Sa remarque n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Henry était conscient qu’elle connaissait l’injustice de ce monde, heureusement d’ailleurs. Puis finalement, comprenant que c’était le mal qu’il lui faisait qu’il n’aimait pas, qu’il pensait qu’elle souffrait trop d’une comparaison avec Sarah, la jeune femme se sentit obligée de lui expliquer, d’avouer sa honte. Comment pouvait-on être redevable d’un mort ? Que pouvait-elle faire pour lui renvoyer l’ascenseur ? On ne parlait pas d’une dette à hauteur d’une pomme, d’un frigo ou d’une voiture, il s’agissait d’une dette d’une vie entière. Kate avait parfois cette sensation d’avoir eu temps de chance, contrairement à la défunte fiancée de l’écrivain, qu’elle devait être responsable de sa mort même indirectement. Elle savait pertinemment que c’était faux, mais le sentiment persistait tout de même. Elle venait de prendre une brasse monumentale par le beau brun. Mais il ne s’était pas arrêté là, il s’était mis une chasse à lui-même ainsi qu’au sujet de Sarah, juste parce qu’il pensait que la brune la trouvait parfaite. Les absents ressortaient toujours telle la perfection dans la bouche des vivants. On oubliait tellement vite les mauvais côtés lorsqu’ils étaient risibles. Elle termina donc son aveu en pointant du doigt le fait qu’elle ne serait pas là en cet instant si la blondinette était toujours de ce monde. Elle n’aurait même jamais mis les pieds dans ce loft et elle n’aurait très vraisemblablement jamais connu l’amour, son amour …

Ses mains engourdies sous l’eau lui font froid. La brune se mettait à frissonner tout doucement. Et pourtant, elle s’en moquait, là n’était pas le problème. Mais le garçon vint tout de même la sortir de sous le robinet, arrêtant l’eau au passage. Ses mains sont chaudes, cela aurait pu être réconfortant, dans d’autres circonstances. Les larmes avaient cessé de couler, mais son coeur était toujours aussi lourd. Il tenta des paroles réconfortantes, cherchant à sortir une citation. Seulement au vue de sa maladresse, ça aurait probablement fait rire l’étudiante, dans d’autres circonstances. Derrière le jeune homme énonça des vérités qu’elle connaissait déjà. Bien sûr que non elle n’avait rien fait à l’encontre de Sarah, elle ne la connaissait même pas avant d’entendre son petit ami en parler. Mais ce qu’il ne comprenait pas c’est que outre le fait qu’elle essayait peut-être de porter cela un peu trop sur ses épaules, la jeune femme avait peur. Elle craignait que qu’il ne regrette un jour le souvenir oublié de sa bien aimée partie. Mais le beau brun continuait dans son idée, pensant que le seul problème était la façon de penser de Kate vis à vis de la blondinette. Il finit par l’attirer un petit peu avec ses mains, la forçant à le regarder dans les yeux. Son regard semblait plus perdu qu’autre chose et c’était ça le problème. Henry souhaitait l’emmener dans une direction qu’il ne semblait pas encore décidé à prendre.

Es-tu seulement réellement décidé à l’oublier ? En es-tu seulement capable ? Et surtout penses-tu que jamais tu ne regretteras ce genre de décision ? Je m’en voudrais toujours d’avoir eu sa chance Henry. Rien n’y changera, pas même le temps. Cela s’atténuera sûrement mais je ne pourrais pas oublier ça. C’est pour ça que je t’ai dit la dernière fois que ça ne me dérangeait pas de te partager avec Sarah, parce que c’est vrai. J’ai plus l’impression que c’est toi qui ne le supporte pas ...

Tout ce qu’il lui disait, Kate le savait déjà. Il n’avait plus le choix de se tourner vers Sarah de toute manière. Et si elle était prête à accepter qu’il continue de chérir son souvenir, elle se rendait compte de plus en plus que c’était lui qui ne semblait pas prêt à accepter deux femmes dans son coeur. L’écrivain ne cessait de se plaindre, de regretter la souffrance qu’il lui imposait. Mais si la brune souffrait, c’était essentiellement de le voir souffrir, de le voir se déchirer tout seul, comme s’il n’arrivait pas à se décider sur comment agir. Si elle appréciait le fait qu’il veuille l’accompagner et la protéger lorsqu’elle enfilait la tenue de Venom, elle craignait aussi que ses sentiments prennent le dessus et lui fasse faire une bêtise, tout comme elle avait craint ça pour Fallon. D’un autre côté, la réciproque était valable comme avec sa mère. Mais si elle n’avait pas compris ça avant, cela n’était pas franchement le moment d’en parler. Et pourtant, le jeune homme ramena le sujet sur la table encore une fois, sortant toute une panoplie de duo pour illustrer ce qu’il voulait faire, des duos bien différents mais où il y avait toujours un personnage principal et son acolyte.

