Cela faisait environ un mois, ou - pour être plus précis - depuis mon anniversaire, que je ne sortais quasiment plus avec mes amis et ce n'était pas avec Chloé que je sortais puisqu'elle était absorbée par son travail, comme toujours. Je ne passais pas non plus du temps avec mes grands parents, ne m'était pas rendu sur la tombe de mes parents ni même toucher à une console de jeux. Non, au lieu de tout cela j'enchainais cours à la fac, révisions pour les partiels, rédaction de mon mémoire, patrouilles dans les rues, livraisons de criminels pour la police, redistribution d'argent et j'en passe. J'avais des cernes énormes sous les yeux, pas étonnant lorsque l'on dort qu'une à deux heures par nuits, et ce n'était pas les micros siestes durant les intercours qui allaient m'aider à rattraper mes nuits. C'est pourquoi j'avais décidé de faire l'école buissonnière durant une journée afin de réaliser mon plus grand rêve du moment: DORMIR.

Après avoir passé plus 8 heures à dormir, j'avais enfin retrouvé un niveau convenable d'énergie et des cernes de tailles normales. De plus, ma "nuit" avait été productive et m'avait soufflé l'idée d'inviter Chloé à sortir ce soir. En soi c'était une bonne idée mais serait-elle réalisable ? Bah oui, il faut bien avoué que lorsqu'elle est absorbé par son travail, et elle l'est toujours, Chloé est impossible à sortir. Des fois c'est un peu comme si je devais la menacer pour qu'elle décolle de son ordi. Par moment j'aimerai beaucoup savoir pratiquer la magie pour lui lancer un Impero et la forcer à s'arrêter de travailler ! Je me décide à lui envoyer un sms: "Ce soir on sort, je te laisse pas le choix !"

Bon, comment m'occuper durant les prochaines heures en attendant la fin de la journée de travail de Chloé ? En révisant, bien sûr ! D'ailleurs, rappelez-moi pourquoi j'ai voulu faire ces études là d'ailleurs ? Hein ? Sur la brochure c'était pas écrit: Venez nous rejoindre et dîtes adieu à votre vie sociale ! Non, il me semble que non. Mais bon, maintenant que j'étais dedans, je ne pouvais plus faire marche arrière ! Et puis si ça me permet de bien gagner ma vie tout en sauvant des vies, c'est pas plus mal de prendre cher maintenant, non ? Vous l'avez ? Bien gagner sa vie, prendre cher ? Non ? Personne ?

A 18H30, je me décide à aller chercher Chloé au Continental Globe. Sera-t-elle sortie ou devrais-je aller décoller son fessier de sa chaise à l'aide d'un pied-de-biche ? Je conduis ma voiture jusqu'à un parking à l'entrée de Blue Island et de là je prend le tram' jusqu'au journal où travaille Chloé.

L'immeuble du Continental Globe me faisait face de toute hauteur, édifice d'une douzaines d'étages de taille relativement normale en comparaison aux autres immeubles alentours. Cependant, il était le seul à retenir le regard, il avait ce petit truc en plus qui faisait qu'on lui jetait un coup d'oeil lorsqu'on passait à côté de lui. Peut-être qu'il apporterait une lueur d'espoir dans son journal au lieu de l'habituel décompte de cadavres. Il y eu un moment où j'étais comme tout le monde et où je lisais le journal quotidiennement en espérant que du jour au lendemain toute la noirceur d'Europolis aurait disparue. Cependant, la vérité est toujours plus amère. Et des fois, je me demandais où était la frontière entre le réel et la fiction, nous vivons dans une époque complétement folle où les histoires des comics prennent vie, où des criminels comme l'Arlequin ou l'Ogre dirigent les rues et où des gens comme Vampyr deviennent les Batman de nos quartiers.

Poussant la porte vitrée du hall, je pénètre au sein du journal pour aller déloger Chloé de son bureau. Dans l’ascenseur, l'habituel musique démodée et libre de droit m'accueille et m'accompagne jusqu'à l'étage où travaille Chloé. Même si dans le cas où je ne saurai pas où se situe son bureau, je l'aurai tout de même trouver facilement. A cette heure, il n'y avait plus qu'une seule pièce d'éclairée. Je toque contre la battant de la porte avant d'entrer, comme à son habitude le bureau de Chloé est jonché d'emballage de caramels, de feuilles de brouillons en boules, d'articles et de notes accrochées un peu partout.

