui me prouve que vous êtes pas l’un d’eux ?”
Il la fixe comme si elle était une imbécile de première, ou une inconsciente, elle perçoit bien la menace de ce regard. C’est à partir de là de la conversation dégénère. Il insiste, elle résiste, le ton de voix augmentant au fur et à mesure de leurs arguments. Les militaires sont très calmes, ils font front commun, tandis que les policiers ne savent pas trop où se mettre pendant que leur collègue tient tête. “Qu’on vous laisse les emmener ? Qu’on tire un trait sur toutes les dépenses mises en oeuvre dans cette intervention ? Que nos morts n’obtiennent pas justice ? Je vais dire quoi à leurs familles ou nos blessés ? Que je n’ai pas de réponses, que j’ai laissé filer les criminels. Que je mette entre vos mains toute l'énergie que j’ai placé dans cette enquête ? Dans vos rêves Colonel, une procuration sur parole ne me suffit pas. J’ai bien l’intention d’avoir mes réponses et de mettre la main sur les autres.” Et elle ne donne pas sa parole dans le vent. “Vous avez une grande gueule, petite fille, trop grande pour votre bien. La majorité de vos effectifs sont dehors, je n’ai pas besoin de votre accord pour embarquer nos prisonniers.” Elle se raidit, le regard furibond tandis qu’il fait un pas de plus, puis un deuxième pour envahir son espace personnel. Plus grand, plus costaud, menaçant, une humaine se laisserait peut-être impressionnée. Dommage pour lui, elle lui est bien plus supérieure qu’il ne le pense.
Il n’a pas tort, ses collègues sont éparpillés à travers la capitale, ils ne sont toutefois pas en infériorité, ni sans défenses et visiblement, la menace ne plaît pas davantage à ses collègues dont les voix commencent à se faire entendre. Entraînant le mécontentement des militaires restés en retrait pendant que leur supérieur négociait. Ça gueule, ça tente de se justifier, les esprits s’échauffent et les menaces sont énumérées, ça se bouscule. Ils sont à crans, tous nerveux par l’attaque des renards sur leurs collègues. Kethryn est sur la corde raide, elle ne souhaite pas que ça aille jusqu’à la bataille au sein du poste, ils ont déjà bien assez de blessés sans en ajouter. Elle tonne. “Allez-y messieurs! Donnez vous en spectacle devant les journalistes, je vous en prie, et vous expliquerez à la presse votre agression injustifiée sur des agents de police. Je leur parlerai sans doute de votre tentative de sabotage.” Elle en est certaine, ce sont ces types qui ont tenté de saboter l’opération en attaquant par les toits, comment expliquer sinon leur présence et leur volonté de mettre la main sur les renards ? “Appelle le procureur Miller !” Tonne-t-elle ensuite à la secrétaire du poste, elle n’a pas besoin de se retourner pour savoir qu’elle s’exécute. “Vous voulez m’emmerdez petite fille ?”“Je m'échauffe à peine ! On ne vous a pas prévenu Colonel ? Les Reines des Emmerdeuses sont les Miller !” Des molosses comme dirait si bien son chef et ils n’ont pas idée d’à quel point elle se maîtrise dans les circonstances actuelles.
Les portes du commissariat s’ouvrent de nouveau, laissant passer le Député Storeberg sous les flashs des photographes. Son arrivée semble apaiser les choses, ils restent tous extrêmement tendus, mais l’intervention d’un député leur permet de reprendre leur souffle. Les militaires reculent, mais n’abandonnent pas pour autant semble signifier le regard du Colonel pendant qu’ils sortent du commissariat. “Enfermez ce criminel en cellule!” Tonne-t-elle ensuite avant de s’entretenir avec le député, bientôt rejointe par sa soeur, récemment promu procureur de justice. Elle leur explique la situation et sa position vis à vis de la demande du Colonel, mais n’aura pas le temps de terminer lorsque la secrétaire de l’accueil l’interpelle. Elle lui demande de prendre le message, mais moins de 5 secondes plus tard, elle insiste. Kethryn prend l’appel. “Lieutenant Miller ?”“Oui. A qui ai-je l’honneur ?” S’enquit-elle avec sarcasme. “Le cabinet présidentiel.” Merde. Ces bâtards ont de la ressource. “Que puis-je faire pour vous Monsieur…?”“Je suis le secrétaire d’Etat-Major, on me fait un rapport bien fâcheux d’une situation critique Lieutenant. Vous refusez de nous remettre des criminels sous juridiction fédéral ?”“En effet. Je n’ai pas de mandat.”“Je vous le demande.” Est-ce qu’ils se foutent de sa gueule ou veulent-ils seulement jouer au plus fort ou au plus con ? “Nous avons un fax, vous pouvez…”“Vous ne comprenez pas Lieutenant Miller. Il s’agit d’une enquête fédérale. Aucun interrogatoire n’est envisageable, ni même de preuves, pas l’infime preuves ne doit subsister, ce n’est pas de votre ressort, ni de votre juridiction. Je vous demande de remettre ces criminels au Colonel.” Silencieuse, elle réfléchit.
C’est de la connerie, il y a une couille quelque part. Interpol a mis la main sur la femme avec un papier officiel que sa soeur est justement en train d’étudier. Mais lui, il doit purement et simplement disparaître ? Elle doit faire comme si lui et ses potes n’avaient pas tués une dizaine de ses collègues et blessés quantité d’autres. Il se passe quelque chose et sa curiosité la pousse à le découvrir, dévorante, ce défaut qui fait d’elle une bonne enquêtrice le bouffe de l’intérieur. Non, elle ne veut pas leur remettre ce criminel. “Je vous conseil de coopérer Lieutenant Miller.” Ajoute-t-il d’une voix grave. “Le problème… C’est que je n’ai aucun moyen de m’assurer que vous n’êtes pas des imposteurs sans un papier officiel.” Fait-elle remarquer, plus pour gagner du temps qu’autre chose. “Vous êtes sûre de vouloir tenir tête à l’Etat-Major de l’Union européenne ? J’ai cru comprendre que vous vouliez devenir Commandant, voir plus… Vous pourriez tout perdre.” Susurre-t-il. “Vaut-il vraiment la peine de mettre votre carrière en jeu.” Insiste-t-il.
Si le secrétaire d’Etat est informé de son désir de devenir commandant et plus, c’est qu’il s’est un minimum renseigné. Il doit avoir son dossier entre les mains… Que pourrait-il avoir d’autre entre les mains s’il s’en donne les moyens ? Ses lèvres se plissent, ses doigts viennent pincer l'arête de son nez. Il pourrait potentiellement découvrir le mensonge de son passé avant Europolis, voir même découvrir l’existence des Amazones chez elle, ils pourraient clairement lui mener la vie dure… En contrepartie qu’aurait-elle ? Même pas l’assurance que le criminel coopère avec elle, qu’il réponde à ses questions. Interpol a peut-être plus de chance avec sa camarade, mais en fait, elle doute même qu’ils aient vraiment quelque chose à voir l’un et l’autre. Même entre les deux criminels quelque chose cloche, les événements ne concordent pas. Les militaires s’intéressent bien aux deux, mais Interpol qu’à elle ? Anastasy croise le regard d’Anthéa, elle n’entend pas la conversation, mais elle sent parfaitement le dilemme que rencontre sa jumelle. Derrière elle, il existe d’autres Amazones, au delà d’elles, une quête à mener. Elle a besoin de ce travail et des promotions pour obtenir plus d’informations et retrouver les artefacts.
“Ok.” Capitule-t-elle. “Vous me voyez ravi Lieutenant Miller. J’espère que nous n’aurons pas de nouveau à faire. Au revoir.” Lâche-t-il avant de raccrocher. Dépitée, elle rend le combiné à la secrétaire qui raccroche avec un regard compatissant. Elle n’a rien entendu, mais la défaite doit se voir sur le visage du Lieutenant. “Va chercher le criminel.” Ordonne-t-elle à un bleu. Un coude sur le comptoir, elle observe l’effervescence qui se trame à l’accueil du poste, ça rentre, ça sort, et la dehors les journalistes tentent toujours d’obtenir un scoop. Elle n’en a pas. La défaite est cuisante, d’ordinaire elle n’abandonne jamais, seul son chef peut lui ordonner de classer une enquête sans suite. Les militaires ne tardent pas à revenir. Oh regardez les ces parfaits connards avec leur attitude suffisante ! Ils la regardent de haut, satisfaits, mais ils n’ont aucun mérite. “Vous n’aurez que lui, l’autre est sous l’autorité d’Interpol, je vous laisse vous démerder avec eux, je m’en lave les mains.” Lâche-t-elle en attendant le retour du criminel. Ce dernier ne tarde pas, mais elle remarque du changement dans son attitude, surtout ce qui semble être une lèvre ensanglantée, c’est nouveau. Elle lance un regard sévère aux bleus qui le maintiennent. Ils l’ont tabassés, ils ont fautés. On parie que ce sera à elle de réparer leur connerie ? C’est avec désintérêt qu’elle observe ses collègues se diriger vers les militaires, mais contre toute attente, le criminel se débat, non pour se diriger vers la sortie, mais droit sur elle, aussitôt mis en arrêt par ses collègues. Sur le qui-vive elle se plante devant lui avec les genoux fléchis, en posture de défense. Il crache quelques mots qu’elle seule peut entendre. Il veut pas porter le chapeau pour tout le monde.