Je n’ai jamais voulu t’imposer ça tu sais. J’apprécie vraiment que tu veuilles m’aider mais tu n’as pas à te forcer à le faire. Je me suis battue plusieurs années avec Fallon pour qu’elle me forme avant qu’elle ne cède, je ne ferais pas ça avec toi, même en connaissant tes objectifs. Mais je ne veux pas que tu prennes cette voie par défaut ou par obligation. Je t’aime trop pour t’imposer quoi que ce soit ...

Evidemment, s’il était question de le protéger de la mort, elle serait capable de lui imposer tout et n’importe quoi dans son intérêt. Mais tout comme elle, Henry avait eu son lot de malheur dans la vie et ne méritait pas qu’on joue avec lui, qu’on se joue de lui. Si d’apparence la jeune femme pouvait paraître froide et hautaine, elle était incapable de s’en prendre à quelqu’un qui n’avait rien fait, sans raison apparente. Même les criminels avec tout ce qu’elle avait pu subir, elle ne cherchait pas à les tuer, seulement à rendre justice en les livrant à la police. Aujourd’hui, le problème n’était pas Sarah vis à vis de Kate ou les sorties nocturnes ou encore leur relation. L’écrivain devait réussir à statuer avec vivre en se souvenant de sa défunte fiancée ou tenter de l’oublier, sans avoir de regrets par la suite.

Alors que j'essayais de prendre soin de ma petite amie malgré l'engourdissement de mon esprit provoqué par l'alcool ingurgité, j'avais le sentiment de n'arriver à rien. J’inversais les rôles en un sens, cherchant à prendre soin d'elle quand c'était elle qui était venue pour prendre soin de moi. Sarah m'avait souvent dit que c'était mon problème, que je ne laissais jamais les autres prendre soin de moi, que j'en faisais beaucoup trop pour les autres justement. C'était ma façon de vivre, me plier en quatre pour tout le monde et m'oublier dans l'aventure mais les choses pouvaient changer. Enfin un jour peut-être mais ça allait nécessiter du temps et de la patience pour que je change réellement tôt ou tard. Tenant délicatement les mains de Kate dont les brûlures étaient finalement très minimes, elle s'était plus grillée des poils que réellement fait mal, ça me rassurait et ça provoquait un petit sourire sur mon visage. C'était un constat rassurant même si je voyais la marque brûlante laissée par l'anneau qu'elle avait cherché dans les flammes au bout des doigts qui l'avaient saisi. Elle n'aurait pas dû faire ça mais surtout elle n'aurait jamais dû avoir à faire ça. Je n'aurai pas dû boire, je n'aurai pas dû vouloir passer la soirée seul. Kate est ma petite amie, si ça ne va pas, il était normal qu'elle soit là, qu'elle soit avec moi et je ne devais pas la fuir. C'est difficile de changer des années et des années de mauvaises habitudes à vouloir surmonter tous les obstacles.

« Je le vis mal, c'est vrai. Malgré tes mots rassurants, ta façon de me dire que tu es d'accord pour me partager, je … J'ai du mal à imaginer que ça puisse vraiment être le cas mais j'ai du mal à tourner définitivement la page. J'aimerai réussir à le faire. C'est pour ça que je veux qu'on aille en Angleterre. Je crois que je pourrai m'apaiser là-bas. »

Je l'espérais très sincèrement, rendre visite aux parents de Sarah me ferait du bien et j'en profiterai pour clore ce chapitre de ma vie ou du moins refermer le livre pour continuer d'écrire un nouveau roman aux côtés de Kate. Seulement elle avait raison, pour ça il fallait que j'aille de l'avant, que j'arrive à faire la paix avec moi-même plutôt que de penser que c'est elle qui a un soucis avec mon passé et mon histoire avec une autre femme. Le sujet change, ça fait presque du bien, enfin sauf que c'est un sujet grave et qu'une fois de plus il a fallu l'alcool pour délier ma langue et me faire parler de ce que je ressentais, des raisons qui me poussaient à m'entrainer, à me bouger pour devenir plus fort, meilleur combattant. Elle semble surprise par ce que je lui dis, elle ne s'attendait clairement aux paroles que je prononce, je ne pense pas qu'elle ait pu imaginer un instant avant ce soir que mon objectif soit de l'accompagner à plus ou moins long terme.