Je souris en la voyant absorbée par son article, je touche doucement son épaule pour lui faire remarquer ma présence. Chloé pousse un cri de surprise en faisant un bond sur sa chaise avant de se tourner vers moi, prête à m'incendier mais se ravise à la dernière minute en me reconnaissant et attrape ma main. Je remarque que ses ongles étaient tout déchirés signe qu'elle n'avait pas réussi à écrire ce qu'elle voulait et été surchargée de boulot.

"Hey, pas de problèmes."

Patientant durant mes deux minutes qui suivent, j'en profite pour mettre un peu d'ordre dans tout ce joyeux bordel et lui dégagé un espace de travail convenable. Une fois les deux minutes passées, je reviens vers elle.

"Aller, hop, fini ou pas fini. Moi je dis que tu as fini pour aujourd'hui, alors tu vas me faire le plaisir de lever tes jolies petites fesses et de venir avec moi !"

Sans lui laisser le choix, je ferme son ordinateur et lui retire son stylo des doigts. Bon, alors à partir de cet instant il y a deux choix possibles: soit elle me pique une crise et continu de bosser, soit elle est trop fatigué pour me contredire et ne réagit pas vraiment.

Mentalement, j'adresse une prière à toutes les formes de divinités possibles et inimaginables pour qu'elles m'évitent un sort funeste. Est-ce que j'exagère ? Hmmm non... Bon si, peut-être un peu mais disons que j'ai bien plus peur de Chloé que de me faire attraper par des criminels ou la police lorsque je suis sous mon capuchon. Pour vous aider à imager le truc: Chloé est semblable à une Vélane dans Harry Potter. Une créature magnifique et parfaite, qui, cependant peut se transformer en furie. C'est bon ? Vous voyez le topo ? Parfait !

Au lieu d'un rugissement de dragon j'ai le droit à la caresse d'un ange. Eh bien merci à vous Êtres surpuissants qui que vous soyez ! Chloé semble s'être finalement résignée à remettre son travail à plus tard et à venir passer un peu de bon temps avec moi, au moins le temps d'une soirée. Je souris malicieusement à sa remarque en la regardant ranger ses affaires.

"Tu sais bien que j'ai toujours raison !"

J'éclate de rire tellement cette affirmation est fausse. Si j'avais réellement toujours raison, je ne serai pas un être humain mais une intelligence artificielle ou l'homme le plus intelligent qui n'est jamais existé. Après tout, qu'est-ce que serait l'Homme sans toutes ses imperfections ?

Entrelaçant mes doigts avec ceux de Chloé, je la rejoins dans une étreinte pour lui rendre son baiser. Une fois dehors, la nuit est déjà bien tombé tandis que le vent vient nous fouetter légèrement de son dernier souffle glaciale avant l'arrivée du printemps dans quelques semaines. Un sourire sur les lèvres je l'invite à marcher jusqu'à notre destination.

"Tu vois ce magnifique restaurant français sur la 9e avenue ? Celui qui a ouvert avec vue sur la baie ? Eh bien c'est pas du tout là qu'on va ! Non, nous on va au PUB irlandais sur la 7e. Je veux ma revanche au billard !"

Un jour, j'aurais les moyens de l'emmené dans un restaurant aux multiples étoiles mais pour le moment je n'avais que ma bourse étudiante et les quelques miettes que me donne l'hôpital en guise de remerciement de mon volontariat lors des périodes de fortes affluences. Je pourrai me servir de l'héritage de mes parents, c'est vrai, mais j'oserai même pas imaginer le sort que mes grands-parents et Chloé me réserveraient si jamais ils l’apprenaient.

Chloé ne se décollait plus de moi et c'était loin de me déplaire, durant tout le trajet jusqu'au PUB j'avais eu le droit à plusieurs petits baisers et j'en étais ravi. Il faut dire que cela faisait un long moment que l'on avait pas passé au moins 5 pauvres petites minutes ensemble. Lorsque la porte se referme hermétiquement derrière nous, j'ai l'impression que mon corps froid vient de pénétrer dans un sauna à ultra haute température. Toutes sensations de froid s'échappe rapidement pour laisser place à une agréable chaleur. Le bar était moyennement rempli en ce soir de semaine et, par chance, le billard semblait être abandonné et nous attendre. Me tirant légèrement par la main, Chloé nous choisit une table légèrement à l'écart des autres pour que l'on soit plus tranquille.