Qu’est-ce que c’est censé dire ? Est-elle censé comprendre qu’il parlera ? Qu’il a l’intention de tout balancer ? “Tout bien considéré…” Intervient-elle en agrippant fermement le coude du prisonnier pour le mettre hors de portée des militaires. “Je vous renvoie vers la sortie messieurs, je crois que cet homme et moi avons beaucoup de choses à nous dire. Oh! Et dites à votre supérieur que le chantage est un vilain défaut, bien sûr les conversations téléphoniques sont enregistrés.” Il n’y a pas à dire, leur expression là, maintenant, déconfite et fâchée à la fois, est jouissive. “Je veux un médecin.” Murmure-t-elle à la secrétaire. “Emmenez le en salle d’interrogatoire.” Demande-t-elle aux bleus. “Et si je vois une seule égratignure de plus vous le regretterez.” Menace-t-elle plus bas en remettant le criminel entre leurs mains. Elle attend que les militaires repartent, elle attend un nouveau coup de téléphone, elle attend plus de détails sur la filature des autres criminels, vaines, elle attend des nouvelles de ses collègues blessés, le nom des morts. Elle demande à ce que sa conversation téléphonique ne disparaisse pas, demandant à ce qu’une copie soit faite et remise au procureur Miller. Elle explique tout en détail à sa soeur, sans impliquer le député, pour l’instant est suspicieuse du gouvernement entier. En somme, elle fait poireauter le criminel un bon moment avant d’aller le retrouver, entre temps, il a été examiné et soigné par le médecin qu’elle a demandé à la secrétaire, sous bonne surveillance.
Il est 2 heures du matin. Il est menotté, les pieds enchaînés et fixés au sol, ses mains fixés à la table d’interrogatoire. Il est traité comme un grand criminel, ce qu’il est. Un tueur. Elle voulait arrêter le groupe de braqueurs portant des masques de renard ? Il semblerait qu’elle a pêché un poisson bien plus gros. “Je crois que nous aurons beaucoup à gagner en coopérant.” Lâche-t-elle simplement en s’asseyant de l’autre côté de la table. Un gobelet de café entre les mains, elle touille le sucre dans le breuvage avant de relever les yeux sur lui.
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Mar 20 Nov - 21:59
Menotté. Je suis menotté. J’avais toujours su que ça arriverait un jour où l’autre. Je n’avais jamais su vivre que d’une seule manière. Les sirènes hurlent dans la nuit. Les flics de l’équipe d’intervention se tiennent prêts, fusils d’assaut vers le bas mais munitions chargées et engagées. Ils s’attendent à du grabuge. La balle reçue dans l’épaule me fait un mal de chien, mais l’un des flics a posé un bandage automatique. Le désinfectant m’a fait grogné, mais pas autant que la douleur quand l’un des hommes m’a à moitié arraché la manche pour que son collègue puisse y accoler la gaze auto-fixante. Je regarde le sol. Je ne pense même pas à tenter une évasion. Quatre avec moi à l’arrière. Deux à l’avant. Double renfort pare-balles à l’intérieur. Je n’ai aucune arme et mes mains sont attachées.
Je regarde le sol, et me mortifie de l’intense et horrible sentiment d’échec qui me tenaille les tripes.
Je revois Riley, Kat’, Lukas, Sasha, Lauren, John, tous… Et je n’arrive même pas à sentir un peu de ma flamme habituelle ; je n’arrive pas à rallumer cette bonne vieille haine qui m’a toujours tenu debout, même en pensant à Riley, qui nous a tous trahis. Je regarde mes pompes. Vingt ans jetés à la benne. Passé militaire qui est nié par ceux qui m’avaient envoyé plusieurs fois en enfer, dont j’étais à chaque fois ressorti. Jusqu’à aujourd’hui. La taule, quoi. Et je savais ce que ça voulait dire. Des Fantômes en avaient après nous. Demain, les choses n’allaient pas tarder à partir en vrille. Ce soir, plus certainement. Je n’imaginais pas qu’un commando ne tenterait pas de s’infiltrer dans le poste pour m’abattre. Ou pour poser des explosifs. Ou toute autre manière du genre, si jamais les flics ne me remettaient pas à l’armée. Si les Fantômes étaient impliqués alors qu’on était en paix, ça voulait dire que l’ordre venait d’en haut. Au moins l’Etat-Major du groupe d’armées Europe. Si ce n’était l’Etat-Major Fédéral tout entier. Ils liquidaient les preuves d’un passé encombrant, devenu en plus dangereux avec le temps.
On me malmène en descendant. Je sais que je suis foutu. Ma famille avec.
Ca devrait me raccrocher à la vie, mais je n’y arrive pas. On me pousse, on me donne des coups de crosse dans les reins, les épaules, l’arrière des côtes. Je ferme les yeux et encaisse les coups. Echec et mat je suis baisé, et mes filles vont mourir à cause de moi. Comment en suis-je arrivé là ? Cheminement logique pour un paumé. J’endosse tout. Comme toujours. Mais je pouvais encore essayer de tirer mon épingle du jeu. De faire quelque chose, n’importe quoi, qui me fasse partir en comptant pour quelque chose.
Ces connards avaient essayé de désamorcer une bombe à retardement en tirant dessus. Ah ah, les cons. Je vais leur péter à la gueule, et on verra qui se foutra de la gueule de qui quand on partagera tous une belle petite cellule capitonnée.
Ce que je craignais, et espérais à la fois pour comprendre ce qu’il se passait, ne manqua pas d’arriver. Ils étaient déjà là quand on arrivait au poste. Je suivais les échanges à distance, mais une flic apparemment plus galonnée que les autres hurla à ses laquais de me jeter en taule, ce qu’on ne manqua pas de faire. Sauf qu’on ne se contenta pas de m’y jeter et d’oublier la clef. Les trois flics firent craquer leurs jointures. Se gaussèrent, avant de m’envoyer une volée de coups de savate bien sentis dans les côtes aux cris de « tueur de flic ! », « fils de pute ! » ou « enculé de barbouze ». Les coups se succèdent. Je ne dis rien. J’encaisse. Un filet de sang se faufile entre mes lèvres et je finis par cracher un glaviot rouge carmin sur le sol éclairé des néons blancs de la cellule. L’un d’eux me demande si je fais encore le malin, maintenant qu’on m’a montré que les flics de la ville savaient se défendre.
| Bâtards de moutons, vous iriez bien niquer vos mères si j’étais pas attaché. |
Avalanche de coups. Lèvres fendues. Arcade pétée. Sang sur le visage, en abondance pendant un temps. L’arête de la mâchoire gonfle au niveau de la pommette. On me relève la tête en me tirant les cheveux. On me demande si j’en ai assez, maintenant.
| Tiens c’est marrant, j’ai dit la même chose à ta femme hier. |
Gifle. Je crache encore. Ils reclaquent la porte, même si celui que j’ai insulté me crache des insanités en polonais, tiré en arrière par ses camarades. Je reste là dans le noir. J’ai toujours su quand attendre, que je me trouve dans un hélico pour me poser en Baie de Tokyo, ou dans les entrailles d’un transport de troupes pour prendre d’assaut les ponts sur le Yang-Tsé. J’attends. A genoux. En silence. Je reste immobile. Le sang arrête de couler, mais je me sens affaibli comme jamais. Meurtri à l’intérieur bien plus qu’à l’extérieur, où je n’ai enduré que des blessures légères, la plus grave à l’école étant déjà provisoirement soignée. On finit par me ramener. Ah, l’autre polak, sourire jusqu’aux oreilles. Quand la vermine sourit comme ça, c’est jamais bon signe. On m’annonce que je vais être « transféré », je demande si on m’envoie dans la chambre de sa femme, avec son cul qui grince autant que son matelas. Nouveau coup de matraque dans les côtes. Ok, celle-là, je l’ai peut être vraiment cherchée.
Dans le hall, en haut, c’est encore le bordel. Ils sont encore là, les gradés. Mon cœur bat plus vite. Cet enculé de McKinnon. Merde. Ca pue. Je vais finir une balle dans la nuque, abandonné dans un fossé. Mais pas avant plusieurs jours de torture, merde, ce mec aurait fait passer McHall pour un enfant de cœur. A la pensée de mon frère disparu, je fronce les sourcils. Et je bouscule les flics pour tamponner contre la nana qui beuglait des ordres en mode propriétaire des lieux depuis mon arrivée, et qui visiblement avait encore bataillé ferme. Le visage tuméfié, le corps endolori et ma tenue déchirée, je devais avoir une allure de sauvage. On s’en fout.
| Je vais pas porter le chapeau pour tous ces enculés, madame, si vous me laissez partir, vous ne saurez jamais rien ! |
Je m’adresse à elle dents serrées, dents tâchées de sang d’ailleurs. Comme à une supérieure hiérarchique, au niveau du ton. Les leaders sont toujours à ménager. Elle change d’avis. Et je suis expédié en salle d’interrogatoire. Le regard noir des flics en dit long sur leur frustration, et malgré ma gueule de travers, je leur offre un sourire écarlate quand on m’y conduit. Médecin, sous bonne garde, qui achève de me soigner l’épaule, et me pose des sutures sur la pommette et l’arcade. J’attends, encore. Je me demande si ce n’est pas tout le bâtiment qui va exploser. Je ne sais pas qui est le colonel qui a accompagné McKinnon, mais j’ai vu la lueur dans ses yeux. La même qu’a eue Gantz, des années auparavant, quand il m’a donné l’ordre d’atomiser la tanière des guerrières aux casques ailés en Norvège.
Elle finit par revenir. J’écarquille plusieurs fois les yeux pour me réaccoutumer à la lumière. Elle boit son café… Je sens son impatience.
| Je n’ai surtout plus grand-chose à perdre. J’étais foutu dès le moment où j’ai été trahi par un de mes camarades. Je veux la protection policière la plus totale pour ma femme et pour mes filles. Je pense que vous ne savez même pas encore qui je suis ? Mes empreintes et mon ADN n’a pas dû remonter de vos recherches automatiques, j’imagine. Je vais vous dire tout ça, vous le déduirez de ma demande de protection de toute manière. Et je peux vous dire bien plus encore. Mais je veux des garanties. Qu’est ce que vous pouvez me promettre, madame ? Je ne monterais pas à l’échafaud pour rien. Ce sera plus rapide de mourir dans une tentative d’évasion que d’affronter ce que les hommes que vous avez rencontrés tout à l’heure réservent aux hommes comme moi. |
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Mer 28 Nov - 19:47
Elle n’a pas l’habitude d’entendre “enculés” et “madame” dans une même phrase. En général, voir toujours, on l’insulte, la courtoisie est absente de la majorité de ses échanges avec les criminels tandis qu’elle sait parfaitement garder son calme face à leur connerie. Une Amazone ne se laisse pas emporter par ses émotions, c’est une chose de sa mère qu’elle a parfaitement assimilée, c’est bien plus facile face à des êtres inférieurs dont elle est entourée en permanence. On la décrit comme hautaine et arrogante, elle leur est juste supérieure.