« Mais est-ce que ce n'est pas ça qui important finalement ? De faire le bien ? De se battre pour protéger ceux qui ne peuvent pas le faire ? »

Je voyais ce que faisait Kate, et les autres héros également, non pas comme l'expression d'un besoin de justice mais bel et bien comme l'expression du bien dans une forme magnifique. D'accord, c'est une façon de voir qui est affreusement manichéenne, d'un côté les méchants, de l'autre ma petite amie et les héros. C'est simpliste, c'est basique mais c'est un peu comme ça que les choses se passent dans la vraie vie, non ? D'un côté les innocents comme par exemple Sarah et de l'autre les cons au volant comme Hollander. Mais Hollander était-il vraiment une représentation de l'esprit maléfique ? Etait-il vraiment un criminel ? Non, du moins au regard de la loi il l'était mais il ne ferait sans doute plus jamais de mal à qui que ce soit.

Gardant toujours les mains de Kate juste posées sur les miennes, je baisse la tête, j'ai l'air d'un idiot dans mon boxer et de l'alcool dans le sang. Une petite moue passe d'ailleurs rapidement sur mon visage. Je relève le regard vers elle.

« Dis tu crois que … Enfin … Tu accepterais de rester ? Je crois que j'aurai bien besoin de servir de doudou pour petite amie cette nuit. »

Je tente un petit sourire, je sais que j'ai merdé, que j'ai rien le droit de demander mais je le fais quand même.

« Et si tes mains te font pas trop mal, que ton offre tient toujours, je sais qu'on est pas après un entrainement mais … Un petit massage ? »

Henry cherchait des soucis à régler qui n'existaient pas. Si la brune lui avait dit qu'elle acceptait qu'il chérisse le souvenir de Sarah, ça n'était pas pour rien. Elle le pensait sincèrement. A aucun moment elle se sentait capable de lui reprocher une telle chose alors qu'il souffrait déjà bien assez du fait de l'avoir perdu. Le jeune homme était celui qui était dérangé par la situation. La grande question était pourquoi. Restait-il persuadé qu’elle était blessée par cette situation ? Ou bien n’acceptait-il pas d’aimer deux personnes en même temps de cette façon ? Elle ne se rendait pas compte de ce que cela pouvait être, l’étudiante n’avait jamais aimé avant de croiser le chemin du beau brun. Peut-être cherchait-il simplement à fuir ses propres problèmes en essayant de régler ceux des autres, même lorsqu’il n’y en avait pas. C’est alors qu’il passa aux aveux, avouant qu’il vivait mal cette situation. C’était à la fois touchant et blessant d’entendre ses confessions mais la jeune femme faisait en sorte d’être compréhensive. Elle ne savait pas du tout si le voyage en Angleterre pourrait changer quelque chose mais ça ne la dérangeait pas de le laisser essayé. Elle doutait juste que sa présence soit nécessaire ou bénéfique à cela. Peut-être qu’au contraire, le fait qu’elle l’accompagne pourrait le gêner dans son envie de tourner la page là-bas. Mais elle laisserait l’écrivain décider de ce point en particulier.

Malgré le fait que le garçon se disait volontaire pour aller de l’avant, cela n’était pas si simple. Même lorsque la situation paraissait facile, ce n’était pas toujours le cas pour autant. Kate avait testé la chose lorsque sa mère lui avait donné une vie dont elle avait toujours rêvé, une vie où la belle pourrait faire ce qu’elle voulait. Les cauchemars n’avaient cessé de s’enchaîner. Encore aujourd’hui, dès qu’un événement la ramenait à ces années sombres de son passé, elle se faisait hanter la nuit par ses horribles souvenirs. C’était le cas ces derniers jours avec sa rencontre avec Andreï. Le fait de rentrer bredouille ce soir, sans aucun début de piste à son sujet, lui avait mis un coup au moral même si elle ne laissait rien y paraître. Elle s’inquiétait qu’un autre puisse reprendre l’oeuvre de Keaton. Mais en cet instant, la brune n’y pensait pas du tout. Elle était bien trop préoccupée par le mal être évident de son petit ami. Si elle n’avait pas été capable de rentrer chez elle, ça n’était pas pour rien. Elle s’inquiétait pour lui et à juste titre au vue de ses derniers agissements, à commencer par ce soir. Seulement si ce sujet était délicat, le suivant l’était également. Elle ne s’attendait clairement pas à ce que le jeune homme ait choisi de s’entraîner pour l’accompagner la nuit dans le but de la protéger. Involontairement, la justicière s’en voulait déjà. Elle ne lui avait jamais demandé d’arrêter son métier de chauffeur illégal, même si cela lui faisait peur, mais il l’avait fait. Aujourd’hui, alors qu’elle était incapable de stopper son activité, cherchant à aider des personnes qui comme elle l’avait étaient coincées dans leur situation, l’écrivain voulait l’accompagner et l’aider.