Elle semblait ne plus vouloir lâcher ma main et garder ses doigts entrelacés avec les miens. De mon côté, je m'empare de la carte posée sur la table pour nous choisir quelque chose de bon à manger et à boire. Fronçant légèrement le nez pour réfléchir, je parcours en détail la carte des boissons. De l'eau ? Pas question. Un soda ? Idem. Une bière ? Oui mais laquelle ? Après avoir porter mon choix sur une bière blonde, je choisi un cocktail pour Chloé.  

Un léger sourire sur les lèvres, je plonge mon regard dans celui de ma belle. Comment dire, heureusement que Sera a des fiches de révisions mieux construites que les miennes sinon j'étais pour bouffer plusieurs tomes d'écrits médicaux. Il faudrait vraiment que j'apprenne à mieux prendre des notes à l'avenir. Ça ne devait pas être si sorcier, non ?

"J'ai juste l'impression de n'avoir rien écouté depuis deux ans mais à part ça, ça se passe comme sur des roulettes ! Je dors 2 heures par nuit, je mange tout et n'importe quoi, n'importe quand. J'ai plus de vie sociale et je vois plus ma petite-amie."

Je frotte légèrement ma joue contre la paume de main de Chloé en riant d'exaspération. Lorsque le barman vient prendre notre commande, je lui montre plusieurs choses sur la carte sans parler plus que nécessaire afin de garder la surprise pour Chloé. Après tout, elle a bien dit que c'était à moi de choisir.

On était bien d'accord, deux heures par nuit ce n'était pas suffisant ! Malheureusement, je n'avais pas le choix et devais faire avec. Je ne pouvais ni abandonner les révisions ni abandonner Robin, c'était le pire choix cornélien qui pouvait exister me concernant. Quant à manger sainement, c'était une autre histoire. D'ordinaire, je suivais un régime plus ou moins strict mais parfaitement équilibré. Là, je carburais au café, aux barres énergétiques, aux nuggets et aux soupes instantanées. Rien de très équilibré. Mon estomac refusait catégoriquement d'approcher la moindre salade ou assiette saine. Il n'acceptait rien d'autres que de la mal bouffe à la pelle. Pour ce qui est de ma vie sociale, cela allait de paire avec mes deux heures de sommeil par nuit. J'étais tellement fatigué que dès que j'avais un petit moment de libre, je me laissais partir pour le pays des songes illico-presto.

Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres, lorsque Chloé s'auto-critique en tant que mauvaise petite-amie.

"Hmmm non, je ne suis pas d'accord avec toi. Elle est une petite-amie géniale, attentionnée, compréhensive et superbe. Ce n'est pas de sa faute si elle est à la fois amoureuse de moi et de son travail, non ?"

Je la taquine un peu, mordant la queue du chat pour voir ce qui allait se passer ensuite. Juste pour le fait de ne pas m'avoir quitté et de ne pas m'avoir balancer aux flics après avoir découvert ma double vie, elle méritait de recevoir la médaille d'or des petites-amies. Chloé était tout simplement accro à son travail et c'était tant mieux ! Voir qu'elle s'épanouissait dans son job me faisait plaisir.

Le serveur dépose une choppe devant moi avant de poser le verre de cocktail de Chloé juste devant elle. Un nouveau sourire amusé sur les lèvres, je la regarde observer le contenu de son verre à la quête d'un indice dévoilant ce qu'il y avait dedans.

"Je t'ai pris un Lepreuchan, c'est du Whisky irlandais avec du Tonic. Oui, j'ai fais très original, un cocktail irlandais dans un bar irlandais !"

Je ris un peu avant de prendre ma choppe en main et de l'approcher du verre de Chloé.

" A quoi ? A mes partiels, ton prochain article et à nous !"

Après avoir trinquer, je m'enfile une légère gorgée de bière en priant pour passer, pour une fois, une bonne soirée.