L’Amazone est aussi curieuse, il faut l’être pour exercer ce métier. Si on perd cet engouement, il vaut mieux se tirer une balle, comme l'ont fait certains de ses prédécesseurs. C'est une mort rapide, ou une mort lente à subir une retraite anticipée et avoir tout le temps de penser à leurs échecs. En l'occurrence, elle a le coeur bien accroché et cette altercation avec le Colonel et ses hommes n'a fait qu'alimenter sa détermination à avoir des réponses.
Il pose ses conditions, ce qui a pour effet de la faire ricaner. C'est toujours ainsi avec les criminels, ils essaient de vous baiser, par derrière, et le plus violemment s'ils le peuvent, pour s'éviter de le subir en taule. Plutôt les autres qu'eux-mêmes est leur adage. Il veut s’imposer en position de force, l’Amazone boit une gorgée et pose son gobelet de café sur la table, sereine, patiente.
“Vous promettre ? A l'instante, absolument rien, sauf peut-être d’être une emmerdeuse. Ceux qui cherchent à mettre la main sur vous le confirmeront, en attendant vous avez tués et blessés mes collègues… Donnez-moi envie de faire quelque chose pour vous plutôt. Vous semblez savoir beaucoup de choses et aucune envie de retrouver vos potes là dehors, si vous n’avez rien à perdre comme vous dites, qui protégera votre femme et vos filles ? Une protection pour elles, je peux le mettre en oeuvre… à la condition que ça en vaille la peine et je ne peux pas assurer leur protection si j’ignore contre quoi les protéger justement.”
C’est pas à une petite bande de rigolos qu’elle a eu à faire dans le hall du commissariat, ils avaient tous l’air de sales types prêts à faire le sale boulot, n’importe quel genre de sale boulot. Tout à fait le genre qui donne envie à Kethryn de tenir tête, oui, c’est une belle emmerdeuse quand une tronche lui revient pas. Heureusement, sa soeur lui a appris la sociabilité, mais quand on vient l’emmerder le premier, elle a du répondant. Le fait est qu’elle n’avait pas plus envie de voir un second prisonnier lui échapper.
“Je ne me fais pas d’illusion concernant votre identité, si j’ai l’Etat Major au cul je me doute bien que je ne trouverai rien à votre sujet. Ce que je sais par contre, c'est que vous accumulez les délits, braquages à main armés, meurtres, kidnapping… Vous êtes un criminel recherché par nos services et par les militaires, je présume que vous êtes un des leur au vu de vos faits, vous êtes minutieux et préparé, loin d’être des débutants. Je ne doute pas que vos collègues tenteront de vous faire évader à un moment donné, ce qui aura pour effet d’annuler toute protection de votre famille.”
La jeune femme tend les jambes devant elle et croise les chevilles en enroulant son gobelet de ses doigts. Elle peut faire preuve d’une infinie patience quand il le faut. “Je vous suis depuis vos débuts et j’ai vu l’escalade de violence dont vous êtes capables, les fourgons ne vous suffisaient plus… Cela dit, je ne comprends pas vraiment cet intérêt pour une entreprise pharmaceutique… Le fait est qu’on a voulu me devancer sur mon affaire, je veux savoir pourquoi.” Quel intérêt il représente pour ces militaires au point d’infiltrer l’immeuble pour les soustraire à la police. Il y a anguille sous roche, les renards ne sont pas de simple braqueurs à la sauvette. Leur intervention au sein du poste ne fait que confirmer ses doutes.
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Mer 5 Déc - 21:52
J’ai mal partout. A la tête. A toutes les contusions et écorchures. A l’épaule, déchiquetée par une balle. Les anti-douleurs que l’on a soupoudré par-dessus la paix avant de la refermer ne changent pas grand-chose au problème. Fondamentalement parlant, j’ai l’impression de m’être fait rouler dessus par un train, de m’être fait percuter par un avion en cours d’attérissage. Je suis lessivé. Mentalement et physiquement. Mais à qui ça importait ? Je savais que tout ce à quoi j’avais pu tenir, que tous les gens que j’avais pu aimer, tout serait bien vite parti en fumée. Sitôt que la nouvelle de ma capture, et la divulgation de mon identité, inondera les canaux d’information tout azimut. La presse en ferait ses choux gras, et je savais aussi que le gouvernement n’allait rien laisser passer. J’étais un condamné en sursis. Le véritable jugement, les vrais problèmes, n’allaient plus tarder à se poser. J’étais foutu… Alors j’essayais de tirer un peu mon épingle du jeu. C’était ça ou tout lâcher, et attendre la mort comme un putain de mouton. Je demande des garanties. Parce que je pense à mes filles. Que Jenni aille au diable, mais mes gamines… Elles ne méritaient pas d’encaisser toutes les conséquences des errements de leur père.
Je laisse la flic ricaner. Si elle trouve la situation drôle, tant mieux pour elle. Elle ne se plaindra pas quand elle retrouvera ses proches avec une balle en pleine tronche. Mais d’elle ou des siens, je me fichais éperdument. Elle m’incite à « faire quelque chose pour elle ». Je désigne mes mains liées. J’allais balancer une insanité. Mais franchement, à quoi ça me servirait ? Ni la douleur ni l’échec et la trahison ne devaient me foutre trop en vrac. Je devais rester concentré. Je secouais la tête.
| Je n’ai jamais tiré sur des policiers. |
C’était vrai. Même si mes hommes l’avaient fait. Même s’ils en avaient tué. Je ne savais qui était responsable de la tuerie dans la rue, ce soir. Sans doute Eulewald, il adorait encore plus trafiquer des explosifs que de se pignoler la nouille, alors ça ne m’étonnerait pas que ça soit lui qui se l’est jouée apocalypse now. Je ne voulais pas dire pour autant que je n’aurais pas fait la même chose à sa place. Je dévisageais péniblement la brunette en face de moi. Déterminée. Forte, sans aucun doute. Du genre à vous écraser les roustons entre ses biceps. Ok, à moi de me montrer psychologue ; j’étais jadis un bon officier parce que je savais quoi dire à mes soldats, homme ou femme. Je devais la considérer comme une recrue que je devais convaincre, ou comme un officier qui me proposait de court-circuiter une autre partie de la hiérarchie. Je médite ce qu’elle me dit, sur ce qu’il m’est reproché par la justice et elle avait déjà compris, fatalement, que j’étais ou un soldat en activité, ou à la retraite. Un ancien mobilisé de la guerre, sans doute. Je baisse un instant les yeux. Je rassemble mes idées, mais avec ce sang qui coagule au niveau de mon arcade sourcilière, et de la peau qui se tuméfie sur tout le visage…
Concentration, Jean. Ce n’est pas le moment de faire n’importe quoi.
| Je ne vous dirais pas ce que je faisais à cette adresse ce soir. En revanche, je peux vous dire qui sont les types en noir qui nous ont arrêtés, et qui ont tiré sur vos hommes. Quant aux miens, je doute qu’ils tentent quoi que ce soit. Ces salopards, c’est moi qui les ai formés et entraînés, c’est moi qui les ai encadrés, j’en connais certains depuis près de vingt ans. Je pensais que c’était mes frères, ou mes gosses. Un mélange entre les deux. Ce ne sont que des connards d’ingrats. J’ai tout foutu en l’air pour eux, pour les empêcher de faire de trop grosses conneries. |
Je secoue la tête.
| Vous croyez qu’on était à notre maximum ? Tuer quelques mafieux et leur faire les poches, c’était plus près d’un hobby que d’un emploi à long terme. L’alternative eut été bien pire. Vous ne vouliez pas de ces mecs-là en roue libre dans cette ville, croyez-moi. |
Je reporte mon regard droit dans le sien.
| Je veux la protection de mes filles. De ma femme aussi. Mettez-les à l’abri, faites leur redémarrer une nouvelle vie. Loin de tout ça. Loin de moi. Et je vous dirais tout ce que le Capitaine Jean Raulne a vu, commis, ou ce à quoi il a assisté. Avant ça, vous devriez vous assurer que rien ni personne n’enregistre cet entretien, sinon ils en trouveront une copie, et vous feront disparaître. Vous et vos proches. Et tous les flics qui auront eu accès à l’enregistrement. « Suicide », accident de la route, règlement de comptes ou autre. N’importe quoi, pourvu que votre langue ne soit plus capable de répéter ce que je vous ai dit. Je le sais, parce qu’ils m’ont déjà demandé de faire ce genre de choses par le passé, et vu le petit spectacle de ce soir, ils n’ont pas renoncé à leurs petites habitudes. |
Je regarde le dispositif anti-incendie au plafond.
| Donnez-moi une clope, et si vous avez pas perdu votre immense paire de couilles, je vous raconte tout ce que je sais. |
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Mar 11 Déc - 13:45
Kethryn hausse un sourcil. “Vous n’avez pas buté de policiers, c’est tout ce que vous avez à dire pour votre défense ? Ca ne fait pas de différences pour eux, ce sont vos collègues, vous êtes le complice de tueurs de flics.” Qu’il n’ait pas appuyé sur la détente ne change rien au fait que plusieurs de ses collègues sont morts, d’autres blessés. Elle comprend que ses collègues l’ont passé à tabac, même si ce sera lourd de conséquences s’il porte plainte. Toutefois, un tueur de flic a peu de chance d’obtenir gain de cause malgré tout. Mettez ça sur le compte de la solidarité judiciaire. Elle s’inquiète peut-être pour rien puisqu’il n’en parle à aucun moment, soit il sait qu’il n’a aucune chance, soit il en a rien à foutre.
Il poursuit son laïus, elle garde le silence.