Je ne sais pas si ce que je fais consiste en faire le bien ou pas. Je ne me permettrais pas de dire que je suis meilleure que les autres Henry. J’essaye seulement de donner une chance à tout le monde.

Y compris à ceux à qui on avait volé la leur. Kate se battait pour la justice, sa justice. Mais elle savait bien que cette notion abstraite était propre à chacun. Elle se doutait que pour certains comme Henry, cela pourrait être l’équivalent de faire le bien mais que pour d’autres, elle ne faisait qu’outre-passer ses droits. C’était pour cela qu’il était important pour elle de garder l’anonymat, de laisser Venom faire et non l’étudiante bientôt agent au sein de la police scientifique. Elle devait d’ailleurs toujours se trouver un masque confortable, qui ne gênerait pas sa vue, pour remplacer le maquillage qu’elle se faisait pour plus de praticité. Ses mains toujours dans celles de son petit ami, ce petit contact qui pouvait paraître anodin lui faisait réellement du bien. Elle le vit alors baisser la tête, ayant la sensation que quelque chose n’allait pas. En même temps. La jeune femme savait parfaitement qu’il n’allait pas tourner la page et aller de l’avant d’un moment à l’autre, il lui faudrait du temps. La seule chose qu’elle voudrait, c’est que le beau brun arrête de s’en vouloir et de se replonger dans les méandres de ses souvenirs douloureux. Mais elle était particulièrement bien placée pour savoir que cela n’était pas aisé. Elle saurait être patiente, elle lui devait de toute manière. Si elle n’était pas capable de faire ça pour Fallon ou lui, pour qui devrait-elle le faire ? La réponse était simple, personne d’autres qu'eux le mériteraient de toute façon. Son regard émeraude capta de nouveau les prunelles noisettes et alors elle sentit à nouveau le jeune homme hésitant. La question qu’il lui pose la fit sourire du coin des lèvres, instinctivement. Si la brune n’avait pas songé décoller d’ici, surtout pas vu l’état dans lequel elle avait trouvé l’homme qu’elle aimait en entrant, qu’il lui demande de rester lui faisait tout de même plaisir. Un faible sourire vint étirer les lips de l’écrivain alors qu’il poursuivit sa requête. Le sourire de l’étudiante s’étira encore un peu plus. Etait-ce sa façon à lui d’accepter enfin de se détendre et de la laisser prendre soin de lui ? Ce qui était sûr c’est qu’elle ne comptait pas rater cette occasion.

Je ne sais pas … si c’est toi qui va me servir de doudou ou l’inverse. Mais je comptais pas décoller de là alors ça me va.

Elle déposa ses lèvres au coin de celles d’Henry avant d’ajouter.

Va prendre une douche avant ça te fera du bien. Et en contrepartie du massage je te piquerais juste un truc à boire, ça me fera pas de mal.

Le chauffeur ne risquait pas de lui dire non. A vrai dire, même dans d’autres circonstances, il ne lui aurait probablement pas dit non. Il s’échappa sous la douche et Kate sortit un reste de vin rouge pour se boire un verre. Inspectant ses mains et ses bras, elle se rendit compte que si le plus grave avait été évité par la rapidité de son geste, attraper une bague en métal dans les flammes n’avaient clairement pas été sa meilleure idée. Enfin ce qui était fait était fait, elle risquait d’avoir une marque à vie mais bon, c’était pour la bonne cause. Attrapant la bouteille et son verre qu’elle venait déjà de terminer, elle y déposa sur la table de chevet avant d’allumer une bougie et de sortir l’huile de massage qu’elle avait acheté. Lorsque le beau brun sortit finalement de la douche, elle était en train de siroter son second verre de rouge tout en réfléchissant à ce qu’elle pourrait faire de plus pour l’aider dans cette voie, à aller petit à petit de l’avant. La jeune femme ne voyait cependant rien de plus à faire que ce qu’elle faisait déjà aussi lorsqu’il fut installé sur le lit, elle s’installa à califourchon sur lui, prit une dernière gorgée de vin et mit de l’huile sur les paumes de ses mains avant de se mettre au travail, commençant par les épaules dans le but de faire le haut de ses bras puis le haut de son dos et de descendre jusqu’au début de ses fesses. Elle l'aimait ce crétin et continuerait de tout faire pour l'aider.