Il m'est impossible de réprimer un rire lorsque Chloé me donne une légère tape sur l'épaule. C'était plus que vrai qu'il fallait que je lui quémande des baisers lorsqu'elle était plongée dans son ô combien interminable travail. Je n'étais pas forcément quelqu'un de très tactile mais je ne pouvais me passer des lèvres de ma petite-amie et des moments passés dans les bras l'un de l'autre. Certains diront que c'est niais d'autres mignons mais pour moi toute relation amoureuse à besoin de ce genre de choses pour rester stable, surtout avec des conditions comme les nôtres. Je dépose un baiser furtif sur ses lèvres avant de faire tinter ma choppe contre son verre. L'amateur de bières que je suis étais satisfait de son choix et n'en avais pas bu d'aussi bonne depuis un moment.

"Je suis jaloux mais je ne lui dis pas !"

J'adresse un clin d’œil à Chloé en souriant malicieusement. Jaloux, je l'étais et parfois je l'étais de son travail mais je ne m'en plaignais jamais. Sentir sa peau venir se frottée contre la mienne était merveilleusement agréable et m'avait horriblement manqué. Lorsque ses lèvres viennent se posées contre mon cou, un frisson me parcourt l’échine et se diffuse dans l'intégralité de mon corps.

Chloé sautillant sur sa chaise à la vue d'un plat avait quelque chose comique et m'arrache un sourire amusé. On dirait qu'elle n'a pas mangé depuis plus d'une semaine, ce qui est sûrement le cas, et est prête à dévorer l'intégralité de son assiette.

"Alors, je nous ait pris une tourte à la viande avec une sorte de galette de pomme de terre. Je me suis dis que tu avais les crocs alors j'ai pris de quoi te remplir l'estomac !"

Je souris en silence en remarquant le regard pleins de sous entendu que me lance Chloé puis m'attaque à mon plat. La viande est fondante à souhait et se marie parfaitement avec sa pâte et la galette de pomme de terre. De temps en temps, je lève les yeux de mon assiette pour les poser sur le visage de Chloé ou pour simplement croiser son regard. Vers la fin de mon plat, je rapproche mes pieds de ceux de Chloé pour venir l'embêter un petit peu en effleurant ses chevilles de façon innocente.

En sirotant ma bière, je jette un coup d'oeil à l'assiette de Chloé qui diminue à vitesse grand v. Je ne l'avais encore jamais vue se jeter un plat comme elle fait, bon à part quand on mange chinois mais là c'est une autre histoire. La nourriture asiatique et Chloé c'est une grande histoire d'amour. Cela ne m'étonne même pas de la voir terminée son assiette avant moi, alors que je suis un estomac sur pattes, et je m'attends presque à la voir réclamer les restes de ma propre assiette. Finalement c'est à la manière d'un vautour qu'elle fond sur les quelques miettes encore présentes lorsque je repose ma fourchette. Je ris un peu lorsqu'elle me tapote le ventre pour voir s'il est bien rempli ou s'il reste encore un peu de place pour la suite.

"Plus que bien mangé ! Et toi ? Je suppose que oui comme t'as rien laissé !"

L'appétit de Chloé semble insatiable et son ventre s'est peut-être transformé en gouffre sans fond ce soir. Un plat de résistance ? Elle avait vraiment la dalle, ma parole ! Heureusement que j'avais commandé un dessert ! Tandis que le serveur vient reprendre nos assiettes, je termine ma bière en regardant Chloé.

"Ca me dérangerai pas de te servir de dessert !"

Je lui fais un clin d’œil sans rien ajouter d'autre qu'un sourire malicieux et bourré de sous-entendus. Calme toi espèce de pervers ! T'es même pas encore rentrer que tu penses qu'à ça ! Le serveur vient déposé nos glaces et par la même occasion chassé, vraiment ?, mes pensées perverses de mon cerveau.

"Le voilà ton dessert !

Une glace à la poire pour moi et une à la pomme pour Chloé. Avant que cette dernière ne commence à taper dedans, je prend un shot et le verse dans sa glace puis fais la même chose avec la mienne. Pour toute réponse, aux possibles interrogations que je lis dans ses yeux, je lui tire un peu la langue en riant.