Elle quitte la salle d’interrogatoire avec son café entre les mains, pour rejoindre sa soeur de l’autre côté du miroir sans tain. “A quoi tu penses ?” S’enquit-elle, consciente que le Lieutenant a quelque chose en tête qui nécessite sans doute son soutien ou son approbation. “Il se la joue mystérieux pour obtenir ce qu’il veut et on peut lui offrir la protection de sa famille, ça nous offrira un moyen de pression. Tout ce qu’il balance me paraît être une grosse affaire, dangereuse…”“Ce qui nous impressionne pas.” Fait-elle valoir à raison. “Je ne veux pas de leur attention sur nous.” Le silence qui s’installe est aussi parlant que des mots. “Dis moi tout Kethryn.” Réclame-t-elle. “Ces hommes… Ont besoin d’être remis dans le bon ordre, ce pouvoir en place, ici comme ailleurs, est gangrenée et si ce type dit vrai, nous mettrons un sacré coup de pied dans leurs couilles pleines de merde. Je n’ai pas l’intention de garder ça pour moi, tout homme corrompu, qu’il soit civil, politique, ou militaire, doit faire face à la justice.”
“Tu veux faire grand bruit de ses aveux.” Devine Anthéa. “Attirer l’attention sur toi pour compromettre leurs missions d’exécution, cela confirmerait les doutes de la population d’un Etat qui se joue de la justice, diviserait les opinions, ils ne sauront plus à qui se fier.” Une guerre civile. “S’il dit vrai, si j’arrive à prouver ses dires, regrouper suffisamment de témoignages et de preuves.” Confirme le Lieutenant. “Nous avons beaucoup à perdre.”“Nous avons déjà tout perdu.” Rétorque-t-elle, laissant entendre qu’Anastasy avait son soutien. Ca ne rend pas la décision plus facile à prendre pour autant.
Quelques minutes après, elle revient dans la salle avec un paquet de clopes et un briquet qu’elle pose devant lui avant de se réinstaller. La lumière rouge de la caméra n'apparaît plus, signifiant qu’ils ne sont plus filmés, elle a congédié tout le monde de l’autre côté de la salle d’interrogatoire. Sauf le Député Storeberg qu’elle a choisi comme témoin de cet entretien. Elle peut compter sur Anthéa pour s’assurer de leur intimité à l’extérieur. Sa soeur découvrira tout dès qu’elles seront chez elles.
“Nous sommes entre vous et moi. Je veux les noms de vos filles et votre femme, elles auront une nouvelle identité et vivront une nouvelle vie ailleurs, ni vous ni moi ne sauront où elles se trouvent, et leur sécurité sera assuré. Si je découvre que vous vous êtes foutu de ma gueule, elles perdront cette protection, c’est bien claire ? Si ça l’est, parlez.”
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Mar 11 Déc - 22:46
Je dévisage la flic qui me crache sa hargne à la gueule. Et elle pense encore que ma défense m’importe. Qu’est ce qu’elle croit, concrètement ? Que je crois vraiment que je vais pouvoir m’en tirer ? Je ne suis pas un expert en légalité, loin de là. J’ai même plutôt la foi absolue dans le fait que je sois complètement foutu aujourd’hui. L’armée mettra la main sur moi. Ou les services du gouvernement. Maintenant, c’était plutôt foutu. Sûr de sûr. De toute façon à quoi bon chercher à m’en sortir ? J’avais une balle dans l’épaule, j’avais été passé à tabac, trahi par mes hommes et coéquipiers, et je n’avais plus ni amis, ni alliés, ni la moindre ressource. La seule chose qui m’animait encore maintenant, c’était la vengeance. Je hausse les épaules, pas l’habitude de me laisser malmener, et encore moins de ne pas vouloir dominer les échanges.
| Tueur de flics, soit. Ou complice, peu importe. Je sais très bien que quand une tempête de merde s’abat et qu’il y a du sang dans l’air, il éclabousse tout le monde. Je l’avoue. Vous vous sentez mieux ? |
Et au moins un chef d’accusation de reconnu, un. La flic se tire. Je hausse à nouveau les épaules et fais la moue. Partie se refaire une contenance, prendre des conseils ou des directives. Ok. On va la jouer comme ça. De toute manière, je n’étais pas plus en danger ici qu’ailleurs, et en me trahissant Wilson n’avait pas seulement mis en danger tout le monde et provoqué la mort d’un autre coéquipier… J’attends un long moment.
Je ferme les yeux. J’inspire et j’expire doucement. Je sens chaque chose. Mon pouls erratique. L’adrénaline qui reflue. La douleur sourde au fin fond de ma tête. Les hurlements d’une âme meurtrie et déchirée. Le visage de mes filles. Elles vont mourir à cause de moi. Je respire doucement. Je sens le sang qui sèche sur ma tronche. La sueur qui imprègne ma tenue noire. Le poids de mes protections à moitié arrachées par les combats. Je me demande ce que Sept est devenu.
Et je maudis mes propres fantômes, à qui j’avais tout donné et tout sacrifié, et qui s’étaient retournés contre moi. De l’autre côté de la glace, il doit y avoir un sacré paquet de gens, dont certains doivent se demander si je dois vivre ou mourir, tandis que d’autres me vouent la haine féroce des justiciers meurtris par leurs pertes. Je souris quand elle revient et me dit qu’on est que tous les deux. Elle me menace, mais me fait parler.
Je soupire, et je hoche la tête pour signifier mon assentiment.
| Capitaine Jean Raulne, comme je vous disais. J’étais soldat, avant tout ça. Au 1er Régiment de Parachutistes. J’ai commencé sous-lieutenant, en 2032. Opérations « Epervier » puis « Faucons », en Lybie. Là-bas j’ai appris la lutte contre-insurrectionnelle, et avec mon unité de reconnaissance, on était devenu plutôt efficaces pour traquer les terroristes et les esclavagistes. On était du genre à tirer les premiers, mais notre hiérarchie nous couvrait. Beaucoup de résultats, peu de bavures. Et de toute façon, qui s’en souciait que quelques « squelettes » passent l’arme à gauche quand on arrêtait les méchants ? J’ai été nommé lieutenant, blessé plusieurs fois et décoré, puis transféré en 2035 dans le bataillon logistique n°237. On m’a fait prendre part au recrutement. Tous des criminels avérés ou suspectés, la lie des forces armées de l’Union. Le profil-type était celui du tueur en série trop dangereux pour rester dans la vie civile, ou même en prison. Sans parler des violeurs et trafiquants. Tous menteurs, manipulateurs, cruels et sans pitié. Beaucoup de femmes, aussi, l’unité était totalement mixte. On m’a demandé de forger un esprit de corps à cette nouvelle unité. Ca a été dur. C’était des chiens de guerre au sens littéral. On a dû les crever, les bousculer, les humilier, les exalter. Equilibre fragile, délicat. Il y a eu des incidents, mais la troupe a tenu. |
Entre mes mains menottées, je saisis une cigarette et l’allume, mesurant par nature, par instinct, la valeur de ces « armes » potentielles qu’elle me mettait entre les mains. Je tire une longue bouffée, et pousse un râle de contentement en fermant les yeux. Je me frotte les yeux fatigués contre mon épaule maculée de poussière et de sang.
| On a fini par nous envoyer au Niger. L’armée régulière de l’Union avait été envoyée, des commandos pourchassaient les rebelles, fanatiques religieux ou putchistes politiques, mais il y avait d’autres objectifs… Areva avait fait quelques expériences, et il y avait eu des fuites.. |
Je déglutis, regard perdu dans le vague, sourcils froncés.
Il nous a fallu trois semaines pour tous les retrouver, ces cobayes. On a dû en abattre certains. Mais la plupart s’était rendus, sitôt qu’on avait mis la main dessus. Les cibles avaient subi des protocoles de soins expérimentaux contre le cancer, à base de nouvelles formes de rayons. La thérapie n’avait pas bien fonctionné. Trois de mes soldats se sont mis à vomir du sang, après avoir touché et escorté ces « Squelettes ». La plupart du temps, il s’agissait de pauvres hères en haillons, qui avaient pété un boulon et s’étaient mis à faire des choses dégueulasses. Viols de proches, tueries de masse, la pile de faits divers affreux s’était vite allongée. On nous a collé la pression. Et alors que les casques bleus de l’ONU faisaient leur propre enquête, on nous a donné le nom de code de fin d’opération ; l’ordre « 66 ». Ce ne serait pas la dernière fois… |
Je termine la clope. En reprends une. La grille avec lenteur, avant de la porter à mes lèvres.
| Je me souviens encore de la précipitation, au QG du bataillon. On avait brûlé les documents, versé l’essence excédentaire sur les meubles du bâtiment, et tout brûlé, archives papiers, copies digitales, corps des témoins. J’avais d’abord dû abattre ceux qu’il nous restait. Je me rappelais encore de chaque seconde. Le peloton n’avait jamais rechigné au meurtre ; ces monstres tuaient des gens, et il fallait les abattre. Pour eux, c’était simple. Ce le fut moins quand j’abattais les derniers survivants. Eux ne fuyaient pas. Ils ne pouvaient pas. Ils étaient menottés aux canalisations des soubassements de notre PC. Une balle dans la tête. J’avais réprimé le tremblement de ma main au moment de passer auprès d’un petit garçon. Un vrai dur, qui vous lançait un regard noir sans ciller, putain. Le gamin avait une peau dure comme l’acier, et avait tué deux copains d’école dans une bagarre. Foutus scientifiques de merde. J’avais pressé la détente, lui collant une balle dans l’œil. A partir de ce jour, plus personne dans cette unité de cinglés ne s’amusa plus jamais à flirter avec la limite, me concernant. Je n’avais jamais pu oublier ce son, cette sensation, ce regard… J’avais déjà des enfants, à l’époque. Ma deuxième fille venait de naître ; j’avais rencontré Jenna entre deux missions en Lybie, et nous nous étions vite mariés, et tout aussi vite fait des enfants. Deux filles. Après, j’avais été de moins en moins là, avec les Fantômes. |
je redresse le regard droit dans les yeux de la flic. Et tire sur la clope.
| L’Ordre 66 n’était pas donné par l’Etat Major. Ce n’était pas une opération militaire, au départ. Je ne sais même pas si le Corps d’Armée A-Ouest connaissait notre position ! Le Colonel Gantz qui commandait le Régiment, obéissait directement aux ordres qui émanaient de Forum Circle, ici, à Europolis. |
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Sam 29 Déc - 17:49
Kethryn espère beaucoup des aveux de cet homme, elle espère qu’elles valent le coup de s’attirer un tas d’emmerdes et espère à la fois obtenir quelque chose pour les emmerder en retour. Elle est comme ça, elle rend au centuple et vu que ça ne concerne pas uniquement sa carrière, on peut dire que le risque d’un gros bordel est imminent. Si ces bâtards de l’armée tentent quoi que ce soit contre elle, contre les Amazones, aucune d’entre elles n’hésitera à défendre leur reine et inversement. Les amazones ne sont pas aussi vengeresse que les valkyries, mais ne sont pas faibles pour autant. Seulement, Kethryn a bon espoir, que l’être humain n’est pas totalement perdu.