Kate n'avait jamais compris que mon but final était de la rejoindre, de venir affronter à mon tour les criminels auxquels elle s'en prenait. Je pouvais comprendre que cette démarche la surprenne, je pouvais comprendre qu'elle ne s'y attendait pas mais c'était mon objectif. J'aurai peut-être dû le garder secret, pour un moment où je serai plus capable, un moment où je pourrai finalement faire la différence par ma présence. Un moment où elle pourrait accepter que je vienne l'accompagner, un moment où elle pourrait m'imaginer me battre à ses côtés ou trouver un moyen de la soutenir et l'accompagner dans sa bataille. Ca ne serait pas évident de la faire céder pour qu'elle m'autorise à venir avec elle dans ses sorties, en fait je m'attendais même à une sacrée prise de bec à ce propos quand je lancerai les choses sur le tapis mais ma décision était prise. Et elle allait forcément se confronter à celle de Kate. Elle ne voulait pas, ne pensait pas pouvoir arrêter c'est une chose mais ça ne veut pas dire que moi je n'ai pas le droit de changer un peu, d'évoluer. Après tout il paraît que j'ai des capacités fantastiques, il faudrait peut-être que je commence à les maitriser pour les mettre au service de quelque chose d'important. Le bien par exemple. Je crois que le bien c'est plutôt important. Même si Kate semble ne pas voir qu'elle fait le bien, ou ne pas vouloir accepter que ce qu'elle fasse puisse être vu et perçu comme une bonne chose. Je dois quand même avouer ne pas être nécessairement le plus grand supporter de sa méthode consistant à ne faire qu'appréhender ceux qu'elle prend en train de commettre un délit ou un crime. Certains recommenceront sans hésiter et ne seront que plus enragés encore en sortant de prison. Tout le monde ne mérite pas une seconde chance.

« Je sais que tu fais le bien, Kate. Tu as peut-être du mal à le voir et peut-être que tu le fais d'une façon déviante qui peut te faire douter mais quand tu protèges des innocents, que tu viens en aide à ceux dans le besoin avant même qu'ils ne soient en péril … Tu fais le bien. »

Même mon cerveau embrumé légèrement d'alcool savait que je ne voulais surtout pas rentrer dans un débat sur les secondes chances avec elle. Nous étions tous les deux un exemple de ce qu'une seconde chance peut faire pour votre vie. Elle d'abord en ayant été sauvée par Fallon qui avait pris soin d'elle et lui avait permis d'accéder à une nouvelle existence, une vie dans laquelle elle était libre de ses propres choix et décision. Et moi en ayant eu la chance improbable d'avoir un second zing avec ma belle petite amie. Pour l'instant il fallait que je sorte du trou dans lequel je m'enterrais, Kate avait raison sur cela ou, en tout cas, il ne fallait pas qu'elle se rende compte que j'y étais encore, il fallait que je me reprenne en mains autant que possible. Cela voulait dire changer des habitudes, changer ces petites choses du quotidien qui étaient trop pratiques et faciles pour me forcer à me bouger les fesses et me remettre sur les rails.

Ca commençait ce soir avec deux demandes. D'accord la première n'est pas franchement un changement, elle sait que j'adore qu'elle reste avec moi la nuit, que j'adore être entre ses bras ou la serrer entre les miens au moment de m'endormir. D'ailleurs la réponse de Kate provoque un sourire, elle a entièrement raison, moi non plus je ne suis pas vraiment fixé, être entre ses bras est très agréable, la tenir contre moi l'est tout autant et j'ignore ce qui me ferait le plus de bien. Il n'y aurait qu'une seule façon de le savoir. Ma seconde demande en revanche est un changement et pas un petit, c'est un changement drastique. Pour la toute première fois de notre histoire de couple, je lui demandais un massage. Je ne savais pas vraiment comment lui dire que j'avais envie de tendresse, pas de cette tendresse érotique dont nous sommes capables, vraiment de tendresse et de délicatesse dans la plus pure expression. Dans toute l'innocence que Kate est capable d'avoir. Je pense qu'elle doit comprendre le sens de ma demande et n'y trouve que deux choses à me demander : que je prenne une douche et un truc à boire. Je hoche la tête, c'est évident que c'est oui, je lui ai déjà dit qu'elle pouvait faire comme chez elle … Et c'était encore très loin d'être le cas.