Elle est dérangée, par le fait qu’il en parle avec si peu de compassion, si peu d’émotion, voir pas une once. Il énonce des faits produits dans le passé, dont il est le bras armé de commanditaires qu’il juge se trouver à Europolis depuis le début. Quant à cette équipe principalement constituée d’hommes et femmes dérangés, elle ne sait pas trop quoi en penser. L’homme est ainsi donc prêt à tout pour obtenir… Quoi au juste ? Elle a beau retourner des milliers de fois la question, l’être humain reste principalement un mystère pour l’Amazone, pourquoi s’échine-t-il à être si destructeur envers lui-même ?
Au lieu de leur venir en aide il y a des milliers d’années, son peuple s’était retranché dans l’isolement d’une île qu’il n’était donné à personne de voir. Jusqu’à récemment. Devenues gardiennes d’armes qui ne devaient absolument pas tomber entre leurs mains, elle sait pourquoi, mais pour quelle raison abandonné l’être humain à son triste sort ? Pour leur survie à elles ? Égoïstement, parce qu’ils ont le pouvoir de les détruire. Anastasy ne voit pas les choses de cette manière, parmi eux, il y a aussi des victimes et ces derniers méritent d’être sauvés. Elle estime que c’est son devoir et elle le prend très à coeur.
“J’imagine… Qu’il ne s’agit là que d’une mission parmi tant d’autres. Vous avez détruit de nombreux autres lieux comme celui-ci ? Sont-ils semblables au scandale Brendt d’après vous ? Représentaient-ils vraiment une menace pour l’humanité? Certains peut-être, mais tous ?”
Elle est dégoûtée, de faire face à ce qu’il y a de pire en l’homme, à ce militaire, mais surtout à ses paroles concernant des expérimentations. Elle est certaine d’une chose, ils ne doivent pas mettre la main sur elles, ils n’hésiteraient pas une seconde à les prendre comme expériences pour améliorer leur propres performances au combat, le début d’une quatrième guerre mondiale. Etre l’inventeur d’armes dévastateurs ne leur suffit pas, il leur en faut toujours plus, c’est pour ça qu’il faut mettre un terme à cette escalade dévastatrice.
“Vous semblez bien certain de la provenance des ordres. Comment ? Pouvez-vous le prouver ?” La parole de ce militaire ne suffira pas, il lui faut des preuves quitte à prendre des risques pour les obtenir. C’est son métier. Derrière elle, derrière cette vitre teinté, elle est certaine que le Député prend des notes, mais elle n’est pas certaine qu’il ne soit pas avec “eux”. Elle doit déterminer qui sont ce “eux” justement, qui se joue des droits de l’homme, de la constitution, de l’ordre, de la justice. Le gouvernement ne peut pas tout se permettre.
“Où êtes-vous intervenus ? Quand ? Pourquoi ? Estimez-vous que chaque intervention était… Légitime ?” Est-ce que chaque intervention était nécessaire, pour la protection de l’homme ? Le Lieutenant veut retracer le parcours du Capitaine Raulne et son unité de criminels, il n’y a qu’ainsi qu’elle pourra avoir davantage d’informations. “Je veux des noms. Tout ce que vous savez.”
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Mer 2 Jan - 13:30
Je me sens libéré d’un poids de parler. Pas vis-à-vis des autres, ces gens que je détestais à force de ne pas les comprendre. Pas vis-à-vis d’eux, parce qu’ils allaient me détester plus encore maintenant qu’ils sauraient tous bientôt ce que j’avais fait durant ma quinzaine d’années passées dans l’armée. Je faisais ça pour moi. A poser des mots sur ce que j’avais fait, peut être le comprendrais-je un peu mieux à terme ? Je ne savais pas. Je n’étais plus sûr de rien. De toute manière, je m’en fichais. J’avais pris une balle dans l’épaule à cause de mes anciens camarades. Peut être même des mecs que j’avais connus et entraînés en personne, pour ce que j’en savais. Ces salopards voulaient ma peau, alors j’allais les saigner. Comme Riley, cette salope de garce, cette traîtresse. Avec tout ce que j’avais subi au fil des ans pour leur éviter la taule, à ces connards d‘ingrats !
Si je le pouvais, je tuerais tout le monde.
Mais j’étais dans cette salle d’interrogatoire, pieds liés, poignets attachés, à baigner dans ma sueur et dans mon sang, blessé et tabassé, sans ressources et sans espoir. Tout était fini. Il fallait que je me fasse une raison. Je réfléchis à ce qu’on me demande, sans réserve, sans résistance. Tout était fini. Elle me demande mon avis. Je redresse un regard torve droit dans le sien. Mince sourire ironique au coin des lèvres. Elle me prêtait plus d’importance que j’en avais jamais eue.
| Oui, beaucoup. En Afrique c’était le seul. Mais au Japon on a détruit plusieurs centres de bio-robotique. Je peux citer le nom des entreprises. En Chine plus encore. Ils avaient des usines de clonage, pour leurs soldats. C’était l’horreur. Vous n’en trouverez plus de traces aujourd’hui, une fois qu’on a tué les cobayes et incendié les emplacements, toutes les structures ont été purifiées par le feu. Obus chimiques. Pour n’en laisser aucune trace. Mais je pourrais tout vous coucher en détail sur le papier. Chez les russes aussi, on a dû se salir les mains. Eux tentaient l’approche chimique, comme Brendt finalement, pour changer les gens. Ils étaient tous dangereux, j’imagine. Ce n’était pas à moi d’en juger. J’obéissais aux ordres. |
Coupable mais pas responsable. La nuance était importante. Primordiale dans ce genre de cas. Ca ne me dédouanait en rien. Dans ce centre d’essai russe, c’était moi qui pressait la détente sur ces gens dans leurs cages. En Chine, c’était moi qui avait fait venir les lance-flammes pour purger les cuves de tout leur « matériel biologique ». Et ainsi de suite. Mais ce n’était pas moi qui avait décidé de ces actions. Les coupables, eux, couraient toujours librement. Et il n’y avait que moi pour les impliquer. Ou Gantz, mais il n’était plus de ce monde. Cancer foudroyant. Habile. Vraiment. Je ressens le dégoût de la flic. Elle découvre un univers pire encore que celui qu’elle connaît depuis toujours. On en venait au plus dur.
| J’ai des ordres écrits avec des indicatifs qui se réfèrent à des tables de commandement. Elles ont sans doute été détruites ou archivées. Mais j’ai les noms et les lieux de toutes nos actions en tête. De quoi faire pression sur les bonnes personnes, et remonter la piste. Mais non, je n’ai pas d’ordre écrit du Président du Conseil de l’Union si c’est ce à quoi vous pensez. On peut les trouver quand même ; les preuves existent. |
Mais je n’étais qu’un capitaine parmi des dizaines de milliers. Des millions de soldats. L’armée avait une administration centralisée des plus efficaces, donc il y avait des registres. Tant à dire et tant à trouver… C’était là, devant nous. Mais la flic devait avoir le courage de se remonter les manches. En attendant, j’avais bien conscience que tout ce que je proposais demanderait du travail et des sacrifices. Elle me demande encore des détails sur les interventions. Je ricane ouvertement cette fois, mais le rire ne monte pas jusqu’à mes yeux.
| Vous voulez que je continue par quoi ? Vous avez l’Afrique. Reste le Japon, la Chine, la Pologne, la Biélorussie, la Scandinavie, la Russie. |
et le Götterdämmerung
| On a éliminé des mutants dans tous ces pays, mais pas qu’eux. On a liquidé des prisonniers faute de moyens. On a tiré sur des quartiers remplis de civils. On a gagné la guerre. |`Je hausse les épaules | On a tué des dieux, aussi. Le feu est toujours le plus fort en fin de compte. |
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Mer 2 Jan - 21:35
Il sait beaucoup de choses, coupable de nombreux crimes de guerre, ils ont gagné la guerre qu’il dit. A quel prix ? Tous les crimes justifient-ils leurs conditions de vie actuelle ? Est-ce excusable pour le bien d’un grand nombre ? Tout le monde est le fils, frère, père, mari de quelqu’un, qu’est-ce qu’on leur a dit à eux ? Ont ils pu faire leur deuil ? Partout où la désolation de la guerre a frappé, il y a des victimes, pour quoi ? La construction d’une capitale européenne. Au lieu de s’unir face à l’adversité, les nations avaient fait le choix de se faire la guerre. L’humanité peut-elle encore être sauvé ? Pourquoi se fait-elle encore l’illusion que oui ? Plus elle l’écoute témoigner, plus le doute s’insinue en elle.
Il poursuit en avouant avoir tué des dieux, comme si de rien n’était. Le Lieutenant se masse le front. Un fou ne réagirait pas différemment, mais la mention fait bondir silencieusement l’Amazone. Elle rive son regard à celui du Capitaine alors que l’image des Valkyries se superpose. Malaisée, elle s’approche et pose ses coudes sur la table, avant de reprendre sa position initiale dans le fond de son siège inconfortable. L’Amazone n’en croit pas ses oreilles, serait-il responsable de la destruction des Valkyries ?
Elle peut remercier l’éducation que lui a donné sa mère, bannir l’impulsivité pour être davantage réfléchie. Le Lieutenant s’attendait à quelque chose d’énorme au vu des moyens mis en place par les militaires, mais elle était loin de s’imaginer l’ampleur de ce qu’elle apprend. C’est effectivement très lourd, cette enquête pourrait bien la propulser dans la hiérarchie, renverser toutes les fondations de cette capitale européenne, encore faudrait-il rester en vie assez longtemps pour la mener à terme. On parle quand même d’un ennemi, d’une unité, qui a décimé ses cousines valkyries.
“Putain de bordel de merde.” Souffle-t-elle entre ses dents. Elle est persuadée qu’elle ne doit pas poursuivre, c’est devenu plus gros que ce qu’elle peut gérer. La menace qu’elle fait peser sur ses soeurs est bien trop grande même si elle ne pouvait guère s’imaginer l’ampleur des révélations avant de prendre autant de risques. Son regard rivé à celui de son prisonnier, elle regrette, elle hésite, elle craint le pire. Oui, il peut lire la terreur dans ses yeux. Non pas celle de sa mort imminente, mais celle de ses soeurs amazones. Ils savent. Pour ses cousines guerrières, que savent-ils d’autres ? Savent-ils où se trouvent les reliques Amazones ?
“Si j’entends bien, cette unité est toujours en activité ? Et nous sommes dans leur collimateur.” Qu’a-t-elle fait ? Que va-t-elle faire ? Il est trop tard pour revenir en arrière, à l’heure actuelle l’Etat doit probablement se douter que l’interrogatoire suit son cours. Et s’ils n’ont que des doutes, le Député qui assiste à la scène peut très bien leur confirmer. Qu’il soit impliqué ou non, elle sait très bien qu’elle ne pourra jamais vraiment en avoir la certitude même si une conversation s’impose. Ce n’est pas comme si elle pouvait simplement s’en laver les mains, faire comme si de rien n’était. Non, elle sait désormais qui est responsable du génocide de ses cousines. Faire mention des dieux n’est pas anodin, un humain le prendrait pour un fou, mais une amazone sait y être attentive.
“Vous parlez, vous voyez déjà votre mort imminente, mais vous ne partirez pas sans faire de bruits hein ? Ça vous amuse peut-être de m’impliquer dans votre merde.” Pourquoi il n’a simplement pas fermer sa gueule ? Il l’avait prévenu d’une certaine façon, mais arrogante qu’elle est, Anastasy n’a pas entendu la menace de cette oreille. Persuadée qu’une bande d’humains ne pourraient rien contre elles, mais elle sait qu’ils ne sont pas n’importe qui désormais. Elle se ramollit, il y a encore quelques années elle n’en aurait clairement rien eu à foutre de son histoire, rien à foutre des humains, elle l’aurait laissé crever entre les mains de ces militaires et elle poursuivrait sa vie sans s’en soucier. Non, il avait fallu que son ambition la mêle à tout cela. Le Lieutenant se pince l’arrête du nez.
“J’ai besoin de tout ce que vous savez, mais pas ici, j’ai besoin de vous vivant. Vous vouliez crever, vous n’êtes pas tombé sur la bonne poire. Il vaut mieux que ce soit eux, que moi, je vais les faire tomber ces foutus politicards au dessus des lois, mais votre témoignage est primordiale en définitive. Je peux vous faire intégrer la protection des témoins, mais vous resterez prisonnier, vous serez jugés pour vos crimes, votre témoignage allégera sûrement votre peine et pourra tout autant prolonger la protection de votre femme et vos filles.”
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Mer 2 Jan - 22:12
Je me revoyais dans les allées de ce temple incongru, fait de bois et de roc taillé. Enjambant les corps des sauvageonnes qui en avaient gardé les accès. Comme si elles pouvaient faire quelque chose. Comme si elle y avaient pu quoi que ce soit. Je me rappelais du « bip » des charges qui s’enclenchaient de part et d’autre de la tête nucléaire, transportée par robot de minage. Du « ploc » des gouttes de sang qui coulaient des plateformes où on avait dû tirer ces radasses. Ces fanatiques nous avaient couru droit dessus avec des épées. Ca avait été facile, sans la neige dans les yeux qui nous avait coûté tant de vies à Minsk. On n’avait pas pris de risques. Et maintenant, mes godasses baignaient dans leur jus, dans leur sang sombre qui prenait la poussière des dalles, et qui formait des flaques dans les aspérités de la roche. Je nous revois filant dans la nuit, rejoignant les hélicos, avant que la terre ne s’illumine comme en plein soleil d’un flash aveuglant qui avait brûlé mon âme en même temps qu’il avait tué les dieux de ces sauvages.
La flic regrette. Elle a peur. Je le vois dans ses yeux. Je le sens dans son attitude. L’impression sans doute, d’avoir sauté à pieds joints dans une merde trop sale pour elle. J’avais peut être grillé mon seul atout. Si elle me remettait entre les mains des militaires, tout mon petit jeu n’aurait servi à rien et je ne manquerais pas de finir douze balles dans la peau, abandonné dans un fossé. La jolie brune se rend compte de la merde dans laquelle elle s’est jetée toute seule, et elle prend sans doute aussi conscience qu’elle ne peut plus faire machine arrière. Pas même un peu. Elle jure. Elle va faire demi-tour ?
Non, je ne crois pas. Elle est allée trop loin et elle est suffisamment intelligente pour le savoir. Elle semble croire à tout ce que je raconte ; elle est donc foutue. Plus moyen de faire comme si de rien n’était. Elle ne creuse pas plus, toutefois. Elle me demande si cette unité est toujours d’activité. J’hésite un instant. Je me dis que dans ce groupe il y a peut être encore des gens que j’ai connus. Et que les investigations de la brunette la mettront peut être sur la piste de mes propres hommes. Je n’ai besoin que de deux secondes pour réfléchir.
| Oui, je pense que vous les avez déjà vus. Les gradés que vous avez vus tout à l’heure, au moins l’un d’eux en faisait partie. Ma main à couper. Et je crois que ceux qui ont voulu me tuer ce soir, et tuer mes hommes, en étaient aussi. C’était ça notre spécialité, à l’époque. Sauf que c’était pendant la guerre. |
Je fronce les sourcils, et évite son regard, comme pour m’empêcher de chialer comme un gosse. Foutus nerfs. Depuis cette détonation nucléaire qui avait tout démoli, c’était fini de ma tranquillité d’esprit.
| Protéger l’Union des périls non-conventionnels, que la police ou l’armée régulière ne peuvent pas traiter. Au premier pas de travers, ils vous tueront aussi. Ou ils vous feront du chantage. Ils mettront votre vie au supplice, si vous ne leur laissez pas à penser qu’ils ont gagné. |
Oui, ça faisait sens. Devant mes yeux. Je lisais la situation comme une carte tactique avant un déploiement. Elle parle vite. Elle m’explique qu’elle a besoin de moi vivant. Je hoche la tête, je comprends son raisonnement. Je ris quand elle parle de protection des témoins. Je secoue la tête.
| Votre programme ne servira à rien. Ils feront parler vos collègues. Ou le procureur qui prendra la décision. Je suis un Fantôme, en fin de compte. C’est ma nature. Si vous voulez que je vous sois utile, il faut que vous me rendiez à mon état naturel. Tuez-moi, mettez en scène ma mort. Dès ce soir. Ou ma famille mourra. Mes deux petites, qui n’ont rien à voir avec tout ça. Et ma femme, qui les a protégées et les tient loin de moi. Ne le faites pas pour moi, faites-le pour elles, et pour tous les autres. Faites ça, et je vous aiderais à détruire ces gens. Quant à votre commutation de peine, je m’en bats les couilles. On doit tous payer un jour. J’ai fait assez de saloperies dans ma vie pour ne pas avoir l’indécence de faire la manche contre l’espoir de m’en tirer. Ces connards auront ma peau avant la fin, peut être la vôtre, mais on peut les faire tomber. |
Ces fils de pute avaient voulu m’enterrer ? Je pisserais sur leur tombe le premier.
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Ven 18 Jan - 15:29
Elle a voulu tout savoir, elle sait. Mais elle ne sait pas encore tout. Il ne lui a parlé que d’une partie de l’iceberg, celle qui émerge de la surface plane de l’eau, alors qu’en dessous c’est bien plus imposant. Elle en veut plus, elle ira jusqu’au bout puisqu’elle est impliqué dans cette merde. Le prisonnier, le criminel, semble se montrer coopératif, mais elle ne s’y fie pas. Certes, il a tout intérêt à parler puisqu’il finira sous la terre dans tous les cas, mais rien ne prouve qu’il ne tentera pas de sauver sa peau par tous les moyens pendant l'enquête, avant le procès du siècle. Le Lieutenant ne lui fais absolument pas confiance, pour autant, il est indispensable. Et il le sait.
Elle récupère son gobelet vide, le paquet de cigarettes et le briquet. Elle ne lui laisse rien qui puisse être utilisé comme une arme. “Tout cela ne dépend pas que de moi. Je dois en référer à ma hiérarchie et au procureur de justice. Je ne leur dirais pas tout, juste assez pour qu’ils comprennent la nécessité d’agir.” Le Député pourra faire pression sur la hiérarchie du Lieutenant, si tant est qu’il ne soit pas contre elle. Elle n’a pas plus confiance en lui qu’envers le prisonnier. Foutus politicards. Traîtres. Criminels. Elle ne leur accordait pas une confiance aveugle avant ce témoignage, que dire maintenant ? Ca la fout en rogne toutes ces conneries. Qu’ils se foutent royalement de leur propre espèce. Qu’ils s’entretuent.
Spoiler:
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Elle sort de la salle d’interrogatoire avec les mains tremblantes, mouvement qui n’échappe pas à sa soeur qui fronce les sourcils. Elle a rarement vu Anastasy dans cet état, elle, toujours si sûre d’elle, pleine d’arrogance et d’assurance. Un tremblement de mains signifie un chamboulement total et la part de l’Amazone. Silencieuse, elle s’empare de ses mains et les sert entre les siennes, en guise de soutien. Ce ne sera pas suffisant. Un murmure, un appel d’Anthéa, mais Anastasy se détourne pour ouvrir la porte de l’autre côté de la salle d’interrogatoire et faire face au député. Le regard grave, elle lui fait face. Ils sont qu’entre eux, elle n’autorise pas sa jumelle à assister à cela. Elle sera informée en temps et en heure. “Vous saviez ? Est-ce que vous saviez ce que le gouvernement orchestrait ? Est-ce que vous savez, maintenant, que je vais foutre mon pied dans la ruche ?”