« Il y a un très bon vin rouge à peine entamé dans le placard à côté du frigo. J'arrive rapidement. »

Je prends une douche rapide, froide pour faire retomber un peu les effets de l'alcool et je reviens finalement vers ma petite amie. Presque frais. Je porte juste un boxer, ma tenue habituelle pour dormir, et je remarque rapidement que Kate a mis un peu d'ambiance, ce n'est qu'une bougie c'est vrai mais parfumée d'un mélange asiatique visant à faire détendre les gens. Pour le coup ça marche assez bien, pas autant que la promesse du massage à venir mais ça fonctionnait quand même. Je m'installe sans demander mon reste mais en quêtant toutefois un baiser sur ses lèvres. La belle ne tarde pas à s'installer à califourchon sur moi et entamer son massage. Le silence, que j'avais imaginé pouvoir être agréable, me semblait au contraire un peu pesant. Ou peut-être que c'est moi qui avait besoin de parler, d'expliquer. De me rattraper pour toutes mes conneries dernièrement.

« Tu fais ça vraiment bien. »

C'était de la triche de toute façon, j'adore sentir ses mains sur mon corps alors forcément quand, en plus, elle s'efforce de me faire me détendre …

« Tu sais … J'espère que tu ne prends pas mal que je ne me laisse pas plus … euh … dorloter ? C'est juste que j'ai chaque fois l'impression que c'est égoïste de ma part de profiter de la douceur de l'autre. C'est crétin parce que j'adore te masser et te dorloter, peut-être encore plus que me laisse faire sous tes attentions. Mais je … je te promets que je vais faire un effort, parce que j'ai bien vu que ça te tenait à cœur. »

Ca allait être une promesse difficile à tenir mais je ne doute pas un instant que Kate saura s'en souvenir à tout jamais et m'y contraindre de temps à autre.

Si Kate agissait de la façon dont elle aurait aimé qu’on agisse pour elle, elle n’était pas persuadée pour autant de faire le bien. La notion de bien et de mal était une chose complètement abstraite. Après tout un jeune qui devenait dealer y voyait peut-être le bien, il y voyait peut-être cela comme sa porte pour survivre à sa propre vie. De quelle droit lui ôterait-elle dans ce cas ? Trop de questions restaient en suspens, sans aucune réponse. Ce que la jeune femme essayait de faire, ce qu’elle pensait être le bien, c’était de stopper ceux qui laissaient leur liberté prendre celles des autres, tout comme on lui avait pris la sienne en la coinçant à un âge où elle n’avait pas été en mesure de comprendre dans quoi elle s’engageait. De la même manière, même des adultes, lorsqu’ils sont dans des situations délicates, sans issue, font des mauvais choix justement par manque de choix. Et les personnes qui les poussent dans cette voie étaient celles qui faisaient le mal à ses yeux, celles qui profitaient de la situation plutôt que de les aider de la bonne manière. Profiter des faiblesses et des malheurs des gens était une chose horrible, qui lui avait laissé un arrière goût amer dans la bouche depuis Keaton. Henry semblait convaincu par les actes de sa petite amie sans en avoir réellement était témoin jusque là.

La brune était assez surprise de ce qu’il lui avait avoué, de son envie de l’accompagner tôt ou tard la nuit pour essayer de l’aider et de faire comme elle. Si elle était touchée par cette attention, elle se faisait aussi du soucis pour le jeune homme. Se rendait-il réellement compte dans quoi il s’engageait ? Elle ne doutait pas de ses capacités physiques qui seraient rapidement suffisantes, elle y veillerait de toute manière. L’étudiante ne chercherait pas à l’en empêcher. Sa mère avait essayé avec elle et cela n’avait jamais rien donné. Mais le moment venu, elle savait aussi qu’elle aurait réellement peur pour lui et de ses réactions instinctives. Fallon lui avait clairement dit que si elle sentait sa fille adoptive trop en danger, elle s’interposerait, même si cela devait lui prendre sa vie. La jeune femme serait probablement capable de la même chose pour sa sauveuse mais également pour son petit ami ce qui pouvait autant être un point fort qu’un point faible exploitable par leurs opposants. Et puis, si l’écrivain avait ce même genre d’idées, de réactions, et qu’elle le perdait ainsi ? Cela serait encore pire que le fait d’avoir laissé des indices sur elle qui aurait mené un adversaire potentiel au loft. En fait, rien ne serait pire que le fait qu’il arrive quelque chose à Henry et qu’elle ne puisse rien y faire.