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Il est perturbé, pour la première fois depuis longtemps. Le grand député Storeberg, que l’on disait rusé, malin et habile parleur devant une foule, étant soufflé par le poids des révélations qui lui étaient faites au travers de la vitre teintée. Il se félicitait intérieurement d’avoir pris sans doute la décision de sa vie, d’être présent ce soir. Se positionner contre le gouvernement n’avait jamais porté de tels fruits. Et la voilà enfin, l’arme de la destitution. La policière ressort de la salle d’interrogatoire. Chamboulée. Il fait un pas vers elle et inspire profondément.
| Non, je n’en savais rien. Le parlement n’a jamais été consulté pour ces affaires, même en huis clos. Je peux vous le garantir. Et quand j’étais moi-même militaire, je n’en avais jamais entendu parler. |
Il soupire, se frotte les yeux. Se redonne une contenance. Et pose une main sur l’épaule de la commissaire.
| Je suis avec vous. On ne peut pas laisser passer ça. Pas si ces types se mettent à faire régner la justice du gouvernement dans les rues d’Europolis. |
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Directe. Frontale. Elle le confronte. Cette histoire n’est pas un jeu, il ne lui est pas possible de s’en soustraire, d’être indifférente comme elle le fait d’ordinaire et c’est pour ça qu’elle est Lieutenant à l’heure actuelle. On la dit insensible et ils n’ont pas vraiment tort, elle n’est pas concernée par les humains, c’est une Amazone et jamais on pourrait la comparer à la race humaine. Confrontez la au corps sans vie de ses soeurs et elle se sentira concernée au delà de toute raison, elle remuera ciel et terre pour retrouver les coupables. Un tel massacre... “Me le garantir ?” Elle ricane. “Comment puis-je vous faire confiance ? A qui se fier maintenant ?” La main du député sur son épaule, un rictus déforme le visage du Lieutenant. Elle est remontée. “Avec moi ou contre moi, c’est du pareil au même, ma famille est en danger, je n’ai même plus le choix. Mais vous pouvez encore prétendre ne rien savoir, ou m’aider.” Confiance ou non, dans tous les cas les fantômes savent, les fantômes voudront l’abattre.
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Elle y va directement, sans hésiter. Lui n’hésite pas non plus, mais il doit réfléchir. Ca fait beaucoup d’événements et d’informations d’un seul coup et il est clair que dans ces circonstances, il est difficile de faire machine arrière. Une décision prise maintenant, dans l’instant, sera forcément lourde de conséquences. Pas moyen de faire autrement. Alors il réfléchit un peu à comment prendre les choses, mais son rire à elle le tire de ses pensées.
| Ne perdez pas votre sang-froid, Commissaire Miller. Ensemble, nous pouvons faire de grandes choses. J’ai la visibilité dans l’espace public. On ne s’en prendra pas à moi comme ça, ou ça hurlerait au complot. Et je ferais comprendre en haut lieu que je suis l’affaire de près. Ils vont paniquer, mais pas au point de faire l’erreur grossière de supprimer des gens. Appelez la presse, je ferais une conférence en sortant, de sorte à leur lier les mains. Ils ne sont pas encore aux abois, ils ne seront véritablement dangereux pour nous qu’au moment de tomber, pas avant, dans l’espoir de sauver les meubles. |
Je réfléchis à la proposition du militaire.
| On ne peut procéder que de deux façons. Mais je n’ai aucune confiance en lui. Soit on le fait dans la lumière, j’évoque directement ses accusations sur tous les canaux dès ce soir. Et là, on est intouchables physiquement, mais ils feront tout pour nous briser. Ou on opère en sous marin, et on le fait échapper à tous les radars… mais on prend le risque qu’il en profite pour disparaîsse |
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Il sait que, quoi qu’il arrive, Kethryn va s’en mêler, mais elle, ne sait pas si elle peut se fier à lui. Elle ne s'inquiéterai pas tant s’il n’avait pas été témoin de tout. En apparence, il a l'air sincèrement préoccupé, mais avec les humains, elle a rapidement appris à ne pas s’y fier. Quelle est leur expression déjà ? Avoir le cul entre deux chaises. C’est ça. Une position qu’elle n’afffectionne pas du tout.
“ On perdra davantage de temps et d'énergie à chercher des preuves qu'ils auront nettoyé si vous faites une déclaration officielle, tout ce qu'ils vont considérer de compromettants et nous lier à leur sales affaires, qui puissent nous permettre de les renverser… Pardon, les mener en justice. On ne peut pas prétendre protéger les conditions de l'homme et se permettre autant d’atrocités. Guerre ou non, il y a eu des dommages collatéraux, des victimes qui n’ont rien demandé, eux, méritent qu’on leur rendre justice.”
A ses yeux, le militaire doit assumer. Il n’a fait qu’obéir aux ordres, certes, il n’en reste pas moins l'exécuteur. Il a aussi le pouvoir de son témoignage et comme le fait si bien remarquer le Député, il peut leur filer entre les doigts. Ce qu’il fera, elle n’en doute pas, s’ils ne répondent pas favorablement à sa requête.
“Sa femme et ses filles sont notre unique chance. Elles seront entre nos mains, ce sont elles qui nous permettront de le garder à l’œil, s’il leur arrive quelque chose on le perdra, nous avons tout intérêt à les protéger. Je dois le cuisiner, trouver d’autres fantômes, à la retraite, comme lui et obtenir leurs témoignages. On doit travailler en sous marin, ils se douteront que je sais quelque chose, j’ai encore l'avantage de vous avoir en bonne place. Posez des questions, ni trop direct, ni pas assez, menez les en bateaux, récolter les informations, n’importe lesquels nous feront le tri ensuite. Je vais réunir des agents de confiance, contacter Interpole me sera nécessaire et nous collaborerons sur tous les lieux où ils sont intervenus, il y a forcément des traces de leur passage, je les trouverai.”
Kethryn est du genre confiante, une assurance que l’on définit souvent d'arrogance, à raison, et il est vrai qu’une fois une mission en tête, elle n’en dévie pas. “Concernant son exécution… C’est possible s’il sait prendre les risques, ça doit être public et paraître réel, rien d'impossible, mais il nous faut mettre en place la suite. Le silence des intervenants, une planque, une surveillance constantes et discrètes…”
Y a du boulot, mais ça en vaut la chandelle.
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Il ne faut rien de plus que la vérité pour faire peur, parfois. Le Député Storeberg le sait très bien. Il a parfaitement conscience du danger pour tout le monde, dans ce genre de situation… Mais on ne fait pas de politique quand on n’a pas le talent pour saisir les opportunités, ni si l’on ne sait pas s’entourer. La policière est déjà embarquée dans le bateau des luttes de pouvoir à Europolis, même si elle commence tout juste à s’en rendre compte. Elle est intelligente en plus, apportant des idées nouvelles qui permettent de mieux anticiper les événements et leurs conséquences. Storeberg hocha la tête.
| Précisément, rendre justice à ces gens, c’est ce que je souhaite. Mais comment pourrait-on parler de justice si les responsables continuent de rester au pouvoir ? Il faut qu’on les en chasse. Autrement, leur immunité juridique les maintiendrait à l’abris de toute poursuite. On est en démocratie. La seule manière de les atteindre, c’est de façon publique. Il faut un procès de ce « capitaine », pour pouvoir incriminer ses complices. Tous ses complices. Et une audition au parlement, dans l’idéal. Que tout le monde entende ce qu’il a à dire. |
C’était au sens du Député Storeberg la meilleure alternative. Prendre le risque de cacher le militaire était énorme ; d’une part il pouvait s’échapper, sans compter que faire confiance à un programme de protection de témoins alors que la corruption était partout, ça me semblait outrageusement dangereux. La commissaire pense que la famille pouvait servir de moyen de pression des plus efficaces. Il était tout à fait d’accord avec cette affirmation, surtout que ça lui donnerait une meilleure motivation pour rester en vie… Et ne pas s’enfuir. Quant à les garder à vue, il était pour, surtout qu’il y avait moins de chances qu’ils se fassent exécuter que lui. Elle parle d’interpol et de son poids, ce qui fait hocher la tête à Storeberg, qui pèse encore le pour et le contre de tout révéler à la commissaire.
| Je peux collecter les informations que vous souhaitez, mais rien qui soit secret defense. Mes accès seront limités dans ce genre de situation. Je ne suis pas du gouvernement. Je continue de penser que maquiller sa mort n’est pas la meilleure solution. C’est un malade, de toute évidence. Et qui le surveillerait, s’il n’est pas en prison ? Nous ne pouvons avoir confiance qu’en nous. Je suis désolé de vous le dire, mais on ne peut pas compter sur vos policiers. La pègre en tient beaucoup. |
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Le Député reste sceptique, il veut du public, elle estime que ce serait une perte de temps, ça laissera toute latitude au gouvernement d’effacer toute trace compromettante. Contrariée, elle se mord les lèvres, le regard se tourne vers la vitre sans teint, se fixe sur ce capitaine qui décide de tout livrer aujourd’hui.
“J’admet que rendre cette histoire publique éliminerait la cible sur ma famille et sur moi, ce n’est pas négligeable, mais je reste persuadée qu’ils auront tout le temps d’assurer leurs arrières. Pour tout procès, il faut des preuves, les témoignages ne suffisent pas et moins encore celui d’un criminel tel que lui, coupable de braquages, de meurtres avec préméditation et vous vous rappelez que Demetria Leonetti -aussi malhonnête qu’elle est- a été enlevé par cette bande ? La prison n’est pas envisageable, aussi sécurisée soit-elle, il risque à chaque instant d’être exécuté par ces foutus italiens, ou d’autres encore. Il ne sera en sécurité nulle part.”