Cette conversation n’était très certainement pas finie. Mais pour le moment, Kate n’avait pas envie d’envenimer encore la situation en soulevant tout un tas de problèmes que la décision du beau brun allait engendrer. La soirée avait été assez mouvementé comme ça et le voir avoir envie de passer à la suite lui convenait parfaitement. Le sujet reviendrait bien assez vite sur la table. En attendant, Le garçon lui demanda si elle voudrait bien rester avec lui ce soir et si elle serait d’accord pour lui faire un massage. Aucune des deux demandes ne lui ressemblaient réellement. La réponse de la première était évidente, la jeune femme n’avait jamais refusé de rester alors qu’elle était encore chez lui à une heure avancée de la nuit. La seconde chose était un massage. Henry se laissait rarement faire, préférant donner que recevoir. Elle avait bien vite compris son fonctionnement à ce niveau là étant donné que c’était évident. Elle n’allait pour autant pas se faire prier et accepta volontier en contrepartie d’un verre à boire. Au vue des émotions intenses de cette nuit, boire un coup ne lui ferait pas grand mal. Il lui indiqua une bouteille de rouge entamée qui allait parfaitement faire l’affaire et il partit prendre une douche. Elle eut tout juste le temps d’allumer une bougie et de se boire un premier verre qu’il sortit de la douche lorsqu’elle versa à nouveau du vin dans son verre. Elle le vit s’approcher pour s’installer mais ne manqua pas de venir l’embrasser brièvement, la laissant le sourire aux lèvres. Encore vêtue, la brune prit place à califourchon sur les jolies fesses de son amant et s’attela à lui détendre en premier le haut des bras et des épaules. L’écrivain finit par lui faire un compliment et elle ne put s’empêcher de répondre, un peu amusée.

Toi aussi tu fais ça vraiment bien lorsque tu n’écourtes pas le massage en dérapant.

C’est alors que le garçon reprit la parole, parlant d’un sujet auquel elle ne s’attendait pas. La jeune femme s’était effectivement rendue compte qu’il avait du mal à se laisser aller. Bizarrement, ils réfléchissaient un peu de la même manière. Si Kate souhaitait à ce point prendre soin de lui, c’était évidemment parce qu’elle l’aimait. Mais c’était également parce que le beau brun lui donnait tellement qu’elle voulait lui rendre la pareille, lui faire plaisir à son tour, se sentant un peu redevable de toutes ses attentions qu’il lui donnait sans compter. Elle avait parfois l’impression d’abuser, de trop profiter. Elle s’était demandée à un moment donné si ce n’était pas parce qu’il préférait avoir la main, la contenter. Et si cette possibilité l’avait gêné, elle était de toute manière incapable de lui dire stop dans le feu de l’action. L’étudiante n’aurait jamais pensé un jour se livrer corps et âme ainsi à un homme en étant prête à le faire les yeux bandés, pas avec son passé. Mais aujourd’hui, le niveau de confiance qu’elle avait placé en Henry atteignait cela.

Je ne te demande pas que cela soit tout le temps. Mais un peu comme toi, j’avais l’impression d’abuser de ta gentillesse en me laissant faire, en te laissant être attentionné comme tu sais si bien le faire. Je … J’avais l’impression d’être redevable et je n’étais pas certaine que tu agisses ainsi par préférence. Mais que ça soit plus toi qui prenne soin de moi que l’inverse ne me dérangera pas si tu me laisses le faire aussi de temps en temps tout de même.

Elle en profita pour venir déposer un petit baiser dans son cou alors qu’elle allait attaquer le haut du dos. Jamais elle ne pourrait lui reprocher sa façon de se comporter avec elle car jamais avant lui quelqu’un n’avait fait ça pour elle excepté Fallon, mais leur relation n’était pas du tout la même. S’appliquant ses mains glissèrent progressivement jusqu’au milieu du dos, cherchant à détendre le moindre muscle de son petit ami. Avec ce qu’il s’était passé ce soir, la brune n’osait parler de quoi que ce soit. En soit elle n’avait qu’une hâte, c’était s’endormir contre lui et se réveiller le lendemain. Parce qu’il était bien connu que demain était un autre jour. Elle s’interrompit dans son massage le temps d’attraper son verre et de le finir. C’était un mauvais réflexe qu’elle avait pris au début de sa cohabitation avec l’africaine. Lorsque trop de choses la travaillaient, elle avait besoin d’un peu d’alcool pour l’apaiser juste ce qu’il faut et l’aider à rejoindre le pays des songes.