Il peut collecter des informations, jusqu’à un certaine niveau. C’est mieux que rien, songe-t-elle. “Nous sommes d’accord, il doit être jugé pour tous ses crimes, mais de quoi sera-t-il jugé si nous revenons bredouilles de nos investigations parce qu’ils auront tout supprimé ? Ils s’en sortiront indemne alors que nous deviendront la risée du système judiciaire. Vous perdrez toute prétention à atteindre le Forum. Ma soeur a beau être procureur, malgré notre lien, elle ne me fournira pas de mandats sans d'avantages d’éléments. Toutes nos carrières et nos vies sont en jeux.”
“J’ai des agents de confiance, mais j’ai besoin d’eux ailleurs.” Elle a besoin d’eux sur tout ce qui concerne la corruption de cette ville, mais ça il n’a pas besoin de le savoir dans le détail. “En admettant que l’on refuse de maquiller une exécution, prenons une garantie. Un témoignage post mortem, c’est valable lors d’un procès.”
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La flic réfléchit. L’élu aussi. Il explorer les possibilités, il médite les instants glanés sur ses adversaires ; politiques ou idéaux peu importe, ce sont des éléments qu’il ne partage pas, qu’il ne fait pas sien. C’est un combat pour l’âme de ce monde, de cette ville, l’âme de tous ces gens qui l’entourent. Storeberg s’est battu contre les injustices toute sa vie. On ne lui reconnaît aucun bord politique, mais des positions taxées d’extrêmistes par le pouvoir en place. L’homme dans la pièce d’à côté est un danger pour tout le monde, toute la communauté, mais c’est également une opportunité. Il faut être dans la politique et les affaires publiques pour le voir, c’est un état de fait. Il comprend les intérêts de la flic et son travail dans toute cette affaire, mais d’un autre côté il ne va pas pour autant laisser s’échapper ce nouvel instrument de la justice du peuple. Il écoute ses arguments. Se frotte l’arête du nez. Non, il ne voyait pas.
| L’autre solution c’est de le garder ici et de mener une enquête officielle. Mais vous savez comme moi qu’il ne tiendra pas la nuit. S’il tient, ils trouveront sa famille ou ses proches, et il se taira à tout jamais. Il n’y a pas d’alternative, commissaire. Soit on la joue au coup de poker et on mêle les médias, soit on suit son plan, avec le risque qu’il se retrouve aussi sec dans la nature et qu’il continue son œuvre de mort. Vous vous rendez compte quand même qu’il parle de génocide ? Il tuerait quiconque le garderait en dehors d’une prison. |
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Ils sont dans une impasse. L’un veut une chose, l’autre veut l’opposé. L’un n’a pas plus raison que l’autre. Dans tous les cas, ils savent qu’elle est mêlée à leur histoire et ils vont se douter que Storeberg l’est aussi puisqu’il est intervenu alors qu’ils étaient en train de s’écharper au milieu du poste. Si elle se rend compte qu’il parle de génocide, putain oui. C’est un type comme lui qui s’est lancé à la poursuite de ses cousines pour les décimer. Elle doit encore lui demander confirmation, quitte à se dévoiler, quitte à lui faire comprendre que ses emmerdes ne sont pas terminés, qu’ils ont échoués et que la colère de ses cousines va s’abattre sur lui.
“D’accord pour un communiqué de presse, ensemble. Je ne me cacherai pas et je préfère que leur attention soit sur nous, que sur tout le monde. On dit ce qu’il faut pour leur mettre la pression, mais pas assez pour que le public comprenne de quoi il retourne. Ce n’est pas le moment de lancer une révolution dans nos rues. Je veux qu’ils sachent qu’on sait des choses, mais pas tout. Ils feront des erreurs et j’ai bien l’intention de surfer sur cette vague.”
“Quant à lui. Lui aussi je le veux sous les feux des projecteurs.” Il ne veut pas de la protection des témoins, il veut la protection de sa femme et ses filles, il veut la mort. Elle le regarde derrière le miroir sans teint et elle voit sa propre mort. Si elle n’avait pas été si acharnée à stopper ces salopards de militaires qui se sont mêlés à son enquête, elle n’en serait pas là. “ Je le transfère dès cette nuit. On va jouer au chat et à la souris avec ces connards.”
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Le député et la commissaire ne sont pas tout à fait d’accord sur le sujet. L’objectif est commun, mais les moyens, la méthode, ce n’est pas le cas. Les divergences sont normales, surtout dans ce genre de situation. Elle est une femme de terrain... Lui ne l’était plus depuis longtemps même s’il s’était toujours efforcé à ne pas rompre tout contact avec le terrain. C’était en train de se jouer, finalement, leur avenir à tous les deux. Il ne fallait pas se tromper de direction, sinon les conséquences pouvaient s’avérer dévastatrices. Dans tous les cas, Storeberg réfléchissait à toute vitesse ; la commissaire lui semblait intelligente et pas trop impétueuse, bien qu’elle faisait preuve d’un mordant indéniable.
Elle agrée au communiqué de presse commun, et qu’elle ne se cacherait pas. Lui hoche la tête, il est satisfait de la situation. Plein de risques et de dangers, certes, mais de quoi faire un pied de nez à ces forces anti-démocratiques qui s’amoncellaient face à nous.
| Ainsi soit-il. Convoquez tous vos contacts dans la presse, je fais de même avec les miens. Circonstances exceptionnelles... Il est... Deux heures du matin. Conférence de presse à 6h30 ? En attendant il faut blinder la protection de cet homme, et ne pas le lâcher des yeux. Je vais leur mettre la pression, mais rien de plus ne vous en faites pas. Faisons leur comprendre qu’on est sur leurs traces mais sans dévoiler leurs atouts. Merci de votre confiance commissaire. Le pire reste à venir, mais on y arrivera. Au travail. |
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Le député et le Lieutenant se sont entendus. Ils vont sauter à pied joint, ensemble. Elle n’a toujours pas confiance en lui, mais rendre les choses officielles est une chance supplémentaire de ne pas se prendre une balle au milieu des yeux par un sniper embusqué. L’Etat se trahirait. Ca ne les sauve pas pour autant, ils feront tout pour les dissuader, pour acheter leur silence peut-être et pas avec de l’argent. Ca va devenir moche, très moche. Sa vie va être décortiquée, ils se rendront compte que son histoire avant Europolis n’est pas nette, impliquant sa jumelle, qui en fera les frais. Sa seule chance, son seul espoir désormais, est de trouver les preuves et les confondre en justice. Une guerre se prépare. Elle doit l’emporter, ou ils auront sa peau.
Il s’écoule encore une bonne heure avant qu’elle ne retourne dans la salle d’interrogatoire. Dans 3 heures aura lieu le communiqué de presse, le Député aura la parole et elle sera à son côté, prête à afficher une franche résolution sur son visage. A leur faire passer le message qu’elle n’abandonnera pas. Elle s’est entretenue avec sa jumelle, qui ne lui a rien dit de plus que ce qu’elle savait déjà. Toutes deux sont prêtes à venger leurs cousines scandinaves, et toutes les autres victimes de la folie meurtrière de l’Etat.
“Vous n’allez pas mourir ce soir, ni demain, ni après demain, bref vous avez compris. Pas d’exécution. Cette nuit, je vous transfère, et je veux un témoignage complet et enregistré. S’il nous arrive quoi que ce soit, à vous comme à moi, ce sera diffusé sur tous les canaux. Je m’assure de ma propre relève sur cette affaire, je m’assure qu’il n’arrive rien à votre femme et vos filles, ils se trahiront s’il leur arrive quoi que ce soit. Vous êtes mon témoin Raulne, vous êtes mon prisonnier, n’espérez pas négocier, c’est mon enquête, c’est bien clair ?”
Dossier Central Equipe: Aucune Points de Baston: 7+1 Points de Marave: 4
Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde Dim 27 Jan - 18:09
[i]Je me laisserais bien crever sur cette chaise, à force d’attendre. Mais la lenteur des débriefings, je connaissais bien. J’avais expérimenté, à l’armée. Rien ni personne n’était capable dans ce genre de cas d’apporter une réponse ou une décision rapide au problème que je posais en tant que soldat qui accomplissait des missions extrêmes, violentes, et même franchement cruelles. Dans tous les cas, mon récit avait toujours sidéré les observateurs, même ceux qui savaient très bien ce que je faisais et ce que mon unité accomplissait en temps normal.
J’ai l’impression de baigner dans mon jus. J’ai beaucoup transpiré pendant l’opération. J’ai saigné, aussi, quand j’ai pris cette balle dans l’épaule. Et j’ai encore sué pendant qu’on me passait à tabac, et encore saigné aussi. Connards de flics. A dix contre un seul mec, ficelé comme un rôti, ça ne leur posait aucun problème de se fighter. En revanche, me faire face les armes à la main, il n’y avait personne, ou alors avec le soutien d’équipes entières, comme s’ils craignaient de ce que je pouvais accomplir. Ils avaient raison. Lâches et cons, mais pas stupides. Pas trop, en tout cas. Cette fille semble savoir ce qu’elle fait. Elle a conscience qu’elle n’a pas vraiment le contrôle de la situation et elle a raison. Je ne peux pas lui en vouloir. Elle doit avoir l’aval de sa hiérarchie, obtenir des soutiens, car sans cela, ce serait le combat de David contre Goliath, mais sans fronde et sans le talent qui va avec pour renverser la situation.
Elle finit par revenir, et je tressaille. Merde, je commençais à m’endormir, rompu par le stress et le reflux d’adrénaline. C’était vraiment n’importe quoi tout ça. Elle me dit que je vais être transféré, et que je raconterais tout pour l’enregistrement. Qu’on protégera ma femme et mes filles. Sourire goguenard. Cause toujours, comme si ces mecs en avaient quelque chose à foutre. On était déjà tous morts, d’une façon ou d’une autre.
Les plus chanceux mourraient les premiers.[/oi]
| C’est clair, lieutenant. |
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Sujet: Re: [Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde
[Livre I - Terminé] La mort, ce secret qui appartiendra à tout le monde