Finalement je me laissais faire Kate. Je pense qu'elle avait compris que ça ne searit pas tous les deux jours que les choses iraient ainsi, je me laissais rarement faire, m'abandonnais rarement entre ses mains. Ce n'était pas un manque de confiance en elle, elle m'avait prouvée savoir masser par le passé, ce n'était pas non plus une envie, un besoin d'être en total contrôle de la situation. C'était en fait bien plus idiot que ça : je me sentais égoïste quand je me laissais faire. Quand toutes les attentions étaient pour moi, que j'en étais la cible, j'avais l'impression affreuse que ça ne lui plaisait pas, que ça ne pouvait pas lui faire plaisir. Un raisonnement d'autant plus stupide que j'adorai la sentir entre mes mains, que j'adorai pouvoir poser mes mains sur elle, caresser son corps, la masser. Oui j'aimais l'avoir pour moi, rien que pour moi, probablement la plongeant dans le même état de sensation égoïste dans lequel je me trouvais moi aussi et que je lui décrivais après un compliment auquel elle ne manque pas de répondre en provoquant un sourire sur mon visage. Elle a entièrement raison, c'est vrai que mes massages ont souvent tendance à déraper, à ne pas savoir rester sages jusqu'au bout. Difficile de dire le contraire compte-tenu de mes derniers massages. Seulement je m'appliquais toujours à la masser longuement d'abord, autant que je parvenais à le faire. Nue sous mes attentions, je finissais toujours par égarer une première caresse puis une autre et de fil en aiguille tout finissait par devenir érotisme mais était-ce vraiment ma faute ? Ses belles fesses étaient des tentations délicieuse auxquelles j'avais du mal à dire non, sa peau douce sous mes doigts me donnaient toujours envie de toucher plus, de sentir plus de sa douceur et sa chaleur.

« C'est entièrement ta faute, si tu n'étais pas aussi douce avec d'aussi belles formes, je ne me laisserai pas tenter ainsi de déraper. »

Je lui rejetais un peu la faute dessus parce que je ne voulais pas être le seul coupable de cette situation et que je n'avais pas non plus l'impression qu'elle se "défense" énormément. Elle n'aurait qu'à m'arrêter quand je dérape ou me dire ne pas avoir envie et je n'insisterai pas mais elle ne le faisait jamais, elle se laissait entrainer et pour être vraiment sincère, quand elle ondule doucement ses fesses pendant que je la masse … C'est de la provocation. Non, c'est carrément une invitation ! Alors je ne prendrai pas tout le blâme pour ces dérapages incessants parce que je n'étais pas entièrement fautif. Je dirai que c'est du cinquante cinquante. Voir même, puisque ceux sont ses formes, son absence de refus et sa façon d'onduler son adorable croupe, c'est du soixante-quinze, vingt-cinq. Et je ne suis pas le plus fautif.

Mais je suis bien loin de ces considérations ou de vouloir la confronter en jouant sur une telle remarque, je préfère me laisser aller sous mes mains, me détendre en la laissant me masser. J'ai un peu de mal au début, quelques secondes, juste histoire de faire semblant de résister puis bien vite, je m'apaise et me laisse totalement faire. J'écoute ses explications et constate que je ne suis pas le seul à aimer me laisser faire mais à préférer prendre soin de l'autre. J'apprécie énormément qu'elle se dise prête à se laisser faire sous mes attentions, cela provoque un sourire.

« D'accord, une fois de temps en temps, je me laisserai faire. Et je te promets que je prendrai toujours soin de toi, quoi qu'il arrive. »

C'était une promesse que je lui faisais, celle de prendre soin d'elle autant que j'en serai capable. Que ça soit pour prendre soin d'elle si quelque chose n'allait pas, si elle avait besoin d'un soutien moral, quand elle rentrera de ses sorties sous le masque de Venom. Je serai toujours là pour elle. Comme elle était là pour moi quand je n'allais pas. Et cela même si j'étais bien moins à son écoute qu'elle n'était au mien.

Sous ses mains ma respiration se faisait de plus en plus régulière, de plus en plus mécanique, j'étais vraiment bien, totalement détendu, je me sentais glisser vers le sommeil. Un bâillement m'échappe et je bouge un peu, ajustant ma position sur mon oreiller, je me sens glisser, mes yeux se ferment et je sursaute, manquant de désarçonner au passage ma petite amie qui semble s'amuser de mon sursaut anti-sommeil soudain.

« Viens. »

Mon ton est plus proche de celui de la supplique et j'entends Kate se déshabiller rapidement, un shorty et un débardeur pour pyjama, je la prends entre mes bras, je la tiens, la serre contre moi, comme un doudou chaud et protecteur. Le parfum de ses cheveux m'ennivre.

« Je t'aime. »

Combien de temps après ces trois mots me faut-il pour m'endormir ? Pas plus de deux minutes … ou alors à peine plus.